ACOK 05 – Bran I

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    Ser Aemon Belaerys
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    ACOK 05 – Bran I
    Au fil des pages – liste des sujets

    ACOK 04, Tyrion I ACOK 06, Arya II

    Premier chapitre sur Bran dans le livre, et huitième sur l’ensemble de la saga (merci le wiki de tenir les compteurs), je retiens de ce chapitre un axe de magie, parlant de la comète, des loups, des rêves, et aussi des éléments pouvant être en lien avec les futurs Noces Pourpres, et le destin possible de Rickon vers Skaggos.

    Magie ? Vous avez dit magie ? Comme c’est magique !

    On commence avec les loups, rappelant le lien entre chaque loup et son maître, et que les maîtres sont frères et sœurs, comme les loups sont issus de la même portée.

    « Va donc savoir ce qui se passe dans la tête d’un loup », répondit ser Rodrik lorsqu’il l’interrogea.

    Et à chacun de donner sa version sur le comportement des loups, jusqu’à ce que Mestre Luwin fasse le lien avec la comète, pour laquelle chacun a aussi un avis différent.

    Dans les précédents chapitres, la comète avait eu à chaque fois une interprétation différente, mais ici on a plusieurs interprétations données par plusieurs personnages, comme sur le comportement des loups.

    Perso je vois cela comme le signe de deux choses :
    1/ à Winterfell les gens peuvent plus facilement exprimer leur avis, quand à Port-Real ou à  Peyredragon tout le monde doit suivre (ou périr) l’avis « officiel »
    2/ Bran est un bon prince, il consulte, plutôt que de dire aux gens ce qu’ils doivent penser.

    J’interprète cela comme le fait que la situation est plus saine autour de Bran.

    Par Osha « Sang et feu, mon gars, tout sauf des douceurs. » et par Vieille Nan, un lien est fait avec les dragons de Daenerys, que nous lecteurs savons revenus mais que Bran et logiquement personne à Westeros n’a encore connaissance.

    « Tes loups ont plus de jugeote que ton mestre, dit la sauvageonne. Ils savent des vérités dont l’homme gris ne se souvient plus. »

    Je ne sais pas trop comment lier les loups et les dragons, mais leur retour dans l’univers n’est pas anecdotique, et selon moi en lien avec les histoires tournant autour du Pacte de Glace et de Feu, où la glace serait les loups venant du nord, et le feu les dragons.

    Ensuite Bran se met à penser à ce qui se passerait s’il était un loup, à comment il verrait le monde, et comment il pourrait comprendre la raison de leurs hurlements. Il s’essaye même à hurler comme un loup, jusqu’à faire peur à Bille-de-foin, et agacer Luwin, qui dira :

    «  Tous les hommes doivent dormir »

    Cela fait écho à Tous les hommes doivent mourir – Valar morghulis
    Mais Bran ne doit mourir, il doit devenir la nouvelle Corneille, un puissant vervoyant, pouvant rêver, et donc dormir !

    « Tous les hommes doivent dormir, Bran. Même les princes. »
    «  Quand je dors, je me change en loup. » Il détourna son visage et contempla de nouveau la nuit. « Les loups rêvent-ils ? »
    « Toutes les créatures rêvent, je pense, mais pas à la manière humaine. »
    «  Et les morts, ils rêvent ? » Il pensait à Père dont, au fin fond des cryptes sombres de Winterfell, un tailleur de pierre était en train de sculpter l’effigie dans le granit.
    « Certains auteurs disent oui, d’autres non. Les morts eux-mêmes gardent le silence sur ce sujet. »
    «  Et les arbres, ils rêvent ? »
    «  Les arbres ? Non… »
    « Si fait, démentit Bran avec une certitude subite. Ils rêvent des rêves d’arbres. Il m’arrive de rêver d’un arbre. D’un barral, comme celui du bois sacré. Il m’appelle. Les rêves de loup sont mieux. Je sens des choses et peux même, parfois, goûter la saveur du sang. »

    Peut-être le premier indice des Noces Pourpres ?

    Il est fait ensuite mention des deux Walder Frey, pupille de Lady Catelyn, il y a le grand et le petit, et difficile même en relecture de toujours les distinguer au milieu des Frey et de tous les Walder Frey ! D’ailleurs d’après Rickon :

    Si les deux Frey s’appelaient Walder, Grand Walder précisa qu’il y avait aux Jumeaux des flopées d’autres Walder, tous baptisés ainsi pour complaire à Grand-Père, lord Walder Frey. A quoi Rickon répliqua hautement : « A Winterfell, nous avons tous notre propre nom. »

    Ah bon ? J’ai toujours cru comprendre que Bran est nommé d’après son oncle Brandon et Rickon d’après son grand-père Rickard.

    Ensuite vient le jeu du « Seigneur du Pont », que Bran résume au fait de se pousser les uns les autres dans l’eau et à dire «Il se peut », « mayhaps » dans la VO.

    Dans ASOS Chapitre 50, Catelyn VI, Robb viendra aux Jumeaux pour s’excuser de ne pas avoir épousé une des filles de Walder Frey, le véritable Seigneur du Pont. Catelyn inquiète de ce que pourrait faire Walder pousse à Robb à demander le pain et le sel pour bénéficier de la protection des droits de l’hôte. Pourtant arrivera les Noces Pourpres, et le lecteur se dit que les Frey sont maudits de ne pas avoir respecté les droits de l’hôte.

    « Nous serions trop aises de grignoter un morceau. Nous avons parcouru tant de lieues sous la pluie… »
    Walder Frey déglutit sa bouche, la régurgita. « Un morceau, hé ! Une miche de pain, un peu de fromage, une saucisse, peut-être. »
    « Avec un doigt de vin pour la descente, ajouta Robb. Et du sel. »

    et merci asearchoficeandfire.com de permettre une recherche sur le mot mayhaps

    « Some food would be most welcome. We have ridden many leagues in the rain. »
    Walder Frey’s mouth moved in and out. « Food, heh. A loaf of bread, a bite of cheese, mayhaps a sausage. »
    « Some wine to wash it down, » Robb said. « And salt. »

    J’ai raccourci ici ce que j’avais lu ailleurs et de façon plus détaillée sur le forum une explication comme quoi du point de vue des Frey, les droits de l’hôte n’ont pas été bafoués, puisque le pain et le sel ont été partagés « peut être », sorte de « ah bah en fait j’avais les doigts croisés cachés dans le dos » version Frey.

