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Les peintures érotiques du Donjon Rouge

Les peintures érotiques du Donjon Rouge

Les avez-vous remarquées ?

Et bien vous n’êtes pas les seuls ! Voici un décor qui aura largement fait parler de lui – et ce depuis la parution des premières images promotionnelles de la série : les peintures érotiques au sein même du Donjon Rouge, que l’on aperçoit dans plusieurs épisodes de la série.

Mais enfin… pourquoi ? Où les trouve-t-on plus précisément ? Est-ce une façon pour HBO, en étant (un peu) plus discret, de coller à sa réputation (« it’s not porn, it’s HBO » disait Alberto Belli en parodiant le slogan de la chaîne) ? Y’a-t-il une véritable intention narrative derrière ? Et quel est donc le petit coquin de roi qui les a fait peindre ?
On vous propose de revenir sur tout ceci.

ps : nous sommes désolés d’avance pour la qualité des photos. Il a fallu zoomer et pousser la luminosité à fond pour regarder tout cela de plus près.

Le Kamasutra valyrien à la loupe

La caméra ne s’attarde par vraiment sur elles, et pourtant elles sont bien là, dès la 6ème minute du premier épisode. Bien inscrites dans le décor, alors que la caméra passe d’Aemma, allongée sur sa banquette, à sa fille Rhaenyra.

Les peintures représentent quelques couples, davantage de trouples ou plus, entremêlés emboités dans des actes sexuels et divers jeux érotiques. Des hommes et des femmes, mais aussi des personnages aux attributs sexuels mélangés (hommes et femmes).
Et si vous prêtez une attention renouvelée ou que vous mettez sur pause les scènes où les peintures apparaissent, on trouve aussi des dragons serpentiformes qui observent ou qui participent aux joyeusetés, et même des créatures mi-humaines mi-dragons (une queue de dragon par ci, une tête de dragon par là). Sont-elles un écho aux créatures hybrides créées par les Valyriens ? Certaines théories notent qu’en effet, si les Valyriens ont pu se lier aux dragons, c’est suite à diverses manipulations de sang et d’espèces. Après tout, des naissances monstrueuses chez les Targaryen, hybrides humains et dragons, il y en a eu…

Petit panel représentatif des peintures murales du Donjon Rouge (© 2022 HBO)

Le style – et le thème – de ces décors pourraient évoquer en premier lieu certaines peintures sur céramique de l’Antiquité grecque, qui représentaient des scènes sexuelles dans des teintes noires et ocres (les céramiques à figures rouges, du VI-Vème siècle av. J.-C.). A y regarder de plus près toutefois, ces peintures murales du Donjon Rouge sont colorées et le fond, rouge, s’orne de petites étoiles et de fleurs. Un vague écho (juste pour le style, pas pour le sujet) à des tapisseries médiévales ?

Petit guide sexuel du Donjon Rouge

En réalité, ces peintures ne sont pas présentes partout au sein du Donjon Rouge. Mais comme beaucoup de scènes se passent dans les chambres royales et les couloirs qui y mènent, l’impression est biaisée. Allez, suivez le guide, voici où elles se trouvent :

  • dans les appartements de la reine – on les voit particulièrement bien au moment du charcutage de l’accouchement d’Aemma, Ô Panthéon du bon gout ; appartements qui deviendront ceux d’Alicent (Panthéon du bon gout bis),
  • dans les appartements du roi, qui abritent la maquette de Valyria,
  • dans la galerie ouverte qui donne sur une petite cour intérieure (celle où Rhaenyra choisit le nouveau Garde Royal dans l’épisode 2). La galerie se situe à l’étage et dessert les appartements royaux,
  • dans la galerie qui donne sur les jardins privés du Donjon Rouge (la scène où Rhaenyra et Rhaenys discutent dans l’épisode 2),
  • dans le grand escalier du Donjon Rouge qui mène aux appartements royaux.

