[CK2-AGOT AAR] Les sires de Viergétang

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  • #138995
    Werther
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    AVANT-PROPOS

     

    Bonjour. Il y a fort longtemps, avant la Longue Nuit, cette section disposait d’un espace pour les AAR (explication du terme ci-dessous). Ce n’est plus le cas mais ayant eu un peu de temps devant moi grâce au confinement, j’ai souhaité en écrire un nouveau. Il s’agissait aussi de fêter la fin de CK2 et l’arrivée prochaine de CK3. Je n’avais jamais fait un AAR sérieux sur le mod AGOT alors que j’ai travaillé (avec certains d’entre vous) pendant des années à sa traduction. Je voulais réparer cet oubli.

    Comme Gray peut en témoigner j’ai beaucoup hésité à le publier ici pour des raisons que j’expliquerai juste après. A dire vrai, il a été commencé sur le site de Paradox (d’où le fait que je vais publier directement 14 chapitres), mais je voulais vous le partager parce que j’aime trop la Garde et que je veux que certains frères et sœurs découvrent ce magnifique mod.

    Voilà, sans plus attendre, quelques précisions importantes.

     

    Qu’est-ce qu’un AAR et quel style ai-je choisi ?

    Un After Action Report est un exercice assez ancien (et un peu passé de mode malheureusement) consistant à raconter sa partie sur un jeu. Les AARs sont particulièrement populaires sur les jeux Paradox Interactive.

    Il existe de nombreux styles : humour, gameplay (simplement expliquer des stratégies), historique (style livres d’histoire, ce que je fais normalement)… Mais cet AAR sera ma première tentative de narratif (nom assez transparent). C’est à cause de ce style que j’ai hésité à publier ici.

    Je veux être assez clair dès le départ, ce n’est pas une œuvre littéraire ni une fanfiction. Je me fiche de mon style (qui est bien pauvre au demeurant) et ne veux pas que vous y portiez le moindre intérêt (ce n’est pas publié dans l’écritoire) ; je n’ai aucune envie de copier Martin, et d’ailleurs cet AAR s’inspire en réalité bien plus de l’excellent Before Plantagent, A House d’Anjour AAR de Jabberjock14 sur le forum Paradox que du TdF ; enfin, même si j’essaye de raconter une histoire qui reste cohérente, je ne fais que retranscrire des événements de ma partie (ce qui s’y passe mais aussi les personnages, si l’un d’eux est parano, c’est parce qu’il a le trait, s’il déteste quelqu’un c’est que son opinion est négative dans le jeu). Bref, l’enrobage est différent, mais il s’agit d’un simple rapport de partie.

    S’il y a trop de confusions, et si les officiers le craignent, je pourrais supprimer l’AAR du site.

     

    Quel jeu ?

    Crusader Kings 2 est un jeu de Paradox Interactive où vous incarnez un personnage, ou plutôt une dynastie à l’époque médiévale. Cet AAR vise à faire mieux connaître ce jeu et surtout son mod AGOT. Créé par des passionnés de CK2 et de l’univers du TdF, AGOT est une conversion totale de CK2 dans l’univers d’Asoiaf. Je pense qu’il s’agit tout simplement du meilleur jeu sur l’Univers de Martin (après ce n’est pas bien difficile…).

    Le jeu est avant tout canon avec les romans, même s’il intègre quelques éléments de la série et des produits dérivés (une maison n’apparaissant que dans le RPG de Cyanide par exemple).

    PS : je joue en VO mais tous les noms seront en français dans le texte. Ils respecteront le canon de la VF des livres.

     

    Quel contexte ?

    Ce sera plus facile pour vous de comprendre que les lecteurs du forum de Paradox.

    Je jouerai le scénario de la Conquête, juste avant le débarquement d’Aegon et 64 ans (date exacte dans le jeu) après la bataille de Beaumarché lors de laquelle les Chenu se sont emparés du Conflans.

     

    Quel objectif ?

