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Recommandations littéraires

Recommandations de juin : autour du monde !

Recommandations de juin : autour du monde !

En cette période de Coupe du monde, la Garde de Nuit a décidé de vous faire voyager avec ses recommandations ! Nous avons en effet décidé de mettre à l’honneur la littérature internationale. Une seule contrainte ce mois-ci : la langue originale de l’œuvre n’est ni le français, ni l’anglais.

En espérant que nos recommandations diverses et variées vous plairont, vous donneront envie de sortir des sentiers battus et de découvrir la littérature internationale.

R.Graymarch : Le Joueur d’échecs (Die Schachnovelle) (1943), une nouvelle de Stefan Zweig

Couverture du Joueur d’échecs de Stefan Zweig aux éditions Le livre de Poche

Après la guerre, sur un paquebot transatlantique, le champion du monde d’échecs, Mirko Czentović, se trouve être parmi les passagers. Pour passer le temps, il accepte, contre argent, de jouer et d’écraser ses adversaires. Jusqu’à ce qu’un inconnu autrichien intervienne au cours d’une partie en prévenant l’infortuné opposant que Czentović va le mettre « mat » rapidement en se référant à une vieille compétition où un tel coup a été joué.
Je n’en dis pas plus car cette courte nouvelle nous en apprend plus sur le passé de l’idiot, inculte mais talentueux, Czentović et aussi sur cet Autrichien au destin si singulier, plus proche du polar.

Cette nouvelle est un classique de la langue allemande, et Zweig évoque encore avec tant de talent cette Mitteleuropa perdue en nous faisant plonger dans les affres de la résistance aux limites de la folie, et comment ce qui nous sauve peut aussi nous mettre en danger. Le Joueur d’échecs est la dernière œuvre écrite par Zweig avant son suicide en 1942 au Brésil, loin de l’Europe en guerre.

Tomcat : Confiteor (Jo confesso), (2013) de Jaume Cabré

confiteor

Couverture de Confiteor de Jaume Cabré, éditions Actes Sud

Par où commencer… Confiteor, c’est un pavé magistral, une symphonie. Adrià, jeune enfant solitaire puis adulte cultivé et polyglotte, un peu lâche, un peu bedonnant, mais très intelligent, raconte sa vie et celle de sa famille à travers l’Europe et son histoire.

Il vous emmènera sur les traces d’un violon pluricentenaire ultra convoité, d’un bout de chiffon, d’une médaille. La narration est étrange, mais colle parfaitement à cette/ces histoire(s) de vie, d’amour, d’amitié, d’argent, de convoitise, de cupidité, de jalousie. Ce qu’il y a de meilleur et de pire dans la nature humaine, à travers les camps de la mort, l’Inquisition, la dictature espagnole. À la fois roman historique, polar, romance, les genres se mêlent et se démêlent. Cabré nous livre un récit dense, riche, avec la vivacité et la complexité d’un virtuose. C’est chaud et sanguin comme la Catalogne, bourré de références dans le Barcelone des années 50.

Difficile d’en dire plus sans spoiler, on plonge dans ce livre, on s’y noie un peu parfois, et la fin est surprenante. Certains auront peut-être un peu de mal à y entrer, mais ça vaut le coup. Un coup de cœur, un coup de poing, plein de couleurs, de bruits et d’émotions.

Emmalaure : Histoire des Beati Paoli (I Beati Paoli) (1909), de Luigi Natoli

Histoire des Beati Paoli. Volume 1, Le bâtard de Palerme de Luigi Natoli aux éditions Métailié

Il s’agit en réalité d’une trilogie dont le premier tome, Le Bâtard de Palerme, peut se lire indépendamment des deux autres (La mort à Messine et Coriolano), dont l’intrigue se déroule deux générations plus tard, quand le héros du premier tome est devenu grand-père.

