AGOT 02 – Bran I

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  • #123811
    Eridan
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    J’en viens de lire tous vos commentaires. C’est passionnant. ^^

    GRRM ne rédige pas ses POV à la première personne, mais le style de chaque POV reflète la psychologie des personnages. Ici, la narration est quasi enfantine : pas de mots compliqués, pas de tournures recherchées, pas d’élucubrations. Bran raconte ce qu’il ressent et ce qu’il voit, même s’il ne comprend pas tout – pas plus d’ailleurs que le primo-lecteur. Ses émotions sont simples et entières : son désir de rendre son père fier de lui, sa joie devant la découverte des louveteaux, son amour pour son frère Jon, son admiration pour Robb. Il a aussi des réflexions typiques de « l’âge de raison », comme la question sur la peur et le courage.

    J’ai aimé énormément Bran en première lecture … Mais plus le temps passe, plus les réflexions s’accumulent et je sens un malaise de plus en plus présent m’étreindre à son sujet. Le personnage me fait peur, son évolution me fait peur. (On pourrait en discuter plus longuement, si on avait un sujet sur Bran, mais figurez-vous que la Longue Nuit nous en a privé. Si c’est pas regrettable … Souhaitons que quelqu’un le réactive un jour. ^^)

    Dans ce chapitre, toutefois, il n’y a pas grand chose à relever de significatif, au contraire. Jean Sola a rajouté un élément qui n’existe pas en vo, la « fascination » pour le sang, qui n’est donc pas canon :

    Fasciné, lui, Bran regardait s’élargir la flaque écarlate que buvait goulûment la neige.
    Bran could not take his eyes off the blood.

    Bien au contraire, GRRM nous introduit un personnage plutôt positif, pourvu de toutes les qualités qu’a cité Corneille … Aucune raison apparente de s’inquiéter. Et pourtant, ça viendra plus tard. 😉

    Le mot « father » est employé si souvent dans ce chapitre que j’ai compté les occurrences : il y en a 31, ce que j’interprète comme un signe de l’importance de ce personnage aux yeux de Bran. C’est un homme impliqué dans l’éducation de ses fils et pédagogue, aussi bien dans le passage où il explique à Bran le sens de l’exécution qui a eu lieu, et aussi dans les conditions qu’il met à l’adoption des louveteaux.

    Ca dénote aussi de la place centrale qu’aura prochainement Eddard, tant politiquement in-universe que littérairement pour nous. Eddard est au cœur du jeu, de l’intrigue ou des intrigues … GRRM construit énormément le personnage d’Eddard dans ce chapitre, nous offrant notamment une des plus importantes clés de compréhension à son sujet à mon avis : « A ruler who hides behind paid executioners soon forgets what death is. » C’est ce qui différencie Eddard des Lannister ou de Robert, c’est ce qui lui rend la trahison de Mormont envers les Targaryen ou le meurtre de Daenerys écœurant. Eddard pense que les hommes ne devraient agir que par honneur et loyauté comme lui, pas par appât du gain ou pour leurs intérêts personnels. Il trahira cette règle en faisant appel à Petyr Baelish, parce qu’il en avait besoin, et Baelish, en mauvais génie qu’il est, aura tôt fait de lui faire regretter son « égarement ». ^^

    Il fait également preuve d’une certaine naïveté, en balayant les contes de Vielle Nan, en ignorant les signes que les autres perçoivent.

    Chuis bien d’accord. ^^ D’ailleurs, la réflexion suivante de Yunyuns va me permettre de rebondir

    La phrase qu’il réfute est la suivante : « He was a wildling, » Bran said. « They carry off women and sell them to the Others ». Ce n’est pas naïf que dire qu’il ne s’agit que de contes de grand-mère.

    Ok, alors … Parlons un peu des contes de Vieille Nan (avec bientôt un sujet juste pour eux?). ^^

    Pour moi, ça s’apparente aux chansons : de la tradition orale, répétée, déformée, avec peu de vérités … Mais quelques vérités quand même, sous-jacentes, cachées. En l’occurrence, Bran cite un petit échantillon de ces contes, concernant les sauvageons. Sur le coup, on se dira qu’il s’agit juste d’une manière de faire apparaître l’ennemi voisin comme monstrueux … Mais dans les faits, maintenant qu’on relit, qu’est-ce qui est juste ? Qu’est-ce qui est faux ? Qu’est-ce qui est exagéré ?

    Elle [Vieille Nan] les disait si cruels… [bof, pas plus qu’ailleurs]
    Des faiseurs d’esclaves, des pillards, des égorgeurs. [Vrai. Pas plus qu’ailleurs, mais vrai]
    Qui, acoquinés avec géants et goules, [Vrai pour les géants, faux pour les goules]
    enlevaient les petites filles, [Aaaaah … C’est pas complètement faux, même si en fait, ça marche surtout avec les plus âgée ^^]
    au plus noir des nuits, trinquaient avec des cornes emplies de sang. [bullshit !]
    And their women lay with the Others in the Long Night to sire terrible half-human children.

    Je mets la dernière en anglais, parce que la traduction française en altère complètement le sens, sinon. Et à la relecture, vous n’avez pas un peu l’impression qu’elle nous parle (de manière très déformée, j’en conviens) de ce que fait Craster ? Ok, lui, son truc, ce n’est pas de « faire coucher ses femmes pendant la Longue Nuit avec les Autres pour créer des monstres à demi-humains » … Mais ça s’en rapproche : par le biais de ses coucheries avec ses femmes et en donnant ensuite en sacrifice les garçons, Craster s’est effectivement acoquiné avec les Autres. Et on peut tout aussi bien imaginer que les Autres se contentent du sang ou de la vie des gamins, comme on peut penser qu’ils en font effectivement des monstres pour rejoindre leur armée (quel que soit le moyen employé : Autrisation, spectrisation, araignée-de-glacisation …) Et ce lien entre eux est entretenu par Craster, notamment en vue de la Longue Nuit, car il pense qu’il sera préserver quand elle arrivera (en passant, c’est la première mention de la Longue Nuit … Que ça arrive dès le deuxième paragraphe du premier chapitre ne peut pas être un hasard non-plus, pas plus que ce n’est un hasard si c’est un chapitre de Bran).

    Alors ok, Ned se doit d’être rationnel dans un monde où on croit abondamment aux présages et où lui doit garder la tête haute pour gouverner correctement, mais justement, il faut se méfier de ce genre de jugement : on est dans un univers complexe, où le surnaturel est difficile à appréhender : être superstitieux rend ridicule et être rationnel rend imprudent ou négligent (cf. chapitre précédent). Aucune des deux attitudes ne semble bonne par essence.
    Passés les exagérations, les lieux communs et les superstitions, les contes de Vieille Nan contiennent sans doute des bribes de vérité, qu’on ne devrait pas négliger par principe comme un Waymar Royce ou un Eddard Stark. 😉

    Winter is coming. Ah bon ?! Martin ne nous livre pas la teneur des échanges qui précèdent l’exécution de Gared mais il est établi qu’il est un déserteur et on peine à croire qu’il ne témoigne pas de ce qu’il a vu. Les show runners d’HBO sont d’ailleurs arrivés à la même conclusion. C’est quand même étonnant que Ned Stark, qui passe son temps à répéter que « l’hiver vient » ait à ce point oublié la signification véritable de ces mots. Lorsque Bran évoque les Sauvageons, Ned le rabroue gentiment en pointant les sornettes d’Old Nan. Alors les Autres ! Toujours est-il que çà nous fait une belle jambe d’avoir un leader des Stark si peut au fait de la menace véritable et surtout, si peu enclin à envisager sérieusement la question… Aussi admirable que soit Ned Stark, il se sera trompé de combat, comme Robb après lui. La force de Martin est de ne pas laisser d’alternative à ses personnages, ce qui renforce la dimension tragique. Ni Ned ni Robb n’avaient le choix et tout deux meurent dans un combat, au fond, secondaire

    On entrapercevra dans le chapitre suivant la conscience (toute relative) que Ned a de la menace qui monte … Mais effectivement, ce que Gared a vu ou ce qu’il a dit … Nous n’en saurons pratiquement rien.

    J’ai relevé la dernière fois que la narration par PoV permettait à l’auteur d’induire des biais d’appréciation sur certains personnages. Ce chapitre de Bran est l’occasion de relever un autre « défaut » des personnages, qui est hyper énervant pour les relecteurs : les centres d’intérêt et la négligence. ^^Bran n’écoute pas les questions et les réponses. Les écouterait-il, il ne les aurait sans doute qu’à peine compris. Les comprendrait-il, il les aurait à peine retenu. En fonction de leur âge ou de leur centre d’intérêt, certains PoV vont s’attarder sur certaines choses et pas sur d’autres, de manière parfaitement réaliste. On ne saura donc jamais ce que Gared a vu et ce qu’il a dit, car aucun PoV ne nous le dira jamais.

    Vivement qu’il se fasse bâcher un peu. Il me semble que Martin aurait peut-être pu en faire un peu moins sur Jon dans ce premier chapitre. Cela permet d’installer Jon dans le rôle du héros mais un des plaisirs d’ASOIAF n’est-il pas d’avoir des personnages contrastés ? Ici, je trouve Jon un peu « too much ».

    C’est vrai que ses qualités sont tellement mise en avant … J’en ai été surpris, car je n’avais plus du tout cette image de Jon (un peu à cause de la saga, beaucoup à cause de la série).

    Je vais tenter de justifier l’injustifiable : Martin pensait à l’origine écrire une trilogie. Quand il a écrit AGOT, il ne savait pas encore où il allait et a balancé beaucoup (mais vraiment, beaucoup) d’indices en tout genre pour pleins d’intrigues différentes. Le tome regorge de clés de lecture, alors que dès le tome suivant, elles se raréfient, car Martin a compris qu’il ne tenait d’ores et déjà plus une trilogie. D’où le traitement peut être un peu expéditif de Jon Too-much dans ce chapitre.

    Quant à Theon, j’avais oublié que c’était autant un sale petit con. J’imagine qu’Eridan va nous dire que si on avait son POV, on aurait lu quelqu’un d’amusant et décomplexé (hum) ?