    Le caractère de Rickon

    J’ai noté que c’est après avoir été frappé par Petit Walder que Rickon a décidé qu’il aimait bien les Frey, parce que Rickon a bien rigolé quand Broussaile a attaqué le Frey.

    Ce comportement de la part du petit frère est assez inquiétant, et quand on sait qu’il perdra coup sur coup son père sa mère son frère, et sera déraciné de Winterfell pour être emmener par une sauvageonne on ne sait où, alors je crains que si Davos retrouve Rickon à Skagoos, il y a à parier que ce dernier ressemble plus à Ramsay Bolton qu’à un enfant Stark-Tully.

    Bonne nuit !

    Pour terminer, parce que c’est l’heure d’aller se coucher, Luwin fait boire une potion à Bran pour dormir :

    Ceci te procurera un sommeil sans rêves, promit le mestre en débouchant la fiole. Un sommeil doux et sans rêves.

    Et pourtant dès qu’il s’endort Bran rentre dans la peau d’Été, prisonnier dans le Bois Sacré, et devant absolument s’enfuir.

    Par-delà les falaises humaines et hautes comme le ciel retentissait l’appel du monde véritable, et Bran sut qu’il fallait y répondre ou mourir.

    • Ce sujet a été modifié le il y a 3 années et 2 mois par R.Graymarch.

    -"Comment veux-tu mourir, Tyrion, fils de Tywin ?"
    - "Dans mon lit, à l’âge de 80 ans, le ventre plein de vin et ma queue dans la bouche d’une pute. "

    #150511
    R.Graymarch
    • Vervoyant
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    Moins de choses à se mettre sous la dent (tu l’as ?) avec ce chapitre pour moi

    Evidemment, c’est assez rigolo de lire la phrase suivante quand on sait ce que Bran est en train de devenir

    “Who can know the mind of a wolf?”
    Ah tiens, le retour de la comète et tout le monde a un avis divergent. Et tout le monde ou presque a « raison ». Notons tout de même que celle qui vivait en dehors des Sept Couronnes mentionne presque la devise Targaryen
    “Blood and fire, boy, and nothing sweet.”
    A part ça, l’histoire avance car les Walder sont arrivés (ils ont peur des loups et Little s’est fait mordre), Rodrick est castellan. Ca a fait du grabuge avec les loups et il y a toute une scène assez longue où on nous explique que le son qu’on entend vient en fait d’un autre endroit qu’on ne le pensait. Ca a été utilisé ensuite, ça ?
    Ser Rodrik had confined the wolves to the godswood after Shaggydog bit Little Walder, but the stones of Winterfell played queer tricks with sound, and sometimes it sounded as if they were in the yard right below Bran’s window. Other times he would have sworn they were up on the curtain walls, loping round like sentries.
    Bran se demande quel deuil portent les loups. ou si c’est autre chose

    Who are they mourning now? Had some enemy slain the King in the North, who used to be his brother Robb? Had his bastard brother Jon Snow fallen from the Wall? Had his mother died, or one of his sisters? Or was this something else, as maester and septon and Old Nan seemed to think?

    If I were truly a direwolf, I would understand the song, he thought wistfully.

    Ca va venir, ça va venir. D’ailleurs, Bran hurle à la lune puis se pose des questions sur les rêves (des morts, des arbres, des loups) et on note encore l’opposition entre Luwin et Osha (Scully et Mulder)

    Retour vers les loups et leurs penchants agressifs… en fait, surtout Broussailles mais on les met dans le même lot (coucou Lady, morte à la place de Nyméria). « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère », après tout

    “The Frey boy did not ask to be attacked,” the maester said, “no more than I did.”

    “That was Shaggydog.” Rickon’s big black wolf was so wild he even frightened Bran at times. “Summer never bit anyone.”

    “Summer ripped out a man’s throat in this very chamber, or have you forgotten? The truth is, those sweet pups you and your brothers found in the snow have grown into dangerous beasts. The Frey boys are wise to be wary of them.”

    “We should put the Walders in the godswood. They could play lord of the crossing all they want, and Summer could sleep with me again. If I’m the prince, why won’t you heed me? I wanted to ride Dancer, but Alebelly wouldn’t let me past the gate.

    J’ai noté aussi que si Bran veut un rôle actif dans la bataille, ce serait pour arracher la gorge du Régicide exclusivement. Un petit retour du passé ?

    I’d tear out the Kingslayer’s throat with my teeth, rip, and then the war would be over and everyone would come back to Winterfell.

    Ensuite on passe au seigneur du Pont. J’aime beaucoup la manière de nous raconter des règles très alambiquées alors qu’en fait tout ça est contourné pour se pousser et mettre les autres dans la flotte (ici chaude car on est à Winterfell). C’est assez enfantin comme procédé d’ailleurs.

    In practice, the game seemed to come down to mostly shoving, hitting, and falling into the water, along with a lot of loud arguments about whether or not someone had said “Mayhaps.” Little Walder was lord of the crossing more often than not.

    Notons qu’il y a plein de participants (en dehors des Frey et des Stark). J’avais lu aussi toute cette théorie sur « mayhaps », on verra bien. Il n’empêche que Bran est un peu mis à l’écart, ce qui le frustre

    The Walders had decreed that Bran should be the judge and decide whether or not people had said “Mayhaps,” but as soon as they started playing they forgot all about him.

    ————————————-

    Bran had not heard so much laughing since the night the bloody raven came. If I had my legs, I’d knock all of them into the water, he thought bitterly. No one would ever be lord of the crossing but me.

    Bran en veut pas mal aux Frey même sur des choses pour lesquelles ils ne sont pour rien

    Ser Rodrik decreed that they would share Jon Snow’s old bedchamber, since Jon was in the Night’s Watch and never coming back. Bran hated that; it made him feel as if the Freys were trying to steal Jon’s place

    J’avais complètement oublié que, après avoir attaqué, Rickon devient pote avec les Frey. Ce revirement est assez normal pour un enfant de 4 ans (et je trouve que faire des plans sur la « comète » pour dire qu’il pourrait devenir comme Ramsay, c’est quand même aller ultra loin)

    “You had no right!” Bran screamed at his brother when he heard. “That was our place, a Stark place!” But Rickon never cared.