    J’ai choisi la maison Mouton de Viergétang. Lord Mouton est l’équivalent d’un comte (pour rappel, CK2 a quatre rangs jouables : comte, duc, roi empereur). Je ne suis clairement pas au niveau d’un Winterborn ou d’un Evrach, je me suis donc fixé un objectif simple en apparence : devenir lord de la baie des Crabes (équivalent de duc). Cela est assez compliqué dans le mod. Il est plus difficile de fabriquer une revendication que dans le jeu vanilla, l’IA refuse la plupart des mariages pour éviter de perdre des terres au moment de la succession et la limite des titres que l’on peut posséder est grandement abaissée.

    Vu que je joue RP, je me suis également compliqué la vie en me fixant un handicap : redistribuer autant que possible les titres obtenus à des personnages ayant des revendications dessus (de toute façon, le mod vous force souvent à lâcher des titres).

     

    Quel rythme ?

    Je vais publier directement une salve de 14 chapitres pour rattraper le retard avec le forum de Paradox. Mais par la suite le rythme sera assez lent. Je fais ça pour m’amuser, donc je ne me presse pas.

     

    Voilà, voilà.

    Le premier chapitre n’en n’est pas un, il permet simplement de donner un peu de contexte.

    J’espère que cela vous plaira et que cela vous donnera envie de tester CK2 ou même AGOT. N’hésitez pas à poser des questions sur le jeu, le mod, la partie etc.

    Bonne lecture !

    #138996
    Werther
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    CHRONIQUES DE VIERGÉTANG

    Le blason Mouton, un saumon rouge sur champ blanc, un trescheur doré

    A mon arrivée à Viergétang, mon seigneur et maître lord Perwyn Mouton me commanda une chronique sur l’histoire de sa famille. Je passais bien des lunes à lire les nombreux ouvrages de la bibliothèque. Ces annales et chroniques rédigées pour la plupart par mes prédécesseurs, sont de qualité inégale et je fus attristé d’apprendre la disparition de certains livres inestimables. Ils m’ont néanmoins permis d’écrire cette modeste histoire de la maison Mouton.

    Tous les auteurs s’accordent sur l’ancienneté de la famille qui remonterait aux Premiers Hommes. Le débat est par contre encore vif sur les liens entre la maison Mouton et le héros légendaire Florian le Fol. A la vérité, beaucoup remettent en question l’existence même de ce personnage.

    Quoiqu’il en soit les Mouton régnaient déjà sur Viergétang lors de l’Âge des Héros. Ils étaient alors souverains d’un petit royaume dont les frontières devaient probablement correspondre à la rive sud de la baie des Crabes. Si le roi de l’orage Monfryd Ier Durrandon dit le Puissant parvint momentanément à faire ployer le genou aux Mouton, ils recouvrèrent leur indépendance sous son fils Durran IX le Niais.

    Le royaume survécut plusieurs siècles voir millénaires jusqu’à l’invasion des Andals. Ceux-ci s’emparèrent de la ville et mirent à mort le dernier roi Mouton, le très jeune Florian V le Brave.

    Malgré mes recherches à Viergétang et à la Citadelle, je ne suis pas parvenu à trouver la moindre information sur les Mouton lors des siècles qui suivirent l’invasion. Il faut attendre la conquête de Viergétang par le premier roi andal du Conflans, Benedict Ier le Juste, pour retrouver la trace d’un lord Mouton. Encore ce dernier n’est-il pas nommé, tout comme ses successeurs sous les rois Lejuste et Teague. Une chronique mentionne toutefois un certain Myles Mouton qui participa à la bataille des Six Rois lors de laquelle les rois de l’Orage conquirent le Conflans.

    Grâce aux recherches de mestre Willem qui servit sous lord Petyr Mouton, grand-père de mon seigneur, nous sommes bien mieux renseignés sur les sires de Viegétang sous les Durrandon. Nous possédons ainsi une liste de seigneurs remontant à lord Alyn, qui vécut il y a près de deux cents ans.

    Les Mouton peuvent s’enorgueillir d’avoir participé à la bataille de Beaumarché qui sert aujourd’hui de base au comput des années dans le Conflans. Contrairement à d’autres seigneurs riverains, lord Florian défendit son roi contre le Fer-né Harwyn la Poigne de la maison Chenu. Il se distingua sur le champ de bataille au point qu’Harwyn lui offrit son pardon après sa victoire.