    Ma foi, je pourrais effectivement le dire, mais j’ai déjà mis ça en lumière lors du précédent chapitre, ce serait se répéter. 😉

    Et en l’occurrence, je n’ai jamais aimé Theon. L’introduction de ses chapitres dans ACOK n’a fait que renforcer mon désamour du personnage. Toutefois, quand on s’intéresse à lui et qu’on comprend les problématiques qui sont liées à sa situation et à sa vie … Je le comprends mieux et je lui en veux moins, même si je ne parviens toujours pas à l’aimer. ^^

    « né avec la mort, la pire des chances »), invite clairement à nous interroger

    Je n’ai pu m’empêcher de la relever, moi-aussi.

    Il peut-être bon de rappeler que cet adage ne s’applique pas qu’aux petits loups, mais qu’il concerne aussi trois personnages de la saga au moins : Daenerys et Tyrion, dont les naissances provoquent la mort de leurs mères … et si Jon est bien le fils de Lyanna, on a notre troisième tête malchanceuse. 😉 De là à prédire un avenir tragique à ces personnages …

    Dur, car Ned, bien qu’il ressemble au « père idéal » (comme relevé par d’autres) oblige un gamin de sept ans à regarder une exécution.

    Ce sera pire encore dans le chapitre suivant ^^ Mais j’anticipe …

    Mais une ficelle aussi grosse ne ressemble pas trop à du Martin pour le coup.

    Alors pour le coup, je resterais méfiant : Martin utilise des ficelles de tout calibre et il lui arrive parfois d’utiliser des ficelle moins subtils que d’autres. ^^

    On peut émettre l’hypothèse que le sang des Enfants coule dans les veines de certaines familles du Nord (si on pense que les métissages sont possibles), mais dans ce cas c’est le cas pour tous les enfants Stark.

    Il y a effectivement un lien à développer entre les enfants Stark (tous), voire les Premiers Hommes, et les enfants de la forêt, mais difficile de s’y livrer avec les éléments de ce chapitre seul. 😉

    En vrac :

    Moi, loup-garou, j’aime bien. ^^
    (et je n’argumenterai pas plus loin ce qui tient du pur ressenti personnel ! 😉 )

    Vous vous arrêtez sur le fait que Fantôme a les yeux ouverts ou qu’il a été retrouvé loin et après les autres … Mais sérieux, le fait qu’il soit albinos dérange personne ? ^^ Là, tout de suite, personne ne pense à Freuxsanglant ? ^^ ( #complot-des-corbeaux #petitcomplotfacileentreamis ) Faut que ce soit moi qui le dise alors que j’y crois si peu

    Typiquement, pour moi, la mort de la louve par le cerf, c’est un moyen de faire gamberger les personnages et nous avec. Je n’y vois pas un signe particulier (mon côté rationnel), mais je comprends que tant les personnages que les lecteurs en voient un.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par Nymphadora. Raison: Formatage

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    #123812
    R.Graymarch
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    +1 sur le dernier paragraphe^^

    Ma foi, je pourrais effectivement le dire, mais j’ai déjà mis ça en lumière lors du précédent chapitre, ce serait se répéter. 😉

    Oui mais pas avec Theon ^^

    Dans ce chapitre, toutefois, il n’y a pas grand chose à relever de significatif, au contraire. Jean Sola a rajouté un élément qui n’existe pas en vo, la « fascination » pour le sang, qui n’est donc pas canon : Fasciné, lui, Bran regardait s’élargir la flaque écarlate que buvait goulûment la neige. Bran could not take his eyes off the blood.

    « Fasciné » au lieu de « ne pouvait s’empêcher de regarder » ne me choque pas tant que ça. Certes, j’admets que ça va plus loin que ce qu’écrit l’auteur mais pas de beaucoup. Et ça allège le style par rapport à une formule plus longue (et c’est pas si fréquent). En revanche la « flaque écarlate que buvait goulûment la neige », là, oui, souci… 😀

    En fonction de leur âge ou de leur centre d’intérêt, certains PoV vont s’attarder sur certaines choses et pas sur d’autres, de manière parfaitement réaliste. On ne saura donc jamais ce que Gared a vu et ce qu’il a dit, car aucun PoV ne nous le dira jamais.

    Robb, Jon, Theon ?

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    #123813
    Eridan
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    « Fasciné » au lieu de « ne pouvait s’empêcher de regarder » ne me choque pas tant que ça. Certes, j’admets que ça va plus loin que ce qu’écrit l’auteur mais pas de beaucoup.

    Honnêtement, je suis d’accord avec toi, c’est une toute petite nuance, ça reste très proche et tant que ça reste un cas isolé, c’est pas grave ^^ Ca ne gêne en rien la lecture, en tout cas. N’empêche que d’un point de vue purement analytique, cette nuance peut-être mal interprétée et donner le sentiment que dès ce chapitre, l’auteur voulait nous mettre en garde contre le rapport de Bran au sang, à la violence, à la mort et au macabre.

    Eridan wrote: En fonction de leur âge ou de leur centre d’intérêt, certains PoV vont s’attarder sur certaines choses et pas sur d’autres, de manière parfaitement réaliste. On ne saura donc jamais ce que Gared a vu et ce qu’il a dit, car aucun PoV ne nous le dira jamais.

    Robb, Jon, Theon ?

    Je pensais surtout au chapitre présent et à ceux qui vont venir immédiatement après, les chapitres qui vont évoquer la mort et les derniers mots de Gared sans pour autant les révéler : Bran n’a pas écouté, Ned donne un résumé succinct à Catelyn (et lui épargne le plus important pour éviter de l’inquiéter). Passé ce moment, il y a peu de chances qu’on l’apprenne : d’autres PoV ont pu l’entendre, effectivement (Harwin aussi, s’il devient un jour PoV ^^) mais de là à penser qu’ils vont repenser à cet élément spécifique dans TWOW ou ADOS, je n’y crois pas : ça aura depuis longtemps perdu tout son intérêt. 😉

    Au demeurant, ce problème de centre d’intérêt et de négligence n’est pas très important / frustrant dans ce chapitre-ci : ce que Gared a vu ou a pu voir, ce qu’il peut en dire, on le devine parfaitement. Que les autres personnages ne l’écoutent pas n’est pas frustrant pour nous, c’est plutôt dramatique, car on a une idée de ce qu’il pourrait leur apprendre s’ils prenaient la peine de l’écouter. Par contre, on aura d’autres moments où un personnage PoV sera en mesure d’entendre ou d’assister à quelque chose qui nous intéresse, mais qui ne l’intéressera pas lui et auquel il ne prêtera aucune attention … Et ça, qu’est-ce que c’est frustrant à la relecture. ^^

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    #123814
    Emmalaure
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    Mestre Tomassen wrote:

    Mais une ficelle aussi grosse ne ressemble pas trop à du Martin pour le coup.

    Alors pour le coup, je resterais méfiant : Martin utilise des ficelles de tout calibre et il lui arrive parfois d’utiliser des ficelle moins subtils que d’autres. ^^

    Je partage cela, et j’ajouterai à propos du Jon très positif, du Eddard exemplaire ou du Theon parfaitement insupportables que nous sommes encore dans un chapitre d’exposition : nous faisons connaissance avec des tas de personnages nouveaux, un monde nouveau, une histoire « nouvelle », et que GRRM doit accrocher le lecteur pour ne pas le perdre. Il peint donc d’abord à gros traits des personnages qu’il aura le temps d’affiner par la suite, au fur et à mesure de leur développement. Tous les persos subissent ce traitement chez lui : leur première apparition est toujours empreinte de clichés très caractéristiques avec lesquels il va se mettre à jouer par la suite, mais dans un premier temps, le lecteur a aussi besoin d’images et d’actes marquants pour facilement identifier des personnages toujours plus nombreux et pour les raccrocher à une histoire.

    C’est aussi pour cela que tout ce qui a trait au symbolique dans les premiers chapitres est beaucoup moins subtilement distillé qu’il pourra l’être par la suite et que les ficelles paraissent grosses (grosses par rapport à d’autres qui viennent plus tard dans le cours de la saga). Je suppose cependant qu’à la fin de la saga, on découvrira encore d’autres sens à ces premiers chapitres, et même à la scène de la louve la gorge transpercée par des bois : en effet, on la rattache à Ned Stark et aux Baratheon, mais si on y regarde bien, il s’agit d’une louve et pas d’un loup, le bois pourrait s’interpréter dans un sens phallique. Et là, on pourrait se demander ce que c’est que cette histoire de cerf qui engrosse et tue une louve, étant donné que Lyanna n’est pas connue pour avoir couché avec Robert, et que Rhaegar n’est pas non plus un Baratheon caché.

    Dans ce chapitre, toutefois, il n’y a pas grand chose à relever de significatif, au contraire. Jean Sola a rajouté un élément qui n’existe pas en vo, la « fascination » pour le sang, qui n’est donc pas canon :
    Fasciné, lui, Bran regardait s’élargir la flaque écarlate que buvait goulûment la neige.
    Bran could not take his eyes off the blood.

    Pour moi, le texte anglais parle bien de fascination – même si le mot ne figure pas dans la phrase – puisque Bran ne peut pas détacher ses yeux du sang. C’est à la fois très réaliste concernant un enfant aussi jeune, qui peut très facilement être happé par des scènes et images extrêmement violentes, qu’il pourra d’ailleurs chercher à reproduire indéfiniment tant qu’il n’a pas réussi à les digérer et à leur donner du sens; mais c’est aussi d’assez mauvais augure pour Bran (et là encore, je partage les mauvais pressentiments d’Eridan, encore que peut-être pas complètement). Sa question à son père sur le courage du condamné au moment de sa mort est pour moi le gros voyant clignotant qui annonce un destin funeste pour Bran : la réponse que lui fait son père, il devra probablement en tester lui-même la véracité. D’ailleurs, le condamné ici est un « corbac » déchu, un « crow » (bon, on ne sait pas encore que les Gardes noirs sont surnommés « crow »), et plus tard dans le même tome, Bran assistera à une autre mort de « crow » déserteur (et il y aura la même fascination pour la vie qui s’échappe de ce corbac-là). Résumons : première apparition de Bran dans la saga, et il assiste à la mise à mort d’une corneille.