     

    Slaver filled his mouth. Salive, esclavagiste?

    Un esclavagiste ?? Ah non, « slaver » est un homonyme de « saliva » (salive), ce que je ne savais pas. Etonnant comme mot, tout de même

    Ensuite, on part dans les rêves de loup (atténués ou accentués par la potion de Luwin) et Bran peut enfin gambader. Voire plus

    Beyond its sky-tall man-cliffs the true world was calling, and he knew he must answer or die.

    L’appel de la forêt ? ^^

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 2 mois par R.Graymarch.

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    DOH. #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #150543
    Athouni
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    Je trouve qu’il y a quand même pas mal de choses à dire ^^ C’est le premier chapitre de Bran et pris comme tel, il est très riche.

    Que de tristesse et de mélancolie dans ce chapitre ! Confronté à son handicap, Bran réagit comme l’enfant qu’il est. Pour ne rien arranger, un incident entre Broussaille et Big Walder a conduit à enfermer les loups dans le Bois sacré de Winterfell. Privé d’Eté, Bran broie du noir, il est empêché par son corps cassé et confiné de fait. Les dernières lignes du chapitre disent la vitale nécessité de retrouver un peu de liberté !

    Beyond its sky-tall man-cliffs the true world was calling, and he knew he must answer or die.

    La magie comme échappatoire

    L’avantage des romans de fantasy est que le monde ne s’arrête pas à la réalité. Il y a un au-delà, un à-côté, appelez-le comme vous voulez, mais il est possible d’échapper au réel. Les interprétations de la comète disent cela : en la matière, le réalisme volontaire de maître Luwin n’épuise pas le sujet et d’autres interprétations, certaines surnaturelles, sont, aux yeux d’autres personnages (Osha, Old Nan) et du lecteur aussi convaincantes. Elles le sont peut-être même plus pour le relecteur.

    Though Old Nan did not think so, and she’d lived longer than any of them. « Dragons, » she said, lifting her head and sniffing. She was near blind and could not see the comet, yet she claimed she could smell it. « It be dragons, boy, » she insisted.

    La chance de Bran, c’est qu’il dispose de deux leviers pour retrouver sa liberté. Le plus immédiatement accessible, le plus intuitif aussi, est de recourir à son pouvoir de zoman. Certes, il en ignore encore l’existence, il faudra attendre la venue des Reed pour poser un mot sur ses rêves de loup. Néanmoins, la confusion entre Bran et son loup Eté se manifeste à plusieurs reprises. Il y a évidemment ce fameux rêve qui clôt le chapitre.

    I am walking, he thought, exulting. […] It was dark amongst the trees, but the comet lit his way, and his feet were sure. He was moving on four good legs, strong and swift, and he could feel the ground underfoot, the soft crackling of fallen leaves, thick roots and hard stones, the deep layers of humus. It was a good feeling.

    https://awoiaf.westeros.org/images/7/79/Bran_stark_dreams_by_teiiku.jpg

    Pour le lecteur, il est alors très clair que l’enfermement d’Eté dans le Bois sacré est une métaphore de l’enfermement de Bran dans son propre corps. La sentence finale vaut donc autant pour l’homme que pour l’animal : il faudra s’échapper de Winterfell

    Au-delà du rêve lui-même, les hurlements de loup du Bran-tête-à-claques tout au long du chapitre et le parallèle intuitivement tissé entre famille et meute entretiennent cette ambiguîté.

    Their voices echoed through the yards and halls until the castle rang and it seemed as though some great pack of direwolves haunted Winterfell, instead of only two . . . two where there had once been six. Do they miss their brothers and sisters too? Bran wondered. Are they calling to Grey Wind and Ghost, to Nymeria and Lady’s Shade? Do they want them to come home and be a pack together?

    Bran dispose également d’une autre corde à son arc. Sans qu’on puisse en relever l’importance à la première lecture, on apprend néanmoins que Bran « dream of a tree sometimes. A weirwood, like the one in the godswood. It calls to [him]. » La chose n’échappe d’ailleurs pas à Osha (« I see you talking to the heart tree. Might be the gods are trying to talk back.« ).

    Le relecteur pense naturellement à la Corneille à trois yeux qui assurera à Bran, bien plus tard (ADWD – Bran III) qu’à défaut de lui rendre l’usage de ses jambes, il lui permettra de voler. En passant, on peut noter que les premières lignes du chapitre ne sont pas sans rappeler la Corneille à trois yeux :

    Bran preferred the hard stone of the window seat to the comforts of his featherbed and blankets. […] Yet outside his window, the wide world still called. He could not walk, nor climb nor hunt nor fight with a wooden sword as once he had, but he could still look. ACOK – Bran I

    La Corneille partage également une position immobile et vraisemblablement inconfortable. Et surtout il est, lui aussi, en mesure de regarder « the wide world » – et plus encore à vrai dire :

    Now I am as you see me, and now you will understand why I could not come to you … except in dreams. I have watched you for a long time, watched you with a thousand eyes and one. I saw your birth, and that of your lord father before you. I saw your first step, heard your first word, was part of your first dream. I was watching when you fell. And now you are come to me at last, Brandon Stark, though the hour is late. ADWD – Bran II

    Au final, Martin introduit au début d’ACOK les grandes lignes qui attendent Bran : il lui faudra changer de maître (de Mestre Luwin, aux Reed et finalement à La Corneille à trois yeux) pour se libérer physiquement (quitter Winterfell – d’ailleurs comparé à une prison ) et symboliquement (en embrassant une autre vision du monde, moins rationnelle, acceptant le surnaturel) et ainsi développer tout son potentiel (de bad ass ?). Un arc narratif apparemment digne du roman d’apprentissage – en attendant TWOW et ADOS.

    Frey gaffe !