Rien en revanche dans la salle du Trône, dans la salle du conseil restreint ou même dans les appartements de Rhaenyra (oui oui, j’ai cherché, on va dire que cette gamine est sage, ou que ses parents avaient un gout plus classique).. Alors en fait, si, il y a bien quelques peintures érotiques dans la chambre de Rhaenyra (Targaryen 4ever), mais elles sont si bien planquées qu’elles ne sont visibles que dans une vidéo des coulisses de la série. Nos collègues russes l’ont signalé dans leur article.

Ces peintures sont donc majoritairement visibles dans les lieux de vie privée de la famille Targaryen. Oh, elles voient du monde, c’est certain. Du beau monde d’ailleurs : nobles, visiteurs occasionnels, serviteurs et entourage proche de la famille royale ; bref, une façon pour les Targaryen de se donner à voir, mais dans l’intimité.

Qui est le responsable ? Ryan Condal sous-entend que ces peintures sont d’origine, et qu’elles datent de la construction du Donjon Rouge. Alors, Aegon et ses sœurs, qui ont posé les fondations du château après leur arrivée sur cette colline auparavant déserte ? Ou Maegor, le roi qui fit achever l’édifice ?

L’évolution du décor est importante à noter : des épisodes 3 à 5, Alicent essaye de se fondre dans le rôle d’une reine Targaryen. Ses costumes sont aux couleurs de sa nouvelle maison, ses appartements sont ceux de feue Aemma, et elle n’y a pas touché, les peintures sont bien visibles. En revanche, dans l’épisode 6, après un bond dans le temps de 10 ans, les peintures de ses appartements ont été retirées : un changement qui correspond à son affirmation en tant que reine qui suit sa propre voie, et non pas uniquement celle de la maison qu’elle a épousée. L’épisode 8 va plus loin : les peintures érotiques ne sont désormais visibles que dans les appartements de Viserys, reléguées dans la pénombre (volontaire) avec la maquette poussiéreuse de l’Antique Valyria laissée à l’abandon et ce qu’il reste du roi mourant… C’est l’heptagramme, l’étoile à 7 branches, emblème de la Foi, qui colonise maintenant le Donjon Rouge. Auparavant, ce symbole était uniquement visible dans les appartements d’Otto Hightower, mais la nouvelle reine l’impose progressivement partout. Il faut rappeler que Villevieille, fief des Hightower, est aussi le siège de la Foi à cette époque (le Grand Septuaire de Baelor n’est pas encore construit). Ce symbole marque donc explicitement le pouvoir de celle qui gouverne désormais en compagnie de son père.

Evolution des décors de la chambre de la reine entre les épisodes 5 et 6 (© 2022 HBO)

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir »

Car oui, ces peintures n’ont pas qu’un objectif esthétique. Elles ont bien une fonction symbolique et narrative.

Ryan Condal l’évoque en interview : elles ont avant tout été pensées pour refléter l’origine étrangère des Valyriens (qui viennent d’Essos), et l’étrangeté de leurs coutumes, notamment en terme de mariage (incestueux et parfois polygames). Les décorateurs ont donc collé des peintures improbables dans un lieu de vie, une incongruité – qui fait d’ailleurs écho au mariage valyrien célébré dans l’épisode 7, avec son cérémonial et ses costumes en décalage avec ce que l’on a pu voir jusqu’à présent – et qui dénote avec le ton lourd de la série.

Ces peintures murales, par leur sujet érotique, évoquent assez facilement les célèbres fresques de Pompéi (ainsi que les représentations grecques évoquées plus haut) – l’antique cité romaine est d’ailleurs évoquée par Jim Clay, le chef décorateur de la série. Faire appel à un imaginaire antique pour évoquer les Valyriens et leur héritage est intéressant. D’une part cela permet de renforcer l’ancienneté des origines des Targaryen, et, d’autre part, c’est une belle façon de faire un clin d’œil à l’univers de George R.R. Martin, puisque notre cher auteur s’est bien inspiré de la République romaine pour imaginer sa Valyria.