    La mort de Gared permet de faire le lien avec le prologue, directement dans le récit, mais il y en a au moins un autre, plus symbolique : si Waymar et Will sont tous les deux morts par une « incarnation » du froid et de l’hiver, Gared meurt par Glace. Et au cas où on aurait pas compris le lien, dans le tome 2, Craster fera le jeu de mots en apprenant comment Gared est finalement mort. Voilà, trois « corneilles » tuées par « l’hiver » en ouverture de la saga, si ça non plus, ça n’est pas du symbole !

    #123815
    Eridan
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    Pour moi, le texte anglais parle bien de fascination […] C’est à la fois très réaliste concernant un enfant aussi jeune, qui peut très facilement être happé par des scènes et images extrêmement violentes, qu’il pourra d’ailleurs chercher à reproduire indéfiniment tant qu’il n’a pas réussi à les digérer et à leur donner du sens;

    Il y a différente manière d’apprécier l’attitude de Bran. Pour moi, la traduire par « fascination » est trop émotionnel et restrictif. Il sous-entend que Bran est attiré par le spectacle, mais ce n’est qu’une manière d’interpréter son attitude. En vo, son comportement est justement vide de toute émotion : il ne détourne pas le regard, mais le sang ne provoque en apparence aucun sentiment chez lui, ni attirance, ni répulsion. On pourrait tout aussi bien se dire que Bran se contente d’obéir au conseil que Jon vient de lui donner ( “And don’t look away. Father will know if you do.” ), ce qui n’est pas forcément de meilleur augure, d’ailleurs. 😉

     

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    #123821
    Pandémie
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    Pour moi, le texte anglais parle bien de fascination […] C’est à la fois très réaliste concernant un enfant aussi jeune, qui peut très facilement être happé par des scènes et images extrêmement violentes, qu’il pourra d’ailleurs chercher à reproduire indéfiniment tant qu’il n’a pas réussi à les digérer et à leur donner du sens;

    Il y a différente manière d’apprécier l’attitude de Bran. Pour moi, la traduire par « fascination » est trop émotionnel et restrictif. Il sous-entend que Bran est attiré par le spectacle, mais ce n’est qu’une manière d’interpréter son attitude. En vo, son comportement est justement vide de toute émotion : il ne détourne pas le regard, mais le sang ne provoque en apparence aucun sentiment chez lui, ni attirance, ni répulsion. On pourrait tout aussi bien se dire que Bran se contente d’obéir au conseil que Jon vient de lui donner ( “And don’t look away. Father will know if you do.” ), ce qui n’est pas forcément de meilleur augure, d’ailleurs. 😉

    Ce n’est pas tout à fait exacte qu’il est vide d’émotions, certains termes ne sont pas neutres « red as summerwine » ou « drank it eagerly ». Que Bran voit le sang comme un bon vin qui se boit avidement, c’est pas du meilleur augure non plus.

    Sur le débat de l’andouillet, il me semble quand même que c’est raté l’essentiel que de prétendre que la réaction aurait été la même avec une dent de sanglier.

    Dans l’univers d’ASOIAF, il y a des symboles immédiatement identifiables pour les personnages. Associer le cerf aux Baratheon, ça va de soi. Que cette association soit faite n’est pas surprenante, c’est normal.

    Le malaise est perceptible. Ça ne signifie pas que nécessairement tous les personnages le partagent à l’identique, car tous n’ont pas le même rapport aux symboles ou aux supertitions (Ned y est par exemple complètement hermétique) mais la tension est palpable et dans l’ensemble partagée.

    Au demeurant, Joffrey directement responsable de la mort de Ned, est officiellement un Baratheon.

    Plus largement, ces débats sur les biais de relecture me semblent un peu à côté de la plaque sur un forum qui précisément organise… une relecture. Il est évident qu’on perçoit des éléments qui nous avaient échappé en premier lecture précisément parce que nous savons ce qui va suivre. Pourquoi vouloir se mettre à la place d’un primo-lecteur ?!

    Parce que la relecture et l’analyse de symboles ou d’élément conduisent effectivement à des biais et des excès d’interprétations. Sometimes a cigar is just a cigar, comme dit GrrM. C’est d’autant plus vrai quand on demande aux personnages d’avoir le même comportement d’analyse « meta » que le lecteur. On le voit ici, revenir sur la louve et le cerf et deviner qu’elle préfigurait la mort de Ned sur l’ordre de Joff, c’est voulu. Revenir en se disant que les personnages de la scène devaient eux-aussi se préfigurer qu’un Baratheon allait faire tuer un Stark, c’est une erreur dans l’analyse. Il ne suffit pas d’avoir un symbole et savoir ce qu’il représente. Il faut aussi avoir un motif de faire le lien. Les andouillers sur les coiffes de Sauvageons, c’est pas un symbole Baratheon. Bon, on vient de parler de symbole Stark, on pourrait se dire que tous les personnages ont faire le lien. Ben non, pas Bran. Il a toutes les clés en main pourtant. C’est le seul gosse, imaginons que tous les autres aient eut l’intelligence et la lucidité de comprendre la symbolique. Or, qu’est-ce qui est demandé par Hullen, soutenu par Theon, Harwin et Ned dans la seconde? Égorger les louveteaux. Donc les mêmes qui se taisaient contrits devant un néfaste présage symbolique de la mort d’un Stark par un Baratheon proposent d’égorger symboliquement les héritiers Stark? Ok, Theon, on pourrait comprendre que ça le fasse marrer de symboliquement tuer par contre, les autres, c’est pas bien cohérent comme changement d’attitude…
    Simplement parce que ça s’explique très bien, car contrairement au lecteur et un peu comme Bran, il est possible voire probable que certains n’aient pas jugé nécessaire de faire le lien symbolique avec RObert, parce que des considérations plus terre à terre primaient: le rationnel Ned, les proches des animaux Hullen et Harwin, le nonchalant Theon ont très bien pu se dire que ce combat titanesque entre deux bêtes (une au moins) n’ayant à faire près de Winterfell à la fin de l’hiver était un signal que la nature allait s’en donner à coeur joie et qu’ils se geler les miches. (J’imagine même bien Theon ou un garde un peu bas du front comme Bran en mode « Mais pourquoi ils tirent tous la gueule? Bon tant pis, je tire la gueule aussi »). Ensuite, même pour les personnages restés sur le symbole ou la superstition, il leur manque un lien qui ne vient que plus tard pour imaginer qu’un Baratheon présente un risque. A ce stade, ils peuvent très bien se dire que c’est un mauvais présage que l’hiver va durement toucher et le Nord Stark et le royaume Baratheon dans son ensemble. Après, c’est pas impossible qu’un vétéran comme Jory qui en plus semble superstitieux et préoccupé de la sécurité de Ned, ou d’autres du même genre dans le groupe, aient perçu ça comme le fait que les Baratheon étaient un danger. Mais là encore, vu les relations entre Robert et NEd, ils sont dû se dire que le loup et le cerf allaient se battre côte à côte à nouveau et que ça se finirait mal, pas que l’un allait causer la mort de l’autre.

    A noter aussi la bizarrerie que la louve sent déjà la décomposition et que le cadavre du cerf n’est pas là alors que les louveteaux n’ont pas pu rester sans lait bien longtemps. Elle a donc dû voyager un long moment blessée, ce qui irait dans le sens d’avoir été « aiguillée ».

    #123822
    FeyGirl
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    Robb thought [Gared] was a wildling, his sword sworn to Mance Rayder, the King-beyond-the-Wall.

    J’ai trouvé frappant que les Nordiens (Robb et d’autres) envisagent l’organisation sociale des sauvageons identique à celle au Sud du Mur, avec un système féodal : à leurs yeux, les sauvageons sont inféodés à Mance Rayder. On retrouvera cette erreur plus tard avec Stannis qui ne comprendra pas la société des hommes libres sans noblesse ni vassaux.

    Halfway across the bridge, Jon pulled up suddenly.
    “What is it, Jon?” their lord father asked.
    “Can’t you hear it?”
    Bran could hear the wind in the trees, the clatter of their hooves on the ironwood planks, the whimpering of his hungry pup, but Jon was listening to something else.
    “There,” Jon said.

    Jon a une très bonne oreille. Je ne suis pas sûre de savoir ce qu’il faut en déduire. Il entendra mieux que les autres ce que disent les sauvageons ?

    Bran thought it curious that this pup alone would have opened his eyes while the others were still blind.

    Après l’ouïe, la vue^^. Vous en avez déjà discuté. Je ne pense pas que ce soit un forshadowing de l’héroïsme de Jon, mais plutôt la capacité à voir loin, talent nécessaire à un dirigeant, comme quand il propose aux sauvageons une alliance avec la Garde de Nuit.

    L’insistance sur le louveteau albinos repoussé par les autres ne me semble pas innocent, surtout dans un chapitre d’introduction.

    Et de mon côté je trouve aussi, comme d’autres lecteurs, qui le cerf qui a tué la louve ressemble bigrement à un foreshadowing de la fin d’AGOT !

    #123823
    Pandémie
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    J’ai trouvé frappant que les Nordiens (Robb et d’autres) envisagent l’organisation sociale des sauvageons identique à celle au Sud du Mur, avec un système féodal : à leurs yeux, les sauvageons sont inféodés à Mance Rayder. On retrouvera cette erreur plus tard avec Stannis qui ne comprendra pas la société des hommes libres sans noblesse ni vassaux.

    Les chapitres de Jon montrent bien que même les voisins nordiens ne comprennent pas mieux le Peuple libre que ceux du sud du Neck qu’ils considérent comme des « enfants de l’été ». Comme dirait Feuille, ou presque, on est tous les enfants de quelqu’un.

    Jon a une très bonne oreille. Je ne suis pas sûre de savoir ce qu’il faut en déduire. Il entendra mieux que les autres ce que disent les sauvageons ?

