[CES] Mélodies éphémères

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    JN
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    [HRP: Topic recensant tout les RPs de Finn, postés jusque là sur le forum temporaire CES, ainsi que le dernier RP de JOH.]

    JOH – “Destiné au billot”

    Spoiler:
    An de grâce 217, lunaison six. Porte du Lion, Port-Réal.

    « Avez-vous des dernières paroles avant de rejoindre vos amis aux Sept Enfers ? 
    – Miaou. »

    Mais quel con. C’est quoi comme genre de dernières paroles, ça ?

    Son long monologue au procès avait probablement épuisé toutes ses ressources de vocabulaire et de bien-parlé qui fascinaient tant son premier amour. La seule chose qui lui venait en tête, au moment le plus crucial de sa vie, c’était un miaulement.

    Il se mit à genoux, sans réellement avoir le choix. L’idée de courir à travers la foule lui traversa l’esprit, quitte à se faire lyncher… mais où est-ce que cela le mènerait ? Et le voulait-il vraiment ? Il n’y avait rien à faire, la mort semblait la seule issue possible, mais surtout, la seule issue que Johann voulait emprunter.

    Tout ça pour ça.

    C’est vrai que ça fait un peu pitié comme derniers mots. Bon, j’ai rien d’autre à dire, en même temps.

    Un abruti à moitié saoul venait d’interrompre l’exécution en interpellant Ser Nermont, situé à l’arrière de la place. Le bourreau crut d’abord qu’on l’interpellait lui, et il releva sa hache. 

    Attends… C’est… c’est maintenant. C’est là. Le moment où je vois défiler toute ma vie, tout ça ? C’est quoi cette arnaque ? Je vois que dalle, moi.

    L’est où la lumière là ?

    Ses battements de cœur redoublaient de vitesse, la sueur coulait le long de son front, mais aucun signe de ce qui allait l’attendre après. Si quelque chose l’attendait. Cet instant inattendu, ce retardement, c’était peut-être la dernière occasion qu’il lui rester pour se souvenir une dernière fois de ce à quoi il tenait le plus.

    C’est vrai que ça aurait bientôt fait six ans…

    An de grâce 211, lunaison neuf. Une ferme des Terres de l’Orage.

    Adossés sur la vieille porte en bois, épaule contre épaule, ils fixaient tout deux, pensifs et rêveurs, les grandes étendues herbeuses. Quelques échardes leur démangeaient le dos mais ils n’en avaient cure.  Le chat noir devant eux, passant par là, s’arrêta pour les observer curieusement, avant de continuer son chemin. 

    Elle échappa un sourire. D’un léger regard en biais, il le remarqua, et sourit à son tour. 

    « Tu sais… On risque de rester quelques mois ici, dit-il.
    – Y se passe un truc particulier ? 
    – Le vieux est crevé, il en a marre de bouger. Il pense se reposer un peu en s’installant. Et il voulait absolument voir le barde de passage.
    – C’est pas comme si on allait se plaindre de se voir plus souvent » répondit-elle en ricanant.

    Impossible d’avoir des yeux aussi brillants. Gris et clairs, on dirait presque une Nordienne. Et ce visage… Y’a qu’à Lys où les gens sont aussi fins et pâles. C’est bien à Lys, non? Qu’est-ce que j’en sais, moi…

    Le temps commença à se faire maussade lorsque que son cœur se mit à battre de plus en plus vite, alors qu’elle lui saisissait délicatement la main. Une légère brise se fit sentir et les cheveux de Victoire vinrent caresser ses joues.

    Elle s’exclama, tandis qu’il sentit son souffle sur sa nuque :
    « On… on s’y remet ?
    – Maintenant ? Mais s’ils nous voient ? 
    – Quelle importance ? C’est un secret pour personne… Et nos vieux y voient pas d’mal.
    – Bon, soit… »

    Ils se fixèrent quelques secondes, hors du temps. 

    Victoire saisi l’épée en bois et tenta de le frapper de front. Mais la discrétion n’était pas son fort, et Johann commençait à acquérir des réflexes. Il baissa la tête de justesse et ramassa la sienne pour parer le second coup.

    « Tu croyais vraiment qu’un coup pareil allait marcher ? Comme si tu allais me laisser l’initiative un jour.
    – En effet. Jamais. », rétorqua-t-elle fièrement, d’un air malicieux.

    Il se releva, et les deux se jaugèrent quelques secondes, se tournant autour, sourcils froncés et sourires en coin. Elle tenta à nouveau le tout pour le tout et attaqua de front. On ne pouvait nier sa détermination, ni le fait qu’elle ne s’en sortait pas si mal. Maints mercenaires manquaient d’une telle adresse. Mais elle sous-estimait toujours son adversaire et ne faisait que des prévisions simplistes.

    Il parvint à faire un pas de côté au dernier moment, et d’un vif coup de botte, lui envoya de la poussière dans le visage. Il crut avoir l’avantage sur son flanc, mais moins naïve qu’elle le laissait paraître, elle para le coup et s’essuya les yeux en riant.

    Ils continuèrent à s’échanger plusieurs passes d’armes sans réelle rigueur. Si son aîné avait été présent, il aurait sans doute pu leur faire part d’un entraînement plus sérieux, mais Johann s’en moquait, l’important ici ne résidait plus dans la technique, mais dans la véritable danse à laquelle les deux amants s’adonnaient.

    « Tu as… ugh !… entendu les nouvelles ? », peina-t-elle à s’exclamer entre deux frappes.

    « Lesquelles ?
    – Le… Feunoyr ! Daemon… le deuxième. L’ont arrêté… » 

    Elle baissa la tête de justesse.

    «… et emmené au Donjon Rouge.
    – Encore un ? Le dernier est mort il y a quinze ans à peine.
    – Ton frère aîné y était, nan ?
    – Ouais. À Herberouge. Piquier orageois. Il préfère pas en parler. »

    Leur allure se calma et ils parvinrent à parer chacun de leur coup avec aise. Le silence se fit maître des lieux, l’instant de quelques minutes. Elle reprit la parole, presque inquiète.

    « Si jamais… Si jamais y z’en refont une. De révolte… ça… ça va…
    – Ouais, ça serait pas beau à voir.
    – T’irais te battre ? 
    – Qui sait. Ça changerait pas grand-chose à mes plans.
    – Comment ça ?
    – Quoi, comment ça ? »

    Alors qu’il s’apprêtait à improviser une feinte, elle s’arrêta net.