Autre thématique à laquelle ces peintures font écho : celle de la décadence du royaume et du règne Targaryen, que les showrunners évoquent régulièrement (et dont Jim Clay parle également). D’ailleurs, Ryan Condal dit bien qu’ils sont allés piocher dans un imaginaire qu’on associe à la décadence, celui de Rome et de la « chute » de son Empire (cf. l’interview convoquée plus haut). Cette dernière fut en effet longtemps vue comme étant causée, en partie, par une décadence des mœurs et les scènes d’orgies sexuelles et de lubricité que l’on prête aux Romains et qu’on voit dans nombre de fictions s’y taillent une bonne place.

De manière générale, l’Antiquité est souvent associée, dans l’imaginaire populaire, à une sexualité plus libre, voire débridée, par opposition à un Moyen Âge vu comme puritain. (Notons quand même que ces deux images là sont en très grande partie fausses et déconstruites par les historiens contemporains.) Le fait que les peintures érotiques du Donjon Rouge soient remplacées par l’étoile des Sept, elle-même associée à une posture de rigueur morale apparente d’Alicent, ce n’est, à nouveau, pas anodin. La religion sauvera-t-elle le royaume ? Aegon says nope. « Couvrez ce sein que je ne saurais voir, / Par de pareils objets les âmes sont blessées » lit-on dans Tartuffe.

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14 Comments

  1. Un très bel article, très instructif, merci beaucoup ! On peut vraiment tirer beaucoup de choses d’un élément de décor qui n’a relevé pour moi que du détail… J’avoue avoir pensé aux fresques de Pompéi, moi aussi, mais je n’avais pas repéré la présence de dragons, serpents, etc. A posteriori, je ne suis pas sûre d’y voir une allusion aux créatures humains/dragons, mais plutôt un genre de métaphore… un genre de fusion d’identité entre les Valyriens et leurs dragons, qu’on retrouve par la suite avec ces Targaryen qu’on croise au cours de l’histoire affirmant « le dragon, c’est moi », je ne sais pas si je suis bien claire… Le fait d’avoir de telles fresques dans leurs appartements privés souligne à mon sens une affirmation des Targaryen de leurs origines et de leurs mœurs qui, à tout le moins pour les mariages consanguins et polygames, ont perduré après le Fléau. C’est une genre de reproduction d’un mode de vie disparu avec la chute de Valyria et de traditions qu’on essaie de faire perdurer.

    Concernant le changement de décor dans l’épisode 8, c’est vrai qu’il est flagrant, passant d’un érotisme débridé à la rigueur religieuse. Je trouve qu’il montre le fait qu’Alicent est la première reine consort non-Targaryen à avoir du pouvoir et de fait, elle le montre en imposant sa vision. Et c’est sûr, c’est beaucoup moins rigolo.

    Sinon, la parodie de slogan « it’s not porn, it’s HBO » me fait toujours penser à l’auteur James Ellroy qui lui a parodié le nom de la chaîne en la surnommant « Home Boobs Office » ^^’

    • Merci beaucoup !
      Pour les hybrides, je pense aussi que c’est un écho aux métaphores Targaryen/Dragon (tout comme le fait d’avoir des hermaphrodite peut rappeler ce que dit Barth a propos des dragons, ni mâles ni femelles)

  2. Super article, très intéressant, bravo

  3. Merci pour cet article très instructif et fouillé. Je dois avouer que je n’ai guère remarqué les tapisseries au 1er visionnage. Si je revois certains épisodes, j’y serai plus attentive 😉

  4. Curieusement, j’y avais prêté attention depuis le premier épisode.
    Étonnamment, moi j’y vois rien d’influence Antique. On pourrait simplement penser qu’ils ont été cherchés dans l’iconographie des tapisseries et manuscrits enluminés du Haut Moyen-Âge pour créer un concept qui colle à la série. Cela se ressent dans les codes graphiques, symboliques et iconographiques. Pour les couleurs, c’est difficile d’essayer de trouver des influence en se basant sur elles car la symbolique des couleurs dans GOT reste encore à étudier sérieusement au delà de son appartenance à l’individu et des fins esthétiques, héraldiques . Je peux montrer et citer des manuscrits avec des enluminures tout aussi grotesques que dans la série exécutés durant la période Gothique XIIIe.
    Attention ! Grotesque : dans notre jargon d’enlumineur historique fait référence à un style iconographique.

