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Ryan Condal, showrunner de House of the Dragon, prend la parole

Ryan Condal, showrunner de House of the Dragon, prend la parole

Illustration de couverture : Miguel Sapochnik (à gauche) et Ryan Condal (à droite)

Dans une longue interview accordée à westeros.org la semaine dernière (après l’épisode 5), Ryan Condal, showrunner (avec Miguel Sapochnik pour cette saison 1) et scénariste de House of the Dragon revient sur son rapport à l’œuvre de Martin, l’adaptation de Feu et Sang et les choix qui ont été faits pour porter l’histoire à l’écran, et sur ses envies pour le futur de la série.
Nous vous proposons dans cet article un résumé et certains des passages de l’interview en français ; vous pouvez la découvrir dans son intégralité et en VO dans l’article de blog publié par Elio M. Garcia mercredi dernier.

Ryan Condal et son rapport à l’univers de George R.R. Martin

On le sait par d’anciennes prises de paroles : Ryan Condal est un fervent admirateur de l’univers de George R. R. Martin ; il avait même cherché à adapter les aventures de Dunk et l’Œuf avant de se retrouver embarqué dans House of the Dragon.
Dans cette interview, il raconte qu’il a découvert Le Trône de Fer au moment de la sortie du troisième tome, A Storm of Swords (en 1999). Il s’est alors lancé dans l’aventure : A Game of Thrones (intégrale 1), A Clash of Kings (intégrale 2), The Hedge Knight (le chevalier errant, première nouvelle des aventures de Dunk et l’Œuf), puis A Storm of Sword (intégrale 3). A Feast fo Crows, le quatrième tome (ou intégrale 4 par chez nous) il l’a attendu – il est en effet paru en 2005 ; et c’est ce tome-là qui est son favori : pour ses intrigues de cour, pour les thématiques qu’il développe (notamment la place du peuple dans la guerre). Et son personnage favori ? Sandor Clegane.

Sur la série et son adaptation

Ryan Condal est agréablement surpris par les chiffres d’audience de la série : il ne s’attendait pas à ce qu’autant de monde visionne chaque épisode (environ 29 millions) dès le départ, et dans un contexte radicalement différent de 2011, au moment où la première saison de Game of Thrones était arrivée.

Il indique qu’il existe bien deux canons différents pour l’univers : un canon littéraire, celui des livres de George R. R. Martin, et un canon télévisuel, celui des séries (il reprend là ce que disait Martin il y a quelques semaines chez nos confrères de History of Westeros). Avec House of the Dragon, ils ont donc clairement cherché à s’inscrire dans les pas de Game of Thrones, en termes de visuel et de ton, tout en essayant dans le même temps de rester fidèle à Feu et Sang. Feu et Sang qui en plus, n’étant pas un roman traditionnel, mais une chronique historique, représente un défi particulier pour l’adaptation : les évènements sont rapportés dans le livre par trois sources différentes, plus ou moins fiables, et parfois contradictoires, avec des lacunes. En somme, l’adaptation a été un véritable travail d’équilibrisme, et l’équipe créative a pu combler les trous avec de nombreuses inventions de leur fait, tout en s’appuyant sur les points de repères présents dans les livres.

Ryan Condal – qui loue des livres de George R. R. Martin – a demandé à toute son équipe de les lire, et pas uniquement Feu et Sang (d’ailleurs, nos « et dans les livres alors ? » hebdomadaires illustrent bien la connaissance de l’univers littéraire des scénaristes).
Condal a aussi tenu à employer plusieurs expressions présentes dans les livres (mais a priori, pas de « Words are winds » prévu à l’horizon. Désolée DNDM ^^’)

L’héraldique

Le choix de la production a été de diversifier les maisons à l’écran, d’où les évocations de maisons mineures et moins connues que les Stark ou les Baratheon. Un choix qui est particulièrement visible dans la scène de l’épisode 2 où Rhaenyra choisit le chevalier qui entrera dans la prestigieuse Garde Royale (une scène que nous avions décryptée dans notre débrief de cet épisode). Ti Mikkel, assistante éditoriale et collaboratrice à House of the Dragon, l’aide beaucoup pour ces questions-là.

« Je pense qu’il est important de montrer que ces familles et ces lieux existent et jouer sur l’héraldique, c’est une façon de mener la construction du monde à peu de frais”, explique Ryan Condal. Il ajoute que George Martin tient beaucoup à l’héraldique (on peut d’ailleurs rappeler que mettre des blasons colorés avait été une des demandes de Martin aux showrunners pour cette nouvelle série), et que le spectacle qu’elle offrait permet aussi un contraste avec le monde ultraviolent que la série montre.
Au passage, changer le blason Velaryon et mettre un cheval de mer plutôt qu’un hippocampe comme dans le livre a été un choix délibéré de l’équipe, qui a été montré à George R. R. Martin. De même, le changement de blason pour les Targaryen (un dragon tricéphale à quatre pattes plutôt qu’à deux) est volontaire, et devrait trouver une explication dans la série. Des erreurs peuvent se glisser à l’écran, notamment parce que les costumes ont été conceptualisés et fabriqués très en amont dans la production (à un moment où tous les choix artistiques et scénaristiques n’étaient pas achevés).
Ah, et on devrait voir des Celtigar, autre maison valyrienne au blason crabesque.