    « Tes plans… Tu veux encore t’engager chez les mercenaires ?
    – Je ne vois pas où est le problème.
    – On a dix-sept ans.
    – Mon frère en avait vingt à Herberouge. Ce serait juste pour quelques combats, histoire de se faire un peu d’argent. Je compte pas reprendre l’affaire familiale, faut bien qu’on aie quelque chose pour vivre.
    – Fait pas l’abruti. Viens travailler avec moi, plutôt. Là-bas c’est du suicide…
    – On finit tous par crever jeunes dans ce monde de merde, que veux-tu…
    – J’t’interdis de dire ça. »

    Tête baissée, ses cheveux de charbon couvraient ses yeux. D’une voix tremblante, elle continua.
    « On… On avait dit qu’on voyagerait… après le mariage…
    – On peut pas partir la bourse vide. Si le vieux clamse, c’est pas dit qu’mon frère, même s’il nous aime bien, pourra nous donner d’quoi voyager. Et tes vieux peuvent rien nous offrir, même s’ils le veulent.
    – Et qu’est-ce qu’on fait si tu clamses avec tes potes mercenaires, hein ? Qu’est-ce qu’on fait si tu crèves avant d’avoir pu voir les neiges du Nord, les fleuves du Conflans… Le port d’Villevieille… Le Mur… 
    – Arrête de flipper, tu veux ? Je crèverai pas. J’rentrerai, on aura un beau pactole pour voyager pendant un bout de temps. 
    – Bien sûr que tu peux crever, t’en sais rien.
    – Si je meurs, ça aura été pour une bonne raison.
    – Tu t’seras même pas battu aux tournois auquel tu voulais tant participer… Les tournois d’chevaliers à la capitale… Comment on fait si t’as pas pu te battre dans les tournois de chevaliers, hein ?
    – Je me battrais pas dans un tournoi idiot, ils me refuseraient de toutes façon. C’est de la parade tout ça, on le sait tout les deux. Si je dois utiliser mon épée, autant que ça nous rappo… »

    Elle le plaqua soudainement contre le mur de pierre, parvenant même jusqu’à le surprendre. Les mains sur ses joues, le regard déterminé, elle s’exclama, à mi-chemin entre colère et peine : « Vis. Vis ! Si tu meurs, tu pourras pas te souvenir de moi. Alors bats-toi. Et vis. »

    An de grâce 217, lunaison six. Porte du Lion, Port-Réal.


    Et nous voilà ici. On peut pas vraiment dire que j’ai contribué à mes chances de survie.

    La perte de sa moitié l’avait déboussolé, mais il refusait de croire à un manque de sens dans les paroles de cette dernière. S’il devait vivre, c’était pour une raison, non ? 

    Il pensait la revoir en réussissant. Cela ne fonctionna pas. Il tenta de montrer sa valeur aux Dieux. Cela ne fonctionna pas. Il tenta de montrer sa valeur aux hommes. Il échoua lamentablement. Il tenta de montrer sa valeur aux démons et aux Enfers, par le vice et le sang. Il échoua lamentablement à nouveau. 

    Tout ce que j’ai fait, pour rien. Rien. A quoi bon vivre si cela ne mène à rien ? S’il s’agit juste de vivre pour vivre… Ça ne vaut pas la peine.

    Peut-être aurait-il dû voyager, malgré l’absence de Victoire. Rejoindre la Garde de Nuit. Ou faire une carrière de mercenaire. Partir à l’est. Mais il était trop tard pour les regrets. Il était désormais un raté, un minable et un criminel, et il devait l’accepter.

    Je m’excuse, Victoire. Je n’aurais pas tant vécu que ça, mais je pense pouvoir dire que je n’en veux plus.

    « Vous avez une deuxième chance pour dire quelque chose », s’exclama la Justice du Roi, s’apprêtant à porter le coup.

    Incapable de répondre quoique ce soit, il regarda au loin, lorsque son regard se posa sur… lui.
    « Miaou  », répondit-il instinctivement.

    Mais quel con.

    FIN – “Présentation”

    Spoiler:
    Son instant de soulagement fut brusquement interrompu par… l’autre imbécile…

    « Qu’est-ce que tu fous, Maro ? Passes-m’en aussi !
    – Ferme-la, Denyo. Boire, c’est pas pour les fillettes. Maintenant va monter la garde, tu veux ?
    – Mais…
    – Y’a pas de ‘mais’. Les bleus ça écoute ses aînés. »

    En position de faiblesse, le jeunot s’exécuta, tête baissée, et s’enfonça dans la forêt. Tant mieux. Maro n’aimait pas les faibles. Tout ce qu’il demandait, c’est qu’ils comprennent où est leur place. C’est pourquoi Denyo n’avait pas le droit à l’erreur. Maro prit sa chope et, se servant directement au chaudron, la remplit à rabord. Il huma à pleines narines le délicieux parfum de la victoire et du soulagement.

    Quoiqu’en pensaient les abrutis de soldats et de chevaliers, la vie de mercenaire n’avait jamais été simple. Un quelconque nobliau les engageait en dernier recours, les envoyant au casse-pipe pour une moindre récompense. Une fois sur le champ de bataille, c’était toujours la même rengaine : ils avaient intérêt à décamper s’ils voulaient profiter des plaisirs de ce monde quelques années supplémentaires… Et là, enfin, il semblait que les Dieux les avaient récompensés pour leurs années de dur labeur.

    Quand leur capitaine, cette putain de Maeve, leur avait annoncé qu’ils avaient été engagés par l’armée du Roi Aerys pour aller destituer un roitelet des Marches de Dorne… C’était l’ordre de trop. Maro, Galeo, Myrio et Joss, une nuit, ont donc décidé de prendre leurs armes, et de se barrer, vite, et loin. Cet abruti de Denyo, la nouvelle recrue, à peine plus âgé qu’une pucelle, les avait suivi et rejoint, sans que Maro et ses compagnons soient foncièrement contre. Qui sait, en cas de problème, il pouvait toujours faire un bon bouc émissaire.

    Ils n’étaient pas parvenu à emmener l’or de la compagnie avec eux, certes. Et ce fut un manque qui se fit vite ressentir au bout de quelques jours de voyage. L’argent ne courait en effet pas les rues… alors autant se servir directement dans les poches, s’étaient-ils dit.
    La discrétion n’était pas leur fort. Et quelques années passées dans une compagnie d’épées-louées, ça vous forge un certain caractère, et pas des plus doux. Les villageois étaient des proies des plus faciles, et à la vue de leur enfants battus et leur conjoints et conjointes morts ou violentés, l’argent coula vite à flots dans les bourses des cinq mercenaires.
    Un imbécile de musicien passant par là avait tenté de s’interposer, au grand dam des paysans et autres marchands effrayés, ne voulant pas aggraver la situation. Mais Maro était du genre malin : un coup de pied dans les côtes et l’abruti était à terre, en boule. Pour la peine, ils lui avaient emprunté sa somptueuse petite harpe dorée, ainsi que ses quelques lunes. Vu la valeur de l’instrument, ils risquaient d’en avoir probablement plus besoin que cet idiot. Pour faire un exemple de quiconque souhaiterait se mettre sur leur chemin, ils n’hésitèrent pas à satisfaire leur pulsions auprès de quelques jeunes paysannes apeurées. Le musicien comprendrait ainsi son erreur d’avoir voulu jouer aux braves sans être prêt à en assumer les conséquences.

    Les poches bien remplies et les visages emplis de joie, ils vu leur chance sourire lorsque, un jour plus tard, ils tombèrent sur un véritable miracle. Entre deux buissons, non loin de la route… un chaudron d’or… Un chaudron d’or ! Rempli d’un vin coloré et parfumé. Leur regards s’échangèrent très rapidement, ils crurent à un piège, à une farce, à une illusion… Il n’en était rien. Seuls les Sept, les Anciens Dieux ou n’importe quels putains d’êtres Tout-puissants pouvaient être à l’origine de ce présent. Il était temps de fêter leur nouvelle vie. C’était un signe divin, celui qu’ils avaient enfin le temps de pouvoir profiter sans se soucier du lendemain.