    Westeros après Beaumarché

    En 17 ap-B, lord Petyr succéda à son père. Fidèle au Chenu, il fut néanmoins le premier à souffrir des injustes réquisitions du roi Harren le Noir qui souhaitait construire la puissante forteresse d’Harrenhal. Le chantier qui dura près de 37 ans fut une source constante de souffrances pour les seigneurs Mouton.

    Le Royaume des Iles et du Conflans sous Harren le Noir

    En 48 ap-B, lord Manfryd (43-52)  osa se rendre à Lord Herpivoie-ville où le roi rendait visite à lord Herpivoie pour protester contre de nouvelles taxes touchant le port de Viergétang. D’après plusieurs sources, lord Manfryd mis en avant à plusieurs reprises les droits et les coutumes établis par sa famille lorsqu’il régnait sur la baie des Crabes. Harren resta muet mais au banquet il fit servir des truites et annonça qu’il faisait de lord Herpivoie le seigneur de la baie des Crabes. Les Mouton devaient désormais prêter hommage à Herpivoie. Après cette humiliation, lord Manfryd s’empressa de rentrer à Viergétang pour ne plus jamais revoir le roi…

    La baie des Crabes avec Viergétang (maison Mouton), Darry (maison Darry) et Salins (maison Cox) dépendants de lord Herpivoie-ville (maison Herpivoie)

     

     

    #138997
    Werther
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    AETHAN

    Viergétang – 1ere lune de l’An 64 ap-B

    Lorsqu’il succéda à son père en 52 ap-B, lord Perwyn se rendit auprès du roi pour reconnaitre officiellement la suzeraineté de lord Herpivoie. Il promit également d’aider financièrement à l’achèvement de la construction d’Harrenhal. Lord Perwyn tint parole et se montra un fidèle serviteur du royaume des Iles et du Conflans.

    La construction de la grande forteresse s’acheva la soixante-quatrième année depuis la bataille de Beaumarché. Cette œuvre glorieuse fit la fierté de tous les seigneurs du Conflans mais attisa la jalousie des autres rois de Westeros, incitant même un petit seigneur de Peyredragon à se proclamer roi du continent. Lord Perwyn se gaussa de ses prétentions et jura de défendre son souverain.

    Aethan souffla sur le parchemin pour faire sécher l’encre, puis rangea délicatement sa plume dans son trousseau. Il relut une nouvelle fois les dernières lignes de sa chronique et ne put retenir un soupir de dépit.  Un piètre style. Espérons que mon successeur aura une meilleure plume et ne me jugera pas trop durement. Aethan aurait aimé avoir le talent d’un mestre Jehan ou d’un Archimestre Martyn, mais à la Citadelle il avait eu bien plus de mal à forger son maillon de cuivre que celui d’argent.

    Mestre Aethan ferma l’imposant livre puis se rendit à la roukerie qui se trouvait juste au-dessus de ses appartements. La petite pièce exigüe au faîte de la tour Jonquil pouvait bien puer la fiente de corbeau, il s’agissait de l’endroit préféré d’Aethan. Il se risquait parfois à glisser sa tête dans l’une des étroites ouvertures de la pièce. La vue qui s’offrait à lui était alors imprenable. D’un seul regard il pouvait embrasser l’ensemble du château, mais également la ville de Viergétang entourée de ses remparts aux pierres rosâtres. Par beau temps, on pouvait admirer les contreforts des montagnes de la Lune au-delà de la baie des Crabes.

    Le mestre n’avait guère le temps de s’attarder. Le soleil était déjà haut dans le ciel et il allait être en retard au conseil. Il lui fallait néanmoins vérifier qu’aucun corbeau n’était arrivé. Il ne put que se féliciter de sa prévoyance en découvrant l’un de ces grands volatiles à la patte duquel était attaché un message. Il s’empressa de s’en emparer et d’en lire le contenu. A peine eut-il terminé qu’il se précipita dans les escaliers, dévalant les marches deux par deux au risque de se briser le cou.

    La porte de la salle du conseil était gardée par l’imposant ser Hosteen qui accueillit Aethan avec son éternel sourire blagueur : «  Encore en retard mestre. Vous feriez bien de vous faire tout petit, messire est de fort mauvaise humeur. » La voix de lord Mouton s’élevait effectivement de l’autre côté de la porte. Le mestre hésita un instant avant de franchir le seuil.