Rhaenyra choisi Criston Cole pour intégrer la Garde Royale (© 2022 HBO)

Violence, sexualité et décadence du règne Targaryen

Condal est revenu sur la violence débridée du tournoi lors du premier épisode. Il l’explique par plusieurs éléments.
D’une part parce qu’ils ont repris l’imaginaire de l’histoire romaine, en considérant les Targaryen comme les « Caesarian Romans » de l’univers (en gros, la dynastie julio-claudienne, première dynastie d’empereurs romains au Ier siècle de notre ère) dans une période décadente. Condal rapproche donc le tournoi d’un sport sanglant gladiatoresque, avec des gens qui s’en délectent, selon une imagerie mainte fois vue au cinéma. « Nous voulions nous rapprocher de l’idée des jeux de gladiateurs, où les gens se réunissaient régulièrement au Colisée et payaient pour voir des guerriers entraînés s’entretuer de manière glorieuse » indique-t-il.
D’autre part, parce qu’ils ont tout de même voulu faire passer l’idée que c’était allé trop loin, et que le tournoi avait dégénéré.

Cette idée de portraitiser une période de décadence en reprenant un imaginaire romain est également présente en partie dans les peintures murales érotiques – l’autre objectif de ces peintures était d’illustrer l’origine étrangère des Targaryen et leurs coutumes étranges (inceste, polygamie).

Note de bas de page de Babar : pour préciser ce petit point et éviter le décès prématuré d’Antiquisants qui liraient cette interview. L’idée d’une décadence romaine (et d’une décadence de leurs mœurs : sexualité débridée, violence extrême) est une image d’Epinal très largement relayée depuis les XVIII-XIXèmes siècles (notamment à la suite des écrits de l’historien anglais Edward Gibbon), mais pas une réalité historique. De nombreux spécialistes de Rome ont largement permis de revoir nos idées reçues, et dépeignent une société changeante, un pouvoir politique qui se construit ou se recompose pour s’adapter (Rome, c’est un peu plus de 1000 ans de sa fondation à la fin de l’Empire, et son histoire est très loin d’être monolithique), et non pas une décadence et une chute apocalyptique. De même, les combats de gladiateurs ou autres jeux du cirque montrés comme meurtriers (Gladiator, Spartacus, Rome, I, Claudius, Pollice verso) sont loin de la réalité : c’était une pratique sportive, certes violent et parfois mortel, mais encadré et codifié, avec un arbitre, et dont le but n’était pas de tuer l’adversaire, mais de le vaincre. Voici une conférence d’Eric Teyssier, spécialiste de la question, pour en savoir plus sur la gladiature et son évolution.

Concept-Art de la lice pour le tournoi à Port-Réal (© 2022 HBO)

Les personnages

Une question est posée à Ryan Condal : ont-ils été préoccupés par le fait que certaines actions des personnages puissent pousser les téléspectateurs à se détourner des personnages et à terme de la série ? La question est posée en lien avec le choix qu’ils ont fait dans l’épisode 5 de rendre Daemon directement responsable de la mort de Rhea Royce son épouse (cela se passe différemment dans les livres).

Condal répond en mettant notamment en avant – comme Martin le fait – son amour pour les personnages gris : « Je ne pense pas beaucoup à la popularité [que peuvent avoir les personnages], je pense plutôt au fait de les rendre intéressants. C’est ce qu’il y a de beau dans le monde de George : il vous donne toujours une palette où vous pouvez avoir un personnage vraiment profond et intéressant comme Daemon, qui est à mon avis l’un des personnages les mieux écrits de Feu et Sang […]. Tous les personnages de cette série, comme vous le verrez, font de bonnes choses, mais sont aussi capables de choses vraiment monstrueuses. Certaines plus que d’autres. ». Il ajoute tout de même qu’il trouve que Feu et Sang a moins de personnages purement monstrueux que le Trône de Fer (Ramsay Snow/Bolton, Gregor Clegane).
Les scénaristes de la série ont vraiment cherché à montrer de l’ambivalence, et à pousser les spectateurs à se lancer dans un débat intérieur : « Pourquoi est-ce que j’aime tant Daemon ? Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? Et qu’est-ce qu’il va faire la semaine prochaine ? »

Casting et diversité

Grand sujet qui a agité les réseaux sociaux et provoqué de nombreux messages plus ou moins racistes : le choix d’inclure des acteurs de couleur au casting de House of the Dragon (comme mestre Orwyle), et de faire des Velaryon une maison dont les membres sont noirs. Condal et Sapochnik avaient déjà évoqué le sujet dans une interview à The Entertainment Weekly (et nous avions nous même produit un article sur ce sujet). La question qui est posée à Ryan Condal ici : Comment ont-ils réfléchi a cette inclusivité, et y a t-il eu d’autres possibilités d’ouvrir le casting à la diversité ?