    Martin introduit également deux nouveaux personnages, les cousins Big et Little Walder des Jumeaux. Apparemment sans importance véritable pour le primo lecteur, ils apparaissent comme un énorme clin d’oeil de l’auteur au relecteur qui, lui, peut percevoir la menace.

    https://images-wixmp-ed30a86b8c4ca887773594c2.wixmp.com/f/4b766aab-92e1-4770-94ea-8f1136d545c3/dco99p6-b7a29293-19d6-4662-bace-2cc3dc0c78ab.jpg?token=eyJ0eXAiOiJKV1QiLCJhbGciOiJIUzI1NiJ9.eyJzdWIiOiJ1cm46YXBwOiIsImlzcyI6InVybjphcHA6Iiwib2JqIjpbW3sicGF0aCI6IlwvZlwvNGI3NjZhYWItOTJlMS00NzcwLTk0ZWEtOGYxMTM2ZDU0NWMzXC9kY285OXA2LWI3YTI5MjkzLTE5ZDYtNDY2Mi1iYWNlLTJjYzNkYzBjNzhhYi5qcGcifV1dLCJhdWQiOlsidXJuOnNlcnZpY2U6ZmlsZS5kb3dubG9hZCJdfQ.iY01vg-rXlDEHUwiZ5P-OWZ99nc4-Ena9XfMF0UDI8A

    Pour l’essentiel, ils sont présentés à travers un jeu (Lord of the crossing) dont tout laisse à penser qu’il est prisé des Frey. En voici la présentation :

    The way their game was played, you laid the log across the water, and one player stood in the middle with the stick. He was the lord of the crossing, and when one of the other players came up, he had to say, « I am the lord of the crossing, who goes there? » And the other player had to make up a speech about who they were and why they should be allowed to cross. The lord could make them swear oaths and answer questions. They didn’t have to tell the truth, but the oaths were binding unless they said « Mayhaps, » so the trick was to say « Mayhaps » so the lord of the crossing didn’t notice. Then you could try and knock the lord into the water and you got to be lord of the crossing, but only if you’d said « Mayhaps. » Otherwise you were out of the game. The lord got to knock anyone in the water anytime he pleased, and he was the only one who got to use a stick.

    Autrement dit, c’est un jeu basé en partie sur le mensonge et la duplicité. Dès lors que l’on prononce « mayhaps », on n’est plus tenu de respecter sa parole. La chose est désormais connue de tous mais on peut rappeler que Martin annonce ici rien de moins que les noces pourpres. En effet, le relecteur attentif note que Walder Frey ne manque pas de prononcer « mayhaps » quand il accueille sous son toit Catelyn et Robb. Dès lors, il ne se sent pas tenu de respecter les lois de l’hospitalité. Voici l’extrait :

    « I need to see my men across the river, my lord, » Robb said.

    « They shan’t get lost, » Lord Walder complained. « They’re crossed before, haven’t they? When you came down from the north. You wanted crossing and I gave it to you, and you never said mayhaps, heh. But suit yourself. Lead each man across by the hand if you like, it’s naught to me. »

    « My lord! » Catelyn had almost forgotten. « Some food would be most welcome. We have ridden many leagues in the rain. »

    Walder Frey’s mouth moved in and out. « Food, heh. A loaf of bread, a bite of cheese, mayhaps a sausage. »

    « Some wine to wash it down, » Robb said. « And salt. »

    « Bread and salt. Heh. Of course, of course. » The old man clapped his hands together, and servants came into the hall, bearing flagons of wine and trays of bread, cheese, and butter. Lord Walder took a cup of red himself, and raised it high with a spotted hand. « My guests, » he said. « My honored guests. Be welcome beneath my roof, and at my table. » ASOS – Catelyn VI

    Martin est définitivement un petit malin qui se joue de son lecteur. C’est encore le cas un lors de l’échange des cousins concernant leur famille.

    He was Little Walder even though he was tall and stout, with a red face and a big round belly. Big Walder was sharp-faced and skinny and half a foot shorter. « He’s fifty-two days older than me, » Little Walder explained, « so he was bigger at first, but I grew faster. »

    « We’re cousins, not brothers, » added Big Walder, the little one. « I’m Walder son of Jammos. My father was Lord Walder’s son by his fourth wife. He’s Walder son of Merrett. His grandmother was Lord Walder’s third wife, the Crakehall. He’s ahead of me in the line of succession even though I’m older. »

    « Only by fifty-two days, » Little Walder objected. « And neither of us will ever hold the Twins, stupid. »

    « I will, » Big Walder declared. »We’re not the only Walders either. Ser Stevron has a grandson, Black Walder, he’s fourth in line of succession, and there’s Red Walder, Ser Emmon’s son, and Bastard Walder, who isn’t in the line at all. He’s called Walder Rivers not Walder Frey. Plus there’s girls named Walda. »

    Ce passage dit déjà beaucoup de choses sur Big Walder. D’abord, il connaît visiblement très bien la ligne de succession et peut en parler à tout propos. Ici, on ne voit guère le lien avec ce qui précède et Big Walder témoigne donc surtout de ses propres obsessions. La suite ne nous démentira pas d’ailleurs. Il faut quand même bien peu d’élégance pour déclarer qu’on sera un jour Lord des Jumeaux devant un cousin qui vous devance dans la ligne de succession ! Pour que Big Walder accède au pouvoir, il faut quand même que Little Walder meurt…

    Là encore, Martin sème construit l’arrière-plan d’un arc narratif à venir : la succession Frey. On sait en effet que les Frey sont en fâcheuse posture après les Noces Pourpres. Le Nord leur voue une haine féroce et surtout les luttes intestines entre les différentes branches semblent gagner en intensité à mesure que les Frey tombent comme des mouches (suite aux vengeances de Lady Coeurdepierre). Si l’on prend les différentes apparitions de Big Walder, il apparaît très clair qu’il croit dans ce qu’il dit et répète : il sera Lord. Et tout laisse à penser qu’il fera ce qu’il faut pour effectivement l’être. Il est ainsi le principal suspect dans la mort de Little Walder dans ADWD (ADWD – Theon I).

    Pour le relecteur, ce chapitre est impressionnant en matière de construction d’intrigues. Les grandes lignes de l’arc narratif de Bran sont déjà là, l’un des événements majeurs de ASOS sinon de la série dans son ensemble est annoncé et Martin parvient même à entamer une intrigue secondaire autour de la succession Frey.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 2 mois par Athouni.