    Le soir même, autour d’un feu bien chaud, les quatre compagnons trinquèrent et burent d’une traite ce nectar inégalable. Ils se délectaient sans retenue de ce délicieux arrière goût sucré, gorgée après gorgée… On riait, on parlait, on se réjouissait, on chantait.

    Quelques verres plus tard, la beuverie était à son paroxysme. Maro voyait double et l’hilarité était de mise parmi les ivrognes. En seulement quelques chopes… Les compagnons d’armes se partageaient quelques anecdotes grivoises, riant jusqu’à l’étouffement.

    « Hiiihiii… Hiiiiiiii……
    – Et là, d’vinez quoi… Elle m’prend par la main et… elle m’dit d’me tourner !
    – Haaaaaahahahahahah… »

    Maro n’avait pas pu s’empêcher de le retenir, ce fou rire-là. Il s’agissait là d’un signe : enfin il pourrait profiter de sa vie, boire et baiser à volonté, sans se soucier de mourir le lendemain pour trois pièces d’or.

    « Joss t-t’eees coooon… »

    Malgré le flou apparent, il parvenait à distinguer la harpe dorée parmi leurs affaires posées sur le côté. L’idée de la vendre à prix d’or lui traversait la tête. Joss aussi semblait poser son regard sur la harpe, et, la pointant du doigt du mieux qu’il pouvait, il s’exclama :

    « Les gaars, on.. on va s’faire une d’ces thunes… avec c’machin là !

    – T’penses qu’vaut… combien d’dragons ?
    – Plein j’te dis… N’strument comme ça… S’court pas les rues… » dit-il, pris d’un soudain vertige.

    « Hee.. Eh, aaatteeends.. Joss.. », s’exclama Galeo.

    « Qu’est c’quia…
    – T..t’saignes du nez… Hi… Hihiiiii…
    – D…ducon, t-toi aussi, ‘bruti va…
    – Ouais ben… Tout ça ç’m’a ‘puisé… J’suis cr.. * baille * J’suis crev… » conclut Galeo avant de s’effondrer de sommeil.

    Joss avait la tête qui tournait, et, une fois levé, tituba jusqu’à tomber lui aussi lourdement. Myrio leva la tête et regarda en direction de la forêt, perplexe. Un bruit étouffé retentissait d’entre les arbres.

    « Hé Maro… t’pas entendu ?
    – ‘t…’tendu quuoiii ?
    – Oh… J’sais pas.. L’on aurait dit… Deny… »

    Le sommeil le prit brusquement à son tour, l’empêchant de finir sa phrase. Maro eut à peine le temps de prendre conscience du sang coulant de son nez avant de s’effondrer à son tour. Ivre. Grandement fatigué.

    ***

    Ses paupières s’ouvrirent lentement, et un mal de crâne horrible lui donnait l’impression que son front s’apprêtait à imploser. Ses premières pensées se résumaient à… des tentatives de se souvenir. Petit à petit, cela lui revenait. Oui, c’était ça : le chaudron, le vin… La fête… Le sommeil brusque… Un sommeil sans rêves.

    Une légère odeur de brûlé lui montait à la tête, tandis que de joyeuses notes de musique l’extirpaient peu à peu du sommeil. Il semblait distinguer des paroles au fur et à mesure qu’il revenait à lui.

    « Alors que je me promenais,
    Une belle journée ensoleillée – hey !
    J’ai rencontré des épées-louées,
    Qui comptaient leur monnaie – allez! Hop ! Continue comme ça mon gars ! »

    Le chant laissa place à une mélodie entraînante, le genre sur laquelle danser un soir de fête en pleine taverne. Mais la beuverie était pourtant finie… Il sentit un frisson lui parcourir le corps, une légère brise qui semblait le chatouiller. Lorsque, à cause d’un simple mouvement, il sentit l’herbe au contact de sa peau, il se rendit compte n’avoir plus que ses chausses sur son corps.
    Il releva brusquement le torse, prenant conscience qu’il était pieds et poings liés.

    « Qu’est-ce que…?! »

    Les autres… Les autres étaient dans le même état que lui, certains peinant encore à se réveiller pleinement, d’autres dormant paisiblement. Ils ne semblaient d’ailleurs pas près à émerger de leur sommeil de sitôt, malgré tout. Mais ce qui frappa Maro avant tout, c’était la vue de Denyo.
    Denyo qui, en larmes, dansait frénétiquement autour d’un feu. Il respirait bruyamment et sanglotait, tout en se mouvant avec vivacité.

    « D-Denyo qu’est-ce que… »

    La vue du chaudron au milieu des flammes le paralysa. Sans compter leur équipement, entièrement dedans, brûlant à petit feux. Pourquoi ? Était-ce une provocation quelque peu extrême de Denyo ? Mais pourquoi pleurait-il ? Il parvint à se taire quelques secondes supplémentaires, le temps de se reprendre suffisamment en main pour se poser les questions fondamentales : que se passait-il ? Et… ah oui… D’où venait la musique ?

    Il leva la tête pour voir, quelques mètres plus haut, assis au bord d’un grand rocher, le soleil radieux derrière lui, un jeune homme souriant, brin d’herbes entre les dents, aux cheveux en pagaille d’une profonde noirceur, et une petite mèche descendant sur son visage. Tapant son talon contre le rocher au rythme de la musique, et la harpe dorée en main, un brusque écarquillement de sa part en direction de Maro parvint à faire bouillir le mercenaire de colère. Son regard frappant, ces yeux d’ambre, étaient tels qu’ils semblaient s’insinuer dans votre esprit.

    « Qu-qu’est-ce que c’est que ce bordel… C’est toi qui… ?
    – SURPRISE !
    – D-descends de là-haut toi !
    – Hé, on y est pourtant si bien l’ami.
    – Denyo, qu’est-ce que tu fous à chialer, bouge ton cul et enlève moi ces liens, sale fils de put…»

    Un simple regard fit comprendre à Maro que les pas de danse de Denyo n’étaient clairement pas naturels. Il semblait comme hors de lui, possédé, à bouger dans tout les sens.

    « Oh, je suis désolé, je ne sais pas s’il pourra », répondit le musicien. « Je pensais avoir mis la bonne dose, j’ai l’impression que ça l’affecte quand même un peu trop.
    – T’es… t’es un taré…
    – C’est en général ce que disent les fous du reste du monde. Tu n’as pas mieux ?
    – Libère-moi, sale…
    – Je crois que tu fais erreur l’ami, moi, ce n’est pas ‘Sale’. Finn, pour vous servir ! Musicien, voyageur de grands chemins… Non, rien de cela en vérité, je préfère « bon vivant ».
    – Une fois que tu seras en bas je vais t…
    – …tu vas rester gentiment attaché à te tortiller pour bouger, puisque tu ne pourras faire que ça. »

    Maro se mordit la lèvre de rage.
    Ce foutu musicien rancunier dépassait les bornes.

    « C’est… c’pour l’argent que t’as fait ça…?
    – L’argent ? »

    Le prétendu Finn saisit une bourse derrière son dos.

    « Tu parles de ça ? Mh, je crois plutôt rendre ça à ceux qui l’ont durement gagné.
    – T’es vraiment qu’un…
    – Voyons voyons. Déçu de perdre le fruit de tes efforts ? Fais-moi rire, l’ami. Va dire ça aux honnêtes gens que tu as détroussées. »

    Le mal de crâne et la gueule de bois n’aidaient pas Maro à trouver la force de jurer à nouveau.