    Bran thought it curious that this pup alone would have opened his eyes while the others were still blind.

    Après l’ouïe, la vue^^. Vous en avez déjà discuté. Je ne pense pas que ce soit un forshadowing de l’héroïsme de Jon, mais plutôt la capacité à voir loin, talent nécessaire à un dirigeant, comme quand il propose aux sauvageons une alliance avec la Garde de Nuit.

    Ou alors c’est le loup et la relation avec celui-ci qui sont spéciaux et se font entendre de Jon, mais pas forcément par un son perceptible par tous (le vent souffle dans les feuilles, chuchote-il quelque chose?).

    #123824
    Eridan
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    Après l’ouïe, la vue^^. Vous en avez déjà discuté. Je ne pense pas que ce soit un forshadowing de l’héroïsme de Jon, mais plutôt la capacité à voir loin, talent nécessaire à un dirigeant, comme quand il propose aux sauvageons une alliance avec la Garde de Nuit.

    Les causes de la bonne vue de Jon sont expliquées un peu plus tard, dans un autre moment d’exposition :

    Jon l’avait également remarqué. Sa position scabreuse l’obligeait à deviner le dessous des choses, à déceler les vérités que les gens camouflent au fond de leurs yeux. […]
    Benjen le jaugea d’un regard appuyé : « Il ne t’échappe pas grand-chose, n’est-ce pas, Jon ? […] »

    AGOT – Jon I.

    Pour moi, ces qualités-là sont moins des signes annonciateurs de son parcours que des talents qu’il a développé du fait de sa position.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #123825
    Macaria
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    lorsque Theon découvre le cadavre de la louve, il jure What in the seven hells is it? En français, ça donne : « « Bons dieux ! ». Dommage, on perd les sept enfers. C’est d’ailleurs un peu curieux d’entendre Theon jurer ainsi (même si le primo-lecteur ne peut pas s’en rendre compte) : c’est un Fer-né, élevé dans la religion du dieu Noyé, puis confié à des Nordiens qui prient les anciens dieux. Je doute que Catelyn Tully se soit évertuée à lui enseigner la foi des Sept. Sans doute l’expression « Sept enfers » est-elle devenue courante dans les Sept Couronnes, au-delà des seuls croyants des Sept.

    J’imagine que c’est une expression comme « Que les Autres l’emportent ». J’ai un vague souvenir d’avoir entendu lu cette expression de la bouche d’un sudiste 🤔 Pourtant les Andals sont arrivés sur Westeros après la Longue Nuit.

    Et je ne comprends pas pourquoi Jon aurait plus de sang des Enfants que les autres membres de sa fratrie, si il en a. On peut émettre l’hypothèse que le sang des Enfants coule dans les veines de certaines familles du Nord (si on pense que les métissages sont possibles), mais dans ce cas c’est le cas pour tous les enfants Stark.

    J’imagine que la description de Jon met plus en avant qu’il a un physique typique du Nord malgré sa bâtardise (en contradiction avec le physique Tully des enfants légitime) qu’une ascendance Enfant de la forêt.

    Vous vous arrêtez sur le fait que Fantôme a les yeux ouverts ou qu’il a été retrouvé loin et après les autres … Mais sérieux, le fait qu’il soit albinos dérange personne ? ^^ Là, tout de suite, personne ne pense à Freuxsanglant ? ^^

    👍 J’approuve !

    Je suppose cependant qu’à la fin de la saga, on découvrira encore d’autres sens à ces premiers chapitres, et même à la scène de la louve la gorge transpercée par des bois : en effet, on la rattache à Ned Stark et aux Baratheon, mais si on y regarde bien, il s’agit d’une louve et pas d’un loup, le bois pourrait s’interpréter dans un sens phallique. Et là, on pourrait se demander ce que c’est que cette histoire de cerf qui engrosse et tue une louve, étant donné que Lyanna n’est pas connue pour avoir couché avec Robert, et que Rhaegar n’est pas non plus un Baratheon caché.

    Pas très fan de l’idée que les Bois du cerf représente un symbole phallique…

    Par contre ton rapprochement Louve = symbole de Lyanna, pourquoi pas ! On a encore tellement de zone d’ombre sur cette rébellion !

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par R.Graymarch.
    #123840
    Ser Aemon Belaerys
    • Exterminateur de Sauvageons
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    Déjà relire AGOT à nouveau permet de voir de nouvelles choses, puis aller ensuite lire les analyses et avis des autres c’est purement géniale pour un approfondissement de la saga !

    Voici ce que j’ai à ajouter/proposer :

    Lapin rouge wrote: lorsque Theon découvre le cadavre de la louve, il jure What in the seven hells is it? En français, ça donne : « « Bons dieux ! ». Dommage, on perd les sept enfers. C’est d’ailleurs un peu curieux d’entendre Theon jurer ainsi (même si le primo-lecteur ne peut pas s’en rendre compte) : c’est un Fer-né, élevé dans la religion du dieu Noyé, puis confié à des Nordiens qui prient les anciens dieux. Je doute que Catelyn Tully se soit évertuée à lui enseigner la foi des Sept. Sans doute l’expression « Sept enfers » est-elle devenue courante dans les Sept Couronnes, au-delà des seuls croyants des Sept. J’imagine que c’est une expression comme « Que les Autres l’emportent ». J’ai un vague souvenir d’avoir entendu lu cette expression de la bouche d’un sudiste 🤔 Pourtant les Andals sont arrivés sur Westeros après la Longue Nuit.

    1/ Je pense qu’il faut voir ça comme un athée qui dirait « Oh mon Dieu » parce qu’on entend tellement cette expression générique qu’on la répète pour dire notre étonnement. Également il est possible qu’au moment de l’écriture GRRM n’ait pas encore totalement établi son univers et qu’il n’ait pas encore conçu le Dieu Noyé pour les Fers-Nés, à qui il aurait alors attribué la religion des 7 par opposition aux anciens dieux du Nord.

    2/ Concernant la traduction « ward » en écuyer il est vrai que ce n’est pas le même mot mais il me semble (peut être que je me trompe) qu’il est dit plus tard que Ned prend certes Theon comme pupille/otage suite à la rebellion Greyjoy, mais qu’en même temps il lui donne une éducation tout à fait correct faisant de Theon une personne proche de Robb, qu’il a finalement décidé de traiter comme un de ses propres enfants, et qu’il a pris comme écuyer afin de lui donner plus de raisons d’être avec lui.

    Ce qui m’étonne en disant ça, c’est que le but d’un écuyer est de devenir chevalier et que c’est pas dans les traditions  ni du Nord ni des Iles de Fer.

    3/ « Long night » en « ténébres sempiternelles » alors que c’est « longue nuit », là il y a rien qui le justifie.

    Bon les débats sur les traductions ont déjà été faits, je n’ai pas le niveau d’anglais pour lire en VO mais quand je vois ça, ça me fait penser aux comédiens de doublage qui change des textes parce que ça leur convient pas, ça m’énerve voilà fallait que je le dise !

    Emmalaure wrote: « né avec la mort, la pire des chances »), invite clairement à nous interroger Je n’ai pu m’empêcher de la relever, moi-aussi. Il peut-être bon de rappeler que cet adage ne s’applique pas qu’aux petits loups, mais qu’il concerne aussi trois personnages de la saga au moins : Daenerys et Tyrion, dont les naissances provoquent la mort de leurs mères … et si Jon est bien le fils de Lyanna, on a notre troisième tête malchanceuse. 😉 De là à prédire un avenir tragique à ces personnages …

    4/ J’avais vu (je ne sais plus où) une théorie sur Tyrion qui serait le fils d’Aerys II (qui jalousait Tywin car lui aussi amoureux de Joanna), théorie qui explirait beaucoup de choses mais qui n’a jamais été confirmé. Si cela est vrai, et en ajoutant R+L=J, alors on a les 3 derniers Targaryen de Westeros « nés de la mort ».

    5/ Où est le cerf ? De ce qu’il me semble, on n’aura jamais aucun indice de ce qu’il est devenu ? Est ce que ce genre d’animal peut perdre un bois dans un combat et survivre ?

    -"Comment veux-tu mourir, Tyrion, fils de Tywin ?"
    - "Dans mon lit, à l’âge de 80 ans, le ventre plein de vin et ma queue dans la bouche d’une pute. "

    #123841
    Pandémie
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    Pas très fan de l’idée que les Bois du cerf représente un symbole phallique…

    Par contre ton rapprochement Louve = symbole de Lyanna, pourquoi pas ! On a encore tellement de zone d’ombre sur cette rébellion !

    Je vois pas trop le rapport non plus. Plutôt que la sexualité, je pense que le symbole est plutôt la pulsion de vie de manière générale. La louve était poussée par un besoin impérieux de mettre bas ses louveteaux et devait se nourrir, le cerf voulait éviter de se faire manger. Sans doute que pressée d’arriver à destination au sud d’un Mur où elle n’a pas sa place, elle a peut-être affronter un cerf de bonne taille quand la prudence et sa maternité proche lui auraient normalement fait éviter le danger. Ca préfigure donc pas que la mort d’un Stark, mais aussi le fait que Ned puis Cat vont se retrouver forcés d’aller au sud de leur territoire et mourrir pour la survie de leur enfants, du fait d’un cerf qui ne s’attendait pas à ça. Avec un Jon quelque peu à part.
    Et de manière plus général, la suite montre des générations qui laissent la place à la suivante, souvent brutalement, comme avec la mort de Ned. Beaucoup de PoV, pas que les Stark, ont des parents absents: Dany, Tyrion, Theon, Sam, … Et les PoV parentaux, souvent en sursis, luttent à mort pour leur progéniture.

    #123844
    Lapin rouge
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    Concernant la traduction « ward » en écuyer il est vrai que ce n’est pas le même mot mais il me semble (peut être que je me trompe) qu’il est dit plus tard que Ned prend certes Theon comme pupille/otage suite à la rebellion Greyjoy, mais qu’en même temps il lui donne une éducation tout à fait correct faisant de Theon une personne proche de Robb, qu’il a finalement décidé de traiter comme un de ses propres enfants, et qu’il a pris comme écuyer afin de lui donner plus de raisons d’être avec lui.