    A peine mit-il un pied dans la salle du conseil que lord Perwyn Mouton l’interpella : « Aethan ! Vous voilà enfin !

    -Veuillez m’excuser messire », bredouilla Aethan en se dirigeant vers la grande table où les conseillers étaient déjà assis. « Un corbeau vient d’arriver avec…

    -Plus tard mestre ! Vous n’imaginerez jamais ce que vient de m’apprendre mon cher petit frère ! » D’un geste rageur lord Perwyn désigna son puiné ser Stanton Mouton qui se tenait debout face au conseil. « Il veut jeter l’opprobre sur notre famille en refusant de se marier avec lady Melantha Manning ! »

    Ser Staunton avait manifestement le plus grand mal à contenir sa propre colère : « Je n’ai pas été consulté une seule fois quant à cette union. Pourquoi l’accepterais-je ?

    -Parce que c’est ton devoir ! » le poing de lord Mouton frappa la grande table, manquant de renverser son verre de vin. « Comme j’ai accepté la main de d’Andacey Boiscreux et comme Jon a accepté celle de lady Riona Vance. »

    Ser Jon, en sa qualité de maître d’arme et d’héritier siégeait à la droite de Sa Seigneurie. Plus calme que son frère, il dardait sur son frère un regard désapprobateur : « Reviens à la raison Staunton. Même Tyler n’a pas rechigné à accepter sa propre union.

    -Messer », enchaîna de sa voix douce et posée septon Samwell, le chancelier de Viergétang. « Un refus de votre part sera considéré comme un terrible affront de la part de ser Steffon Manning.

    -Et ce dernier n’en n’a pas vraiment besoin, la moitié des tavernes des terres de l’Ouest bruissent déjà de rumeurs sur les aventures de la femme de ser Cocu » s’amusa le conseiller Edmure qui semblait se régaler de la scène.

    « Que m’importe l’honneur de cette vieille barrique ? Ser Stanton était sur le point d’exploser. Marie-toi Perwyn ! Jon et Tyler peuvent également participer à ta mascarade s’ils le souhaitent, mais trois mariages sont déjà bien suffisants. Pendant que vous échangerez vos vœux devant septon Forrest je serai entrain de respecter ceux de mon adoubement. N’avez-vous d’ailleurs pas prononcé les mêmes mes chers frères ? Vous semblez les avoir oubliés le jour où vous avez refusé de venir en aide à lord Sombrelyn contre le Targaryen.

    -Tu dépasses les bornes Staunton, répondit froidement ser Jon. Le dragon peut envoyer tous les corbeaux qu’il souhaite aux quatre coins du monde pour se proclamer roi de Westeros ou de Yi Ti, aux dernières nouvelles il ne possède que trois milles hommes tout au plus. Rosby et Castelfoyer se sont rendus mais lord Sombrelyn ne tardera pas à le jeter à la mer, le roi Harren n’aura même pas besoin de descendre la Néra.

    -Raison de plus pour rejoindre Sombrelyn. Je partirai dès demain.

    -Dès maintenant, rugit lord Mouton. Hors de ma vue ! Si tu es encore à Viergétang à la fin de ce conseil, je te promets que ce n’est pas au sud mais au nord que je t’enverrais ! La Garde de Nuit sera heureuse d’exaucer tes vœux de célibat ! Dehors !

    -Vos désirs sont des ordres, messire » répondit froidement ser Stanton avant de se retirer non sans claquer la porte du conseil.

    « A propos de lord Sombrelyn messire…

    -Assez mestre ! » Jamais Aethan n’avait vu son seigneur aussi en colère. « Comment ose-t-il ? Septon Forrest doit nous marier à la prochaine lune, nos futures épouses devraient arriver sous peu. Je ne peux plus différer ces mariages. Voilà plusieurs jours que lord Symond me mande auprès de lui à Herpivoie pour participer à son conseil. Le vieux ser Lucas Cox et même cet imbécile de lord Petyr Darry sont probablement déjà à Lord Herpivoie-ville pour lécher l’arrière-train de notre suzerain.