    « Qu’est-ce.. quesst’a fait…
    – Hé, vous ne pouvez vous prendre qu’à vous même. Les mercenaires, toujours à se jeter sur du butin facile. Un chaudron d’or sérieusement ? Cela a beau être mon idée, je tombe encore des nues face au résultat. Le vieux marchand a été généreux de me prêter son plus grand bien pour réclamer justice !
    – Denyo… Denyo ! Bouge-toi !
    – Ah, oui, quant à votre état, hum… Remerciez le Bonsomme, j’imagine. » continua Finn en ignorant les appels incessants de Maro.

    « Hé l’ami, j’insiste, ne te donne pas la peine de lui parler, les effets du Daemonium mettent un peu de temps à se dissiper. Tiens, tu veux du Sucrelune?
    – Finis-en, ouestrien.. Ça devient ridicule… t-t’attends quoi…
    – En finir ? Que veux-tu dire par là, vous tuer ? »

    Denyo continuait à se mouvoir étrangement avec vivacité. Cela ne ressemblait même plus à de la danse. Il continuait à sangloter sans se retenir, et, à l’entente des paroles de Finn, fut pris de panique.

    « N-N-NON ! NON, ME TUEZ PAS ! J’ai r-r-r-rien fait j’suis encore jeune et…
    – Putain d’traître ! s’exclama Maro.
    – Silence, l’ami. Attends, juste… pourquoi vous tuer ? » répondit Finn.

    Il soupira et son sourire s’effaça.

    « Si je me suis embêté à faire le dosage des plantes, c’est bel et bien pour ne pas vous tuer. Pourquoi le ferais-je ? Dans quel but ? Quel intérêt ? Si on en est là, l’ami, c’est pour que vous compreniez.
    – Comprendre quoi ?
    – Mais profitez de la vie, bon sang ! Pourquoi la gâcher d’une telle manière ? Je faisais comme vous tous, vous savez, avant. A passer mes journées à faire des idioties inutiles, et ne penser qu’à moi et ma petite personne, à me préserver pour rien…
    Et un beau jour… Un beau jour, j’ai pris conscience de ce qui m’animait. Je ne suis pas spécialement fort, ni agile. Je ne peux pas me plaindre de ma bouille, mais courir les jupons ne m’intéresse pas. Je ne suis pas un grand idéologue, et bien qu’attaché à certaines valeurs, je ne sais pas si je pourrais leur dédier ma vie. En effet mon ami, je ne suis pas un grand homme et je n’ai pas grand-chose de spécial. Mais, ce qui m’anime, donc, c’est ce désir d’aventure. D’en voir plus. D’en savoir plus. D’en vivre plus. Cette harpe que vous voyez là, c’est comme ça que j’arrive à manifester cette joie de vivre et de découvrir. Je me suis dit qu’après vingt-huit printemps passés à fouler ce monde, il était peut-être temps d’essayer de le connaître. »

    Finn se mit à fixer Maro d’un regard moralisateur. Un peu comme un mestre recadrant un pupille un peu trop dissipé.

    « Votre vie aurait pu se terminer aujourd’hui même à cause de votre idiotie. Au lieu de dépouiller, violer… Partez à l’aventure ! Faites la cour à d’accortes demoiselles ! Visitez les plus belles villes du pays ! Allez chasser le saumon ! Chantez la vie, dansez la vie, comme dirait l’autre. »

    Il sortit une plante de sa poche et la huma rapidement.

    « Reprenez votre foutue existence en main et sentez-moi la douce odeur de cette lune-en-fleurs, bordel de merde ! » dit-il avant de la jeter en bas.

    Denyo était toujours en larmes. Maro avait mal au crâne et ne savait tout simplement plus quoi dire. Il s’agissait tout simplement là d’une folie. Une immense folie. Finn se leva, raccrocha sa petite harpe à son dos, et mains sur les hanches, observa l’horizon.

    « Ah oui… Il se peut que j’ai laissé les chevaux reprendre leur existence en main aussi… J’imagine que vous ferez avec. Personnellement, j’aime bien marcher, rien de plus agréable. Et Port-Réal n’est maintenant plus très loin.
    – Qu’es’ tu va fout’ là-bas ? T’es un pouilleux, abruti. T’pas un chevalier – j’spère que tu mordras la p-poussière l’bas.
    – Pourquoi je vais-là bas ? Oh, mais la réponse est simple, l’ami. Je vais vivre une aventure. »

    Il descendit ensuite du rocher avant de soupirer.

    « Bon, je vais être honnête, ce n’est pas seulement pour vous faire profiter de la vie, toute cette histoire. Il y a notamment le fait que… on ne touche pas à la harpe des gens. C’est précieux. Et personnel. Hein ? Non mais. Quels malandrins. »

    Et c’est ainsi qu’ils vécurent… très peu de temps, démunis d’argent et de vêtements, étant réduits à solliciter de l’aide au village Marchien le plus proche. Malheureusement pour eux, ils n’avaient pas vraiment pensé au caractère rancunier des paysans en colère.

    Quant au jeune musicien… Eh bien, les rumeurs racontent que, non loin de là, un énième jeune homme, de vingt-huit printemps et toutes ses dents, foule les Terres de la Couronne, dans l’espoir de rejoindre Port-Réal… pour le début de sa nouvelle vie.

    FIN – “Rencontre avec le vieil homme”

    Spoiler:
    Enfin, pour d’autres, des « entraînements » improvisés firent leur apparition alors qu’ils pensaient filer le guilledou. Le tout fraîchement nommé Sergent Finn du régiment Caron rentrait du Bivouac du Reître, où il venait de s’inscrire, lorsqu’une voix mystérieuse vint l’interpeller dans une avenue marchande de la capitale.

    « Jeune orageois ! Oui, toi, avec la Harpe dorée ! Viens par ici…
    – Mais, qu’entends-je ? Une voix mystérieuse venant d’un vieil homme encapuchonné dans une ruelle sombre et peu fréquentable ? Rien qui ne semble prudent.
    – Approche-toi, jeune homme…
    – J’ai chanté suffisamment d’histoires effrayantes au coin du feu pour savoir que ce genre de choses sont extrêmement stupides à faire et que cela se finira vraisemblablement mal. Allons-y, donc.
    – Hé beh, l’en faut pas beaucoup pour te convaincre.
    – C’est ce qu’on me dit souvent »

    Le vieil homme encapuchonné l’emmena plus loin dans la ruelle sombre, lui faisant découvrir son étal de poissonnier, étrangement dissimulé du reste du quartier marchand. Le vieil homme pointa du doigt un somptueux saumon mis en évidence sur l’étal, semblant encore frais.

    « Il faut que tu coupes le saumon en tranches. Directement.
    – Vous pensez vraiment que je vais couper un saumon dans une ruelle sombre et glauque pour le compte d’un vieil homme mystérieux ?
    – C’est ta destinée, jeune Finn !
    – Bah fallait le dire tout de suite ! La logique de certaines personnes me surprend, parfois »

    Finn s’y hâta avec précision et détermination, jusqu’au moment où il s’ouvrit, par mégarde, le pouce durant la tâche. Sa blessure entra en contact avec le saumon frais, et le jeune Sergent lâcha un juron.

    « Aïe ! », dit-il avant de sucer son pouce, les sourcils froncés.

