[Série] Game of Thrones et la question de l’adaptation

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  • #19787
    JN
    • Terreur des Spectres
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    Hop, suite aux quelques mentions + posts de la question sur le sujet « [Saison 7] Bilan de la saison », voilà un sujet dédié à la question de l’adaptation pour ne pas ajouter de posts hors-sujets supplémentaires sur l’autre topic.

    Ce topic vise à discuter du travail d’adaptation d’ASOIAF dans Game of Thrones, sa réussite (ou non), sa pertinence, et de façon plus générale sur la question même de l’adaptation dans la série, est-ce qu’elle serait à mettre de côté, à ignorer… peut-on parler de Game of Thrones sans se référer aux livres dont il est issu ? Les défauts pointés par de nombreux fans prennent-ils leur source dans le processus d’adaptation, ou au-delà ?

    La main est à vous, et n’ayez pas peur de donner vos avis divers et variés, on mord pas. 😀

    « Edmond Dantès. Nice name. It’d look great in print, you know? Although ‘Le Comte de Monte-Cristo’ would make a better title for a novel. » - Dumas, Fate/strange fake

    #19788
    JN
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1899

    Remarques de la modération : ce message a été déplacé depuis le sujet bilan de la saison.

    Je précise d’avance que mon propos ne s’applique pas particulièrement à ton post, mais il m’inspire malgré tout cette réponse.

    J’avoue avoir du mal avec cette éternelle séparation lecteurs / spectateurs qu’on lit à chaque commentaire défendant la série. Je n’aurai pas de mal à trouver des lecteurs suivant assidument la série et l’appréciant, tout comme des spectateurs qui sont fortement insatisfaits par la dernière saison. Cette séparation, c’est la non-argumentation ultime.

    Forcément qu’il y aura toujours des lecteurs pointilleux qui ne prendront absolument aucun recul. Les gens qui ne prennent aucun recul et restent bornés sont des idiots. À quoi bon écouter les idiots ? On perd notre temps à les écouter (faites juste une exception pour moi huhu).

    Pour illustrer un peu mon point de vue, voilà un moyen clair permettant de mettre l’aspect « d’adaptation » de côté tout en tentant de prendre du recul sur la série.

    L’écrivain argentin Ernesto Sábato stipulait que « Le cinéma doit être autre chose« . On ne va pas faire de chichis et mettre tout de suite quelque chose au clair: la série télévisée, c’est du cinéma, un dérivé du cinéma si vous préférez, mais ça reste un art cinématographique ou assimilé.

    Pourquoi je cite un romancier latino-américain plutôt que d’expliquer simplement mon point de vue pourtant relativement commun et banal ? Parce que des gens le théorisent bien mieux que moi.

    C’est un sujet qui suscite beaucoup de débats, et cette position n’est pas LA vérité. Il s’agit d’une théorie, j’insiste bien sur ça pour ceux qui ne seraient pas d’accord: mais ce post ne leur est que peu destiné. Je m’adresse ici aux différents fans de la série qui sont d’accord sur le fait qu’une adaptation s’émancipera quoiqu’il arrive dans une certaine mesure du matériau de base, et que c’est parfois même une chose louable.

    François Truffaut (pour appuyer ça d’une citation supplémentaire et m’éviter de trop réfléchir #méthodefaciledissertation) tenait ces propos vis-à-vis de l’adaptation de roman au cinéma: « Aucune règle n’est possible, chaque cas est particulier. Tous les coups sont permis, hormis les coups bas. » Je ne dirai pas être d’accord à 100% sur ces affirmations, mais comme le dit si bien l’ami François, chaque cas est particulier.

    Partons donc du principe que Game of Thrones s’éloignera d’ASOIAF, que ce soit une bonne chose ou non: elle le fera. Et elle l’a fait.
    Oublions même l’existence du livre. Moi-même je ne pourrais pas le faire en temps normal, j’ai beau être ouvert sur la question d’adaptation, cela ne veut pas dire qu’il faut oublier le livre. Mais pour une fois, oublions. Je sais que ça ne plaira pas à certains ici (on est un peu sur un forum littéraire dédié au Trône de Fer), mais imaginons deux secondes qu’au-delà même de la question d’adaptation, il n’y ait pas de livre.

    Que nous reste-t-il ? Une série ma foi très solide sur ses trois, voire quatre premières saisons. Qu’il s’agisse de l’écriture, l’acting (à part un ou deux acteurs qui pêchent un peu). Une mise en scène relativement sobre et qui ne montre son potentiel qu’à une ou deux reprises, mais au final cela reste quand même une production de très bonne facture de façon générale. Sans parler de la production value hallucinante au niveau des décors/costumes qui, même s’ils peuvent être répétitifs, nous immergent totalement dans l’univers.

    Et là, vous l’avez vu : j’ai dit « voire quatre ». Car dès la quatrième saison, apparaissent des arcs narratifs secondaires finissant souvent en cul-de-sac, n’apportant aucun développement au niveau des personnages et s’avérant souvent être là dans le seul et unique but de meubler. La mission de Jon Snow au manoir de Craster, ou encore l’infiltration de Yara à Fort-Terreur (qui détonne en plus de ça complètement avec le ton de la série avec une scène relativement absurde vis-à-vis de l’ambiance relativement réaliste et vraisemblable à laquelle nous avait habitué la série: les super-héros qui s’infiltrent dans un château gardé de toutes parts, ça n’existe pas, ou alors ils ont intérêt à avoir un sacré plan, et on n’en voit rien).

    Peu à peu, arrivent les saisons 5 et 6 qui apportent leur lot d’arcs inutiles à leur tour. Daenerys et les Fils de la Harpie à Meereen ? Aucun intérêt. Comment se conclut-il ? Daenerys se réaffirme, et comprend que sa place est à l’Ouest. Très bien. Elle en était au même stade en saison 3. Et l’intrigue de Meereen n’apporte aucun développement intéressant, elle passe sous nos yeux: aucun indice, aucune réelle « intrigue » d’ailleurs, aucune évolution dans la trame si ce n’est « y’a des assassins, parfois ils nous emmerdent, à la fin on découvre qu’ils sont commandés par les villes ennemies parce qu’ils finissent par nous attaquer, et on les défonce – ah, et, on se casse ». Quitte à mettre en place un arc « inutile », autant le remplir d’intrigues secondaires intéressantes ou palpitantes.

    Jaime et Bronn à Dorne n’apporte que de la confusion, du gag, de l’invraisemblance (là encore, le coup du château sans gardes), des personnages secondaires si tôt évincés la saison suivante, sans parler des Aspics qui finiront également dans de sales draps en saison 7. Dorne n’aurait pas été là que ça n’aurait rien changé pour le camp de Daenerys durant les dernières saisons. La vengeance d’Oberyn ne s’est jamais ressentie, à part des tensions au sein de son propre peuple, mais aucune satisfaction ou action ayant impacté le reste du royaume. Ah, si, la mort de Myrcella: qui aurait pu être faite dans d’autres circonstances tellement Dorne n’était qu’une excuse bidon pour amener à ça. Et au final, c’est surtout la mort de Tommen qui fait évoluer les choses chez Cersei, et à Port-Réal de façon plus générale.

    Imaginons que le livre existe à nouveau deux secondes, parce que je vois certains d’entre vous me dire: « Mais, dans le bouquin ça s’éparpille aussi sur Dorne et Meereen! ». Sauf que dans le livre, et même si certains pourraient ne pas aimer ces arcs dans les bouquins, il faut reconnaître qu’ils servent une fonction dans l’histoire et la géopolitique de façon globale – et surtout qu’il nous offrent des intrigues et pas juste des suites d’événements confuses n’apportant aucune évolution pour des personnages monolithiques.

    Parenthèse fermée, le bouquin n’existe plus à nouveau. Ou de toutes façon, on s’en fout, vu que la série l’a dépassé. Donc parler d’adaptation quand on débat sur la saison 7 c’est déjà relativement absurde de base.

