Je n’ai pas lu L’Impératrice du Sel et de la Fortune, mais, sur la recommandation enthousiaste d’Anne Besson à je ne sais plus quelle émission, j’ai lu Les Beaux et les Élus (traduction Mikael Cabon), une version fantastique de Gatsby le Magnifique (que j’ai relu pour l’occasion). Dans ce roman, la narratrice est Jordan Baker, personnage secondaire du roman originel. Nghi Vo en fait une Viêtnamo-américaine, adepte de la magie du papier découpé, et confrontée au racisme de la société américaine. C’est donc l’occasion d’aborder des thématiques absentes du roman de Fitzgerald : le racisme donc, mais aussi la place des femmes, la sexualité (beaucoup plus diverse dans ce roman que dans l’originel et dans les USA historiques des années 20). La trame d’ensemble du roman est cependant respectée (notamment les dialogues impliquant Jordan Baker me semblent identiques dans les deux œuvres), on retrouve donc les fêtes échevelées données chez Gatsby, l’amour passionné de celui-ci pour Daisy, etc.
Je n’ai pas été convaincu par ce roman. L’apport du fantastique est quasi-nul (il ne joue aucun rôle ni dans l’intrigue, ni dans la caractérisation des personnages), c’est juste un élément supplémentaire du décor. Le changement de point de vue permet une lecture renouvelée de l’intrigue, mais la greffe n’a pas pris pour moi : les thématiques du roman initial (la nostalgie, la passion amoureuse, les illusions de l’ascension sociale) sont toujours présentes, mais atténuées, et les nouvelles (le racisme, le féminisme) s’y ajoutent, mais sans vraiment s’harmoniser. Le risque avec ce genre de recréation d’un classique, c’est que la comparaison entre les deux œuvres se fassent au détriment de la nouvelle, et c’est ce qui s’est passé pour moi.
They can keep their heaven. When I die, I’d sooner go to Middle Earth.