    A ce moment-là, tout s’éclaircit pour le jeune Caron. Absolument tout. Ses yeux s’écarquillèrent et il manqua de tomber. Il se massa le front et se sentit comme un homme nouveau. Le saumon lui avait donné le savoir.

    « Est-ce… est-ce vrai, vieil homme ? Le saumon dit-il vrai ?
    – Ce n’est pas à moi de juger si le saumon dit vrai, ou s’il n’est qu’un saumon. C’est à toi de forger ta
    propre destinée, jeune musicien !
    – Je le sais, désormais… Le saumon m’a montré la voie. Merci, étranger »

    FIN – “Mélodies éphémères I”

    Spoiler:

    Six-cent trente-huit. Six-cent trente-neuf. Six-cent quarante…. Six-cent quarante-et-une… Six-cent… quarante-deux…

    Enfin…

    Un doute s’insinua dans son esprit. Avait-il compté cent de trop ? Ou mille de moins ? Il n’était plus vraiment sûr. À ce stade, il se demanda s’il ne comptait juste pas des nombres au hasard pour se motiver.

    Finn, main sur les genoux, essoufflé, pris le temps d’admirer les reflets rougeoyants de la somptueuse cité avant de reprendre sa course.

    Des amantes exigeantes, j’en ai connu, mais de toutes, Port-Réal est définitivement la pire…

    Lorsqu’il était arrivé en ville, il ne s’imaginait pas que cette aventure lui demanderait tant d’efforts. Il en avait payé le prix, face à ses rivaux de régiments, face à des échecs sentimentaux. Il ne pouvait plus continuer dans la nonchalance. Vivre au jour le jour n’était pas incompatible avec un minimum d’entraînement.

    Pour exister dans ce lieu, il faut toujours se démarquer. C’est à la fois fatiguant et… excitant. Et après tout, de quel genre d’histoire s’agit-il si le ménestrel ne dénote pas du paysage ?

    Lorsque les ménestrels chantent à la gloire d’un homme, souvent eux-mêmes, ils ont besoin d’exploits à raconter, parfois extrapoler dessus, mais tout de même.

    Mais pour vanter des exploits, il faut avoir quelque chose à exploiter. Logique.

    Il détenait désormais des connaissances interdites, grâce à un 
    détour inattendu au fond d’une ruelle d’un quartier marchand. Seulement, il ne savait pas encore comment les utiliser..

    Il avait peut-être la théorie. Ne manquait que la pratique. Comment faisait-il, déjà ? Ah oui, très répétitif, à vrai dire.

    Tout commence…

    …Heure du rossignol. Finn se levait, déjà habillé pour l’effort matinal. Il attrapait un bandeau noir, le posait sur son front, le nouait autour de sa tête. Leonah, réveillée par le bruit, baillait. Finn préparait une tisane à base d’herbes dont lui seul semblait connaître les effets. Leonah était fatiguée. Finn faisait encore du bruit (défaut récurrent chez les musiciens). Leonah râlait. Finn s’excusait, enjoué, et claquait la porte, sous le regard exaspéré de Leonah.
    Leonah re-baillait.

    Rue de l’Acier. Le jeune adjudant du régiment Caron se frayait un chemin parmi les lève-tôt et les forgerons. Le vieux Jon lui lançait, précisément à la même heure chaque jour, une pomme verte dont il se saisissait habilement en pleine course.

    « Merci, l’ami », s’exclamait-t-il à chaque fois.

    Finn passait derrière l’étal d’un boucher et  frappait subitement sa viande crue sans raison, avant que ce dernier ne le chasse, lui faisant prendre ses jambes à son cou, sous le regard exaspéré de Leonah (quand bien même elle n’assistait pas à la scène, imaginer Finn en train de le faire était amplement suffisant pour l’exaspérer).

    « Reviens ici, petit enfoiré ! Qu’est-ce que tu crois faire à la fin, bon sang ?
    – Je bats le boa, l’ami. »

    Il faudrait vraiment que je lui offre un dédommagement pour sa viande. Un jour.

    Mais, chaque fois, il se disait que c’était ainsi que devait se dérouler son aventure.

    Finn rentrait ensuite en caserne, espérant chaque fois croiser son capitaine jetant un œil au drapeau ou le sous-lieutenant Nymor s’acharnant sur un mannequin mystérieux. Mais comme à chaque fois, il semblait venir à la mauvaise heure. Peut-être même aussi la mauvaise période du mois.

    Lames jumelles dégainées, Finn enchaînait habilement les coups sur un mannequin d’entraînement, mais il savait que ses tours de passe-passe de ménestrel amateur n’étaient pas suffisants. Jasper du Bourg-d’Azur n’avait pas occis le dragon en s’en tenant à des techniques de roublard.
    Face à des colosses tels que son rival dit « le Rouge », il se devait d’améliorer sa force brute.

    Après ce sentiment d’insuffisance récurrent, Finn se dirigeait, à chaque fois, à nouveau vers chez lui pour un entraînement physique intensif. Étirements, pompes, levée de poids… La même rengaine tout les jours. Il échappait un cri à chaque effort pour rendre l’action plus dramatique, sous le regard exaspéré de Leonah, roulant les yeux au ciel.

    Puis Finn prenait une pause. Se préparait une autre mixture aux odeurs douteuses. Ressortait courir une dernière fois, re-claquant la porte, sous le regard exaspéré de Leonah, qui se fatiguait elle-même à le regarder de manière exaspérée.

    Fini de courir. Maintenant, il faut voler.

    Finn se dirigeait avec hâte vers les soi-disant six-cent quarante-deux marches menant au Septuaire de Baelor (et pensait à devoir vraiment les compter un jour au lieu de répéter des nombres au hasard).

    Voilà à quoi ressemblaient les journées du sergent Caron depuis désormais plusieurs semaines.

    Une fois en haut, il admira la vue, et se fit les mêmes réflexions sur son cycle de vie sans fin. Profitant de ce flottement dans le temps et du silence ambiant, il parvint à éprouver un certain enthousiasme face à cette nouvelle vie. Maints défis glorieux l’attendaient, il ne lui restait plus qu’à s’y préparer.

    L’aventure qu’il voulait mener, elle se tenait devant lui, sous la forme de Port-Réal elle-même.

    Quelques heures plus tard, sous le regard curieux de Leonah, il s’assit en tailleur dans la cuisine de cette dernière, yeux fermés, mains sur les genoux, prenant des profondes inspirations.

    « Hum. Qu’est-ce… que… tu fais, là ?
    – Shh. Je canalise mon barde intérieur. »

    Leonah, levant un sourcil, se saisit de la pomme posée sur la table, apportée par Finn, et croqua dedans à pleine dents.

    « Mais, en fait, pourquoi tu t’entraînes autant ? J’aimerais bien comprendre, un jour. Non parce que, c’est pas que j’ai envie de dormir le matin mais…
    – Tu as bien vu la pâtée que m’ont mit ces satanés dorniens, l’amie. Même Nymor, avec sa carrure imposante, n’a pas tenu le coup lors de nos affrontements au tournoi.
    – Tu ne m’avais pas dit que, la lunaison dernière, il a mit le sous-lieutenant Noran Cendres à terre en un seul coup ? Et il faudrait que tu arrêtes de m’appeler « l’a…
    – Nymor et Ezekiel se sont montrés dignes de boire une gorgée d’eau de Rhoyne. Sans doute la même où nageait le Saumon de la connaissance autrefois. Mais je n’ai pas accès à ce genre de talents, il me faut des alternatives. Il m’a montré la Voie, je dois désormais trouver un moyen de l’emprunter. »

    Leonah haussa les épaules et tourna une paume vers le ciel.