    Arrive la saison 7. La fameuse, la redoutée.

    Changement complet de ton, on passe de la medieval-fantasy aux relens légèrement dark-fantasy à de l’heroic fantasy totale. Le changement de genre n’est pas nécessairement une bonne chose, mais il faut faire attention de quoi à quoi s’effectue ce changement. Et c’est là que se produit le drame. Une série qui nous a habitués à quatre saisons de contexte médiéval impitoyable ne peut pas se permettre de jouer au simili-Seigneur des Anneaux subitement. Je ne parle pas de l’introduction de magie ou d’éléments fantasy, bien sûr, uniquement de vraisemblance des situations: sept hommes (dont certains avec des obligations royales) qui abandonnent une guerre sanglante dans le sud et une situation politique complexe, tout cela dans le but de mener une mission suicide inutile et fortement dangereuse… pour se faire sauver (par on ne sait quel instinct, si ce n’est celui du scénariste) par la blonde aux trois dragons qui aurait pu tout simplement venir elle-même depuis le début. Sans parler de l’antagoniste-fonction (« On fait peur et on sert qu’à ça ») qui lui fait le cadeau de ne tuer qu’un seul de ses dragons… parce que.

    Le problème de Game of Thrones, ça n’est pas les livres et leur portage, c’est tout simplement la méthode qu’ont les scénaristes d’écrire leur série. Les premières saisons possèdent des scènes qui servent leur intrigue, des retournements de situation qui ne sont pas fait pour séduire le spectateur, mais bien au contraire le fasciner de par leur nature imprévisible, intransigeante et bien ficelée: le spectateur subit, et malgré tout, il se laisse prendre au jeu, voyant le parfait agencement de la narration, de l’intrigue, des événements. Les dernières saisons, quant à elle, ont une intrigue qui sert uniquement à amener à des scènes, scènes qui deviennent des objets marketings. De même que les personnages, les situations, la narration qui ne devient plus qu’un outil pour « faire du buzz », là où auparavant, le buzz se faisait tout seul, devant la qualité d’écriture, et ce succès amenait les gens à voir de plus en plus la série et être fascinés devant sa narration.

    Je vais juste terminer sur un exemple très simple: si je voyais un film dont le premier acte possède le même ton (je ne parle pas d’histoire, de situation, juste de ton) et la même vraisemblance que l’épisode 1, saison 1… et que le troisième acte possède la même vraisemblance que l’épisode 6, saison 7… Nul doute que je trouverais ce film à chier. Alors pourquoi devrait-on s’empêcher de reconnaître le gouffre dans lequel s’enfonce la série, et ce sans avoir constamment à être ramené à la question du portage des livres à l’écran ? Le problème n’a jamais été là, on pourrait même l’ignorer bêtement et simplement (et quand bien même j’aurais des choses à dire sur cette question, je n’ait aucun mal à l’oublier parce qu’elle ne constitue pas le point noir majeur et que je peux ignorer ça). C’est juste… mal écrit, agencé maladroitement, et je ne vois pas de raison d’acclamer une série bancale: pourquoi Game of Thrones serait l’exception ?

    (Et là je me rends compte que ce post est beaucoup trop long et que je vais beaucoup trop loin et… je sais plus où je vais. Yes. Super.)

    « Edmond Dantès. Nice name. It’d look great in print, you know? Although ‘Le Comte de Monte-Cristo’ would make a better title for a novel. » - Dumas, Fate/strange fake

    #19691
    Tomcat
    • Pisteur de Géants
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        ALLEZ LIRE CE PUTAIN DE POST     (Et là je me rends compte que ce post est beaucoup trop long et que je vais beaucoup trop loin et… je sais plus où je vais. Yes. Super.)

    Oui oui oui oui oui oui c’est tout à fait exactement ça !  Sache que je vais te plagier éhontément à chaque fois que le sujet GOT reviendra sur le tapis. Merci !

    "When I'm king in my own right, I'm going to outlaw beets." Tommen. Best manifesto ever.

    #19740
    O’Cahan
    • Exterminateur de Sauvageons
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    On ne va pas faire de chichis et mettre tout de suite quelque chose au clair: la série télévisée, c’est du cinéma, un dérivé du cinéma si vous préférez, mais ça reste un art cinématographique ou assimilé.

    J’aurais quand même tendance à nuancer cette affirmation en sachant que la série télévisée existe et pose son postulat dans la fidélisation au long-terme de ses spectateurs (ce qui n’est pas le cas du film cinématographique qui se voit d’une traite et propose une expérience unique, inscrite à un moment précis). Le moyen le plus basique reste le « cliffhanger » (fin à suspens, révélation à venir pour inciter le spectateur à voir le prochain épisode la semaine suivante). Et si on en revient à Game of Thrones, j’ai vraiment l’impression qu’on est maintenant dans cette optique d’audience à tout prix avec à chaque nouvel épisode un nouveau cliffhanger bien trouvé pour accrocher une nouvelle fois une attente, qui au final demeure vaine: c’est l’attente de l’attente. Le basculement de la série se trouve là à mon sens, on est plus du tout dans la recherche d’un scénario complexe, intriguant ou juste existant, mais bien dans « l’accrochage » du spectateur, quitte à justement y sacrifier les avantages que peut apporter le format de série télévisée, à savoir la construction sur le long-terme d’un scénario, d’un propos, en bref d’une complexité qui manque cruellement à cette saison 7.

    (et je renie en rien l’art spécifique qu’est la série tv, je trouve seulement que Game of Thrones a atteint le point paroxysmique de l’utilisation de certains procédés de ce genre qui vont jusqu’à dénaturer complètement la série.)

    please mind the gap between your brain and the platform

    #19814
    Aurore
    • Fléau des Autres
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    Il y a adaptation et carrément transformation. Que le principe de la télévision ou du cinéma conduise à développer certaines scènes, à les faire durer plus ou moins longtemps, c’est logique : un livre c’est du texte, un film c’est du visuel et du son ; effets différents, rythme différent. Parfois même on y gagne : un exemple à mes yeux est la scène de l’échiquier géant dans Harry Potter à l’école des sorciers, qui est plus développée dans le film que dans le roman, mais qui valorise bien le côté « obstacle » et dangereux de l’objet. En contrepartie, on a supprimé la scène des potions, qui était peut-être difficile à mettre en scène.

    Dans GoT, je comprends qu’on évite la multiplication des personnages, qu’on condense certains d’entre eux (genre Gendry de la série = celui d’ASOIAF + Edric Storm), mais pourquoi dénaturer certains personnages, surtout quand on a déjà ce qu’il faut dans la série d’origine ? Par exemple, s’il faut vraiment des va-t-en-guerre à Dorne, pourquoi ne pas employer Arianne Martell plutôt que transformer Ellaria Sand, qui est dans la saga un des rares personnages à laisser la priorité à la vie plutôt qu’à la vengeance ? Si on avait le temps pour ajouter des sexscènes qui n’apportent rien à l’intrigue (Ver Gris + Missandei, je ne vois toujours pas en quoi ça fait avancer le scénario), pourquoi ne pas avoir utilisé ce temps de façon plus cohérente ?

    #19821
    DroZo
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    Pour le cas du choix des personnages de Dorne je pense que c’était pour éviter une multiplication des personnages. Ellaria était déjà introduite en saison 4, les gens savaient qui elle était. Les trois aspics on les évoquait en saison 4 toujours, et puis ce sont les filles d’Oberyn, un personnage très marquant de la saison précédente, du coup je comprends aussi qu’ils aient préféré les mettre en avant plutôt qu’Arianne, une parfaite inconnue. Pour Trystane, Myrcella devait bien se marier à quelqu’un donc il était indispensable, et Doran… bah il fallait bien un Prince à Dorne. Le seul personnage réellement nouveau est Aero, qui est franchement à la limite de la figurzriin (tout comme dans les livres certes). Et à cela on trouve un prétexte pour y ajouter Jaime et Bronn, des personnages principaux censés nous introduire à tout ce petit monde.