Les Beati Paoli étaient un ordre supposé de chevalerie jouant les Robin des Bois, mais la popularité donnée par Luigi Natoli et son roman à la confrérie a fait que les organisations mafieuses de Sicile puis du sud de l’Italie s’en sont souvent proclamées les héritières. En ce sens, les Beati Paoli se sont pleinement ancrés dans l’imaginaire des Italiens, en particulier des Siciliens. Grand classique de la littérature populaire italienne, l’histoire nous transporte dans la Sicile du début du 18e siècle, mais aussi à Rome et à Naples, pour suivre les rocambolesques aventures d’un tas de personnages hauts en couleurs comme on en croise chez Alexandre Dumas. C’est un roman de cape et d’épée qui balaye à peu près toute la société, des plus hautes sphères du pouvoir au peuple le plus miséreux, et qui contient tous les ingrédients classiques propres à tenir le lecteur en haleine, ingrédients bien connus de ceux du Trône de Fer ! Amours contrariées, fils cachés, complots, vrais méchants et super gentils moins manichéens qu’il n’y paraît (surtout dans les tomes 2 et 3, où on constate qu’être méchant ou gentil, ça n’est pas héréditaire !), héroïsme, morts tragiques, trahisons et jalousies, rebondissements invraisemblables, jeunes-princesses-prisonnières-dans-tours-devant-être-libérées-par-preux-chevalier, E.T. téléphone maison, rien ne manque, y compris la réflexion politique sous-jacente sur l’histoire de la Sicile du temps de Luigi Natoli, annexée dans la douleur au royaume de Piémont (et donc réunie à l’Italie) par Garibaldi, après avoir connu les dominations non moins douloureuses des Espagnols et des Bourbons.

Je dois avouer cependant que j’ai parfois (souvent) eu envie de baffer très fort les jeunes premiers, ces ados égocentriques et mal élevés, et que j’ai déploré le traitement très cliché des personnages féminins, beaucoup plus prégnant que celui des personnages masculins. Néanmoins, j’ai passé de très bons moments à la lecture, et c’est encore plus plaisant si vous connaissez Palerme, Rome ou Naples ! La grosse bouffée d’air méditerranéen de l’été !

Pandémie : Métro 2033 (Метро 2033) (2005) , un roman de Dmitri Glukhovsky

Métro 2033 de Dmitry Glukhovsky, aux éditions L’Atalante

En ce mois de Coupe du monde, il me semblait indispensable de proposer un auteur du pays hôte, la Russie (je ne relèverai pas la présence ci-dessus d’un auteur italien, histoire de ne pas remuer le couteau dans la plaie des tifosi. Oups, raté). Vous connaissez sans doute les grands noms de la littérature russe, je vous présente donc le sûrement moins connu roman de dystopie post-apocalyptique de Dmitri Glukhovsky, Métro 2033.

Dans un futur proche (je vous laisse deviner en quelle année), la Terre a été ravagée par un conflit atomique. La surface est inhabitable, les radiations et les mutants hantent la ville de Moscou tandis que l’humanité, ou ce qu’il en reste, se terre dans les stations-abris du métro moscovite, vivement chichement de champignons, de porcs nourris aux champignons et de thé de champignon, dans une obscurité omniprésente, peuplée de créatures voraces et d’humains plus dangereux encore. La narration est concentrée sur un personnage unique, Artyom, un soldat dans la vingtaine, qui n’a qu’un vague souvenir de la surface, et qui voit sa station VDNKh être soumises aux assauts de créatures aux pouvoirs psychiques, les Noirs, conduisant les esprits les moins forts vers le renoncement et la folie. Il devra ensuite partir à travers le métro en quête de Polis, le dernier bastion de la civilisation, afin de trouve un moyen de sauver sa station.

Le roman ne brille pas par son style, assez pauvre (même si c’est peut-être lié à la traduction), ni par ses rebondissements, Artyom étant toujours sauvé de la mort par d’improbables sauveurs surgissant au bon moment. Le texte maintient surtout en haleine par sa description oppressante d’un monde grouillant, sombre et humide, dans les vestiges d’une ville grandiose (le métro moscovite est un monument en soi). Crime organisé, nostalgiques du communisme, néo-nazis du 4ème Reich, sectes millénaristes, guildes mercantiles, forces paramilitaires… le microcosme du métro est une civilisation à lui seul et c’est ce qui fait le sel de cet ouvrage.

À noter deux suites, Métro 2034 et Métro 2035, et de très bonnes adaptions en jeux vidéo.