    -Tu n’auras pas à repousser, répondit ser Jon. A moins de le trainer par la force au septuaire, Stanton ne se mariera pas. Nous trouverons une solution pour ser Steffon. Peut-être pourrions nous lui proposer une certaine somme en dédommagement…

    -Je suis désolé messer Jon, intervint le trésorier Thoren, mais les caisses sont pratiquement vides. Le marchand n’était loquace que lorsqu’il s’agissait de parler argent. Nous avons profité un peu des troubles au sud. L’invasion d’Aegon Targaryen a détourné une partie du trafic de la baie de la Néra vers la baie des Crabes, mais nombre de navires pentoshis évitent désormais Westeros et ne viennent plus à Viergétang. Les droits portuaires ne rapportent plus guère.

    -Et cela risque de durer, le coupa Edmure. D’après le capitaine de l’Hippocampe qui vient d’accoster, le Seigneur de la Mer à Braavos a interdit aux navires battant le pavillon de la cité de se rendre de ce côté du détroit tant que les troubles continueront. » Edmure était toujours au courant de toutes les rumeurs en provenance des navires. Certains allaient jusqu’à dire que les aubergistes du port recevaient plus d’argent du conseiller que de leur client. Il ne sait pourtant pas tout, se réjouit Aethan.

    « Si c’est le cas, reprit Thoren, nous devons nous préparer à une chute plus importantes des entrées… J’ai déjà eu le plus grand mal à réunir la somme pour organiser la cérémonie pour les quatre… trois mariages. Nous ne pouvons nous permettre d’offrir quoique ce soit à un grand seigneur.

    -J’écrirai donc à ser Steffon pour m’humilier, soupira lord Perwyn. Après le mariage, j’irai à Lord Herpivoie-ville.

    -Vous ne pourrez probablement pas messire. Tous se retournèrent pour regarder Aethan.

    -Et pourquoi donc mestre ? Je dois répondre à l’appel de mon suzerain.

    -Je n’ai pas dit que vous ne devez pas, messire… mais que vous ne pourrez pas y aller. » II tendit la missive à lord Perwyn qui s’empressa de la lire. « Sombreval est tombée. Aegon Targaryen a soumis toutes les terres au sud jusqu’à la Néra et il marche désormais vers le nord. Il est en ce moment même devant les murs de Darry-le-Château… avec ses trois dragons. »

    #138998
    Werther
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    JON

    Viergétang – 3e lune de l’An 64 ap-B

    Les trois couples faisaient face à septon Forrest, dont Jon pouvait ressentir la nervosité. Contrairement à septon Samwell, plus âgé et desservant le septuaire de Viergétang, Forrest n’officiait qu’à la forteresse et ne semblait avoir guère d’expérience en matière de mariage. Il devait de surcroît unir son seigneur et maître ainsi que ses deux frères lors d’une unique cérémonie.

    Perwyn avait  préféré le septuaire de Viergétang à la chapelle du château. Le bâtiment était plus grand et permettait à une bonne partie des notables de la ville d’y assister. Cette affluence du commun permettait de dissimuler l’absence de grands invités, les seigneurs voisins et même les belle-famille étant presque toutes trop occupés par la guerre pour assister à un mariage, fut-il triple.

    Sur un signe de tête nerveux du septon, Jon passa derrière lady Riona pour lui retirer délicatement son manteau écartelé de noir et de blanc sur lequel avait été cousus le dragon vert et la tour blanche des Vance d’Atranta. A sa place, il plaça l’habit aux couleurs de la maison Mouton.

    Lorsque Perwyn lui avait annoncé le choix de sa fiancée, il s’était jugé chanceux. Riona Vance était la mieux née des trois futures épouses, appartenant à une ancienne famille remontant aux premiers seigneurs andals. Son propre frère était seigneur d’Atranta sur les berges du lac de l’Oeildieu. La proximité du fief avec Harrenhal n’avait pas toujours été une bénédiction pour les Vance, surtout lorsque Harren cherchait désespérément des fonds pour la construction de sa gigantesque forteresse. Cette dernière venait néanmoins de s’achever et cette proximité faisait de lord Vance un personnage important de la cour.