    « When dead men come hunting in the night, do you think it matters who sits the Iron Throne »

    #150562
    Yfos
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1831

    Ce passage dit déjà beaucoup de choses sur Big Walder. D’abord, il connaît visiblement très bien la ligne de succession et peut en parler à tout propos.

    . Il faut quand même bien peu d’élégance pour déclarer qu’on sera un jour Lord des Jumeaux devant un cousin qui vous devance dans la ligne de succession

    A la relecture, j’ai aussi été beaucoup intéressée par Grand Walder. Il a 8-9 ans et connaît très bien toute la généalogie de sa famille, notamment du point de vue de l’ordre successoral. il connaît même le nom de la troisième épouse de son grand père, morte bien avant sa naissance. Par contre, il ne donne pas le nom de sa propre grand-mère, Alyssa Nerbosc.

    Etant donné qu’il est également le neveu de Lothar, planificateur sans pitié, on peut penser qu’il a de qui tenir.

    Son cousin, Petit Walder, plus brutal, est beaucoup plus naïf de ce point de vue. Alors qu’il vient d’être indiqué que Petit Walder précède le Grand dans la ligne de succession, il ne réagit pas quand son cousin décrète qu’il aura un jour les Jumeaux. Plus tard, après la mort de Stevron, il pensera que le nouvel héritier est Emmon, le second fils, oubliant les enfants de Stevron.

    Grand Walder me semble donc bien plus inquiétant que son cousin.

     

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 2 mois par Yfos. Raison: orthographe
    #150574
    Samyriana
    • Pas Trouillard
    • Posts : 607

    Je trouve également qu’il y a pas mal de choses à dire dans ce chapitre, qui ont d’ailleurs été dites en commentaire… notamment sur la succession Frey.

    J’ai noté que c’est après avoir été frappé par Petit Walder que Rickon a décidé qu’il aimait bien les Frey, parce que Rickon a bien rigolé quand Broussaile a attaqué le Frey. Ce comportement de la part du petit frère est assez inquiétant, et quand on sait qu’il perdra coup sur coup son père sa mère son frère, et sera déraciné de Winterfell pour être emmener par une sauvageonne on ne sait où, alors je crains que si Davos retrouve Rickon à Skagoos, il y a à parier que ce dernier ressemble plus à Ramsay Bolton qu’à un enfant Stark-Tully.

    Sans aller jusqu’à Ramsay, en effet le sort de Rickon a de quoi interpeller. Il a trois ans au début de la saga, et clairement à cet âge-là on a quelques figures d’attachement essentielles. Le départ sans retour de tous les membres de sa famille et surtout de ses parents déstabilise logiquement cet enfant, et la suite ne risque pas a priori de lui redonner un cadre sécurisant pour son épanouissement personnel… alors certes on est dans un univers médiévalisant dans lequel on grandit plus vite, mais tout de même.

    Ce qui m’a bien plu dans ce chapitre est l’opposition, déjà apparue précédemment, entre la culture savante de mestre Luwin et la culture populaire de Vieille Nan et Osha. Mestre Luwin représente ce savoir rationnel, principalement incarné par des figures d’autorité masculines, face aux explications plus ésotériques et empreintes de superstition portées par les femmes, et notamment par les femmes placées en situation de marginalité dans la société (la vieille femme et la sauvageonne).

    Par ailleurs, Osha parle de Luwin en parlant de « l’homme gris », peut-être une référence aux moutons gris de la Citadelle ?

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 2 mois par R.Graymarch.

    "Des chefs de guerre, y en a de toutes sortes. Mais une fois de temps en temps, il en sort un, exceptionnel. Un héros. Une légende. Des chefs comme ça, y en a presque jamais. Et tu sais ce que c'est, leur pouvoir secret? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles."

    #150583
    R.Graymarch
    • Vervoyant
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    Je pense que c’est surtout que mestre Luwin (comme tous les mestres dit le wiki) porte une robe grise. D’ailleurs, j’imagine que c’est plutôt de là que vient l’expression « mouton gris », plutôt que l’inverse

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    DOH. #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #150586
    Eridan
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    Je pense que c’est surtout que mestre Luwin (comme tous les mestres dit le wiki) porte une robe grise.

    Luwin est dépeint dans plusieurs chapitres comme « un homme gris, avec des cheveux gris, une barbe grise, des yeux gris et une robe grise » … A tel point que Catelyn le compare à un « rat gris » dans AGOT, une formule qui sera reprise par Barbrey Dustin pour désigner péjorativement les mestres en général (Bran parle d’un écureuil gris). Dans AGOT Catelyn II, la PoV associait les couleurs de la robe aux couleurs de la maison Stark : « His robe was grey wool, trimmed with white fur, the Stark colors. » mais effectivement, on peut penser qu’il s’agit d’un vêtement traditionnel porté par la plupart des mestres : après vérification, on a tout un tas de mestres qui porte des robes similaires (j’ai relevé au moins six autres cas), mais on a aussi des exceptions : Aemon a des robes noires (normal pour la GdN) et Pycelle ne se prive pas d’arborer des robes magnifiques et colorées (normal pour un pédant).

    Par contre, détail amusant, les Sœurs du Silence sont également habillées dans des robes grises et le gris est la couleur de l’Étranger, qui représente la mort dans la religion des Sept.

    D’ailleurs, j’imagine que c’est plutôt de là que vient l’expression « mouton gris », plutôt que l’inverse

    C’est aussi mon avis.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #150589
    Samyriana
    • Pas Trouillard
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    Oui je suis également d’accord avec vous. Je voulais dire que ça pouvait être un clin d’oeil, lié au fait qu’elle parle des dragons immédiatement après, etc. Mais c’est certainement crackpot, c’était plus une remarque en passant.

    "Des chefs de guerre, y en a de toutes sortes. Mais une fois de temps en temps, il en sort un, exceptionnel. Un héros. Une légende. Des chefs comme ça, y en a presque jamais. Et tu sais ce que c'est, leur pouvoir secret? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles."

    #150590
    RichardIII
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    Sur les deux Walder on remarquera qu’ils sont issus de deux branches différentes voire rivales de la maison Frey. Il est possible que le vieux Walder ait décidé qu’il seraient pupilles dans la même maison afin qu’ils puissent nourrir des liens d’amitié qui effacent les tensions. Si c’est le cas c’est raté.