    Ce qui m’étonne en disant ça, c’est que le but d’un écuyer est de devenir chevalier et que c’est pas dans les traditions ni du Nord ni des Iles de Fer.

    Mais on a aucun passage en VO qualifiant Theon de squire, donc on ne peut pas en faire un écuyer.

    Où est le cerf ? De ce qu’il me semble, on n’aura jamais aucun indice de ce qu’il est devenu ? Est ce que ce genre d’animal peut perdre un bois dans un combat et survivre ?

    A priori oui. Rien ne prouve que le cerf soit mort dans le combat, même s’il a probablement été au moins blessé (j’imagine mal un cerf se tirer sans égratignure d’un combat contre une louve géante, même enceinte jusqu’aux yeux).

    Autre chose sur l’albinisme du futur Fantôme : c’est un albinisme très particulier, puisque le loup n’a aucune des caractéristiques négatives des albinos (mauvaise vision, sensibilité au soleil), il en a juste l’apparence (fourrure blanche et yeux rouges). Mais Freuxsanglant non plus (c’est un as à l’arc). Donc on a une utilisation de l’albinisme par GRRM plus littéraire que scientifique.

    They can keep their heaven. When I die, I’d sooner go to Middle Earth.
    #123845
    Eridan
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    La louve comme symbole unique de Lyanna ne me convainc pas non-plus. Outre le fait qu’elle n’a effectivement pas été touchée par un Baratheon pour ce qu’on en sait, elle n’a pas non-plus donné naissance à une portée de six enfants, dont un albinos. La symbolique que les personnages ou les lecteurs accordent à cette situation (associer la louve aux Stark en général, élément renforcé par le fait qu’il y a autant de louveteaux que d’enfants Stark) me semble plus logique.

    4/ J’avais vu (je ne sais plus où) une théorie sur Tyrion qui serait le fils d’Aerys II (qui jalousait Tywin car lui aussi amoureux de Joanna), théorie qui explirait beaucoup de choses mais qui n’a jamais été confirmé. Si cela est vrai, et en ajoutant R+L=J, alors on a les 3 derniers Targaryen de Westeros « nés de la mort ».

    C’est la fameuse théorie « Tyrion Targaryen » . Souvent évoquée par les lecteurs, jamais confirmée par la série et encore en attente dans les livres. Il y a des arguments pour et des arguments contre. J’ai commencé à les rassembler, mais il m’en manque encore beaucoup avant d’envisager une publication (blog ou forum). 😉

    3/ « Long night » en « ténébres sempiternelles » alors que c’est « longue nuit », là il y a rien qui le justifie.

    Ca peut s’expliquer en se disant que c’est le premier chapitre et que Jean Sola ne savait pas encore où les bouquins allaient. 😉
    Cette première évocation de la Longue Nuit est tout de même très obscure, donnant très peu d’information sur ce qu’elle désigne. On n’en entendra plus parler avant Tyrion III (évoquée, la encore) puis ensuite, Bran IV où Vieille Nan nous en apprendra enfin un peu plus. Que le traducteur s’égare à ce stade ne m’étonne pas, et la formule est mignonette ^^ Reste que pour commenter le texte, la vo est plus judicieuse, du coup.

    2/ Concernant la traduction « ward » en écuyer il est vrai que ce n’est pas le même mot mais il me semble (peut être que je me trompe) qu’il est dit plus tard que Ned prend certes Theon comme pupille/otage suite à la rebellion Greyjoy, mais qu’en même temps il lui donne une éducation tout à fait correct faisant de Theon une personne proche de Robb, qu’il a finalement décidé de traiter comme un de ses propres enfants, et qu’il a pris comme écuyer afin de lui donner plus de raisons d’être avec lui. Ce qui m’étonne en disant ça, c’est que le but d’un écuyer est de devenir chevalier et que c’est pas dans les traditions ni du Nord ni des Iles de Fer.

    Il n’y avait bel et bien que dans ce chapitre et seulement en vf que Theon était présenté comme « écuyer » d’Eddard. C’est donc bien une erreur de la vf.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #123852
    Tizun Thane
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    Projet de relecture fascinant.

    Vous vous arrêtez sur le fait que Fantôme a les yeux ouverts ou qu’il a été retrouvé loin et après les autres … Mais sérieux, le fait qu’il soit albinos dérange personne ? ^^ Là, tout de suite, personne ne pense à Freuxsanglant ? ^^ ( #complot-des-corbeaux #petitcomplotfacileentreamis ) Faut que ce soit moi qui le dise alors que j’y crois si peu

    Oui, et il existe un troisième élément non mentionné. On apprendra par la suite que Fantôme est muet et silencieux, d’où son nom. Or, si Jon fait demi-tour pour récupérer Fantôme, c’est parce qu’il est le seul (le seul!) à l’avoir entendu gémir.

    C’est intéressant, parce que ça pointe déjà le lien mystique entre les deux, qui s’ajoute au lien symbolique (à part du reste de la portée).

    #123895
    Pandémie
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    Projet de relecture fascinant.

    Vous vous arrêtez sur le fait que Fantôme a les yeux ouverts ou qu’il a été retrouvé loin et après les autres … Mais sérieux, le fait qu’il soit albinos dérange personne ? ^^ Là, tout de suite, personne ne pense à Freuxsanglant ? ^^ ( #complot-des-corbeaux #petitcomplotfacileentreamis ) Faut que ce soit moi qui le dise alors que j’y crois si peu

    Oui, et il existe un troisième élément non mentionné. On apprendra par la suite que Fantôme est muet et silencieux, d’où son nom. Or, si Jon fait demi-tour pour récupérer Fantôme, c’est parce qu’il est le seul (le seul!) à l’avoir entendu gémir.

    C’est intéressant, parce que ça pointe déjà le lien mystique entre les deux, qui s’ajoute au lien symbolique (à part du reste de la portée).

    Hum… Jon a juste entendu « that », c’est le chiot de Bran qui gémit. Ce « ça » peut être le louveteau qui a bougé et fait craquer une branche et Jon était mieux placé sous le vent et plus intéressé par ce qu’il y avait autour de lui que Bran (explication rationnelle) ou Jon a été « appelé » mais du coup ça peut aussi être mental ou pas le chiot mais la Corneille (explication change-peauesque). En tout cas j’ai pas souvenir de Jon parlant de Fantôme émettant des sons jeunes et plus après. S’il le fait c’est dans un autre chapitre.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par R.Graymarch.
    #123914
    Yavanna
    • Patrouilleur Expérimenté
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    En lisant ce chapitre, j’étais encore dans l’esprit d’épouvante du chapitre précédent, et ce coup du malaise devant le cadavre m’avait fortement marquée ; je me souviens que ça m’avait fait bizarre de pas comprendre pourquoi les personnages se sentent si mal à l’aise. Mais si on fait abstraction des symboles stark/baratheon, il y a de nombreuses raisons d’être mal à l’aise : un monstre qui n’existait plus au sud du mur est présent ; typiquement, la descente des animaux vers le sud est toujours le signe d’un changement de saison, en l’occurrence de l’hiver ; un cerf a tué un loup, c’est-à-dire que c’est la proie qui a tué le prédateur ; on a donc un renversement de l’ordre naturel, ce qui, dans la pensée superstitieuse, est source d’angoisse ; auquel s’ajoute la naissance des louveteaux dans la mort, encore mauvais présage. Je crois aussi que cet événement nous invite à ne pas baisser notre garde par rapport au chapitre précédent ; on ne passe pas de l’angoisse complète à une situation idyllique : la mort est toujours présente, le mystère aussi, même s’il est ensuite assourdi par des petits chiots trop mims.

    Pour ceux qui se posent la question de comment s’est échappé Gared, j’ai toujours pensé qu’il était passé par la région du Pont des Cranes. Il est dit plus tard que le Mur est pas tout un obstacle à cet endroit là et que de petits groupes ou une personne seule peuvent passer sans trop de difficultés. Perso, je crois pas du tout à la connaissance de la part d’aucun frère noir de la Porte Noire.

    La seule chose qui me gêne un peu dans ce chapitre de Bran, c’est l’inadéquation entre l’âge de Bran et la façon dont il organise sa pensée. Je ne saurais pas trop utiliser le texte pour exprimer ce sentiment, mais j’ai toujours eu l’impression que Martin était pas très à l’aise pour montrer les pensées des jeunes enfants ; d’ailleurs, dès que Bran a vécu son traumatisme, et qu’il devient « l’enfant triste », ce qui le pousse à murir très vite, je n’ai plus ce sentiment. Remarquez, c’est pas tant dans les dialogues que j’ai cette impression, mais dans les parties de discours interne. En même temps, j’ai conscience que c’est aussi le côté « exposition » du chapitre qui engendre cet effet un peu artificiel à mes yeux.

    #123915
    Aurore
    • Fléau des Autres
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    mais j’ai toujours eu l’impression que Martin était pas très à l’aise pour montrer les pensées des jeunes enfants .

    Impression justifiée et reconnue par l’auteur lui-même, puisque GRRM a avoué que ce sont les PoV de Bran qui lui posent le plus de problèmes.