  5. Ps: pardon, fautes de frappes .. Inspiration d’influence iconographique des manuscrits et tapisseries enluminées du Bas Moyen-Âge et non du Haut. Au haut Moyen Âge les représentations graphiques et iconographiques n’étaient pas si détaillées.
    Les seuls détails de la série qui me renvoient à des périodes aussi éloignées dans notre l’histoire sont par exemple :
    épisode 7, le cercueil de Leana Velaryon qui m’a immédiatement fait pensé à une toute petite période des arts funéraires de l’Égypte Antique (la sculpture de cercueils en bois).

    De manière générale, j’ai beaucoup de mal à percevoir l’influence Antique dans la série (Romaine-Grecque etc…)
    Après, c’est un peu comme les avis et analyses,tout dépend de ce qu’on entend par influence et la façon dont celles-ci sont mises en lumières.
    Effectivement, si on prend uniquement l’exemple du trait et de la forme naïve des contours des personnages représentés sur les tapisseries, cela peut nous faire penser à certaines formes de représentations que l’ont retrouve sur des poteries, fresques de l’Antiquité Gréco-romaine. Mais si on prend l’exemple des couleurs, du support (tapisserie) et de la représentation iconographique (outre le contexte sexuel et encore ) cela ne renvoi aucunement à aussi loin. Mais davantage au Gothique XIIIe XVe.

    • Merci beaucoup pour ton retour, c’est super intéressant. Je connais trop mal le Moyen Âge (le Haut en particulier) pour y avoir vu une inspiration, mais c’est vrai que l’iconographie des dragons en particulier rappelle pas mal les enluminures que tu cites (je l’avais plus vu dans le décors du sac de Rhaenyra : https://www.zupimages.net/up/22/41/cjkb.jpg, mais pas dans les peintures). Merci pour les références du coup. Par contre ce sont bien des peintures, et pas des tapisseries, c’est dit par Ryan Condal ^^

      Pour les inspirations antiques, c’est Ryan Condal qui les évoque, en particulier pour le tournoi de l’épisode 1 (dans une lice qui a une force très colyséenne quand même, et faisant un appel à l’imaginaire associé aux combats de gladiateurs). Il y a plusieurs touches dans les décors qui évoquent l’Antiquité : les colonnes trajannes de la salle du trône, la maquette de Valyrien et ses bâtiments qui rappellent Halicarnasse. Dans l’atelier de Jim Clay, le chef décorateur, c’est plein de représentations médiévales et antiques, avec enluminures bien entendu, mais aussi des peintres pompistes du XIXème siècle. Un joyeux mélange donc ^^
      (bon après, clairement j’ai un biais antiquisant qui joue sur ma perception des choses)

  6. Pour la décoration dans Feu & Sang, on nous dit qu’Alysanne a refait la décoration du palais et des chambres en particulier. Peut-être que c’est elle qui est à l’origine de ces fameuses tapisseries 😉 (je trouverais cela cocasse que cette décoration soit le fait d’une reine et non d’un roi)

  7. C’est intéressant. Je n’avais pas remarqué les détails les plus pertinents des décorations (présence de dragons, d’hermaphrodites, etc.).

    Je trouve paradoxalement dommage de ne pas les avoir davantage mis en valeur, au détour d’une scène, pour mettre en lumière le décalage entre la moralité des Valyria et celle de Westeros, y compris dans la représentation des corps et de la sexualité.

    • J’avoue que j’attends pas mal le retour des décorateurs sur le sujet, pour aller plus dans le détail des peintures et de leurs intentions ^^

  8. Dommage que les décors soient systématiquement dans l’ombre, ça aurait été très intéressant qu’ils soient mieux mis en valeur.
    Excellent article !

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