    D’ailleurs je trouve leur coup d’héraldique intéressant. Ils tentent de se singulariser avec les armoiries maternelles.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 2 mois par R.Graymarch.
    #150592
    darkdoudou
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    Merci Ser Aemon pour la présentation !

    C’est vrai que les chapitres de Bran, pendant lesquels on a l’impression qu’il ne se passe rien en première lecture, sont pleins de petites graines qui n’ont probablement pas fini de pousser jusqu’à devenir de grands arbres.

    « Tous les hommes doivent dormir » Cela fait écho à Tous les hommes doivent mourir – Valar morghulis Mais Bran ne doit mourir, il doit devenir la nouvelle Corneille, un puissant vervoyant, pouvant rêver, et donc dormir !

    très intéressante ta remarque. En mystique, l’oubli, le sommeil et la mort sont considérées comme trois manifestations différentes du même principe qui fait disparaitre les phénomènes intellectuels, psychiques et physiques. Et en effet, il faut passer par le sommeil si l’on veut accéder au rêve.

    et on note encore l’opposition entre Luwin et Osha (

    sans oublier Vieille Nan, encore une fois dans le même camp que Osha : Fire and Blood, Dragons… ressentis à distance. Osha interrogée sur Mestre dit d’ailleurs qu’il ne se souvient pas de certaines vérités que voient clairement les loups (et une inculte et une aveugle)

    La chance de Bran, c’est qu’il dispose de deux leviers pour retrouver sa liberté.

    C’est très bien vu, les deux leviers fantastiques pour Bran. J’en vois un troisième ici comme dans d’autrss chapitres, c’est la voie du Mestre. On sent bien que Luwin essaie d’orienter Bran et son intelligence vers les livres, le savoir, le rationnel.

    Bran, ici comme dans d’autres chapitres, est à plusieurs écoles : celle du Mestre, celle de Vieille Nan, celle d’Osha, celle du loup, celle de l’arbre. Comme Ser Aemon Belaerys, j’ai noté que Bran interroge un grand nombre de personnes et écoute chacun. Il est très équilibré ce gamin malgré tous les traumatismes et l’irruption de l’irrationnel.

    Et la voie du Mestre n’est pas celle de l’enfermement pour Bran : elle lui offre l’accès aux livres, au savoir, à la chevalerie de l’esprit. Ce n’est pas sans valeur, Luwin fait le boulot je trouve en essayant de lui proposer cette voie.

    #150596
    DJC
    • Patrouilleur Expérimenté
    • Posts : 480

    Chapitre super sympa à relire, une fois qu’on sait tout ce qui va se passer.. vous avez déjà tout commenté à ces sujets, d’ailleurs 🙂

    Martin met tellement d’indices annonciateurs, que j’en viens à penser qu’il écrit ces chapitres-là APRES tous les autres (sur Bran par exemple, sur les Noces Pourpres), mais c’est juste qu’il a une idée bien précise de là où il veut aller.

    #150597
    Athouni
    • Patrouilleur Expérimenté
    • Posts : 264

     Martin met tellement d’indices annonciateurs, que j’en viens à penser qu’il écrit ces chapitres-là APRES tous les autres (sur Bran par exemple, sur les Noces Pourpres), mais c’est juste qu’il a une idée bien précise de là où il veut aller.

    Je crois pas en l’occurrence. Il se dit jardinier plutôt qu’architecte. A mon avis, c’est plutôt qu’il s’ouvre des possibilités (ici construire un jeu d’enfants qui dit quelque chose d’une identité familiale) et qu’il se relit énormément. L’idée du « Mayhaps » ne lui vient peut-être qu’à la relecture.

    EDIT : si Martin savait précisément où il va, on aurait pas à attendre 10 ans pour TWOW 😉

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 2 mois par Athouni.
    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 2 mois par Athouni.

    « When dead men come hunting in the night, do you think it matters who sits the Iron Throne »

    #150639
    PierreKirool
    • Patrouilleur du Dimanche
    • Posts : 112

    Merci (encore une fois ^^) pour vos éclaircissements sur  le jeu du Seigneur du Pont et le « peut être » qui doit être prononcé pour éviter de perdre, pour la précision les 2 Frey et le regard qu’on doit avoir sur leurs chances de succession en connaissant la suite de l’histoire.
    Effectivement ça ouvre plusieurs champs de réfléxion dans ce chapitre qui nous montre principalement Bran devenir zoman et vervoyant 🙂

    #150646
    Ser Aemon Belaerys
    • Exterminateur de Sauvageons
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    En me relisant et lisant vos commentaires, j’avoue que je vais un peu loin en liant Rickon et Ramsay.

    Ma pensée était plutôt que si Davos récupère un Rickon bien sauvage et sans pitié, je n’en serai pas étonné.

    -"Comment veux-tu mourir, Tyrion, fils de Tywin ?"
    - "Dans mon lit, à l’âge de 80 ans, le ventre plein de vin et ma queue dans la bouche d’une pute. "

    #150897
    Emmalaure
    • Exterminateur de Sauvageons
    • Posts : 996

    Merci pour vos interventions. J’aime beaucoup ce chapitre, que je trouve très riche en symbolique littéraire et en indices sur la saga elle-même (il n’y a pas que le coup des Frey et du « mayhaps », mais c’est vrai que celui-ci est très bien amené).
    La première remarque sera sur la transition avec le précédent chapitre : nous venons de laisser Tyrion en train de se vanter auprès de Bronn qu’il va faire un truc que ne ferait jamais Cersei, c’est-à-dire rendre la justice, sous-entendu une justice digne de ce nom. Le chapitre de Tyrion s’achève précisément sur le mot « justice » et celui qui suit immédiatement nous raconte donc l’histoire d’un petit garçon dont les rêves et la vie ont été brisés par Jaime et Cersei, le frère et la soeur de Tyrion. Un petit garçon dont le corps et la maison sont devenus des prisons, et qui ne peut plus participer de manière active à aucun des jeux des enfants ordinaires : lors du jeu du « seigneur du pont », même les enfants du plus bas de l’échelle sociale peuvent s’amuser, mais pas Bran, désigné comme arbitre, mais vite « ignoré ».
    Cela remet en perspective la volonté de faire justice de Tyrion et nous interroge sur son désir réel à ce propos : la justice selon Tyrion, qu’est-ce que c’est exactement ? jusqu’à quel point est-il prêt à la rendre ? et envers qui ? Nous en saurons un peu plus dans ses chapitres suivants !