    Le problème n’est donc pas le choix des personnages (je comprends la logique) plutôt que leur écriture. Je pense que les showrunners devaient vraiment trouver ces persos badass et épicés, mais ils se sont foirés et en ont fait des poufs insupportables. Bref, que ce soit sur l’idée, la réal, et l’écriture, ils ont fait de la merde, mais il était possible de faire une intrigue intéressante avec ces persos. Après tout, dans les livres, Tyerne, Obara et Nyméria sont des personnages intéressants…

    Sinon je suis à 100% d’accord avec tout ce qu’a dit Jean Neige.

    MJ du jeu de rôle sur forum Les Prétendants d’Harrenhal (LPH).Rejoignez-nous !
    A.k.a. Fanta le Fantôme avec des bulles dans DOH10.

    #19852
    Corondar
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    Un gros big up pour Jeannot.

    Je rajouterai qu’en plus d’un paquet d’incohérences internes, la série change désormais à volonté de contexte quand ça l’arrange. En fin de saison 6 on nous montre une armée Targ avec des effectifs déments et des armées Lannister au bout du rouleau. Sans qu’on sache pourquoi ni comment, le rapport de force semble s’être complètement renversé en début de saison 7. Il faut souligner l’exploit militaire des Lannister en cette saison 7 : ils ont défait (et anéanti) les Tyrell, les Martell (qui apparemment n’ont pas réellement de troupes ?) et la flotte de Dany. Le tout en débauchant la moitié (ou les deux tiers, qui sait ?) des Greyjoy et quelques vassaux Tyrell en rupture de ban.
    Et après avoir ventilé l’autorité religieuse suprême du pays façon puzzle aux quatre coins de la capitale. Chapeau le lion.

    #19855
    Jaqen
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    La série est selon moi très centré sur le spectacle, c’est-à-dire le visuel.  C’est du bon cinéma meilleur que beaucoup d’autres séries.  Les livres se sont des chefs d’œuvre donc à voir d’une autre façon.  Oui , il y a eu des choix qui m’étonne… Des absents forts appréciés comme Belwas , l’homme plein de gentillesse ou lady cœur de pierre mais c’est du cinéma et pour moi ce divertissement est bien meilleur que plusieurs autres séries.  Et que dire de lady Olena mais qu’elle prestance!  Cette femme crève l’écran!

    #20067
    Pandémie
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    Globalement, je suis assez d’accord sur le principe qu’il ôter les œillères de l’adaptation. C’est idiot et borné. Arrêter de regarder le Seigneur des Anneaux parce qu’il manque Tom Bombadil, ça vous dit quelque chose?

    Et cette excuse de l’adaptation est d’ailleurs ressortie par les showrunners. Quand la crémation de Shôren a choqué, ils se sont réfugiés eux aussi derrière le fait que « C’est GrrM qui nous l’a dit ». Mais…

    Oublions même l’existence du livre. Moi-même je ne pourrais pas le faire en temps normal, j’ai beau être ouvert sur la question d’adaptation, cela ne veut pas dire qu’il faut oublier le livre. Mais pour une fois, oublions. Je sais que ça ne plaira pas à certains ici (on est un peu sur un forum littéraire dédié au Trône de Fer), mais imaginons deux secondes qu’au-delà même de la question d’adaptation, il n’y ait pas de livre.

    Ce n’est pas une question de plaire ou de ne pas plaire. C’est aussi idiot et borné. GoT est l’adaptation d’ASOIAF. Voulant l’analyser en faisant abstraction de cet état de fait peut fonctionner pour certains aspects propre au genre télévisuel ou cinématographique, mais d’autres doivent tenir compte du fait qu’il y a un matériau de base. Ce serait pareil pour un biopic et ne pas regarder la vie de la personne qui l’a inspiré. Ou analyser un extrait du Trône de Fer VF sans aller vérifier la VO.

    Ne pas vouloir se distancer du bouquin ou l’oublier est obligatoirement un raisonnement biaisé. Par contre, il est juste d’étudier la série en partant de la série et non pas en partant du livre. L’erreur est de ne pas retourner vers celui-ci lorsque c’est nécessaire.

    Dans le cas présent, parler de l’intrigue sans parler du roman originel est un mensonge par omission. La quasi totalité des retournements de situation des premières saisons sont issus des romans. Et même en terme d’écriture, une bonne moitié des citations ou scènes iconiques des premières saisons sont issues des livres (rendons à César, d’autres sont le propre de la série). Il est d’ailleurs assez flagrant que, lorsque la série se retrouve coincée en tirant en longueur les scène de Port-Réal et donc se retrouve en manque pour les autres situations, elle se retrouve à inventer des sous-intrigues décriées. Et que cela empire par la suite. Difficile par définition de dire ce que les nouvelles saisons tirent des livres ou pas, mais on remarque que sans le matériau de base, l’intrigue est également en chute libre, et que la vraisemblance mise en place par Martin est jetée aux oubliettes.

    Donc quand D&D se cachent derrière GrrM pour Shôren, on doit tout d’abord comme le dit Jean Neige, jauger la scène selon la série (mal amenée, retournement de situation incompréhensible de Stannis et sa femme, aucune sens stratégique). Mais il sera aussi normal de le juger en fonction de ce qu’en fera GrrM dans les bouquins à titre comparatif et de voir si, dans la série, ils n’auraient pas mieux fait de faire comme lui.

    A noter d’ailleurs que Benioff s’est fait une spécialité d’adapter (ses propres textes La 25ème heure, When the nights rolls over, d’autres textes, Troie, Les Cerfs-volants de Kaboul, Wolverine, ou un film danois Brothers). Son  seul scénario orignal pour un film, Reste, a été un retentissant échec commercial.

     

    #20068
    JN
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1899

    Ce n’est pas une question de plaire ou de ne pas plaire. C’est aussi idiot et borné. GoT est l’adaptation d’ASOIAF. Voulant l’analyser en faisant abstraction de cet état de fait peut fonctionner pour certains aspects propre au genre télévisuel ou cinématographique, mais d’autres doivent tenir compte du fait qu’il y a un matériau de base. Ce serait pareil pour un biopic et ne pas regarder la vie de la personne qui l’a inspiré. Ou analyser un extrait du Trône de Fer VF sans aller vérifier la VO. Ne pas vouloir se distancer du bouquin ou l’oublier est obligatoirement un raisonnement biaisé. Par contre, il est juste d’étudier la série en partant de la série et non pas en partant du livre.

    Et tu as totalement raison sur toute la ligne. Cet « oubli » n’était que dans le cadre de mon raisonnement: essayer de voir les défauts de la série comme des défauts propres à son format et mettre de côté (j’aurais plutôt dû dire « mettre de côté » que « oublier », mais c’était aussi histoire de rendre ça un peu plus marquant 😀 ) quelques instants le rapport au matériau original. En gros, à peu près ce que tu dis dans la phrase mise en gras ci-dessus. Toutefois, si en effet on veut analyser la série proprement et pleinement, impossible de faire l’impasse sur ASOIAF, il n’y a pas de doutes là-dessus.

    « Edmond Dantès. Nice name. It’d look great in print, you know? Although ‘Le Comte de Monte-Cristo’ would make a better title for a novel. » - Dumas, Fate/strange fake

    #20189
    Ysilla
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1872

    Pandémie : si en effet on veut analyser la série proprement et pleinement, impossible de faire l’impasse sur ASOIAF, il n’y a pas de doutes là-dessus.

    Par contre, il est juste d’étudier la série en partant de la série et non pas en partant du livre.

     

    Je suis bien d’accord avec mes deux frères Pandémie et Jean Neige.
    À partir du moment où, avec l’accord de GRR Martin, Benioff et Weiss se sont lancés dans l’adaptation de ASOIAF, il faut bien que les lecteurs s’accommodent de la petite cuisine scénaristique de la série.
    Encore faut-il que, lorsque la série innove, elle reste cohérente avec elle-même : en saison 1, Cersei évoque devant Catelyn, l’enfant mort quasiment à la naissance qu’elle a eu de Robert.