Jean Neige : Le Capitaine Alatriste (El capitán Alatriste) (1996), un roman d’Arturo Pérez-Reverte

Le Capitaine Alatriste d’Arturo Pérez-Reverte, aux éditions Points

1623. Diego Alatriste y Tenorio, vétéran de la guerre de Flandre fraîchement sorti de prison, « capitaine » d’une journée, et fin bretteur, loue ses services à quatre maravédis la journée dans le Madrid du XVIIème.
L’honorable et fougueux épéiste accepte un contrat qui finira par l’entraîner dans un nœud d’intrigues impliquant les plus hautes instances de la cour d’Espagne…

Il est amusant de voir que les dignes héritiers de Dumas ne sont pas nécessairement des Français (Jean-Phillipe Jaworski étant l’exception et probablement le seul lui faisant honneur chez nous, avec le grandiose Gagner la Guerre), mais des auteurs hispaniques ! Et le célèbre auteur Arturo Pérez-Reverte est un de ceux-là. Un style fleurissant au service d’une aventure pleine de rebondissements, ce premier tome n’est que l’ébauche, aussi bien dans le ton que dans le style, d’une grande épopée dont notre ami Alatriste sera, bien évidemment, le héros.

Nous sommes immédiatement plongés dans cette atmosphère de cape et d’épée, une immersion totale dans l’aventure de spadassins dans les ruelles et tavernes du vieux Madrid, entremêlée aux conspirations et autres intrigues de la cour : une formule parfaite et des transitions entre action et révélations parfaitement dosées, façon Trois Mousquetaires. Les personnages sont plus attachants les uns que les autres, versant souvent dans des archétypes latins fougueux et pleins de vie, et on adore détester les antagonistes ; et c’est peut-être là ce qui différencie la saga de Pérez-Reverte des romans de cape et d’épée français, à l’ancienne : il ne s’agit pas juste d’une transposition du genre en Espagne, nous sommes immergés dans la culture ibérique et l’histoire, les personnages, le ton, tout s’agence autour d’une ambiance méditerranéenne, latine, ardente, qui ne cesse de nous emporter, avec ces individus prêts à se donner la mort pour une raison ou une autre, qu’il s’agisse d’une injustice comme d’une broutille.

Je ne pourrais faire honneur à ce livre, et encore moins avec toute la saga qui le suit, avec un simple texte de présentation, aussi je vous invite à l’essayer par vous-même au plus vite : les amoureux des romans ou films de cape et d’épée seront aussitôt charmés ; de même si vous êtes un inconditionnel de Dumas, ou plus récemment, un amateur de Jaworski (qui s’est plutôt adonné à la sauce florentine dans le même genre). Et rappelons que Pérez-Reverte n’a pas simplement versé dans le genre mais est un auteur majeur de la littérature espagnole contemporaine, ayant déjà accouché de romans policiers d’exception tels que Le Club Dumas ou Le Tableau du maître flamand. Son style est indéniablement magistral, et si jamais quelques uns d’entre-vous ont l’occasion et la possibilité de le lire dans la langue d’origine, n’hésitez pas, vous ne serez pas déçus (mais n’ayez crainte, la traduction fait honneur au texte d’origine).

Geoffray : Le Sorceleur (Wiedźmin) (2001) d’Andrzej Sapkowski

Le Sorceleur d’Andrzej Sapkowski, aux éditions Milady

Célèbre œuvre polonaise, la saga du Sorceleur est le récit des aventures de Géralt de Rivia. Elle est composée de sept livres, les deux premiers étant un recueil de nouvelles et les cinq livres suivant composant la saga proprement dite.

Le monde décrit par Sapkowski est sombre, sale, violent et déprimant. C’est une reprise d’un monde médiéval se rapprochant quelque peu de l’Europe de l’Est, avec des sorciers, des rois, des complots, etc. Les nains et les elfes sont enfermé dans des ghettos au sein des villes humaines, les monstres ne sont souvent pas ceux qu’on croit, et vivre dans un monde pareil est une survie de tous les instants. La caste des Sorceleurs, à laquelle appartient Géralt, est l’une des seules à combattre les monstres et les créatures mythiques qui menacent la vie des habitants. Bref, le monde est sans concession et froid.

Les nouvelles ont ceci d’intéressant qu’elles réécrivent souvent certaines légendes et contes (La Belle et la bête, Cendrillon) avec un twist très intéressant, qui est en général inattendu. Géralt a souvent un regard ironique sur le monde et sur ceux qui l’entourent. Il ne souhaite pas prendre partie, mais y est parfois (voire souvent) contraint. Au détour de ses aventures, il pourra compter sur un tas d’alliées et d’amies (Yennefer, Triss, Zoltan, Jaskier, etc.) qui lui apporteront soutien ou problème ^^. La saga en elle-même (c’est à dire à partir du livre 3) est plus classique, mais réserve son lot de surprises et d’inattendus.