Réponse de Condal : « Je pense qu’il a toujours été question que l’on fasse une série télévisée dans un monde moderne […] Notre idée de ce à quoi ressemble Westeros est largement fondée sur les tropes de la fiction médiévale-fantasy ainsi que sur ce qui a été fait dans la série originale ». Pour House of the Dragon, ils ont réfléchi à une façon de montrer plus de diversité à l’écran, tout en restant dans une forme de continuité avec ce qu’avait fait Game of Thrones et ce qu’on a dans les livres (aka : un monde ouestrien presque exclusivement blanc). C’est ainsi qu’ils ont casté Sonoya Mizuno (l’actrice est britanno-japonaise) pour le rôle de Mysaria, ou qu’ils ont construit une origine dornienne pour Criston Cole.

Corlys Velaryon (joué par Steve Toussaint) a été le gros changement. Ryan Condal s’est appuyé sur une prise de parole de George R.R. Martin qui réfléchissait à la façon dont il avait créé le phénotype des valyriens : « Ces dernières années, il m’est venu parfois à l’esprit que cela aurait pu constituer une tournure intéressante si, à la place, j’avais fait des dragonniers de Valyria… et donc des Targaryen… des personnes noires. […] Mais l’idée m’est venue environ vingt ans trop tard. » (George R.R. Martin, dans un commentaire de son Not a Blog). L’anecdote marque Ryan Condal, et la réflexion est menée dans le groupe des scénaristes. « Pourquoi n’aurait-il pas pu y avoir des personnes non-blanches vivant [à Valyria] simplement parmi la noblesse ? » ; le choix a finalement été simple, nous rapporte Ryan Condal, et il permettait, avec un seul changement, d’avoir un casting plus diversifié, puisqu’on aurait les enfants de Corlys et ses petits-enfants (et sa famille, de manière générale).

Les Velaryon au mariage de Laenor et Rhaenyra (© 2022 HBO)

House of the Dragon, la suite

Quel futur pour House of the Dragon ? Ryan Condal note que la série s’appelle « la maison du dragon », et non pas simplement « La Danse des dragons » (la période qu’elle adapte). La série traite avant tout de la dynastie Targaryen, et Ryan pense qu’il y a de nombreuses autres périodes fascinantes à raconter, comme la Conquête d’Aegon, ou la période où les Targaryen n’ont plus de dragons. « J’adore Westeros, j’adore le monde de George. J’adorerais y participer, tant que [George] et HBO voudront de moi » ajoute-t-il. Attention donc, contrairement à ce que j’ai vu circuler sur les réseaux, rien à ce stade ne nous dit qu’House of the Dragon se déclinera en chronique historique. C’est un souhait de Ryan Condal, un souhait très fort, mais – et il le dit très bien – mener une série est très chronophage : le travail sur la saison 1 de House of the Dragon a déjà pris 4 ans de sa vie, et les deux prochaines années seront consacrées à la saison 2.

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1 Comment

  1. Cette idée de portraitiser une période de décadence en reprenant un imaginaire romain est également présente en partie dans les peintures murales érotiques – l’autre objectif de ces peintures était d’illustrer l’origine étrangère des Targaryen et leurs coutumes étranges (inceste, polygamie).

    Mouais. C’était une mauvaise idée de mise en scène. Outre la note de Babar sur les combats de gladiateurs, un tournoi n’a rien à voir avec un combat d’arène. Un tournoi, c’est un sport par les nobles, pour les nobles. On ne tue pas les gens pour le fun. C’est une parodie de combat, donc ça reste dangereux, mais pas beaucoup plus qu’un match de boxe aujourd’hui.

    Ca n’a donc pas grand chose à voir avec des esclaves ou des condamnés qui s’affrontent pour le spectacle (ou même des hommes libres de basse extraction, dans un combat ritualisé proche du catch en définitive).

    On ne peut pas à la fois expliquer que les familles nobles sont toutes jalouses de leur honneur, et peuvent poursuivre des vendettas, et dans le même temps,
    voir des nobles mourir pour le fun sans répercussion.

    A sa réponse, on voit bien que le showrunner ne comprend pas (ou fait mine de ne comprendre, ce qui revient au même).

    Bref, ils ont voulu montrer de la violence gratuite pour choquer, sans se préoccuper du reste. C’est un peu dommage.

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