    Cet ajout propre à la série sert deux fois :

    – À l’intérieur de la scène, elle crée pour Catelyn une empathie entre Cersei et elle – que le spectateur sait factice – et donne à voir au spectateur uniquement la fausseté et l’aplomb de Cersei.
    – Ce détail sert une deuxième fois, pour le seul spectateur ici, comme un foreshadowing propre à la série, qui annonce le détail biologique qui mettra plus tard Ned sur la piste de la bâtardise des enfants de Cersei.

    Soit ! Pourquoi pas ? Ce n’est pas dans les livres mais tant pis, la série, c’est la série et là je suis plutôt de l’avis de Jean Neige.

    Cependant, là où ça ne va plus du tout, c’est lorsque lors du prologue de l’épisode 1 de la saison 5 ( je crois) nous assistons en flashback à la prédiction de la maegi/Maggy-la-Grenouille à Cersei : « Tu auras 3 enfants et le roi en aura 20 » adaptation d’une scène des livres ; Robert se voit gratifié de 20 bâtards au lieu des 16 des livres ? pourquoi pas ? 20 est un chiffre rond qu’on retient facilement.
    Mais où est passé l’enfant légitime de Robert et de Cersei, inventé par la série ?

    1. Mensonge de Cersei en saison 1 ? hautement improbable car il pouvait être facilement éventé au hasard d’une conversation Catelyn/ Ned ; Catelyn/ Robert. De plus, cet enfant inventé a une double fonction dans la narration.
    2. Donc quatre saisons plus tard, les scénaristes se prennent les pieds dans le tapis :
      – Soit parce qu’ils se sont rendus compte que cet enfant supplémentaire ne pouvait pas être « casé » dans la prédiction et hop, le spectateur n’y verra que du feu., ont-ils pensé ?
      – Soit plus prosaïquement, parce que les scénaristes de la saison 5 n’ont pas vraiment de « bible » des personnages et des arches narratives et ont oublié ce détail.Comme le dit Pandémie : adaptation d’accord mais on ne peut faire l’impasse sur ASOAIF.
      Et franchement quand on dépense des millions de dollars en effets spéciaux, décors et costumes, c’est pas permis de négliger à ce point le scénario : il suffit de consacrer assez de budget pour engager des petites mains (et le terme n’est pas méprisant, loin de là) chargées de veiller à la cohérence des personnages et des arches narratives de saison en saison, qu’elles suivent ou non les livres.

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #20209
    Lady Clegane
    • Frère Juré
    • Posts : 81

    Soit parce qu’ils se sont rendus compte que cet enfant supplémentaire ne pouvait pas être « casé » dans la prédiction et hop, le spectateur n’y verra que du feu., ont-ils pensé ? 

    C’est peut-être pas faux. La preuve, je n’avais jamais remarqué cette incohérence avant de lire ton post.

    There is only one god and his name is Death, and there is only one thing we say to Death: "Not today".

    #20226
    R.Graymarch
    • Vervoyant
    • Posts : 9879

    Cas un peu moins grave mais qui aussi aurait pu être résolu par 5 secondes de dialogue : quand lors de la guerre des 5 rois, y en a trois qui sont morts, suite aux « prédictions » de Mélisandre. Sauf qu’à ce moment là (et pendant une bonne saison et demie, je crois), aucune nouvelle de Balon. A ce stade là dans les livres, il était mort, mais dans la série, on n’en savait rien, donc par défaut il était en vie alors qu’un simple dialogue à la « j’ai entendu que Balon Greyjoy était mort » entre deux persos n’importe où (Port-Réal, ou chez Stannis) aurait pu régler la situation. Puis les scénaristes ont dû se rappeler « ah zut, il était pas mort lui » et l’ont enfin tué à l’écran. Mieux vaut tard… paraît-il

    Quand on se pique de faire une série « aux petits oignons » avec plein de ramifications, de « mais si, on en parlait là », c’est mieux de ne pas laisser ce genre de bévues. Ou sinon ils s’en moquent, tant que le spectacle est là et que les spectateurs oublient les détails d’un épisode à l’autre, tant que c’est joli.

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    DOH. #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #85739
    Chat-qui-boite
    • Patrouilleur Expérimenté
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    La série est selon moi très centré sur le spectacle, c’est-à-dire le visuel

    C’était il y a un an et c’est pourtant la même discussion que sur le sujet lancé par Samwell ces jours-ci et que je n’arrive pas à retrouver.

    Si je cite Jaqen c’est que moi aussi je me laisse prendre facilement par les images. Bien sûr, à la première différence d’avec le livre je me suis sentie trahie ( C’est fou comme on s’approprie ce qu’on lit), mais le » système série » c’est que quand ce n’est pas trop mal fait on accroche, on attend la suite. Même si ça devient grave (voir les analyses de cette année) il faut une certaine force moral pour se priver du spectacle. Allez, courage à mes frères et soeurs qui ne supportent pas la soupe HBO, c’est bientôt fini. Et merci d’avoir souligné toutes les incohérences, ça teinte bien un peu notre plaisir de culpabilité mais ça permet aussi de rire aux résumés des épisodes quand la plume est acérée.

    Enfin votre exigence, on peut le souhaiter, pèsera un peu sur la qualité future. Pour GoT, c’est foutu, le succès et les dollars sont dans la caisse.

    Mieux vaut être en retard au paradis qu'en avance au cimetière
    Reste assis au bord de la rivière et tu verras passer le corps de ton ennemi

    #85747
    John Lon Bickel
    • Patrouilleur du Dimanche
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    D’un point de vue général sur l’adaptation, de toutes façons, ASOIAF est un livre très introspectif, avec peu de descriptions, reposant de plus sur des quasi-mensonges volontaires de l’auteur au lecteur. Prendre toutes les réflexions personnelles de chaque POV et les transposer dans les dialogues et quelques mimiques est impossible, alors que le Seigneur des Anneaux par exemple peut se le permettre.

    Même avec une adaptation idéale, de très grands morceaux seraient altérés. Au hasard, Eddard qui décide finalement de jurer fidélité à Jeoffrey, la fidélité de Davos à Stannis dans les cachots de Peyredragon et de Blancport, la rébellion de Theon/Schlingue, la trahison d’Arys du Rouvre, tous ces passages sont forcément ridicules à moins d’une interprétation quasi oscarisable. Sans parler des effets tels que le mystère de l’homme de Winterfell.

    Pour moi, sans négliger les faiblesses d’écriture, il faut se résoudre à ce que le niveau soit ici de toutes façons plus bas et accepter les compensations du spectacle des images. Je veux dire que des téléfilms sur les nouvelles de Dunk par exemple poseront essentiellement les mêmes problèmes, quel que soit les réalisateurs/dialoguistes/metteurs en scène. Et que ce serait pourtant idiot de ne pas les adapter.

    Et puis, il y a le désir qu’une belle œuvre ne soit pas être gâchée par une mauvaise adaptation. Hélas, en toute logique seuls les grands livres font l’objet d’adaptations. La barre est systématiquement beaucoup plus haute pour les adaptations que pour les œuvres originales. Et les adaptations ont autant de chances de faire des gaffes que les œuvres originales.

    #85759
    Rosie132
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      Pour moi, sans négliger les faiblesses d’écriture, il faut se résoudre à ce que le niveau soit ici de toutes façons plus bas et accepter les compensations du spectacle des images.

    Tout à fait, John Lon Bickel ! Et il ne faut surtout pas oublier l’ajout de la musique qui n’existe pas dans les livres ! Que serait le film Gladiator sans la musique incroyable de Hans Zimmer? As-t-on idée? Pour Game of Thrones, c’est la même chose. Ramin Djawadi, étant l’émule de Hans Zimmer, il a produit une trame sonore unique, grandiose et bouleversante. C’est une des raisons, sinon la plus importante, qui fait que je suis fan de la série.