    « L’emprunter pour… ?
    – Pour devenir un ménestrel alpha.
    – Les Septs soient loués…
    – Tu sais, on ne peut pas être n’importe qui et prétendre au titre de prince des harpistes.
    – C’est pour ça que tu t’entraînes avec acharnement ?
    – Pour faire des exploits, il faut savoir quoi exploiter.
    – Non mais, du coup, tu vas courir tout les jours pour ça ?
    – L’habit ne fait pas le barde.
    – Et que viennent faire la pomme, la viande crue et les marches dans tout ça ?
    – Poète qui roule n’amasse pas… euh, j’en sais rien, à vrai dire. Ça m’est venu tout seul.
    – Mais un barde, ça fait pas genre, de la musique ? »

    Le silence s’imposa dans la pièce. Il eut l’impression de ressentir le même déclic qu’avec le saumon dans la ruelle. Un nouvel éveil spirituel et mental.
    Il ouvrit subitement les yeux et vit la vérité se réveler devant lui. Tout semblait désormais clair. Il savait enfin quoi faire.

    « Par les anciens Dieux et les nouveaux… »

    Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Jamais une idée ne m’a semblé aussi sage et judicieuse. La Vérité vient de m’être révélée. 

    « Je dois aller faire de la musique. C’est ce qui fera de moi le poète de l’ombre et chanteur de lumière.
    – C’était pas évident pourt…
    – Pardonne-moi Leonah, le devoir m’appelle. Le Saumon vient à nouveau de me révéler ma prochaine mission. »

    Finn se leva brusquement et se hâta d’enfiler son uniforme et sa ceinture, avant de se saisir de sa harpe dorée.

    « Mais c’est moi qui vient de… Rah, entre toi et tes poissons et l’autre avec son fleuve, y’en a pas un pour rattraper l’autre ! Tu es sûr qu’à force de prendre des herbes bizarres ça ne t’es pas un peu monté à la tête ? Une dose un peu trop importante de ton fameux « sucrelune » peut-être ?
    – NE PROFITE ABSOLUMENT PAS DE MON ABSENCE POUR EN PRENDRE ! »

    Finn claqua la porte, sous le regard exaspéré de Leonah.

    Il courut vers le Bivouac du Reître, où il retrouva d’autres camarades de sa caserne, pour qui il entonna un chant jovial, harpe en main.

    Et le lendemain, ce serait reparti pour l’entraînement.

    Mélodies éphémères II

    An 208, lunaison 6. Fin fond des Terres de l’Orage. Plaine ensoleillée, en fin d’après-midi.

    « Le début d’la fin d’une ère, le dernier chapitre aigre-doux – de l’enfant de lumière, et de sa tendre… Argh ! »

    Le soleil tapait contre son crâne, son étincelante lueur l’éblouissant même à travers ses paupières fermées. Plus que quelques heures, se disait-il, et le crépuscule viendrait le rafraîchir. L’arrière de sa nuque lui grattait, et l’habituelle mèche qui lui pendait sur le front ne cessait de le gêner. Mais il se contentait d’apprécier la sensation de l’herbe fraîche lui caresser les talons.

    Car il s’était résigné à rester ici coûte que coûte, harpe en main, en tailleur, tant que l’inspiration ne lui viendrait pas. Un seul vers à finir. Ou plutôt, un dernier vers à terminer. C’était tout ce qu’il demandait. Le dernier mot pour conclure. Rien de plus.

    « Les Sept, les Sept… Tu parles, oui! Vous pourriez être un peu plus généreux, là-haut. Merde! »

    Il continua de jouer la mélodie, en boucle, espérant trouver comment conclure ce damné vers. Cette suite de notes enjouées finirait par l’agacer plus qu’autre chose, si cela venait à durer. Trois heures qu’il venait de passer là à y réfléchir – les paroles lui étaient venues en quelques instants, mais ce satané mot invisible avait décidé de faire obstacle à son art naissant.

    « Mémoires et regrets, et médailles de poussière! Au chevet d’la mort auprès d’une–  »

    Une soudaine brise lui hérissa les poils, le coupant dans sa lancée. Un pressentiment s’empara de lui.

    Elle le regardait.

    Il en était sûr et certain.

    Ses doigts continuèrent à pincer courir le long des cordes pendant un moment, tandis qu’il s’efforçait à rester concentré sur la mélodie.

    La paupière de Finn s’ouvrit légèrement, observant, au loin, la vieille cabane du coin de l’œil. Affalée sur sa chaise, jambes croisées, bras derrière la tête, brin de paille entre les dents – c’est avant tout son grand sourire moqueur qui frappa Finn. Il ne pouvait discerner ses yeux, dissimulés sous son chapeau de paille, mais cela n’avait pas d’importance : il ne connaissait que trop bien le regard qu’elle posait sur les gens habituellement.

    Elle siffla brusquement à son attention.

    « Jolie chanson, gamin », s’exclama-t-elle. « Viens, tu veux? »

    Le jeune homme serra les dents, partagé entre embarras et agacement, et s’empressa de parcourir la distance le séparant de la dame. S’agissait-il de paroles sincères ? D’une moquerie ? D’une phrase en l’air ? L’air suffisant de la dame parvenait à rendre n’importe quel compliment profondément ambigu.

    Encore qu’une dame… cela restait difficile à dire.

    Nul ne pouvait être indifférent à cette aura : son physique n’était ni celui d’une paysanne, et encore moins celui d’une ermite. Richement vêtue, nul doute qu’on l’aurait prise pour une lady, voire princesse – ou, peut-être même, une reine d’un lointain pays.
    Mais la réalité était bien éloignée de tout ces fantasmes, car c’était en homme qu’elle était habillée: chemise, chausses, bottes, chapeau de paille; le genre d’attirail qui n’aurait jamais été convenable pour une lady digne de ce nom.
    Il n’y avait pas là une volonté de se dissimuler: elle continuait à porter sa longue chevelure sombre, et ses formes purement féminines pouvaient difficilement ne pas être distinguées. Elle était ainsi car elle le voulait – rien de tout cela n’étant commun dans ces terres, cela effrayait les petites gens plus qu’autre chose.

    Personne ne connaissait réellement son âge. Une vingtaine d’années ? Trentaine ? C’est ce que laissait présager son apparence, mais une étincelle dans son regard semblait indiquer une expérience bien plus grande. Les rumeurs lui attribuaient des siècles d’existence; et les villageois des environs finissaient par croire aux pires superstitions, de la « sorcière » à la « démone ».

    D’où venait-elle ? Un mystère également. Une peau pâle de nordienne, une onctueuse chevelure charbon d’orageoise, laissant parfois apparaître des reflets violâtres au coucher de soleil, rappelant les teintures propres aux peuples d’au-delà du Détroit. Princesse sauvageonne; fantôme orageoise; lysienne exilée; enfant de la vieille Asshaï-lès-l’Ombre : les histoires continuaient à se multiplier, mais aucune ne semblait réellement crédible.

    Elle n’avait pas de nom. Les passants la surnommaient « l’Ermite », « la Sorcière », ou, parfois même, « dame de l’Ombre » pour les plus pieux et craintifs.