    La seconde remarque porte sur la construction du chapitre : comme Athouni l’a relevé plus haut, l’enfermement concerne aussi bien Bran que son loup, mais GRRM le met en valeur en commençant le chapitre sur Bran ressentant explicitement Winterfell comme une prison, dès le premier paragraphe :

    Abed, the walls pressed close and the ceiling hung heavy above him; abed, the room was his cell, and Winterfell his prison. Yet outside his window, the wide world still called.

    Auquel répond la fin du rêve de loup, et donc les derniers mots du chapitre :

    The world had tightened around them, but beyond the walled wood still stood the great grey caves of man-rock. Winterfell, he remembered, the sound coming to him suddenly. Beyond its sky-tall man-cliffs the true world was calling, and he knew he must answer or die.

    Si les mots ne sont pas tout à fait les mêmes (en dehors de « l’appel (call) du vrai (true)/large (wide) monde »), le sens est identique : dans son lit, Bran sent les murs le presser et le plafond menacer de l’écraser, là où le loup – dans le bois sacré- ressent que le monde s’est resserré autour de lui et qu’au-delà du bois emmuré se trouvent toujours des murs en forme de falaises aussi haut que le ciel.

    Le parallèle entre l’ouverture du chapitre et la fin (le rêve de loup) ne s’arrête pas là : on le retrouve dans la mini quête de Bran qui se demande ce que veulent les loups et pourquoi ils hurlent sans cesse. Pour trouver la réponse, il va demander à différents « experts » dans le château, et ici, la brièvement de la narration rappelle les quêtes de contes ou de récits mythologiques : les réponses et explications vont à l’essentiel, les experts sont identifiés par leur occupation du moment et on passe très rapidement de l’un à l’autre sans s’attarder, alors que dans la « réalité », la démarche a pu prendre plusieurs jours.
    Ainsi Rodrik, le châtelain, n’a pas de temps à consacrer à ce genre de question, et il botte en touche en posant à son tour une question : « qui peut connaître l’esprit d’un loup ? » La réponse viendra à la fin, quand dans son rêve Bran se glissera dans la peau du sien et connaîtra de fait l’esprit de son loup.
    Farlen, lui, en qualité de dresseur de chiens, répond logiquement qu’en tant qu’animaux sauvages, les loups aspirent à la liberté. Il a parfaitement raison et cette réponse sera à son tour confirmée durant le rêve de Bran à la fois explicitement et en le voyant tourner en rond à l’intérieur des murs :

    Round and round he went, night after day after night, tireless, searching . . . for prey, for a way out, for his mother, his littermates, his pack . . . searching, searching, and never finding. (le « he » peut ici désigner aussi bien le loup Broussaille qu’Eté, ce qui ne change rien fondamentalement au propos).

    Behind the trees the walls rose, piles of dead man-rock that loomed all about this speck of living wood. Speckled grey they rose, and moss-spotted, yet thick and strong and higher than any wolf could hope to leap. Cold iron and splintery wood closed off the only holes through the piled stones that hemmed them in. His brother would stop at every hole and bare his fangs in rage, but the ways stayed closed.

    J’en profite pour un petit arrêt sur le « cold iron » (fer froid) des portes du bois sacré, seules ouvertures dans les murs : à mon sens, elles renvoient discrètement aux épées de fer des cryptes censées maintenir les esprits des morts dans leur tombe. En conséquence, l’enfermement de Bran et des loups géants pourrait alors symboliser un autre enfermement, celui de « l’esprit du loup », prisonnier à l’intérieur des murs de Winterfell et probablement dans son bois sacré (le barral avec l’étang noir et froid à ses pieds), qui a pu hanter les différents seigneurs et rois Starks qui se sont succédé à Winterfell, imprimant sa marque à des degrés divers et forçant les habitants du lieu à cet usage du fer sur les tombes de leurs seigneurs pour empêcher leur esprit de s’échapper et venir leur tirer les pieds (ou souffler les vents de l’hiver, par exemple).
    Petit aparté pour les lecteurs d’Harry Potter : les hurlements des loups qui semblent venir de n’importe où dans le château me rappellent à chaque fois le tome 2 de la saga avec le basilic ^^.

    Mais revenons à la quête de Bran (pourquoi les loups hurlent) : la troisième réponse, il la reçoit du cuisinier, qui lui parle de la faim des loups et de leur désir de chasse, et question bouffe, le cuisinier s’y connait ! Là encore, cette réponse tombe juste, comme on le constatera dans le rêve de loup de la fin, où Eté sent l’odeur des écureuils dans les arbres et salive à l’idée d’en attraper, mais échoue à cela.

    La quatrième réponse vient de mestre Luwin et étrangement, celle-ci paraît hors-propos et pour moi sans fondement « scientifique », au sens où elle aurait été mieux placée dans la bouche de vieille Nan, par exemple, puisque les loups qui hurlent à la lune, c’est une image issue des légendes. Je me suis demandée si Luwin ne faisait pas là un petit peu d’humour et ne cherchait pas simplement à détourner Bran de ses idées fixes en éveillant sa curiosité pour la comète, phénomène céleste peu fréquent à l’échelle de la vie d’un homme. Ca réussit à moitié : les interlocuteurs suivants ne parlent plus des loups mais de la comète, mais cette fois, aucune des réponses apportées ne trouvera de réponse claire dans le chapitre et Bran en est réduit à des énigmes et symboles bien plus obscurs pour lui que pour le lecteur. En effet, vieille Nan parle de dragons et le lecteur sait que trois dragons ont éclos loin à l’est; Osha parle de feu et sang, ce qui correspond à la devise des Targaryen mais est aussi une image de la guerre comme on pourra le constater plus tard dans le tome – en particulier avec les chapitres d’Arya; le septon parle d’une épée mettant fin aux saisons, ce qui est vrai symboliquement (en outre, la comète a été comparée de précédents chapitres à une épée rouge), mais n’a peut-être en réalité rien à voir avec la fin de l’été et la venue de l’automne.
    En terme de symboles, il se trouve que même Luwin a raison dans son assertion, puisque plus tard dans la saga, on verra bien un loup hurler à la lune (Fantôme, lors du raid de Jon avec le Mimain) et que dans le premier tome, il y a déjà eu l’association entre le loup bâtard qu’est Jon et le garçon (« dame piggy ») à face de lune qu’est Samwell.
    Le passage de la lune à la comète interroge donc sur sa signification : pourquoi associer les deux ? Je ne crois pas pour ma part que ce soit seulement un artifice rhétorique de Luwin (et littéraire de GRRM) pour passer des questions sur les loups à celles sur la comète. Je préfère y ajouter un nouvel indice sur une histoire originelle impliquant un change-peau (loup) et deux femmes, l’une associée à la lune et l’autre plus solaire (avec peut-être un échange d’identité entre les deux) et sans doute aussi une « épée de feu » dérobée et emmenée au loin (l’épée dérobée rappellera sûrement quelque chose au lecteur de Fire and Blood).