    Et que ce serait pourtant idiot de ne pas les adapter. Et puis, il y a le désir qu’une belle œuvre ne soit pas être gâchée par une mauvaise adaptation. Hélas, en toute logique seuls les grands livres font l’objet d’adaptations. La barre est systématiquement beaucoup plus haute pour les adaptations que pour les œuvres originales. Et les adaptations ont autant de chances de faire des gaffes que les œuvres originales.

    Entièrement d’accord ! D’autant plus qu’aucune adaptation ne peut se faire sans l’autorisation de l’auteur de l’oeuvre écrite. N’oublions jamais ce point important. Après, si l’adaptation ne répond pas aux attentes de l’auteur et des lecteurs, cela faisait partie des risques à courir, et comme tu l’as si bien dit, il y avait des chances de faire des gaffes.

     

    #85773
    JN
    • Terreur des Spectres
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    Pour moi, sans négliger les faiblesses d’écriture, il faut se résoudre à ce que le niveau soit ici de toutes façons plus bas et accepter les compensations du spectacle des images.

    Comme évoqué dans mon premier post, je pense surtout qu’il n’y a pas de niveau à comparer. Ce sont deux médiums différents. Avec un langage différent.

    Toutefois, se résoudre uniquement au spectacle des images, je ne suis pas d’accord. C’est là la force du cinéma, et de l’audiovisuel. En un regard, un plan, un angle de caméra, on peut transmettre des idées, des mots, sans besoin de monologues. Ce n’est pas ça qui rend le « niveau plus bas », c’est un moyen d’expression différent: certes beaucoup moins développé que milles mots, mais qui va transmettre néanmoins une idée, concise, mais représentative.

    J’ai par ailleurs envie de rappeler que, même si je suis globalement d’accord avec toi, je pense qu’il est étrange de se dire que l’on doit « accepter un niveau plus bas et accepter les compensations du spectacle » lorsque les premières saisons parviennent à brillamment adapter l’œuvre sans besoin de longs monologues intérieurs ou PoV.

    Et quand je parle d’adapter ça ne se réfère pas à « garder les choix d’histoire du livre ». Je pense que ça, on s’en moque globalement. Mais de garder cet esprit, ce ton, la « noblesse » littéraire de cette œuvre qu’est le Trône de Fer, poétique et pragmatique. Comment se fait-il que trois saisons (voire au-delà) parviennent à capter parfaitement cette essence ? Et que maintenant on nous enjoint à nous contenter du spectacle des images? Je trouve cela légèrement contradictoire. A aucun moment le format de série télévisée en lui-même a été responsable de la différence notable entre la maîtrise d’écriture du livre et le manque de maîtrise d’écriture de la série. Le fait que le « niveau soit plus bas » n’a dépendu que des choix des scénaristes et non pas du fait de l’adaptation.

    « Edmond Dantès. Nice name. It’d look great in print, you know? Although ‘Le Comte de Monte-Cristo’ would make a better title for a novel. » - Dumas, Fate/strange fake

    #85788
    Yavanna
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    En repensant un peu à tout ce que vous dites, je me suis rappelée qu’il y avait quelques moments que j’avais trouvé très bien dans la série, quelques passages intelligents et bien écrits : le premier qui me revient à l’esprit, c’est que ce soit Brienne qui tue Stannis. Une autre, c’est quand Tyrion propose à Jon, qui est vraiment le pire négociateur ever, de demander à exploiter le verredragon sur Peyredragon plutôt que de demander plus gros.

    Le sacrifice de Shôrei (Shoren ? Sheereen ? Elle change plein de fois de nom dans la version française dans la série), disent les showrunners, c’est l’idée de Martin. Et en effet, cette scène est bouleversante.

    Le problème qu’on a dans notre position, et qui est quand même relativement rare, c’est qu’on est au coeur d’une oeuvre qui est adaptée avant même d’être terminée. Pour ceux qui connaissent un peu les mangas, ça avait été le cas de Full Metal Alchemist, qui a connu deux adaptations, la première d’entre elle ayant dépassé la publication ; les scénaristes avaient alors choisi de partir dans leur direction, et la fin est donc différente de celle qui avait été prévue par l’auteure. Dans un second temps, il y a eu une deuxième adaptation, celle-ci fidèle à l’oeuvre.

    Dans notre cas, le problème c’est qu’on nage entre deux eaux : impossible de savoir dans quelle mesure des éléments futurs des livres se sont retrouvés dans la série ; impossible de savoir quand les divergences ont lieu ; certes certaines intrigues nous paraissent incohérentes ou molles, mais on peut jamais être sûr à 100% de qui vient l’idée. Et d’ailleurs les showrunners entretiennent cette ambiance que je trouve un poil malsaine, tantôt pour se dédouaner, tantôt pour se targuer de leur propre créativité.

    Beaucoup de gens en viennent à réaliser avec l’épisode 3 qu’en réalité, ils auraient préféré un choix radical, que la série suive son propre chemin. Parce qu’ici, on est pas content de voir des incohérences ou des faiblesses de scénario, et malgré tout on ne peut pas s’empêcher de réfléchir selon une logique propre aux livres, parce qu’on ne nous a jamais dit clairement « à partir de ce point, ceci est une création originale ».

    En tant que lectrice, j’en viens presque à stresser sur ce qui va se passer dans les livres, parce que j’ai envie que ça soit différent de ce que j’ai vu. Et en réalité, je ne pourrai réagir que rétroactivement, puisqu’on ne connaîtra vraiment l’amplitude des différences livres/série, qu’une fois que TWOW et ADOS seront sortis. Seulement là, nous saurons ce qui vient de Martin et ce qui vient des showrunners. Entre temps, pas mal de gens se retrouvent avec des difficultés à comprendre ce qu’ils ressentent et à être tiraillés.

    Une fois que tout cela est dit, je trouve quand même que l’adaptation des dernières saisons est tombée dans le piège des blockbusters : on privilégie la réaction du public dans l’immédiat à la cohérence de l’histoire. Que ce soit Arya qui tue le NK, D&D l’ont clairement dit dans le making-of, c’était pour surprendre. Tellement de gens avaient fait de théories, qu’il fallait les prendre à contre-pied, faire quelque chose d’inattendu. Sauf que nous, lecteurs, avons appris que quand il se passe quelque chose d’inattendu dans l’histoire, c’était en fait soit le hasard (mais rarement), soit c’est que nous n’avions pas vu la pente qui découlait inévitablement sur cet état de fait.

    La perte de complexité, c’est le problème qu’on a avec GOT. Parce que beaucoup ont apprécié la série en premier lieu pour cette complexité justement ! Le véritable spectaculaire ne commence qu’avec la bataille de la Néra, et c’est déjà en saison 3. On ne peut pas nous demander de continuer à apprécier une série si on en change tous les codes au milieu sans justification. A cet égard d’ailleurs, beaucoup de téléspectateurs qui n’avaient jamais lu les livres se sont rendus compte avec cette dernière saison qu’en fait ils avaient un sentiment de déception depuis quelques temps qu’ils n’arrivaient pas à expliquer.

    Les showrunners auraient pu faire le choix de la simplicité dès le début, mais alors GrrM n’aurait pas accepté qu’ils adaptent son oeuvre. La culture c’est comme la confiture, moins on en a plus on l’étale, mais quand on manque de fond, on pousse sur la forme en espérant que ça va passer crème. C’est sur que les dragons de la saison 8 sont sublimes. C’est exactement les mêmes critiques que je peux faire aux films de super-héros d’aujourd’hui, qui me mettent plein de CGI dans la gueule, et quand j’en ressors, j’ai rien retenu.