    #123920
    Beffroid
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    Idées venues en mode lecture

    Un chapitre où le monde idéal de Bran est rempli de magie et d’affection familiale, entre

    • les premiers contes de vieille Nan : la VO parle d’une « collaboration » d’humains avec les Autres pendant la Long Night
    • Ned qui raconte lui aussi des histoires sur les enfants de la forêt
    • la lame forgée par magie
    • le chiot qui réagit « comme si il avait entendu ou compris », plus probablement est sensible aux émotions de Bran. Jon « entend » aussi l’appel du sien.
    • et bien sûr le signe de la louve, auquel tout le monde semble croire, (même Ned est perturbé, et soulagé que l’adoption des petits détourne l’attention). Elle a franchi le Mur d’une façon inexpliquée. Elle est morte à cause d’un andouiller. Ses petits sont présumés nés de la mort. A la base un message très négatif envoyé aux Stark, et qui est récupéré par les enfants comme un symbole de leur attachement à leur famille. (curieux contraste avec la recommandation de « ne pas détourner les yeux »)

    Partons en théories. Admettons Gared comme responsable de la venue de Stark dans les environs, et la louve pilotée jusque là par un zoman lointain. Mais qu’elle donne naissance au nombre exact de petits ? Qu’elle meure de cette façon précise, qui a un sens ? Que Jon et Robb soient attirés à cet endroit précis (Vu son état de décomposition, la louve était déjà morte et ici à l’aller, et aurait très bien pu ne pas être trouvée au retour non plus, avec la neige haute qui dissimule son corps)? Même le timing est minuté (entre le moment où les petits naissent et celui où ils meurent de froid). Cela fait beaucoup de coïncidences. On peut envisager quelqu’un sur place pour arranger l’accident, s’occuper des petits après la mort de leur mère et faire disparaître (ou ajouter) un louveteau afin que leur nombre coïncide, quelqu’un qui veille à ce que la louve soit trouvée ?

    On retrouve aussi en filigrane pas mal de morale Stark, que le lecteur est invité à admettre comme bases pour cet univers :

    • les sauvageons sont mauvais parce qu’ils enlèvent des femmes et seraient des esclavagistes ;
    • un bon chef tue lui-même ceux qu’il condamne, contrairement aux Targaryen ou à Robert, dont Ned n’a donc pas une si grande estime ;
    • le courage n’est pas utile au quotidien, il faut de l’honneur et du devoir (se parjurer est le pire des crimes) ;
    • c’est normal qu’un bâtard soit traité différemment, mais pas trop quand même ;
    • un père qui aime ses fils leur cède (Jon ou Robb, passe encore, mais Rickon ?? confier le dressage d’un « monstre » capable d’arracher des épaules à un enfant de 3 ans??) Je trouve que Ned en sait beaucoup sur le caractère et le dressage d’un espèce « disparue »…

     

    Autres réflexions

    C’est vrai qu’on ne parle pas beaucoup de Robb. Il n’est esquissé que par contraste avec Jon. Comme les garçons semblent avoir soigneusement préparé l’adoption des « chiots », pensez-vous que la version officielle (c’est Robb qui les a trouvés), soit exacte ?

    Quelle entrée en matière pour Theon ! Et vous, à quel moment vous est-il redevenu intéressant ? (j’ai du attendre son avant dernier chapitre de ADWD)

    Les références à la bâtardise de Jon. Elles donnent un minimum de cadre au lecteur, et surtout lui offrent l’occasion de faire un noble sacrifice (Vous ne pensez pas que si on avait annoncé à Ned 6 louveteaux pour 6 enfants il aurait quand même dit oui ?).

    Le groupe est choqué par la cause de la mort de la louve : parce que l’andouiller est un symbole identifié du Roi (Catelyn y pensera)? Parce que tous les symboles ont plusieurs sens (ils pourraient voir la maison Corbois, ou alors un conte quelconque)? Parce que c’est une proie qui tue un prédateur ? Parce que autre chose (cf ci-dessous)?

    Une pensée émue pour touts les événements intéressants pour le lecteur que le POV ne remarque pas (dédicace à la nuit passée par Brienne dans le bateau Fille du Titan), et à ceux dont le lecteur ne saura jamais rien.

    C’est amusant en effet que Theon évoque the sevens hells des andals, comme Ned qui évoquera the older way fer-née dans la suite des livres.

    "Il va de soi que la stabilité, en tant que spectacle, n'arrive pas à la cheville de l'instabilité. Le bonheur n'est jamais grandiose." Aldous Huxley

    #123921
    Pat le petit porcher
    • Patrouilleur du Dimanche
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    Pour abonder dans le sens que le portrait de Jon est faussé, du fait qu’on le voit par le regard de Bran, il me semble que quand ce dernier lui prête « abnégation » et « générosité », quelque chose lui échappe. C’est Jon qui souligne, assez lourdement, sa propre bâtardise, en ayant l’air d’accepter le plus sereinement du monde le rang inférieur qu’elle lui vaut. Or les chapitres ultérieurs montreront bien que l’amertume quant à cette bâtardise est l’un des traits principaux de la personnalité de Jon à ce stade de la saga (et sur ce point, Sansa, si exaspérante qu’elle puisse être par sa condescendance, se révèle sans doute plus lucide que Bran). On peut donc se demander si son joli discours à la « Oh, moi, je suis un Snow, pas un Stark, je ne demande pas à recevoir ce qui est dû aux Stark », n’est pas en fait aussi une manière voilée d’interpeller Ned en sous-entendant : « Rien n’est dû au bâtard, je l’ai bien compris. Cela vous fait-il plaisir que j’aie l’air de l’accepter ? »

    Pour le passage sur l’andouiller, j’ai du mal avec l’idée que le malaise des personnages pourrait signifier simplement qu’ils y voient le signe d’un hiver terrible, un renversement de l’ordre naturel, etc. En effet, si tel était le cas, il serait naturel que certains d’entre eux formulent explicitement de telles pensées. Au moment de la découverte de la louve, Jory n’hésite pas à dire carrément que c’est un signe, et de manière générale je n’ai pas l’impression que dans la saga les Nordiens aient une gêne à parler de l’hiver et de ses terreurs. Le silence brutal quand on se rend compte que c’est un andouiller qui a tué la louve semble indiquer que là, tout le monde prend conscience qu’on s’approche d’un sujet qu’il vaut mieux ne pas aborder. D’accord, à ce moment personne n’a encore la moindre raison objective de penser que les Baratheon vont causer la ruine des Stark. Mais je pense qu’il y a bien quelque chose qui peut inciter les personnages eux-mêmes à faire une lecture symbolique de cet affrontement entre un loup géant et un cerf, sans oser le dire : l’exécration de Ned pour le sud et la cour royale, même s’il aime le roi comme un frère, exécration dont il répugne fortement à évoquer les motifs. On sait par les chapitres de Catelyn à quel point il est renfermé en ce qui concerne les événements qui se sont passés quinze ans plus tôt (elle ne sait même pas, comme son premier chapitre le révèle, les vraies raisons de son aversion pour les Lannister, et jamais il ne lui a parlé de la façon dont sont morts Rickard et Brandon). Le deuxième chapitre de Cat révèle aussi que Ned n’associe pas simplement la mort de son père à la démence d’Aerys, mais plus généralement au sud. Depuis toujours, Ned considère la cour royale comme un nid de vipères où prospèrent des êtres qui le dégoûtent (comme Varys ou Jaime). Mais il ne s’exprime pas volontiers sur ces sujets. Il est donc plausible que, depuis bien longtemps, les hommes de Ned aient le sentiment qu’il vaut mieux ne pas trop parler à leur seigneur de ce qui se passe dans la maison royale. Et il est probable qu’à Winterfell, le traumatisme de la mise à mort du seigneur précédent et de son héritier sur ordre d’un roi est encore très présent, ce qui prédispose les Nordiens à penser à une destruction des Stark par le Trône de Fer, même si le roi actuel est un ami de leur seigneur.

    #123924
    Eridan
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    Pour abonder dans le sens que le portrait de Jon est faussé, du fait qu’on le voit par le regard de Bran, il me semble que quand ce dernier lui prête « abnégation » et « générosité », quelque chose lui échappe. C’est Jon qui souligne, assez lourdement, sa propre bâtardise, en ayant l’air d’accepter le plus sereinement du monde le rang inférieur qu’elle lui vaut. Or les chapitres ultérieurs montreront bien que l’amertume quant à cette bâtardise est l’un des traits principaux de la personnalité de Jon à ce stade de la saga (et sur ce point, Sansa, si exaspérante qu’elle puisse être par sa condescendance, se révèle sans doute plus lucide que Bran). On peut donc se demander si son joli discours à la « Oh, moi, je suis un Snow, pas un Stark, je ne demande pas à recevoir ce qui est dû aux Stark », n’est pas en fait aussi une manière voilée d’interpeller Ned en sous-entendant : « Rien n’est dû au bâtard, je l’ai bien compris. Cela vous fait-il plaisir que j’aie l’air de l’accepter ? »

    C’est allé chercher bien loin. Certes, Jon anticipe sans doute l’effet que son renoncement aura sur Eddard, mais de là à penser qu’il y met un message codé … Jon a tellement bien admis qu’en tant que Snow, il ne pourra pas obtenir ce qui revient aux Stark qu’il va tenter dès son premier chapitre de fuir les Stark en rejoignant la Garde de Nuit, et pas pour interpeller Ned, mais bien pour s’émanciper et pour se tailler sa propre place dans le monde, loin de cet héritage qu’il désire et qui lui est refusé par avance.

    On peut envisager quelqu’un sur place pour arranger l’accident, s’occuper des petits après la mort de leur mère et faire disparaître (ou ajouter) un louveteau afin que leur nombre coïncide, quelqu’un qui veille à ce que la louve soit trouvée ?

    C’est assez classique de chercher une volonté humaine cachée dans un enchaînement de circonstances et d’événements, lorsque leur agencement paraît aussi exceptionnel et parfait. Ici, on pourrait parfaitement imaginer que Freuxsanglant a mis en scène l’ensemble du chapitre. Il semble avoir les moyens de le faire grâce à ses pouvoirs de change-peau et il a aussi un très bon mobile : les louveteaux vont permettre aux enfants Stark d’éveiller leur propres pouvoirs et ils serviront plusieurs fois dans l’intrigue.

    Une intervention de Freuxsanglant est envisageable. La seule autre volonté humaine que je vois sinon derrière ces événements est celle de l’auteur, qui veut nous régaler avec une bonne histoire et met en place des éléments intéressant pour se faire. 😉

    un bon chef tue lui-même ceux qu’il condamne, contrairement aux Targaryen ou à Robert, dont Ned n’a donc pas une si grande estime ;

    Ned n’est pas d’accord avec toutes les décisions de Robert, mais il l’estime tout de même. Il explique simplement que leur tradition est plus ancienne et il expose les éléments philosophique qui rendent cette tradition meilleure d’après lui. Pour autant, il n’y a pas de remise en cause de la tradition suivi au sud, par Robert, par les Targaryen ou par la plupart des sudiers.

