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Illustrations

Expo Marc Simonetti à Annecy et notre interview de 2014

Pèle-mêle d'oeuvres de Marc Simonetti présent dans son artbook Coverama.

Avis à nos frères et sœurs montagnards : du 18 janvier au 3 mars, une petite exposition « Focus sur la Fantasy » est consacrée aux œuvres de l’illustrateur français Marc Simonetti à Annecy.
Cette exposition inédite est en accès libre au Centre Bonlieu de Annecy.

A cette occasion, la Garde de Nuit vous propose de relire l’interview qui avait été réalisée en 2014 par nos frères et sœurs jurés.
Lors de l’édition 2014 du Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) où George RR Martin était invité, nous avons pu rencontrer Marc Simonetti, illustrateur (entre autres) du Trône de Fer (par exemple, couvertures des intégrales) qui exposait certaines de ses œuvres. Suite à la précédente interview datant de fin 2009 et vu que beaucoup de choses avaient évolué pour lui et pour la saga depuis cette date, il nous a paru intéressant de lui poser quelques questions alors qu’il sortait d’une séance de dédicaces avec GRRM.

GdN : Bonjour Marc et merci de nous recevoir. Lors du NIFFF, tu as rencontré George RR Martin pour la première fois?
MS : Je l’ai bien rencontré mais notre première fois c’était à Paris, la veille du jour où il s’est rendu en dédicace à Dijon (NDLR : 03/07/2014). C’était un peu moins convivial puisqu’on était avec tous les éditeurs français et également Thibaut (Eliroff) le directeur artistique de J’ai lu et également celui de Folio SF, Pascal Godbillon. On était donc huit personnes à table. C’était bien sympathique et impressionnant de le rencontrer.

GdN : Aujourd’hui (NDLR : 12/07/2014), tu étais en tête à tête avec lui ?
MS : Lui et ses assistantes, oui. On a pu discuter un peu. Précédemment, on avait aussi passé une journée à Gruyères, au musée Giger.

GdN : Vous avez également visité la cité médiévale ?
MS : Non, on s’est concentré sur le musée Giger et le bar Giger.

GdN : Tu connaissais cet endroit ?
MS : Non, c’est la première fois que je m’y rendais.

GdN : John Howe (NDLR : illustrateur connu notamment pour son travail sur Le Seigneur des Anneaux) vit également à Neuchâtel. Est-ce que tu l’as croisé ?
MS : Non. J’ai échangé quelques mails avec lui mais ne l’ai jamais rencontré. Surtout qu’en ce moment, il est en Nouvelle Zélande.

GdN : Ah oui forcément, c’est un peu plus compliqué. *rires*

Le Trône de Fer (crédits : Marc Simonetti;)

Le Trône de Fer (crédits : Marc Simonetti)

GDN : George RR Martin a écrit sur son blog que son illustration favorite du trône, c’était la tienne. Est-ce que cela a eu des répercussions sur ce que tu fais, est-ce que des personnes sont venues te voir grâce à ça ?
MS : Oui et non. D’un point de vue renommée, cela a explosé. Puisque ça a été partagé, j’ai été beaucoup plus connu partout dans le monde. Ce qui est amusant, c’est qu’à l’origine, cela ne devait pas être partagé car l’image était réservée pour un livre à paraître (A World of Ice and Fire) et donc était confidentielle. D’ailleurs, c’est mon illustration la plus connue mais elle n’est pas finie car George a diffusé une version qui n’était pas terminée. Il s’est dit « c’est ça, on prend celle-là », a mis l’image sur son blog. Par la suite, j’ai eu des mots avec l’éditeur américain disant qu’il ne fallait pas diffuser ce dessin et j’ai dit que ce n’était pas de mon fait. *rires*

GdN : George l’a fait exprès ou ne s’est pas rendu compte ?
MS : Il ne savait pas que c’était confidentiel, était content de l’image alors il l’a partagée. Mais je n’ai pas grand mérite car on est revenu douze fois sur le brouillon pour avoir la version finale. Donc, d’un point de vue renommée, cela a changé beaucoup de choses. D’un point de vue professionnel, pour l’instant, pas trop. Par exemple, pour l’intégrale 5, ce sera une image de la série et pas une de mes illustrations.
GdN : *soupir*
MS : Enfin, il y aura peut-être une version spéciale plus tard.

GdN : Tu as dit que tu avais repris l’illustration pas mal de fois avant qu’elle ne soit acceptée ?
MS : Oui, en effet, une bonne douzaine.