    Après je veux pas jeter la pierre. Martin est un écrivain très talentueux, et donc déjà c’est difficile d’avoir une aussi bonne écriture que lui. Ensuite le processus créatif est difficilement compatible avec le business grand public des blockbusters. Forcément la qualité en pâtit, ce qui est paradoxal, vu les moyens mis à disposition. Mais ce qui fait qu’un film est bon, c’est qu’il est une oeuvre d’art. Si je veux voir des sons et lumières, je vais voir des sons et lumières. Si je vais voir un film ou une série, j’ai envie qu’elle touche en moi une corde autre que mon nerf optique…

    #85793
    Corlygg
    • Patrouilleur du Dimanche
    • Posts : 239

    Pour moi, sans négliger les faiblesses d’écriture, il faut se résoudre à ce que le niveau soit ici de toutes façons plus bas et accepter les compensations du spectacle des images.

    Comme évoqué dans mon premier post, je pense surtout qu’il n’y a pas de niveau à comparer. Ce sont deux médiums différents. Avec un langage différent. Toutefois, se résoudre uniquement au spectacle des images, je ne suis pas d’accord. C’est là la force du cinéma, et de l’audiovisuel. En un regard, un plan, un angle de caméra, on peut transmettre des idées, des mots, sans besoin de monologues. Ce n’est pas ça qui rend le « niveau plus bas », c’est un moyen d’expression différent: certes beaucoup moins développé que milles mots, mais qui va transmettre néanmoins une idée, concise, mais représentative. J’ai par ailleurs envie de rappeler que, même si je suis globalement d’accord avec toi, je pense qu’il est étrange de se dire que l’on doit « accepter un niveau plus bas et accepter les compensations du spectacle » lorsque les premières saisons parviennent à brillamment adapter l’œuvre sans besoin de longs monologues intérieurs ou PoV. Et quand je parle d’adapter ça ne se réfère pas à « garder les choix d’histoire du livre ». Je pense que ça, on s’en moque globalement. Mais de garder cet esprit, ce ton, la « noblesse » littéraire de cette œuvre qu’est le Trône de Fer, poétique et pragmatique. Comment se fait-il que trois saisons (voire au-delà) parviennent à capter parfaitement cette essence ? Et que maintenant on nous enjoint à nous contenter du spectacle des images? Je trouve cela légèrement contradictoire. A aucun moment le format de série télévisée en lui-même a été responsable de la différence notable entre la maîtrise d’écriture du livre et le manque de maîtrise d’écriture de la série. Le fait que le « niveau soit plus bas » n’a dépendu que des choix des scénaristes et non pas du fait de l’adaptation.

    Merci! Ce que beaucoup ne semblent pas comprendre dans les critiques qui sont faites, ce n’est pas tant la différence de qualité entre les livres et la série que la différence entre les 3 premières saisons et les 5 suivantes (la saison 4 est dans un entre-deux mais c’est à partir de celle-là que les faiblesses d’écritures sont devenues plus récurrentes) qui dérange. Pour moi, ce que le GOT actuel a « trahi », ce n’est pas l’esprit des livres mais l’esprit des premières saisons. Entre ces dernières et les suivantes, il y a eu un changement de paradigme. Qui aurait imaginé qu’une série comme GOT puisse mettre en scène des personnages avec une telle plot armor et user d’autant de deus ex machina? Cela en est presque irréel.

    #85795
    JN
    • Terreur des Spectres
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    @proxima: Entièrement d’accord, Corlygg.

    Après je veux pas jeter la pierre. Martin est un écrivain très talentueux, et donc déjà c’est difficile d’avoir une aussi bonne écriture que lui. Ensuite le processus créatif est difficilement compatible avec le business grand public des blockbusters. Forcément la qualité en pâtit, ce qui est paradoxal, vu les moyens mis à disposition. Mais ce qui fait qu’un film est bon, c’est qu’il est une oeuvre d’art. Si je veux voir des sons et lumières, je vais voir des sons et lumières. Si je vais voir un film ou une série, j’ai envie qu’elle touche en moi une corde autre que mon nerf optique…

    J’ai du mal à comprendre cette justification du blockbuster.

    Le problème étant qu’un blockbuster c’est surtout un concept qui s’applique à la base au cinéma, généralement grand public. Ce qui ne représente pas vraiment GoT (et je dis bien GoT, la série, indépendamment de sa source).
    Au départ, GoT restait une série HBO, avec une popularité vite devenue monstrueuse pour une série, mais néanmoins une série HBO. Une chaîne connue pour son contenu de qualité, mature, parfois cru mais également subversif. Une série qui appliquait à la fois la marque de fabrique HBO tout en ayant un ton et une aura originale et unique pour la télévision.
    La preuve, le processus créatif n’était pas « difficilement compatible » avec les premières saisons. Elles ne subissaient pas du tout cette pression blockbuster. Pourquoi considérer tout à coup GoT comme un blockbuster et refuser de jeter la pierre à cause de ce statut ? Les showrunners ont décidé d’eux-même d’en faire une série type « blockbuster ». Il n’y a rien à excuser sur le fait que le « processus créatif » serait peu présent: ce sont eux qui se sont mis la balle dans le pieds. C’est eux qui l’ont voulu.

    Et ce revirement de ton n’est absolument pas à mettre sur le dos de la popularité. La popularité ne fait pas mal écrire, elle peut mettre de la pression, mais une série bien écrite pouvait surpasser et fédérer bien plus qu’une soupe type « blockbuster » si elle était bien faite.

    Dans notre cas, le problème c’est qu’on nage entre deux eaux : impossible de savoir dans quelle mesure des éléments futurs des livres se sont retrouvés dans la série ; impossible de savoir quand les divergences ont lieu ; certes certaines intrigues nous paraissent incohérentes ou molles, mais on peut jamais être sûr à 100% de qui vient l’idée.

    C’est également un faux problème. Parce que s’ils décident d’adapter des intrigues molles qui viendraient des futurs bouquins, c’est eux qui ont choisi de les mettre là. Et l’un des syndromes de D&D est justement de vouloir adapter des arcs ou des éléments narratifs du bouquin… juste pour les mettre là, même si dans le cadre de la série ils ne serviront pas.

    Peu importe de qui vient l’idée, ils ne sont pas esclaves de Martin (ils le montrent bien lors de ces dernières saisons) et c’est eux qui ont la totale autorité sur les choix scénaristiques de la série.

    Je pense que le problème n’est absolument pas de nager entre deux eaux. Car encore une fois, peu importe quel point narratif ou quelle histoire vient du livre. Cela n’est pas à mon sens le plus pertinent dans une adaptation, vu qu’elle s’émancipera de toutes manières, et parfois même de la trame narrative. Le problème est surtout de s’éloigner à la fois de ce que représente l’œuvre en termes de ton, de portée, d’idéaux – et de le faire drastiquement en milieu de série, créant une incohérence entre la série et… pas juste le bouquin, mais elle-même. Pour moi GoT, c’est deux séries. Les s1 à s3~4, et le reste. Il y a une coupure vers la 4 qui donne l’impression qu’on regarde un autre show qui ne se répond plus à lui-même dans la même langue.

    « Edmond Dantès. Nice name. It’d look great in print, you know? Although ‘Le Comte de Monte-Cristo’ would make a better title for a novel. » - Dumas, Fate/strange fake

    #85796
    Mestre Samwell
    • Pas Trouillard
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    Et puis, il y a le désir qu’une belle œuvre ne soit pas être gâchée par une mauvaise adaptation. Hélas, en toute logique seuls les grands livres font l’objet d’adaptations. La barre est systématiquement beaucoup plus haute pour les adaptations que pour les œuvres originales. Et les adaptations ont autant de chances de faire des gaffes que les œuvres originales.

    Je plussoie John Lon Bickel, pour son raisonnement et la sagesse de ses propos!

    Et il ne faut surtout pas oublier l’ajout de la musique qui n’existe pas dans les livres ! Que serait le film Gladiator sans la musique incroyable de Hans Zimmer? As-t-on idée?