    Comme les garçons semblent avoir soigneusement préparé l’adoption des « chiots », pensez-vous que la version officielle (c’est Robb qui les a trouvés), soit exacte ?

    Pour moi, ils n’ont rien préparé : la réaction de Bran était imprévisible pour eux, de même qu’on ne pouvait être complètement sûr de la réaction des autres. Ils ont simplement eu un moment d’émerveillement et un réflexe de protection devant des bébés.

    Et vous, à quel moment vous est-il redevenu intéressant ?

    A la relecture et seulement après une discussion avec quelqu’un qui avait bien compris le personnage et ses tourments. 😉

    Vous ne pensez pas que si on avait annoncé à Ned 6 louveteaux pour 6 enfants il aurait quand même dit oui ?

    Avec des « si » … ^^

    ils pourraient voir la maison Corbois

    Les personnage auraient pu confondre la ramure d’un cerf avec celle d’un orignal ?

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    #123931
    Obsidienne
    • Pisteur de Géants
    • Posts : 1043

    A propos de l’âge des jeunes personnages, j’ai toujours été frappée par le choix de l’auteur de les faire si jeunes et si mûrs : voir Robb chef de guerre à 14 ans et quelques, considéré comme « homme fait », Bran qui prendra sa place à Winterfell et la tiendra parfaitement à 8 ans environ, Arya qui survit sur les routes à moins de 10 ans…

    A propos de « clins d’œil »  :

    –  la louve est tuée par un andouiller, bien proche des « dagues », bois des jeunes chevreuils (« daguets » en français comme en anglais) et Bran manquera de peu d’être assassiné par une dague (« dagger », en anglais)
    –  Hullen  préconise de tuer les louveteaux « par miséricorde », argument qui sera redit par l’agresseur de Bran

    –  agresseur qui pue l’écurie, domaine de Hullen

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par Obsidienne.
    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par R.Graymarch.

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
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    #123933
    Pat le petit porcher
    • Patrouilleur du Dimanche
    • Posts : 106

    Je ne sais pas trop ce que tu veux dire en déclarant que Jon a « bien admis » qu’il n’a pas droit à ce qu’ont les Stark. Si c’est qu’il sait que la situation est ainsi, et qu’il cherche à s’y adapter, certainement. Mais que sur le plan affectif, il l’accepte, ça non : il faut un certain nombre de chapitres dans AGOT, et bien des rencontres, pour que Jon cesse de vivre sa bâtardise comme une blessure douloureuse.

    Dans ce premier chapitre, son insistance sur sa propre bâtardise me fait penser au comportement de certaines personnes qui, quand elles se trouvent en présence de gens qui ont fait une école plus prestigieuse, passé un concours plus difficile, etc., ne manquent pas une occasion de rappeler que, elles, elles n’ont pas un parcours aussi brillant, qu’elles se reconnaissent inférieures… c’est bien plus une manière d’exprimer son amertume, et de gêner l’interlocuteur, qu’autre chose. Et j’ai l’impression qu’il en va de même pour Jon : quand Ned lui demande s’il ne veut pas un louveteau pour lui, il pourrait très bien se contenter de répondre « Non merci », mais non, il faut qu’il en rajoute une couche en disant « Je suis un Snow, pas un Stark ». Je vais peut-être chercher trop loin, mais je trouve que cette attitude s’explique mieux par la rancœur que par l’abnégation.

    #123944
    Eridan
    • Vervoyant
    • Posts : 6013

    A propos de l’âge des jeunes personnages, j’ai toujours été frappée par le choix de l’auteur de les faire si jeunes et si mûrs : voir Robb chef de guerre à 14 ans et quelques, considéré comme « homme fait », Bran qui prendra sa place à Winterfell et la tiendra parfaitement à 8 ans environ, Arya qui survit sur les routes à mois de 10 ans…

    C’est un univers difficile, où la moyenne d’âge est basse, donc forcément, les personnages sont plus vite obligés de prendre des responsabilités et de « devenir adultes » . Ca s’exprime de plusieurs manières différentes : un trentenaire est considéré comme déjà âgé, une vingtenaire s’impatiente de ne pas être déjà mariée, la majorité est à 16 ans et bien souvent, les personnages sont mariés avant même leur majorité. Dans le prochain chapitre, on se rendra compte que Ned a beau être une figure d’autorité bienveillante, il est obligé d’être strict, voire dur avec ses enfants.

    Dans ce premier chapitre, son insistance sur sa propre bâtardise me fait penser au comportement de certaines personnes qui, quand elles se trouvent en présence de gens qui ont fait une école plus prestigieuse, passé un concours plus difficile, etc., ne manquent pas une occasion de rappeler que, elles, elles n’ont pas un parcours aussi brillant, qu’elles se reconnaissent inférieures… c’est bien plus une manière d’exprimer son amertume, et de gêner l’interlocuteur, qu’autre chose. Et j’ai l’impression qu’il en va de même pour Jon : quand Ned lui demande s’il ne veut pas un louveteau pour lui, il pourrait très bien se contenter de répondre « Non merci », mais non, il faut qu’il en rajoute une couche en disant « Je suis un Snow, pas un Stark ». Je vais peut-être chercher trop loin, mais je trouve que cette attitude s’explique mieux par la rancœur que par l’abnégation.

    Je n’y vois pas vraiment de rancœur, mais bel et bien de l’abnégation dont parle Bran et une pointe d’astuce, Jon se servant ici de son statut et de ce qu’il implique pour parvenir à ses fins, malgré le côté douloureux que ça peut avoir pour lui, car il se doute qu’Eddard y sera sensible et qu’il va aiguillonner ainsi la culpabilité paternelle. La rancœur s’exprime peut-être effectivement en filigrane en même temps, mais ce n’est (à mon avis) pas une fin en soi, juste un un moyen dont se sert Jon pour parvenir à son but, qui en cet instant, est bien de sauver les louveteaux.

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    #124038
    Ysilla
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1872

    C’est toujours avec un vif plaisir que j’ai lu hier la présentation de la Corneille et toutes vos contributions qui me font toujours découvrir quelque chose de neuf dans ces chapitres d’AGOT que je m’imagine pourtant connaître par cœur.

    Quelques réflexions en vrac à propos de la contribution d’Emmalaure sur les couleurs rouge et blanche :

    l’image du sang rouge sur la neige blanche que contemple Bran avec fascination

    Récurrence du rouge et du blanc

    Ce couple de couleurs revient deux fois dans le chapitre :

    • La neige saturée par le sang de Gared
    • Le louveteau blanc aux yeux rouges de Jon

    On les retrouvera immédiatement dans le chapitre suivant à travers le PoV de Catelyn qui nous décrit l’écorce blême et les feuilles sanglantes du barral de Winterfell.

    Ces trois occurrences très rapprochées invitent à faire le lien avec Freuxsanglant l’albinos devenu la Corneille intégrée à un barral qui a peut-être (télé)guidé Gared et la louve jusqu’aux Stark.

    Mais on peut aller au-delà d’un symbolisme interne au texte.

    Au-delà (sans jeu de mots 😉) de Freuxsanglant

    La Corneille dont Feuille dit qu’il est à la fois vivant et mort peut être assimilé à un Hadès trônant dans les Enfers – sa grotte dans le fond de laquelle coule une rivière – cf les fleuves des Enfers – est tapissée de crânes et cernée par des spectres.

    Most of him has gone into the tree,” explained the singer Meera called Leaf. “He has lived beyond his mortal span, and yet he lingers.

    La plus grande part de lui est passée dans l’arbre, expliqua la chanteuse que Meera appelait Feuille. Il a vécu au-delà de son temps mortel, et cependant il s’attarde. ADWD 35, Bran III

    Le Nord est le royaume des morts

    Le Nord (je veux dire le vrai Nord) peut être considéré comme une représentation horizontale du royaume des morts : il est littéralement situé dans un Au-delà auquel on accède en descendant dans un tunnel (Châteaunoir) ou en passant par une porte souterraine (Fort-Nox), ce qui apparente tout voyage au-delà du Mur à une catabase ou descente aux Enfers = le royaume des morts (cf. Orphée, Énée, Er, Dante – et Ulysse, quoique techniquement il s’agisse dans son cas d’une nékuia ou invocation des morts par un sacrifice sans descente physique).

    Le rouge et le blanc sont les couleurs de l’Autre Monde

    Or , dans la mythologie galloise, Arawn ou  Annwn (littéralement « celui qui est en-dessous », c’est-à-dire dans l’Au-delà) est le roi de l’Autre Monde = le Sidh des Irlandais et les  bêtes de son troupeau sont blanches aux oreilles rouges , deux couleurs qui chez les Celtes signent l’appartenance à l’Autre Monde, situé pour eux au Nord du monde.

    On retrouve ce symbolisme dans la description de la Corneille à travers le PoV de Bran :

    The only thing that looked alive in the pale ruin that was his face was his one red eye, burning like the last coal in a dead fire, surrounded by twisted roots and tatters of leathery white skin hanging off a yellowed skull.

    Dans la ruine blafarde de son visage, la seule chose qui parût vraiment vivante était l’escarboucle de son œil unique, ardant comme l’ultime braise d’un foyer expiré, entourée de torsades de racines et de lambeaux de peau blême dont le cuir pendait d’un crâne jauni. ADWD 35, Bran III

    Le rouge et le blanc annoncent les catabases

    Dans le chapitre 2, le couple rouge-blanc, symbole de l’Au-delà est associé à la fois à Bran et Jon, deux personnages qui vont fait l’expérience de la catabase ou descente au royaume des morts.

    Bran va en effectuer quatre : son coma, son séjour dans les cryptes de Winterfell, son passage par la Porte Noire à Fort-Nox et sa descente dans la grotte de la Corneille au terme d’un voyage physique dans le Nord ;

    Jon, lui, effectue ses catabases selon un schéma à peu près inversé : d’abord un voyage physique dans le Nord dont le retour est précédé d’une descente dans une grotte – avec Ygritte – juste avant sa remontée – qui est littéralement une anabase puisqu’il escalade le Mur – Il descend aussi en songe à plusieurs reprises dans les cryptes de Winterfell et termine par une (apparente ?) mort, poignardé dans ADWD.