    Jon avait néanmoins eu quelques doutes, notamment sur l’âge avancé de sa promise. Une femme bien née ne restait pas célibataire jusqu’à 27 ans sans une bonne raison. Il fut néanmoins très vite rassuré en la rencontrant pour la première fois. Charmante et discrète, Riona avait un tempérament doux et semblait se réjouir de pouvoir enfin fonder une famille.

    Elle était en tout cas aux antipodes de la future épouse de Tyler. A 17 ans, lady Kyra Belgrave était de loin la plus jeunes des trois femmes. Elle avait un fort tempérament et une langue bien pendue qu’elle n’hésitait pas à utiliser plus que de raison pour faire des remarques souvent obscènes qui confirmaient les rumeurs selon lesquelles son père avait eu les plus grandes difficultés à lui faire conserver sa virginité. Alors que Tyler prononçait son consentement, Jon surprit Kyra à loucher du côté de Perwyn et Andacey. Ce n’était pas la première fois qu’il surprenait ce regard plein de jalousie à l’égard de la future dame de Viergétang. Comme elle, Kyra était une fille d’un chevalier fieffé, mais elle n’épousait que le deuxième frère d’un seigneur.

    « Par ce baiser, je vous engage mon amour et vous prends pour mon seigneur époux », prononça lady Andacey de la maison Boiscreux. A 23 ans, elle était sans conteste la plus belle des trois épouses. Et dotée d’un esprit fin, se dit Jon. Elle paraissait enfin heureuse, après des jours à pleurer la mort de son père. Banneret de lord Sombrelyn, ce dernier avait péri lors des combats contre Aegon Targaryen. Le frère d’Andacey, ser Jaremy, bien qu’ayant ployé le genou devant le dragon, n’avait pas déshonoré la parole de son père et envoyé sa sœur à Viergétang.

    A leur tour, les trois frères prononcèrent leurs vœux et septon Forrest pu enfin clore la cérémonie par la bénédiction : « En ces lieux, au regard des dieux et des hommes, je déclare solennellement que lord Perwyn Mouton et lady Andacey Boiscreux ; ser Jon Mouton et lady Riona Vance ; ser Tyler Mouton et lady Kyra Belgrave sont maris et femmes, une seule chair, un seul cœur, une seule âme, à présent et pour jamais, et maudit soit qui se mettrait entre eux. »

    A peine eut-il terminé qu’une multitude de notables vinrent présenter leurs vœux de félicité aux nouveaux mariés. La majorité des invités se dirigeant vers Perwyn, Jon en profita pour s’éclipser après avoir embrassé une dernière fois sa femme. Dehors l’attendait ser Hosteen qui lui tendit les rênes de son cheval.

    Il s’était à peine engagé dans la rue principale qu’une voix bien trop familière le hélait : « Puis-je vous accompagner messer ? La question du conseiller Edmure était de pure forme puisque son cheval adoptait déjà l’allure de celui de Jon. Je ne savais pas que vous partagiez mon aversion pour les simagrées qui suivent immanquablement les mariages. »

    Jon ne supportait guère le sempiternel rictus qui pendait aux lèvres du conseiller. Edmure était de cet espèce d’intriguant qu’il n’appréciait guère. Mais Jon devait avouer que ce maitre des ragots était indéniablement utile au conseil.

    « Je dois me rendre au château pour m’assurer que les préparatifs du banquet se déroulent bien.

    -Une tâche bien ingrate, ricana Edmure.

    -Servir son seigneur n’est jamais ingrat, répondit sèchement Jon. Mon frère m’a fait l’immense honneur de m’accorder sa confiance en faisant de moi son régent. Il est de ma responsabilité de m’assurer que tout se déroule parfaitement. Il en sera de même quand Perwyn partira pour Lord Herpivoie-ville et laissera Viergétang sous ma responsabilité. »

    Les badauds étaient de plus en plus nombreux dans la rue principale, obligeant ser Hosteen à passer devant les deux hommes pour leur dégager un chemin.

    « Mais si cela peut vous rassurer, je ne me contenterai pas de faire l’intendance. Je dois également inspecter les défenses de la porte au Fol.

    -Inquiet, messer ?

