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[On teste pour vous] “Winter is coming, les racines médiévales de Game of Thrones” par Carolyne Larrington

[On teste pour vous] “Winter is coming, les racines médiévales de Game of Thrones” par Carolyne Larrington

Carolyne Larrington est spécialiste de littérature médiévale et enseigne au St John’s College d’Oxford. Elle a publié en 2015 Winter is Coming: The Medieval World of Game of Thrones. Sa traduction française, réalisée par Antoine Bourguilleau, est parue le 3 avril 2019. Celui-ci remercie d’ailleurs le wiki de la Garde de Nuit, qui lui a visiblement beaucoup servi pour la traduction.

Les éditions Passés Composés nous ont fait parvenir un exemplaire en avant-première. Neith l’a lu pour vous et vous fait part de son avis (*).

Introduction et premières impressions

Couverture "Winter is coming. Les racines médiévales de Game of Thrones"

Couverture « Winter is coming. Les racines médiévales de Game of Thrones » C. Larrington. © éditions Passés composés, 2019

Lorsque j’ai commencé le livre de Carolyne Larrington, j’ai tout d’abord été un peu étonnée de voir qu’elle se limitait aux événements allant jusqu’à la saison 5 de Game of Thrones, avant de faire quelques recherches sur l’auteur et de m’apercevoir que la publication en version originale de son ouvrage datait de 2015. Il est donc clair que cet ouvrage n’est pas à mettre entre les mains de ceux qui veulent une analyse poussée des événements des saisons plus récentes de la série.

On pourrait se consoler en se disant que nous disposons des livres jusqu’à ADWD, et que l’analyse sera donc plus centrée sur les livres pour ce qui est des événements post-saison 5… Eh bien non, l’auteur explique en introduction qu’elle va se limiter le plus souvent aux événements connus à la fin de la saison 5, et qu’elle n’a pas été plus loin que cette limite chronologique dans l’étude des livres. La volonté affichée est de ne pas spoiler les non-lecteurs… Biais assez étrange pour une spécialiste de littérature médiévale.

L’auteur (à moins que cela ne soit le traducteur, mais cela serait étonnant) a aussi créé ses propres abréviations pour les titres des tomes de la saga. Ne cherchez pas ASOS ou ADWD, mais SS ou DD… Détail certes anecdotique, mais pour le lecteur habitué aux sigles et acronymes « classiques », c’est perturbant pendant quelques dizaines de pages.

Légendes, histoire et littérature

Dans le livre de Carolyne Larrington, l’histoire de la saga est mêlée à la fois à l’histoire médiévale européenne (ou asiatique dans quelques cas) et à des légendes médiévales, ce qui rend le propos de l’auteur souvent très intéressant. J’ai par exemple beaucoup aimé la partie sur l’hospitalité médiévale, celle sur les duels judiciaires, ou encore celle sur la Banque de Fer. Le parallèle entre Dothrakis et Mongols est également détaillé et étayé, ainsi que celui entre le culte de R’hllor et les cathares médiévaux.

Ne connaissant pas grand-chose en littérature médiévale, j’ai trouvé très intéressants les parallèles entre le Trône de Fer et des œuvres comme Beowulf ou Les Contes de Canterbury. Cela permet de se rendre compte de la longévité de certaines thématiques dans l’imaginaire occidental, et de mettre en lumière certaines similitudes avec celles abordées par G.R.R. Martin. Carolyne Larrington ne va jamais jusqu’à dire « G.R.R.M s’est inspiré de telle légende ou tel événement », et n’insiste pas trop sur ses inspirations déjà très connues, comme la guerre des Deux-Roses. Ce n’est donc pas une « redite » d’éléments déjà vus des centaines de fois sur Internet, mais une étude réellement originale, pleine de parallèles très pertinents, ce qui en fait un ouvrage assez « rafraîchissant » sur ce plan-là.

Les œuvres médiévales citées le sont de façon sérieuse, avec des références bibliographiques et des citations, qui sont ensuite analysées.

L’auteur pousse la science du parallèle jusqu’à l’épilogue de son livre, dans lequel elle tente de deviner la fin de la série en se basant sur un roman anglais du XIIIème siècle. Elle s’appuie pour cela aussi sur les livres du Trône de Fer, le personnage mentionné n’étant pas apparu dans la série à l’heure de la publication de l’ouvrage (ni depuis d’ailleurs).