Le Trône de Fer par Marc Simonetti

Version préliminaire du Trône de Fer par Marc Simonetti

GdN : Pour quelle(s) raison(s) ? C’était trop petit ?
MS : Il faut que je replace dans le contexte : j’ai fait les couvertures françaises de l’intégrale qui ont été reprises au Mexique et au Brésil. Sauf qu’au Mexique, ils avaient commencé par la série pour le premier tome puis ils ont pris mes couvertures pour les tomes suivants. Puis ils ont supprimé l’image venant de la série sur leur premier tome pour avoir une ligne cohérente. J’ai donc dû refaire une couverture et j’ai dessiné la salle du Trône de Fer. J’avais envoyé un mail à George à ce sujet pour lui demander si cela lui convenait. Il m’avait répondu que c’était ce qui ressemblait le plus. Si vous regardez l’image, c’est une salle de trône, dans le Donjon Rouge avec le trône au milieu, mais qu’on voit de très loin. A cause de cette distance, les épées font l’équivalent de trois lances en hauteur.

GdN : Oui on a noté, dans la version carrée du dessin représenté à l’étage du dessus.
MS : Les épées sont trop grandes mais George m’avait bien dit « Attention, je ne veux pas le même design que ce qu’il y a dans la série », c’est pour cela que j’ai fait autre chose. Puis il a continué « Les épées dans le trône n’ont pas de garde puisque c’est juste la lame qui a été fondue par les dragons », donc j’ai extrapolé un peu en disant que, comme cela a été pris dans le souffle d’un dragon puis martelé par des forgerons, cela explique pourquoi la lame est si allongée. C’était ma façon de tricher, même si ce n’est pas passé. De loin, la silhouette était bonne cela dit. C’est là que George m’a dit que c’est ce qu’il y avait de plus proche mais ce n’était pas encore ça. En effet, je devais mettre un escalier dans le trône alors que je n’avais pas noté dans le livre que l’escalier faisait partie du trône. Pour Ned, quand il monte avec sa jambe cassée, cela change un peu la scène. Outre l’escalier, je devais aussi dessiner des épées réalistes. Au début, je m’embêtais à mettre mille épées à chaque fois dans le trône. Je les comptais une par une. George m’avait dit qu’il fallait que le roi assis soit situé à trois mètres au-dessus de la foule pour que ce soit très impressionnant quand il parle aux gens. De plus, il fallait qu’au-dessus du roi, le trône bascule vers l’avant comme s’il y avait une bête qui allait attaquer les gens face au roi. Je devais donc dessiner un trône immense et mille épées, c’était vraiment peu (surtout qu’il fallait des épées tordues, d’autres droites mais dans tous les sens). Je lui en ai parlé car au début je faisais une structure creuse un peu comme la Tour Eiffel mais ça ne fonctionnait pas. Il m’a dit que c’était la légende qui parlait de mille épées mais il peut y en avoir bien plus. Dans la version finale, il y a donc environ cinquante mille épées. Mais de loin ce trône-là, sur la couverture du premier tome, serait peut-être moins bien passé car, avec les petites épées, cela fait « poilu », un peu comme un porc-épic.

GdN : Comment as-tu été contacté pour A World of Ice and Fire ?
MS : Étant donné que j’avais fait le calendrier avant, j’avais un contact direct avec George ce qui n’était pas le cas de tous les illustrateurs car certains passaient par l’éditeur. J’avais le brief de l’éditeur, je faisais mon brouillon et l’envoyais à George. J’ai réalisé une vingtaine d’illustrations pour ce livre. C’était bien sympathique même si je n’ai pas eu trop de chance au niveau des sujets. C’était en général une armée qui attaque une ville, deux armées qui se rencontrent, une ligne d’un millier d’esclaves…

GdN: Tu n’es pas le seul illustrateur du livre ?
MS : Non, non, il y en a pas mal d’autres. Je ne connais pas tous les participants mais je sais que Magali Villeneuve en fait partie (d’ailleurs elle fera ensuite le calendrier) ainsi que Donato Giancola. Je crois qu’il y a aussi Justin Sweet mais je ne suis pas sûr. On doit être une dizaine d’illustrateurs au total. Je pense être celui qui en a fait le plus, en tout cas c’est ce qu’on m’a dit. Puis, c’est Magali puis d’autres, certains ont fait deux ou trois illustrations.