La saga se lit bien : une fois qu’on est entré dans cet univers poisseux, il est difficile d’en sortir avant la fin. À noter qu’il existe un huitième tome, mais ne faisant pas vraiment partie de la saga, car il s’agit d’un recueil de nouvelles là encore, mais qui n’est ni une suite à la saga, ni une préquelle.

Évidemment, en bonus, je conseille les jeux tirés de l’œuvre (The Witcher, The Witcher II : l’assassin des rois et The Witcher III : La chasse sauvage) qui sont excellents !

Conclusions

Avec ces œuvres en allemand, catalan, espagnol, italien, russe et polonais, nous espérons vous avoir donné le goût du voyage ! N’hésitez pas à commenter ici ou sur le forum et dites-nous si, vous aussi, vous avez lu et aimé ces œuvres, et amenez-nous autour du monde avec vos propres recommandations !

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Compte collectif de La Garde de Nuit.

6 Comments

  1. J’ai lu le « Joueur d’échecs » en version originale au lycée. Un superbe texte, qu’il faudra que je relise, d’ailleurs… Je suis également une fan du « Sorceleur » mais je n’ai jamais joué qu’à Witcher III, et encore, une seule fois XD

    Après, si je devais faire des recommandations… en tant que fan de polars, diplômée en langues et littératures d’Europe du Nord, je conseillerais, en ces temps de coupe du monde, « Le Guerrier solitaire » de Henning Mankell. Pendant que les équipes de football du monde entier s’affrontent aux Etats-Unis, la canicule sévit dans le Sud de la Suède. Une jeune sans-papier d’origine haïtienne s’immole par le feu au milieu d’un champ et on retrouve le corps mutilé à coups de hache d’un ancien ministre à son domicile. Les circonstances de ce meurtre laisse la police perplexe et d’autres crimes sont commis de la même façon, le mystérieux assassin se montrant de plus en plus brutal. La question est de savoir quel est le lien entre les victimes qui, a priori, n’ont aucun rapport les unes avec les autres, et il s’agit de débusquer cet assassin qui scalpe les gens comme un Indien et dont on ne sait de lui qu’il se déplace à mobylette et que c’est un lecteur de comics américains. Une enquête glaçante malgré le temps chaud menée par l’inspecteur Wallander qui, en outre, aimerait partir en vacances et vient d’apprendre que son père était atteint d’Alzheimer. Je ne saurais que conseiller ce livre qui, quoiqu’un peu glauque (et pas seulement à cause des meurtres), décrit sous couvert d’une enquête pleine de suspens les dérives de la société suédoise, entre perversité des puissants et misère humaine des plus pauvres. Comme le disait Leonard Cohen, « the poor stay poor, the rich get richer, that’s how it goes ». Le style est par ailleurs très bon, le suspens bien mené, bref… un bon classique de ce « mouvement littéraire » qu’est le polar scandinave, pour les amateurs de romans noirs et de critique sociale.

    • @liloublack moi aussi j’ai lu ce Zweig en version bilingue (texte original à gauche et explications sur la page de droite). C’était un gros défi (obligatoire car lors de ma scolarité) mais la langue n’est pas si compliquée, et le texte est court.

      Côté nordique, c’est vrai qu’il y a des tas de trucs aussi. Du coup, j’ajoute « Chasseurs de tête » de Jo Nesbø, livre que j’ai découvert via son adaptation ciné (très bonne) avec Nikolaj/Jaime. Un polar haletant. Le livre est « plus logique » pour le passé d’un personnage mais les deux sont à recommander.

  2. My my. Que de belles recommandations. Je pense commencer par Le bâtard de Palerme qui me fait de l’oeil depuis trop longtemps déjà. Merci à tous.

  3. J’ai lu les deux premiers tomes du Sorceleur et ils sont excellents (j’ai préféré le premier tome au deuxième).

  4. Tiens, c’est drôle, en lisant ces recos, c’est Le Capitaine Alatriste qui m’attirait le plus (sans dévaluer les autres, mais l’argument « digne successeur de Dumas » me fait toujours l’effet d’un éclair au chocolat dans la vitrine d’une patisserie. Et que reçois-je en cadeau ces jours-ci ? Le capitaine alatriste ! C’est pas le destin ça ?

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