    Ah, dame Rosie, bien d’accord pour la musique! Gladiator  est mon film fétiche, je l’ai vu plus d’une dizaine de fois et j’en pleure encore, c’est fou ! Je me suis donc prêté au test : j’ai mis le son à « mute ». La scène finale est toujours extraordinaire, mais il manque quelque chose. Il manque justement «Now we are free » de Hans Zimmer, dont les notes s’élèvent lentement vers le ciel, accompagnant les images du passé de Maximus, l’herbe de son champ de blé, sa maison, sa femme et son enfant qui l’attendent… Ah, quel beau film!

    Voici, pour les nostalgiques comme moi.

    https://www.youtube.com/watch?v=au-LmtdH01U

    Comment se fait-il que trois saisons (voire au-delà) parviennent à capter parfaitement cette essence ? Et que maintenant on nous enjoint à nous contenter du spectacle des images? Je trouve cela légèrement contradictoire.

    À mon avis, il n’y a rien de contradictoire, car on est tous différents et notre perception est différente. Pour certains toutes les saisons se valent. C’est une question de préférence et non de contradiction. Je reconnais d’emblée que les lecteurs ont préféré les 3 premières saisons. Mais ce n’est pas le cas de tous. On ne peut parler que pour soi. Pour ma part, j’ai préféré la saison 4. Ai-je tort? Suis-je moins perspicace que ceux qui ont préféré les saisons 1, 2 et 3? Ma copine a préféré la saison 6. Doit-on dire d’elle qu’elle n’a rien compris au scénario? Selon moi, pour des raisons qui nous appartiennent tous et chacun, nous avons des préférences et des perceptions différentes.  Ces perceptions se retrouvent au théâtre, au cinéma, dans la littérature, la peinture, la sculpture, bref, dans tous les arts.

    Mais ce qui fait qu’un film est bon, c’est qu’il est une oeuvre d’art. Si je veux voir des sons et lumières, je vais voir des sons et lumières. Si je vais voir un film ou une série, j’ai envie qu’elle touche en moi une corde autre que mon nerf optique

    J’en conviens, Yvanna, mais quand, en plus de toucher la corde sensible, on a en bonus les sons et lumières, on est alors comblés!

     

    #85797
    JN
    • Terreur des Spectres
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    À mon avis, il n’y a rien de contradictoire, car on est tous différents et notre perception est différente.

    Et tu as totalement raison.

    Mais je réponds à un propos argumenté, pas un ressenti. Je ne verrais pas l’intérêt de critiquer un ressenti, ça n’est d’ailleurs pas mal place d’expliquer à qui que ce soit comment il devrait se sentir devant une série ou un film ou autres. Le débat concerne une discussion à visée objective (car elle ne pourra jamais être entièrement objective).

    Il faut bien dissocier ce qui relève de ce qui nous plaît et de ce que nous pouvons juger comme une œuvre de qualité.

    Ici le propos était littéralement: « c’est une série télé qui adapte un livre, donc le niveau sera forcément plus bas, donc contentez-vous des belles images ». Ce à quoi je ne suis pas d’accord, le passage d’un médium à l’autre n’est pas responsable de la baisse d’un quelconque « niveau ».

    Du coup oui, c’est indéniable, nous avons tous une perception différente, mais ce serait dommage de s’arrêter à ça. Sinon, cette discussion (et bien d’autres…) n’auraient aucun sens. 😀 C’est également un droit de vouloir juger et argumenter au-delà de notre perception, préférence et plaisir personnel.

    Mais ce qui fait qu’un film est bon, c’est qu’il est une œuvre d’art. Si je veux voir des sons et lumières, je vais voir des sons et lumières. Si je vais voir un film ou une série, j’ai envie qu’elle touche en moi une corde autre que mon nerf optique…

    Je pense que ce qui fait qu’un film est bon en tant qu’œuvre d’art, justement, c’est réussir à utiliser les composantes du cinéma d’une bonne façon, composantes que lui seul parvient à mélanger. Visuel, audio, narration – sans oublier montage, unique à l’audiovisuel. Si on veut une histoire muette et sans image, on s’en tient à la littérature. Certains films sont beaux et intéressants sans avoir une musique extraordinaire ou une réalisation magistrale – mais on a au moins apprécié voir cette histoire racontée sous nos yeux et l’avoir entendue.

    Il ne faut pas oublier que la « cinématographie » c’est l’art de raconter avec des images. Phrase simple qui en dit beaucoup.

    On ne peut pas nous demander de continuer à apprécier une série si on en change tous les codes au milieu sans justification. A cet égard d’ailleurs, beaucoup de téléspectateurs qui n’avaient jamais lu les livres se sont rendus compte avec cette dernière saison qu’en fait ils avaient un sentiment de déception depuis quelques temps qu’ils n’arrivaient pas à expliquer.

    +1000.

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    #85811
    Emmalaure
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    Ici le propos était littéralement: « c’est une série télé qui adapte un livre, donc le niveau sera forcément plus bas, donc contentez-vous des belles images ». Ce à quoi je ne suis pas d’accord, le passage d’un médium à l’autre n’est pas responsable de la baisse d’un quelconque « niveau ».

    D’ailleurs, petite parenthèse, ça me fait penser à la mini-série des années 80 – les Derniers jours de Pompéi – qui adaptait le roman éponyme, écrit par Bulwer-Lytton dans la première moitié du 19e. Pour avoir lu plusieurs fois le bouquin (et encore récemment), je peux garantir qu’il est une suite de tous les clichés de l’époque sur l’antiquité : il faut caser une scène de banquet chez un nouveau riche type Satiricon, une scène d’arène avec des chrétiens persécutés, une héroïne objet de convoitise de plusieurs hommes, l’héroïne convoitée par un méchant libidineux, un héros qui se convertit au christianisme, deux beaux héros sortis d’un musée de statues de la période hellénistique, une brune jalouse, un nouveau riche, un ami parasite, etc… Bref, l’auteur parcourt vraiment tout le panel possible des clichés de son époque et pond un best seller. Quand j’étais petite fille, j’en avais une version abrégée que j’adorais et que j’ai lu plein de fois. J’ai retrouvé une version intégrale il y a quelques années, et j’ai été consternée à la lecture : écriture standard sans intérêt, intrigue cousue de fil blanc, psychologie des personnages inexistante car personnages réduits à des fonctions, sans parler des recettes des romans noirs appliquées à un contexte antiquisant, et le tout sans un pet d’humour ou de distance, ni subtilité d’aucune sorte.

    La mini-série, elle a retiré une bonne partie du carton-pâte, a étoffé les intrigues secondaires comme l’intrigue politique ou celles vécues par des personnages secondaires ; les persos ont gagné des motivations plus complexes et une psychologie; il reste des clichés sortis tout droit des peplum holllywoodiens des années 50/60 surtout du côté des chrétiens (et des invraisemblances un peu criantes notamment sur le but ultime du méchant qui est assez risible, et une scène pas du tout ironique où deux mâles roulent des mécaniques à un endroit complètement incongru mais fréquenté par l’héroïne), mais globalement il n’y a pas photo, l’adaptation télévisée est très loin au-dessus de son ancêtre littéraire. En plus, les acteurs sont très bons ^^.

    #85843
    Chat-qui-boite
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    Je reviens à cette question de l’adaptation sans cacher cette fois ci mon opinion sur le système américain: revenons au B A BA. Chez nous (en Europe) le réalisateur est un artisan qui doit bagarrer pour son projet et qu’il surveille de A à Z. Aux USA nous avons des Show runners, des chaines TV ou des groupes, les films sont écrits par les uns, chiffrés par les autres et filmés par d’autres encore. C’est ce que j’appelle une industrie.

    Pas de cris d’horreur quand je parle des sous: GRRM a bel et bien vendu les droits d’adaptation avec les résultats que l’on connait. Ce qui n’enlève rien à  son talent ni à sa moralité. Un écrivain ne vit pas d’amour et d’eau fraiche et j’imagine qu’il y a du monde autour de lui pour s’occuper des affaires et lui faciliter la tâche.