GdN : Si on se réfère à l’interview de 2009, tu étais d’abord un fan des livres
MS : Gros fan des livres, absolument.

GdN : Est-ce que tu penses qu’avoir connu les livres bien avant t’a permis d’être plus …
MS : Libre ?
GdN : Oui plus libre mais aussi plus performant sur tes illustrations que si tu avais découvert ça par la série télévisée ou en quatrième vitesse, juste avant de faire des illustrations.
MS : Complètement. La série télévisée est bien mais le livre, et surtout ce genre de livres, c’est un autre univers, beaucoup plus large. En tant que lecteur, on n’a pas du tout la même approche. On a déjà une vision quand on lit le livre, vision que la série rejoint parfois. En fait, il y a un filtre en moins quand on est lecteur. La série, c’est un peu comme le téléphone arabe. Je pense qu’avec le livre, on perd moins du message. Ensuite, je continue à faire mon travail. J’imagine que chacun a sa vision propre du livre mais comme George est très fort, il arrive à donner la même vision à tous ses lecteurs sur certains points en tout cas.

Couverture du Tome 1 (version japonaise)

Couverture du Tome 1 (version japonaise) par Noriko Meguro représentant Jon Snow

GdN : Au sujet des couvertures, peux-tu nous dire comment tu as été choisi pour le Mexique ou le Brésil ? C’est dû au hasard ? Pourquoi pour ces pays-là et pas d’autres ?
MS : Tout dépend de ce qui a déjà été édité. Au Brésil et au Mexique, les livres n’avaient pas été édités au moment où les couvertures françaises des intégrales sont sorties. Cela faisait d’ailleurs un moment que cela avait été sorti en France. Je crois que c’est lié à ça en fait. Ensuite, je pense que c’est utilisé dans d’autres pays mais je serais incapable de dire dans lesquels.

GdN : Par curiosité, est-ce que tu as vu d’autres couvertures d’autres pays ?
MS : Il y en a des très originales, la version manga pour le Japon. Je crois qu’il y a aussi la version espagnole où ils ont appliqué une sorte de filtre photoshop dessus et ils ont fait ensuite le même filtre sur mes couvertures, les ont mis sur internet. Du coup, la moitié de mes couvertures ont cette espèce de filtre avec l’inscription « inspiré de Marc Simonetti ». Sinon, je ne suis pas non plus fan des couvertures américaines avec juste un petit logo.

GdN : On a vu que les Italiens avaient un style « chevaliers teutoniques avec croix de templier »

Il Gioco del Trono

Édition italienne du Trône de Fer

MS : Le premier livre que j’ai lu, c’était la première édition de Pygmalion et au début, j’ai pensé que c’était plutôt du style du roi Arthur. Ce n’est pas tellement l’esprit du Trône de Fer, je trouvais que l’illustration faisait trop propre par rapport au livre.

Edition 1998 chez Pygmalion

Le Trône de Fer, Édition 1998 chez Pygmalion

 

GdN : Par rapport à ta précédente interview donnée à la Garde de Nuit fin 2009, énormément de choses se sont passées depuis
MS : En effet, j’ai complètement changé d’avis sur tout ce que j’ai dit. *rires*

GdN : Beaucoup de choses ont changé pour la saga, et également pour toi. D’abord, au niveau de la saga, en 2009, tu disais que tu attendais la sortie du prochain tome, A Dance with Dragons. Quand c’est sorti mi 2011, tu t’es jeté dessus ou tu as attendu la traduction ?
MS : Quand c’est sorti, je l’avais lu depuis six mois.

GdN : arghhhhh
MS : Ah oui, je suis désolé *rires*. Je l’ai donc lu en anglais, c’était un gros morceau car je ne lisais pas aussi couramment que maintenant, je ne parlais pas très bien anglais. En 2011, pour le calendrier 2013, j’ai reçu la première mouture du livre en version électronique. Déjà, je n’aime pas trop lire en version électronique alors quand c’est en plus 1500 pages en anglais… C’était costaud. En plus pour certains chapitres, il y avait « première version du chapitre, deuxième version du chapitre, troisième… » donc je me demandais laquelle était la bonne.

GdN : Et depuis, tu l’as relu ?
MS : Je l’ai acheté en anglais pour relire la dernière version.