    Enfin, parce que mon post est déjà long, dans le genre indice tangible sur la suite, Bran n’est pas seulement un loup enfermé entre des murs, il est aussi une corneille encagée et qui ne peut donc pas voler et prendre de la hauteur. L’image du loup ailé enchaîné sera explicite dans les chapitres ultérieurs de Bran, avec l’arrivée de Jojen et Meera Reed. Ainsi, GRRM ne la fait pas sortir de nulle part, et comme les dragons, le loup ailé qu’est Bran regarde tant du côté de la terre que du côté du ciel.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 2 mois par R.Graymarch. Raison: on succède à quelqu'un, donc "ils se sont succédé" (sans accord)
    #150913
    DJC
    • Patrouilleur Expérimenté
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    Martin met tellement d’indices annonciateurs, que j’en viens à penser qu’il écrit ces chapitres-là APRES tous les autres (sur Bran par exemple, sur les Noces Pourpres), mais c’est juste qu’il a une idée bien précise de là où il veut aller.

    Je crois pas en l’occurrence. Il se dit jardinier plutôt qu’architecte. A mon avis, c’est plutôt qu’il s’ouvre des possibilités (ici construire un jeu d’enfants qui dit quelque chose d’une identité familiale) et qu’il se relit énormément. L’idée du « Mayhaps » ne lui vient peut-être qu’à la relecture. EDIT : si Martin savait précisément où il va, on aurait pas à attendre 10 ans pour TWOW 😉

    Haha pas faux, je précise que « je pense » qu’il sait où il va pour le perso de Bran et l’intrigue Nordienne en général, mais entre-temps il a tellement élargi et complexifié son univers du TdF..  Je pense aussi que Martin travaille et retravaille énormément sa rédaction, donc savoir où il va ne veut pas dire qu’il écrit forcément rapidement 🙂 bref, nul ne le sait de toute façon, et je préfère attendre pour lire des chapitres de qualité, la route m’importe + que le but 🙂

    #154581
    Eridan
    • Vervoyant
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    Préparant mon chapitre de Bran III, je me rends compte que ça fait un moment que les loups sont enfermés dans le bois sacré. Athouni y voit une métaphore de l’enfermement de Bran dans son corps et … je suis moyennement d’accord. ^^ On peut l’interpréter comme ça, c’est vrai, mais je vois une autre symbolique : celle de la rupture entre « la civilisation et le rationnel » d’un côté, « la nature et la magie » de l’autre. La civilisation, effrayée par la sauvagerie et le surnaturel incarnés par les loups-garous, les enferme, les isole pour s’en préserver (ironiquement, les loups sont relégués dans le bois sacré ; un lieu pratique d’un point de vue rationnel, mais surtout particulièrement important d’un point de vue magique : le surnaturel se retrouve concentré en un seul endroit). On retrouvera quelque chose de similaire lorsque Daenerys enfermera ses dragons (nature + magie) pour répondre aux besoins rationnels de son peuple.

    Dans l’extrait, justement, ce qui m’intéresse :

    Et, cependant, les loups hurlaient toujours, au grand dam des sentinelles qui, sur le rempart, grommelaient des imprécations, des limiers qui, dans les chenils, aboyaient furieusement, des chevaux qui ruaient dans leurs stalles, des deux Walder qui grelottaient contre leur feu, et même de mestre Luwin qui se plaignait de ne plus fermer l’œil. Seul Bran n’en était pas indisposé. Et bien que ser Rodrik eût relégué les loups dans le bois sacré depuis que Broussaille avait mordu Petit Walder, les pierres de Winterfell se jouaient si malignement du son qu’ils semblaient parfois se trouver dans la cour, juste on dessous de la croisée de Bran, et parfois arpenter le chemin de ronde, là-haut là-haut. Que ne pouvait-il les voir, hélas, comme…

    Alors que le reste du château (la civilisation) est gênée par la présence des loups (le surnaturel), elle convient à Bran, qui forme un pont entre ces deux univers a priori antagoniste. Outre que cela dénote le lien magique qui l’unit aux loups, j’y vois une préfiguration de la quête de Bran, qui finira par délaisser la civilisation pour se rapprocher de sa dimension surnaturelle.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #156864
    O’Cahan
    • Exterminateur de Sauvageons
    • Posts : 771

    Chapitre très agréable à lire, j’ai trouvé, rempli de symboliques et… tout ce que je voulais dire, tu l’as déjà dit Emmalaure, notamment au niveau des parallèles entre début et fin de chapitre.

    Cela remet en perspective la volonté de faire justice de Tyrion et nous interroge sur son désir réel à ce propos : la justice selon Tyrion, qu’est-ce que c’est exactement ? jusqu’à quel point est-il prêt à la rendre ? et envers qui ? Nous en saurons un peu plus dans ses chapitres suivants !

    Un peu sur le même sujet, j’avais noté pour le chapitre précédent que, même s’il semble faire preuve de « gentillesse » envers Sansa (par rapport aux autres), il n’a quand même pas la moindre réaction quand Cersei lui dit qu’Arya est probablement décédée – ou si, mais de l’ordre de la stratégie froide et calculée.

    Bien qu’il eût compté sur les deux petites Stark, Tyrion présuma qu’une seule ferait probablement l’affaire.

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