    Pour exemple des désagréments apportés entre deux systèmes ( industrie ou artisanat) j’ai repensé au magnifique film de Bertrand Tavernier d’après James Lee Burke: Dans la Brume Electrique. J’avais vu un documentaire ou Tavernier détaillait le tournage, les apports de Tommy Lee Jones, le fonctionnement de l’équipe de tournage mi-américaine mi-française.

    Pour me rafraîchir la mémoire, je suis allée faire un tour sur Wikipedia et là je n’ai pas été déçue:Je ne le savais pas mais il y a eu deux montages à ce film, un pour les USA, l’autre fait par B.Tavernier pour le reste du monde.

    Voilà ce qui arrive quand on traite une oeuvre d’art (un livre) comme une marchandise. Je n’en suis pas encore revenue.

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    #85846
    R.Graymarch
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    Je crois me souvenir qu’il y avait aussi des films montés différemment pour la Chine. Ou pour les vols en avion, non ?

    Je reviens à cette question de l’adaptation sans cacher cette fois ci mon opinion sur le système américain: revenons au B A BA. Chez nous (en Europe) le réalisateur est un artisan qui doit bagarrer pour son projet et qu’il surveille de A à Z. Aux USA nous avons des Show runners, des chaines TV ou des groupes, les films sont écrits par les uns, chiffrés par les autres et filmés par d’autres encore. C’est ce que j’appelle une industrie.

    Je trouve ça très simplifié. Luc Besson est européen mais n’est pas un artisan (idem pour les comédies-françaises-tournées-en-boucle-sans-scénario). Et Noah Baumbach en est plutôt un alors qu’il est américain. Forcément, on peut sans doute citer plus d’exemples artisanaux « français » car ceux qui viennent d’ailleurs ont beaucoup moins de chances d’être diffusés par rapport aux blockbusters hollywoodiens. Cela dit, les frères Coen, Scorsese, Wes Anderson (ou PT Anderson, mais non pas l’autre)… on en trouve quand même.

    Le support culturel mélange un peu tout, mais c’était le cas aussi pour « les livres ». Art ou industrie ? Ca dépend. Le 857e livre de la collection Harlequin est un « livre » au sens physique du terme, autant que celui de Proust ou Eco. Est-ce que leur support identique permet de les mettre dans le même panier ? A mon avis, non.

    Donc comparer Fast and furious 78 et le film tchèque sous-titré en hongrois (team clichés), ça n’a pas vraiment de sens. La seule nuance à mon avis, entre livre et ciné/télé, c’est que le second brasse beaucoup plus d’argent et d’intérêt que le premier. Du coup, on fait plus attention à « faire ce qui marche », surtout si on investit beaucoup. Un adage des années 1920 à Hollywood disait que « pour être millionnaire dans le cinéma, il faut commencer par être milliardaire » car les échecs coûtent très très cher.

    Pour moi, ASOIAF tire plus vers l’art alors que GoT tire plus vers l’industrie. Mais les enjeux financiers ne sont pas les mêmes, ce qui explique ce résultat. Et vu que GoT est beaucoup regardé, financièrement (et en termes de réputation ou répercussion médiatique), c’est bien joué. Ca ne restera pas forcément dans les oeuvres immortelles qu’on regardera encore dans 50 ans (ou 500 ans), mais à mon avis, ce n’est pas le but.

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
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    #85851
    JN
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    Comparaison d’autant plus simple qu’il y a un monde entre Hollywood et le paysage de la production télévisuelle – sans parler du gouffre entre le paysage télévisuel commun et HBO qui se tient à part et est réputé pour accorder une liberté artistique relativement immense – quitte à devoir annuler des projets si jamais ils ne sont pas rentables… Mais au moins, ils ont vu le jour. Car c’est une chaîne qui ose tenter le coup.

    La position de « marchandise » de GoT est également unique pour HBO qui n’a jamais vécu cela (ou jamais autant) avec une autre série.

    HBO a prouvé maintes fois sa capacité à produire des « œuvres d’art » (un terme qui me chiffonne parce qu’on l’associe toujours à quelque chose de positif, alors que tout film est globalement une œuvre d’art d’une façon ou d’une autre, même les mauvais – tout comme le serait également un mauvais livre).

    « Edmond Dantès. Nice name. It’d look great in print, you know? Although ‘Le Comte de Monte-Cristo’ would make a better title for a novel. » - Dumas, Fate/strange fake

    #86120
    Tizun Thane
    • Pisteur de Géants
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    Pour moi, il y a deux soucis majeurs au niveau de la série GoT.

    • L’adaptation des intégrales 4 et 5 est une gageure. Trop d’intrigues qui partent dans tous les sens, trop de personnages introduits. Les lecteurs sont eux-même très partagés. Même en y mettant de la bonne volonté,  il faut faire des choix difficiles. ce qui me conduit au 2e point
    • les showrunners ne sont pas à la hauteur. Quand ils ont dépassé les livres, ils se retrouvés fort dépourvus. Ils ont mal identifié le succès de leur propre série. Ils ont privilégié constamment le spectaculaire, le choquant, et le twist au détriment de la logique.

    L’expédition dans le Nord? Elle n’a aucun sens d’un point de vue logique, mais en a du point de vue spectacle (mal géré par ailleurs selon moi, mais bref).

    L’intrigue Sansa Bolton? Le mariage n’a aucun sens d’un point de vue logique. Le plan de Littlefinger ne tient pas debout, et Sansa n’a aucune raison d’accepter. Là encore, ils ont privilégié le choquant en la livrant à Ramsay, au détriment de tout le reste.

    Les Aspics des Sables? Pour venger Oberyn, nous allons… tuer la famille d’Oberyn qui n’est pour rien dans sa mort ! Girl Power!

    C’est aussi une série qui se targue de faire de la politique mais qui oublie les fondamentaux. Les Aspics de Sable sont des bâtardes qui n’ont aucun droit sur Dorne. Leur coup d’état apparaît incompréhensible d’un point de vue féodal.

    Cersei, même chose. Quand elle explose le septuaire de Baelor, en retournant la situation d’un coup de maître, il n’y a aucune répercussion. Elle a anéanti le lieu le plus saint de la Foi des Septs, un leader religieux charismatique, une reine adorée du peuple. Il devrait y avoir de la contestation, de la révolte (qu’elle pourrait mater dans le sang, je ne dis pas). Il n’y a rien.

    Se faisant, ils ont oublié un à un tous les fondamentaux de la série pour aboutir à une série fantasy bas du front qui fait semblant d’être complexe, pour aboutir à un final où la mort du méchant aboutit à la destruction de l’armée.

    Comme dans Avengers ou  la Menace Fantôme ou pire Suicide Squad. On se retrouve à la fin avec un objet filmique qui n’a rien à voir avec le début.

    #86129
    FeyGirl
    • Fléau des Autres
    • Posts : 4207

    Je suis d’accord avec @tizunthane.

    Ce sont les premières saisons qui m’ont donné envie de lire les livres.

    Ce que j’avais aimé : l’univers incroyablement riche et complexe, tout en ayant un côté réaliste malgré les quelques touches de Fantasy. C’était très fort !

    Les personnages très travaillés, les intrigues qui s’entremêlent, les trahisons, les stratégies à très long terme… Et en musique de fond, une menace venue de Nord qui va tout balayer, rendant vaines les luttes entre les hommes. Les dialogues incroyables. N’oublions pas la forme : les décors et les costumes, la musique, la réalisation.

    Ce que je reproche à l’évolution de la série : n’avoir gardé que la forme, en éliminant tous les autres aspects qui m’avait énormément plu. J’ai maintenant l’impression de voir une série TV comme tant d’autres, avec des rebondissements artificiels « parce qu’il faut surprendre le téléspectateur », et des arcs clos à la va-vite voire pas clos du tout, quand on ne sait plus quoi en faire. C’est le syndrome Lost.

    Cela ne m’aurait pas dérangé de voir des arcs narratifs des livres pas abordés dans la série (Lady CdP, Dorne… parce que le temps d’antenne est limité), si le reste était resté de qualité et cohérent.

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