GdN : Tu es peut-être au courant, il y a des chapitres du prochain tome (The Winds of Winter) qui sont déjà sortis. Tu te rues dessus ou tu attends que ce soit sorti ?
MS : J’en ai lus certains. Enfin, je ne les ai pas lus, je les ai écoutés. Je crois qu’il y en a celui avec Victarion qui est lu par George RR Martin. Et deux autres par d’autres personnes.

GdN : il y a des chapitres sur Arya, Arianne, Theon (NDLR : on a oublié Barristan)
MS : Oui c’est ça, je les ai tous entendus

GdN : A la fin des livres, beaucoup de choses sont laissées en suspens. Est-ce que, comme ça nous arrive sur le forum, tu échafaudes des théories sur ce qui s’est passé à Winterfell, l’avenir de Jon, la lettre de Ramsay ou tu te dis « On verra bien quand le livre sortira »
MS : Je suis plutôt « on verra bien ». J’ai mes petites théories basiques comme « Qui est la mère de Jon Snow ? » mais rien de plus. J’aime bien découvrir au fur et à mesure, je me laisse porter par le récit.

GdN : Car sur le forum, on a des spécimens qui se sont rendus compte que dans les tomes précédents, on pouvait trouver des éléments annonçant des événements des tomes suivants et donc ils se mettent à décortiquer les écrits.
MS : Oui, c’est clair que ces éléments existent. Par exemple pour les prophéties de Daenerys chez les Non-Mourants, il y a beaucoup de choses qui nous échappent complètement. Mais malheureusement, je n’ai pas non plus le temps de revenir en arrière pour relire. J’ai beaucoup de livres à lire.

Daenerys chez les Non-Mourants par Marc Simonetti

Daenerys chez les Non-Mourants (crédits Marc Simonetti)

GdN : L’autre événement marquant pour la saga, c’est la série télévisée qui a accru énormément sa notoriété. Est-ce que tu l’as regardée ?
MS : Ah oui, tout à fait. Je me suis abonné à Orange juste pour la voir.

GdN : Visuellement par rapport aux idées que tu avais en tête ou aux illustrations que tu avais réalisées, es-tu d’accord avec certains choix ?
MS : J’ai beaucoup aimé la première saison sauf Daenerys. Toute la partie dothraki, j’ai trouvé que cela faisait trop Xena la guerrière, trop propre, un peu cheap. En fait, il manquait de la sauvagerie. Mais j’avais beaucoup aimé le reste. J’avais été un peu déçu en voyant le trône.

GdN : Et par exemple, les Eyrié ?
MS : Je ne voyais pas comme ça non plus. La Porte de la Lune, je la voyais verticale, comme c’est décrit dans les livres. Pour la série, après la première saison, c’est parti un peu dans tous les sens. Dans la dernière saison, Theon arrive à Moat Cailin et ce qui est amusant, c’est que le premier brouillon que j’avais fait ressemblait beaucoup au visuel de la série. Quand j’ai lu le livre, on parlait de marécage, un chemin qui passe au milieu et qui permet d’accéder aux trois tours. Dans ma tête, j’avais presque les Marais des Morts du Seigneur des Anneaux et George m’a dit que j’avais tort, qu’il y avait des arbres morts tout autour, de la forêt et les tours dépassent de la forêt. Si vous regardez sur internet, y a le making-off de ma couverture du calendrier et pour le premier, je fais un dessin avec les trois tours qui dépassent et George m’avait dit « non, ce n’est pas du tout ça » et m’avait aussi repris sur la couleur du drapeau qui n’est pas blanc mais arc-en ciel. Et maintenant, plein de gens me demandent pourquoi il y a le drapeau de la gay-pride sur mon dessin. *rires*

Moat Cailin (crédits Marc Simonetti)

Moat Cailin (crédits Marc Simonetti)

GdN : En regardant l’illustration à l’étage, on se demandait justement d’où venaient les couleurs de ce drapeau.
MS : Le drapeau de la paix, le drapeau « blanc » de Westeros, c’est un drapeau arc-en-ciel. Il y a quelques illustrations comme celle-ci où je me suis fait avoir, et je n’aurais pas forcément choisi telle gamme colorée si j’avais été plus attentif aux livres. En même temps dans les livres, ce n’est pas toujours évident. C’est comme pour la robe rose de Brienne dans la fosse aux ours. J’avais mis un rose moins vif, et George m’a dit d’y aller à fond, et à la fin, sur l’illustration, cela fait un peu fort.