    Certains s’étaient même habitués à l’appeler « Ombre » par habitude.

    Mais dans le cas de Finn, c’était tout autre chose. Quand il devait s’adresser à elle, elle n’avait plus qu’un seul nom: « Maître ».

    Le jeune homme approcha timidement, scruté de haut en bas par le regard d’ambre de sa mentor. Leurs yeux se croisèrent brièvement, mais étant encore partagé entre l’effroi et la fascination, il préférait éviter de trop la fixer. Ombre but nonchalamment une gorgée de sa chope de bière, continuant à observer son disciple.

    « Me voilà », dit-il. « Un problème, Maître ?
    – Pas vraiment. Mais tu semblais avoir des difficultés à finir ton petit chant. Quelque chose te tracasse ? »

    Le poids de son jugement était tel qu’il était difficile pour Finn de lui répondre – quand bien même tout semblait aller pour le mieux. Son regard se mit à vagabonder, remarquant  le long bâton de bois de la dame posé sur une petite table à côté d’elle, ainsi que l’épée de Finn lui-même, encore dans son fourreau. Il fit un pas en avant pour l’attraper, et l’accrocha à sa ceinture, par réflexe.

    Depuis qu’il avait commencé son apprentissage, il évitait de s’en séparer le plus possible.

    « Non, j’pense pas. »

    Ombre posa les deux pieds au sol, appuyant ses bras sur les accotoirs pour se relever – tandis que lui, distrait, se contentait de poser sa harpe contre le mur de la cabane. Son inattention allait à nouveau lui jouer un tour.

    Elle se saisit vivement du bâton et fendit l’air pour atteindre Finn. Ayant à peine le temps de dégainer, il se prit le coup de plein fouet, en plein avant-bras.

    « Trop lent ! », s’écria-t-elle souriante. Elle prenait plaisir dans cet enseignement à la dure, il l’avait très vite compris.

    Il aurait sans doute connu des gens choqués par ce genre d’agissements, mais il ne  voyait aucune cruauté dans sa démarche. Finn n’était en rien prisonnier de ses coups : il s’agissait là de son choix, celui d’apprendre par la pratique, quitte à se faire quelques bleus. Et il n’y avait personne de mieux placé qu’elle pour lui enseigner la vie comme nul autre ne le ferait.

    S’entama alors un jeu de jambes de la part des deux adversaires, les amenant à dépasser le seuil de la cabane pour se retrouver à batailler sur la plaine. Fer et bois se croisaient continuellement, et, étonnement, l’arme rustique de sa féroce adversaire ne semblait avoir aucun mal à rivaliser avec sa lame.

    « Fait attention à tes mouvements – tes jambes, gamin. Tes jambes. »

    Un, deux, trois – les deux armes s’entrechoquaient avec vélocité; une rapidité découlant d’Ombre plutôt que du jeune Finn. Elle fit tournoyer le bâton, le lâchant pour le rattraper aussitôt par le bout, assénant un coup d’une portée considérablement plus longue.

    Finn fit un pas en arrière, voyant l’arme lui frôler le torse. Pendant un court instant, il se demanda l’intérêt de ses agissements, et essaya de se remémorer sa rencontre avec Ombre. Il ne se souvenait même plus de quand il s’était décidé à aller la voir; passant alors moins de temps auprès de son père marchand, reléguant à ses employés et le reste de la famille; mais il se souvenait encore moins de quand cette collaboration avait débuté – ni même pourquoi.
    Mais il n’avait pas de doute sur le fait, qu’au fond de lui, un désir enfoui le poussait à continuer sans relâche.

    Précision et habileté permettaient à Ombre de garder l’ascendant, et d’éviter que Finn puisse avoir une quelconque chance de couper le bâton en deux. La dame le frappa d’estoc en pleines côtes, l’obligeant à reculer brusquement.

    « Un peu de nerfs ! Si tu conclus tes batailles comme tes chansons, tu ne va pas aller très loin. »

    La remarque le blessait plus que les coups – mais au fil du temps, il avait appris à s’en amuser. Peut-être que lui aussi prenait du plaisir à apprendre par le bas.

    La passe d’armes fut pauvre en performance et peu concluante pour Finn, qui ne tarda pas à se montrer très vite dépassé. Elle mit un terme à l’entraînement improvisé de façon aussi abrupte qu’il avait commencé : clac, coup dans le genou – clac, l’autre à terre.

    Essoufflé, Finn s’agenouilla, lâchant l’épée au sol.  Il releva la tête en direction d’Ombre, la voyant se tenir fièrement, sourire aux lèvres, regard vers l’horizon, bâton sur l’épaule. Si un coup de vent s’était mis à faire flotter sa chevelure, elle aurait semblé sortir tout droit d’un conte ou d’une légende.

    « Maître, vous êtes incorrigible.
    – En effet, gamin. Incorrigible est le bon mot. Mais tu n’étais pas mal non plus – j’espère que tu excelleras là-dedans aussi. »

    Le jeune homme fut pris d’un rire nerveux.

    « De quoi vous parlez, maître ? Pourtant, tout ça – c’est pour m’améliorer, non ? Faire de moi un homme, une connerie du genre, je sais pas ?
    – Je ne parle pas de persévérer dans ta maladresse du combat, Finnegan…
    – Hum, c’est… En fait, c’est juste Finn…
    – …mais d’exceller dans ce que les bonnes gens verraient comme tes défauts, ou même des tares. J’ai bien compris pourquoi tu traînes ici, gamin. La raison pour laquelle tu es venu à moi, et que tu ne passes pas tes journées auprès du commerce de ton vieux, ou à dépenser tes richesses. »

    Le vent se contenta de répondre à sa place, tandis que les nuages se rassemblaient peu à peu, et le soleil se couchait lentement au loin de la scène. Le jeune homme fut interpellé par la remarque: Ombre n’avait jamais été autre chose que sincère, mais c’était bien la première fois qu’elle lui adressait des paroles aussi franches.

    « Si tu es venu à moi », reprit-elle, « c’est parce qu’en ayant tout, tu finis par ne rien avoir. Et ne croit pas que je m’amuse à te raconter des bêtises. En possédant tout ce qui peut combler un jeune homme tel que toi, tu finis par ne rien obtenir de concret. Ta vie est simple, monocorde depuis dix-neuf printemps maintenant, tu ne manques de rien, et ne prends plaisir dans aucun accomplissement, gamin. »

    Ombre tendit son bâton vers Finn, et lui releva le menton.

    « Depuis tout ce temps, tu cherches à trouver un moyen de vivre. De croquer la vie à pleine dents. Un moyen de te sentir vraiment vivant. Regarde-toi, avec ta harpe à deux sous, te forcer à composer des poèmes ou des chants à la va-vite pour te convaincre que tu verses dans l’art », continua-t-elle en se retournant, et s’éloignant vers la cabane. « Je ne t’appelle pas par ton vrai nom, tu disais ? Je m’en moque, car je joue par mes propres règles, gamin. C’est exactement ce que tu cherchais en venant ici. Un moyen de déjouer les règles de ton existence quotidienne, de surpasser les codes, d’apprendre, d’expérimenter – de vivre tout ce que tu pouvais vivre. »

    Ombre reposa le bâton sur sa table, et se saisit d’un petit sac de toile, avant de revenir sur ses pas, sourire en coin.