    La Corneille-Freuxsanglant marque donc de ses couleurs les deux personnages qui jouent un rôle dans l’Au-delà (du Mur), deux couleurs que GRRM n’a pas choisies au hasard, puisant très largement pour tout ce qui concerne le Nord et l’hiver qui vient à l’imaginaire celtique (et aussi nordique mais ceci est une autre histoire).

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #124040
    Samyriana
    • Pas Trouillard
    • Posts : 607

    Merci Ysilla pour cette analyse très très intéressante, j’aime beaucoup cette idée.

    "Des chefs de guerre, y en a de toutes sortes. Mais une fois de temps en temps, il en sort un, exceptionnel. Un héros. Une légende. Des chefs comme ça, y en a presque jamais. Et tu sais ce que c'est, leur pouvoir secret? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles."

    #124043
    Obsidienne
    • Pisteur de Géants
    • Posts : 1043

    Merci, Ysilla, pour ce cours de mythologie, très éclairant : je ne doute plus de l’influence de La Corneille.

    Du coup, en cherchant des précisions sur l’anabase, j’ai découvert la nekyia qui évoque bien le rituel de « renaissance » de Khal Drogo avec convocation des ombres, à cette différence qu’il ne s’agit pas dans le livre de divination.

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
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    #124044
    Eridan
    • Vervoyant
    • Posts : 6013

    Il y aurait tellement de choses passionnante à dire sur les couleurs. Je me souviens d’un ancien message (peut-être existe-t-il encore dans certaine des archives pdf qu’on a sauvé ?) qui traçait un parallèle avec l’alchimie et la réalisation du grand œuvre (la pierre philosophale), qui repose sur quatre étapes fondamentale : le noircissement, le blanchiment, le jaunissement et la teinture en rouge/violet. Si je me souviens bien, le message s’axait essentiellement autour de Jon, qui « prend le noir » dans AGOT, se rapproche des sauvageons et de l’hiver blanc dans ACOK et ASOS … le jaunissement pourrait correspondre à sa prise de responsabilité en temps que lord Commandant (ASOS – ADWD) ou comme chef des rebelles anti-Bolton (si survie/résurrection dans TWOW). Le rouge serait dès lors soit sa mort/résurrection dans ADWD-TWOW, soit une étape encore inconnue des prochains livres ?

    Freuxsanglant a sans doute une évolution similaire (encore que son jaunissement est peut-être plus proche d’un verdissement ? ^^)

    Même si je reste assez sceptique face à ces interprétations symboliques en général, je les trouve tout de même intéressantes. 😉

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #124074
    Ysilla
    • Terreur des Spectres
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    Je voudrais revenir dans ce post sur la première apparition de Jon et de Theon dans ce chapitre 2. ( tout en débordant largement sur le reste de l’oeuvre)

    Entente de Jon et Robb

    Les différences physiques et de caractère entre Jon et Robb ont déjà été soulignées. Cependant les différences de caractère entre Robb et Jon – pour faire vite, l’un est extraverti, l’autre intraverti – ne les empêchent pas de très bien s’entendre tout en s’affrontant dans une saine émulation comme en témoigne la course dans laquelle ils se défient. On remarque que Theon Greyjoy n’est pas convié à leurs jeux.

    Animosité entre Jon et Theon

    Or le chapitre 2 nous invite à comparer Jon à Theon avec lequel le bâtard de Ned Stark entretient une franche rivalité acerbe : il le traite de crétin et lui rabat son caquet deux fois à propos des loups.

    L’opposition avec Theon s’explique aussi par la concurrence qui s’établit naturellement entre eux à cause de leurs statuts très particuliers au sein de la famille Stark : l’un, Jon le bâtard n’est pas censé être à la place où il se trouve et cette place peut être remise en cause : Lord Stark n’est nullement obligé de l’élever au château ; être bâtard est une marque d’infamie. L’autre, Theon, nous l’apprendrons par la suite, est l’héritier des Îles de Fer, ce qui nominativement le place au même rang que Robb et donc bien au-dessus de Jon le bâtard. Il est le pupille de lord Stark qui lui donne donc une éducation conforme à son rang ; mais ceci n’est dû qu’à la grande générosité d’Eddard Stark car en réalité, tout prince des îles de Fer qu’il est, Theon Greyjoy est un otage : sa présence à Winterfell garantit le bon comportement de son père Balon Greyjoy, vaincu par le Roi après sa rébellion contre le Trône de fer. Que Balon Greyjoy se révolte de nouveau et Theon sera décapité par Eddard Stark. Sa position est par là même beaucoup plus instable en réalité que celle de Jon. En cela, outre leur complexion physique identique (minceur et teint mat), Jon et Theon se ressemblent par l’inconfort de leur statut à Winterfell mais tous deux assoiffés de reconnaissance, apporteront une réponse radicalement différente.

    Theon Greyjoy et les valeurs « Stark »

    Le personnage de Theon est déjà tout entier dans ce chapitre qui préfigure les actes ultérieurs de Greyjoy et son drame personnel :

    Héritier des Îles de Fer et de leur culture, il n’en vit pas moins, contre son gré, à Winterfell mais aspire inconsciemment à devenir un Stark ; cependant, il n’en possède pas les codes ou n’a pas compris qu’il lui fallait les acquérir ; à sa décharge, reconnaissons qu’il n’est pas considéré comme un Stark, pas plus qu’il ne sera considéré comme un vrai Fer-Né, lors de son retour au pays natal.

    Il a pour circonstances atténuantes d’être (le seul ?) écartelé entre deux identités fantasmées toujours revendiquées sans jamais être totalement assumées ni reconnues. Sans être jamais identifié par les autres comme un Stark, il aurait pu cependant, se comporter comme tel pour devenir, à ses propres yeux au moins, un authentique Stark. Mais Theon Greyjoy va tragiquement confondre l’être et l’avoir : il va penser qu’être Stark c’est posséder Winterfell alors qu’être Stark, c’est se comporter comme un Stark. D’ailleurs, très ironiquement, GRRM a placé dans l’arbre généalogique des Stark, un roi Theon Stark dit le Loup Affamé « The Hungry Wolf », qui devait son surnom au fait qu’il guerroyait en permanence ; il est décrit comme un homme mince tout comme Theon Greyjoy, ayant noué une alliance avec…les Bolton et ayant mené la vie dure aux …Fers-Nés.

    La question de l’identité

    Avec Theon Greyjoy et aussi bien sûr avec Jon Snow le bâtard apparaît déjà dans ce chapitre le grand thème qui irrigue toute l’œuvre : l’identité, une notion complexe regroupant ce qui configure à la fois notre ressemblance et notre dissemblance à Autrui (j’ai failli écrire l’Autre) ; l’œuvre fourmille de personnages ( Theon, Jon, Tyrion, Daenerys et Viserys, Arya, Ramsay, Petyr, Cersei, Brienne, Jaime, Griff le Jeune…) dont le projet intime est de se faire reconnaître pour qui ils sont ou pour qui ils se croient être ou pour qui ils ne sont pas,  ou bien qui n’acceptent pas qui ils sont et veulent devenir autre ou bien dont le devoir est de devenir autre  et d’abandonner qui ils sont.

    « Qui suis-je pour moi ? Qui suis-je pour les autres ? Qui dois-je être ? Puis-je devenir autre en restant moi-même ? Qui est l’autre ? Puis-je savoir qui est l’autre ? » sont les grandes questions qui traversent la Chanson de la Glace et du Feu. Ce sont les réponses à ces questionnements ou le refus d’y répondre qui font avancer les personnages sur leur chemin de vie, ne leur épargnant ni les épreuves ni les erreurs tragiques.

    Theon Greyjoy, le double inversé de Jon Snow

    Jon Theon
    Mince et teint mat Mince et teint mat
    (Demi-)frère de Robb « frère » (d’armes)de Robb par le statut, la camaraderie.
    Veut sauver « Arya » ( Alys Karstark) Sauve « Arya » (Jeyne Poole)
    Considéré comme  « tourne-casaque » Considéré comme « tourne-casaque »
    Respecte Gared mort S’amuse avec la tête de Gared
    Très (trop ?) sérieux Manque de sérieux
    Veut aider Robb ( désertion avortée de Châteaunoir) Trahit Robb pendant la Guerre des Cinq Rois
    Très lié à sa sœur Arya à qui il ressemble En rivalité avec sa sœur Asha
    Considéré par son père, rencontre des aînés qui sont autant de pères de substitution (Jeor Mormont, Qorhin Mimain, Mance Rayder) Remis en cause par son père, c’est un solitaire
    A des amis à la Garde de Nuit Pas d’amis
    Guerrier accompli Guerrier raté

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    #124077
    Liloo75
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    Merci @ysilla pour cette nouvelle analyse fort pertinente.

    La question de l’identité traverse l’œuvre de GRR Martin, tout comme elle traverse nos vies.

    Qui ne s’est jamais demandé : qui suis-je pour moi ? Qui suis-je pour les autres? Pourrais-je devenir quelqu’un d’autre ?

    C’est peut être la clef du succès de cette saga, elle parle à chacun d’entre nous, elle nous renvoie à nos propres questionnements intérieurs.

    Qui ne s’est jamais demandé en lisant GOT : à quelle famille j’appartiendrais si je vivais à Westeros ?

    Quelle est celle dont les valeurs sont plus proches des miennes?

    Et nul besoin d’avoir une épée ou un château pour se connaître.

    Bon, j’ai un peu digressé mais la remarque d’Ysilla sur l’identité et les valeurs m’a interpellée.

     

     

    - De quels diables de dieux parlez-vous, lady Catelyn ? (…) S’il existe vraiment des dieux, pourquoi donc ce monde est-il saturé de douleur et d’iniquité ?
    - Grâce aux êtres de votre espèce.
    - Il n’y a pas d’êtres de mon espèce. Je suis unique.

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