Brienne dans la fosse aux ours (crédits Marc Simonetti)

Brienne dans la fosse aux ours (crédits Marc Simonetti)

GdN : Mais en même temps, elle ressort bien… Est-ce que tu as déjà pensé aller sur les sites de tournage de la série pour t’inspirer ?
MS : Pour m’inspirer, non, mais pour le plaisir, oui.

GdN : Et est-ce que la série a déjà fait appel à toi, ou fera appel à toi pour une saison future ?
MS : Non, j’aimerais bien, mais la série est totalement indépendante des livres, donc…

GdN : Nous avons lu que tu avais fait de la modélisation de jeu vidéo avant, qu’est-ce qui t’a poussé à passer à l’illustration ?
MS : A l’origine, j’étais ingénieur, je faisais des revêtements de poêle, ce n’était pas très passionnant, j’étais à la limite de la dépression. Je voulais faire du dessin, mais je savais que j’en aurais pour des années avant de devenir professionnel. Donc durant un an, j’ai fait une école pour modéliser de la 3D puisque j’avais les capacités techniques. J’ai ensuite fait des décors pour des jeux sur PS2 durant deux ans. C’était sympathique, mais ce n’était toujours pas ce que je voulais faire, donc je me suis entraîné à dessiner la nuit, et le lendemain, je montrais mes créations aux dessinateurs du studio. Et au bout de quelques années, j’ai pu me mettre à mon compte comme illustrateur.

GdN : Donc maintenant, tu es indépendant ? Comment sont organisées tes journées, très libres selon l’inspiration du moment ou très organisées ?
MS : Contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas du tout libre. Quand je n’ai pas de client, je m’entraîne de 7 heures du matin à 7 heures du soir, mais ce n’est pas souvent car j’ai 5 ou 6 clients. Et quand j’ai des commandes, je réalise un brouillon, je l’envoie à l’éditeur, et je réalise autre chose pour un autre client en attendant la réponse.

GdN : Tes brouillons sont une version presque finalisée ?
MS : Quand j’ai l’inspiration, j’essaie d’aller au maximum. Les gens avec qui je travaille ne sont pas toujours capables de visualiser le résultat.

GdN : Tu travailles sur ordinateur ou en crayonné ?
MS : Cela dépend. Quand je travaille la journée, c’est directement sur ordinateur. Mais le soir, devant la télé, c’est un dessin au crayon, que je scanne le lendemain. Pour l’illustration finale, c’est directement sur la tablette, c’est plus rapide, je dessine directement sur l’écran.

GdN : Tu as aussi réussi une campagne de crowdfunding pour ton artbook, félicitations !
MS : Oui, elle finit demain (Ndlr le 13 juillet), je suis content, l’artbook va sortir. À l’origine, ce devait être chez Café Salé, où des amis à moi, Jean-Sébastien Rossbach, Aleksi Briclot, Mathieu Lauffray, Pascal Blanchet l’ont déjà fait. Mais la maison d’édition a arrêté, d’où cette idée de crowdfunding. Ne sachant pas si les gens allaient acheter mon artbook, c’était un bon moyen de ne pas perdre ni d’argent ni de temps. Enfin, du temps, si, j’en ai consacré pour ça.

Coverama, artbook de Marc Simonetti aux éditions Milady

Coverama, artbook de Marc Simonetti aux éditions Milady

Ndlr : Depuis, cet artbook, Coverama, a été publié chez Milady et est trouvable chez tous les bons libraires.

GdN : Tu avais déjà utilisé cette méthode ?
MS: C’était la première fois que je me lançais, mais j’avais acheté des livres d’auteurs américains qui étaient passés par là.

GdN : Et quand la campagne-t-elle débuté ?
MS : Début juin.

GDN : Tu disais que l’illustration du Trône de fer t’avait apportée de la renommée, tu l’as ressentie durant cette campagne ?
MS : Clairement. Sans cette illustration, je n’aurais pas pu sortir mon artbook. Avant, je publiais mes images de la saga sur Facebook, j’avais 250 « amis » avec qui les partager et deux mois après la publication de l’image sur le blog de George, j’en avais 5000. Donc niveau notoriété, ça a explosé.

GdN : Cet artbook contiendra des images inédites ?
MS : Malheureusement, pour le Trône de Fer, ce seront des images déjà vues. Je n’ai pas le droit d’utiliser des images de The World of Ice and Fire. Il y aura l’illustration du trône, mais la version non finie. Si cela se trouve, les gens seront un peu déçus, ce n’est pas celle qu’ils ont l’habitude de voir. Mais il y a 256 pages, dont 20 sur le Trône de Fer. Et 20 sur le Disque-monde, 20 sur la fantasy, 20 sur Lovecraft… En fait, il y en a sans doute un peu plus que cela.