    « C’est ça, être incorrigible, gamin. C’est avoir la tête haute, sourire à pleine dents face à la masse, et lui dire des insanités. C’est s’adonner à faire ce que nul ne peut faire aisément pour la plus simple et la plus bête des raisons : aucune ! Si ce n’est vivre. Chanter, danser, se battre, boire, manger, cueillir des fleurs, cuisiner des mixtures, s’allonger dans l’herbe – et mille autres bêtises qui ne font que t’aider à sentir quelque chose dans ta misérable et pathétique existence. Ha! »

    Elle jeta le sac devant ses yeux – le geste le surprit suffisamment pour qu’il ne pense même pas à le rattraper. Ouvert, il laissa entrevoir son contenu : l’éclat aveuglant d’un objet doré.

    Ombre s’accroupit, pris le visage de Finn et le plaça face à elle.

    « Regarde-moi quand je te parle. »

    Elle se saisit de son poignet, et plaça des objets dans sa main – des pierres de petite taille – avant de la resserrer fermement.

    « Tu as dit que tu voulais partir, gamin, c’est ça ?
    – …Euh… Ouais, maître. Enfin, j’ai jamais été trop sûr.
    – Si tu veux partir, Finn, va. Quoique tu fasses sur la route. Tu as pris goût à pousser la chansonnette, peut-être serait-il judicieux pour toi de continuer sur cette voie – mais, n’oublie jamais ce que je t’ai dit. La vie d’aventurier, de barde, de ménestrel, même cette vie du jour le jour ne sera pas de tout repos, et c’est pourquoi tu dois toujours garder mes enseignements en tête. Si tu veux profiter de ton existence, il n’est plus question de se reposer.
    – Je… Je vous avoue, maître, ça m’effraie un peu, tout ça.
    – Ne le sois pas. Un jour, tu auras envie de te mêler à nouveau à la masse, de revenir dans le courant. Mais cette fois, ton expérience te permettra de voir au-delà de qui tu étais auparavant, et te mènera bien plus loin que ne te le permettrait ta petite vie aisée. Et tu vivras non pas comme Finn, le gamin à la harpe, l’escrimeur maladroit, le disciple de l’ermite. Mais comme un chevalier, un lord, un héros. Je le sais au fond de moi. »

    Le visage d’Ombre si proche de sa joue – le jeune Finn s’attendait à recevoir un baiser affectueux, mais fut ramené très vite à la réalité. Elle se releva, s’étira et rebroussa chemin vers sa cabane, devant les yeux écarquillés du jeune homme. Perdu, déboussolé, il ouvrit la main, et observa les pierres que lui avait donné sa mentor, ornées de motifs peints, de symboles.

    « C’est quoi, ces trucs ?
    – Des reliques dotées d’un ancien pouvoir. Apprend à les maîtriser, et tu sauras les utiliser à bon escient pour te sortir d’une impasse.
    – Hé, faites pas genre, c’est juste des cailloux avec des dessins gribouillés dessus ?
    – Bien évidemment, gamin. À quoi d’autre t’attendais-tu ? Mais peu importe ce dont il s’agit vraiment. Ce qui importe réellement, c’est ce que toi tu veux qu’ils soient. Laisse ton imagination dépasser le carcan des idiots et des incrédules. Ce grain de folie te permettra de choquer, de surprendre, de faire rire, pleurer, d’énerver, et surtout te démarquer – et lorsqu’un beau jour, tu cesseras d’arpenter les routes et décideras de t’installer, plus tu te démarqueras, et plus tu parviendras à être admiré. Ce sera ta force. Sois incorrigible, souviens-toi. »

    Ombre s’éloignait encore, tandis que Finn était encore à genoux sur la plaine. Il l’observa ouvrir la porte de la cabane, et bien qu’il n’avait pas encore rassemblé ses affaires, il avait le sentiment que cette discussion marquait malgré tout la conclusion de quelque chose… la conclusion d’une histoire…

    Lorsqu’il se saisit du sac de toile laissé par la dame, il y découvrit une somptueuse harpe dorée, polie, dans laquelle il pouvait presque discerner son propre reflet. Avant qu’Ombre n’entre dans sa modeste demeure, Finn clama une dernière question.

    « Et ça, c’est pour quoi ? D’où vous sortez ça ?
    – C’est ton grain de folie, Finn.
    – Je… »

    « Oh, j’oubliais ! » s’écria-t-elle à son tour, tournant la tête. « Garde-fou. »

    Finn haussa un sourcil.

    « Pardon ?!
    – Le mot que tu cherchais. Pour finir ton vers. C’est Garde-fou. Fais-en bon usage… L’ami.»

    Il croisa le regard d’Ombre une nouvelle fois, se perçant l’un et l’autre leur yeux d’ambre. S’il n’était pas du même sang qu’elle, il se plaisait à croire qu’ils avaient eu ces mêmes iris pour une bonne raison.

    218, lunaison 6. En route pour Ibbish. Campement du régiment Caron. Quelques jours avant la bataille.

    Un flocon se posa sur son nez. Les bottes recouvertes de neige, Finn s’avança du feu de camp pour se réchauffer, en vain. Le froid glacial l’atteignait malgré tout à travers ses différentes couches d’armure et de fourrure. Il fouilla dans une de ses poches, longuement, craignant les avoir perdues dans le chemin.

    Ah, vous voilà.

    Il posa une pierre marquée d’un étrange symbole devant ses pieds. « Que du froid », se dit-il. « Pense à une cheminée. C’est rien que du froid. Rien de grave. » Rien qu’un caillou, se souvint-il. Mais cela ne coûtait rien que de se rassurer avec des bêtises.

    Voyant les mines grisonnantes de ses camarades, entre les craintifs, les pessimistes, les désespérés et autres suicidaires, Finn se saisit tant bien que mal de sa harpe, accrochée au dos. Trois notes suffirent à attirer un peu d’attention dans le bivouac morose.

    « Mémoires et regrets,
    Et médailles de poussière,
    Au chevet de la mort auprès d’une fille de lavandière – car c’était
    La fin de ses passes armées,
    L’irraisonnable guerre!
    La fatale destinée
    D’un enfant de lumière… 

    Les larmes désemparées,
    La nostalgie meurtrière…
    Perdant toute volonté
    En refermant ses paupières.
    Le dernier mot à accepter,
    Pour la fille de lavandière
    Maudite vie que d’épouser
    Un enfant de lumière!

    Arpentant les cimetières,
    Une âme sœur de caractère
    Hantant cabanes et chaumières
    Vagabondant en remous
    Le début d’la fin d’une ère,
    Le dernier chapitre aigre-doux
    De l’enfant de lumière,
    Et de sa tendre garde-fou… »

    Quelques soldats le félicitèrent, sans que l’atmosphère ne parvienne à se détendre beaucoup malgré tout. L’un d’eux se rapprocha, l’interpellant.

    « T’es l’adjudant, c’est ça ? Finn ?
    – C’est bien ça, l’ami.
    – T’as l’air bien joyeux pour un adjudant… C’est pas le genre de poste qu’a tendance à attirer beaucoup de nouveaux venus…
    – On va dire que c’est… hum… un genre de folie. »

    « Edmond Dantès. Nice name. It’d look great in print, you know? Although ‘Le Comte de Monte-Cristo’ would make a better title for a novel. » - Dumas, Fate/strange fake

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