La distinction entre les livres et la série

L’auteur nous affirme dans l’introduction à l’ouvrage sa volonté de parler de la « saga », mais n’explicite pas la différence qu’elle va faire entre les livres et la série. Or, c’est bien là que le bât blesse. Le livre de Carolyne Larrignton est (évidemment) bourré de références à des événements qui se passent dans les livres ou la série, et ne précise que très rarement d’où ces références sont extraites.

Pour donner un exemple, l’auteur mentionne au début de son livre l’insécurité du roi Joffrey vis-à-vis de son trône, et appuie son argumentaire sur le fait qu’il fait couper la langue de Marillion… sans préciser de quel média il était question. Elle mentionne ce qui arrive à Gendry dans la série, sans préciser que cela n’a lieu que dans la série… Le préciser à chaque fois aurait certes été fastidieux, mais un simple système de notes de bas de page aurait été idéal… et m’aurait évité de devoir écumer le wiki à chaque mention qui me paraissait étrange. J’ai mis du temps à comprendre que les livres n’étaient référencés que lorsque l’événement n’était mentionné que dans la saga littéraire. Lorsque l’événement n’est pas référencé, c’est au lecteur de se débrouiller pour savoir s’il existe uniquement dans la série ou dans les deux médias.

La mention expresse des différences intervient (bien trop) rarement, lorsque deux personnages n’ont pas le même nom, ou sont intervertis/fusionnés (rayer la mention inutile) dans la série. Cette mention n’est en revanche pas présente pour les personnages « inventés » par les créateurs de la série. Le personnage de Ros est mentionné de la même façon que Sansa Stark ou Cersei Lannister.

Et c’est le deuxième défaut de ce livre : série et livres sont mis sur le même plan, sur le même niveau de pertinence. On trouve événements de l’un comme de l’autre, mélangés pour servir le propos de l’auteur. Et jamais une note de bas de page ne va venir préciser quel élément vient du livre et quel élément vient de la série. Seuls sont référencés en notes les textes de littérature médiévale cités ainsi que les paroles de G.R.R.M… Ayant personnellement fait des études d’histoire, je me serais faite éviscérer par mon directeur de mémoire si j’avais osé produire un travail aussi peu « sourcé »…

De plus, l’auteur, qui a quand même commencé son livre en écrivant que « Les Immaculés ne doivent pas craindre d’en apprendre trop en lisant ce livre », spoile quand même l’épilogue d’ADWD… pour rien, à part pour appuyer son propos au sujet de Varys.

Conclusion

Winter is Coming, les racines médiévales de Game of Thrones est un bon livre pour tout fan de la série souhaitant s’informer au sujet des parallèles possibles entre Game of Thrones, les légendes médiévales et l’histoire du Moyen Age. Le travail de Carolyne Larrington est à mi-chemin entre un ouvrage purement universitaire et un ouvrage de vulgarisation. Rien n’est trop complexe, mais ce n’est pas non plus simplifié à l’extrême. Il est donc accessible pour tous ceux qui souhaitent approfondir les thématiques médiévales soulevées par la série et enrichir leur culture générale.

Pour le fan des livres, je suis en revanche plus partagée. Le fan qui apprécie la série et qui n’est pas un « puriste » de l’utilisation des informations issues des livres peut tout à fait apprécier le travail de Carolyne Larrington, qui est de qualité et foisonne d’informations intéressantes. Toutefois, le manque de clarté dans la distinction entre la série et les livres, qui sont pourtant quasiment arrivés à un point où ils racontent deux histoires différentes, m’a trop souvent fait grincer des dents pour que je recommande ce livre à quelqu’un qui vénère l’œuvre de G.R.R. Martin, qui la connaît sur le bout des doigts et qui n’apprécie pas particulièrement la série Game of Thrones. Ce lecteur là serait, à mon avis, déçu.

(*) Le livre a été transmis à la Garde de Nuit pour revue. Cette transmission n’a fait l’objet d’aucune transaction financière. L’avis publié ici est émis en toute indépendance.

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