GdN : En parlant de ce qui n’est pas le Trône de Fer, j’ai pu en effet voir sur internet que tu faisais des illustrations sur le Disque Monde. Et en relisant l’interview de 2009, j’ai lu que tu avais eu des projets de film. Qu’est-ce que ça a donné ?

Concept Art pour le film Valerian par Marc Simonetti

Concept Art pour le film Valerian par Marc Simonetti

MS : Alors, j’ai fait deux films pour l’instant. Les Aventures de Sammy (NDLR :il s’agit en fait du Voyage extraordinaire de Sammy), une tortue, pour les enfants, où j’ai fait tous les concept-art du film, pas toutes les scènes. J’ai fait la pré-production de La Horde, un film de zombis, plutôt rigolo. Et là dernièrement, j’ai fait de la pré-production pour un gros film de Luc Besson, dont la production va commencer. Si tout se passe bien, j’ai un an et demi de travail de design à faire.
Ndlr : Marc Simonetti a finalement effectivement travaillé sur les concept-art du film Valerian de Luc Besson sorti en 2017.

GdN : Tu parlais des commandes que tu as. As-tu des projets pour la suite ? L’artbook j’imagine.
MS : Oui, il y a l’artbook. Le gros du travail est de mettre en contact les imprimeurs, mettre les dessins aux bonnes dimensions puisque je fais tout moi-même. Sinon, niveau commandes, j’ai une visibilité à deux semaines. Je sais deux semaines avant ce que je dois faire, puisque c’est en moyenne le délai dont je dispose.

GdN : Quels sont tes clients principaux en ce moment ?
MS : Bragelonne est mon plus gros client. J’ai Lu un peu, et sinon beaucoup le Mexique et le Brésil. Je fais aussi la série Wild Cards de GRRM pour ces deux pays. Je le ferai peut-être aussi en France.

GdN : Est-ce plus facile de travailler sur un univers très défini comme le Disque-Monde ou le Trône de Fer ou des choses plus dans l’imaginaire comme Lovecraft, qui est assez peu décrit.
MS : Ça dépend. En fait, ça ne dépend pas si c’est bien décrit ou pas mais si le livre est bon ou pas. Quand le livre est mauvais et que je le lis avant, c’est une horreur pour faire la couverture. C’est un cauchemar, et j’en ai eu quelques-uns. Pour le Trône de Fer, je ne fais aucune illustration sur une scène du livre. Le Brésil m’a demandé de faire Drogon et Daenerys dans l’arène, je l’ai fait.

Drogon et Daenerys dans l'arène par Marc Simonetti

Drogon et Daenerys dans l’arène par Marc Simonetti

Mais mon approche des quatre premiers livres était de faire découvrir l’univers, mais sans décrire de scènes. En effet, je faisais une scène avec un chevalier, ça collait à une ou deux scènes du livre, pareil pour Tyrion dans un bordel. Quelle que soit la scène que je prenais, cela réduisait le cadre du livre et ça aurait induit en erreur les gens. J’ai fait Tyrion [pour l’intégrale 2, NdlR], pour représenter l’échelle de la ville [de Port-Réal] par rapport à lui. Pour les marécages, je n’avais pas forcément envie de faire Theon qui recherchait les Stark, mais plutôt des gens dans des marécages, puisqu’on en voit à plusieurs reprises. De la même manière, le château du premier tome n’est pas Châteaunoir mais une des forteresses un peu miteuses abandonnées le long du Mur. Sur le quatrième tome, ce n’est pas du tout Theon qui revient chez lui, c’est un chevalier. Et en plus, GRRM déteste les gars en armure nue, sans tabard par-dessus. GRRM n’aime pas les couvertures où il y a un truc, un symbole et son nom en gros.

GdN : Est-ce qu’il a son mot à dire sur les couvertures ?
MS : Non. Du coup, il râle. *rires*

GdN : Merci pour ce tour d’horizon et pour cet entretien.
MS : Merci à vous.

Interview réalisée à Neuchâtel le 12 juillet 2014 par Noré Kaku, Lard-Jon Ombre, Pandémie et R.Graymarch pour la Garde de Nuit.

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