    -Pourquoi ne le serai-je pas ? Darry-le-Château n’est qu’à quelques lieues d’ici et il est tombé en si peu de temps aux mains du Targaryen…

    -Aegon n’est plus à Darry. D’après mes informations il est repartit vers le sud pour soumettre lord Fengué. »

    Jon renifla de dédain. « Je connais lord Fengué, il est plus sot que brave. Aegon n’aura aucun mal à l’écraser et il ne tardera pas à revenir ici. Notre seule chance est que le roi vienne nous aider.

    -Harren le fera-t-il vraiment ? Le Noir n’a jamais porté les seigneurs riverains dans son cœur et Viergétang n’est rien pour lui.

    -Mais pas le Conflans. » Jon n’avait pas oublié les nombreuses vexations et humiliations que le roi Harren avait fait subir à son père, mais cet Aegon Targaryen qui se proclamait roi de Westeros ne lui plaisait guère. « Harren a déjà fait appel aux seigneurs du Conflans qui doivent se rendre au plus vite à Harrenhal. Même les Fer-nés doivent quitter leurs îles. Que le Chenu vienne pour sauver Viergétang ou sa couronne, le résultat sera le même…

    -… il sera écrasé, termina Edmure. La moitié des seigneurs du Conflans n’ont pas répondu à son appel, pas même votre beau-père. Et on murmure que plus nombreux encore sont ceux qui voient d’un bon œil l’arrivée du Targaryen. De plus, votre adversaire possède un atout dans sa manche. Inspectez les portes tout votre saoul messer, garnissez-les de trois dizaines d’archers si cela peut vous rassurer. Mais lorsque les dragons arriveront, Viergétang tombera. »

    Arborant toujours son sourire, le conseiller salua Jon puis s’engagea dans la rue des Tonneliers, laissant le régent continuer seul jusqu’à la colline où se dressait le château. Jon continua son chemin en silence… rongé par l’inquiétude.

     

    #138999
    Werther
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    PERWYN

    Lord Herpivoie-ville – 8e lune de l’An 64 ap-B

    « Là ! » s’écria ser Lucas Cox, une main tendue vers l’horizon, l’autre fermement agrippée aux rênes de son cheval. « Le roi et son armée ! »

    Lord Perwyn Mouton aperçut à son tour la longue colonne de soldats précédée par un important groupes de cavaliers dont certains portaient fièrement des bannières aux couleurs de la maison Chenu.

    « Pas trop tôt, soupira lord Petyr Darry. Encore un peu et je gelais sur place.»

    Le seigneur de Darry était une plaie qui n’appréciait rien tant que de geindre, mais lord Perwyn Mouton devait reconnaître qu’il faisait particulièrement frais ce matin. Parmi le millier d’hommes d’armes qui patientaient depuis l’aube devant les portes de Lord Herpivoie-ville,  quelques-uns avaient déjà commencé à allumer des feux pour se réchauffer. La discipline était toute aussi relâchée chez les deux centaines de soldats venus de Viergétang. Perwyn ne cachait pas son plaisir de voir son jeune frère Stanton peiner à tenir les rangs.

    « Difficile à estimer, mais je dirais qu’ils sont dix ou douze milles. »

    Malgré son âge avancé, ser Lucas en imposait toujours dans son armure. Perwyn appréciait tout particulièrement ce chevalier émérite qui s’était plus d’une fois couvert de gloire dans les lices. Il était de surcroît un banneret loyal de lord Symond Herpivoie.

    Ce dernier semblait préoccupé tout en regardant l’armée clairement scindée en deux colonnes, l’une pour les Fer-nés et l’autre, en retrait, pour les Riverains.

    « Les rumeurs étaient donc vraies, nombre de seigneurs riverains n’ont pas répondu à l’appel du roi.

    -La mort d’Harren le Noir aurait pu refermer certaines plaies et inciter certains seigneurs à mobiliser leurs troupes pour son fils, répondit Perwyn. Il semble néanmoins que certaines blessures sont trop profondes. » Il ne put s’empêcher de penser à l’humiliation subie par son propre père, à Herpivoie même.

    « Le Père-d’en-Haut est témoin que mon père et moi-même n’avons pas été les derniers à subir des torts de la part des Chenu, dit lord Herpivoie. Et il est parfois difficile de servir des hommes qui ne croient pas dans les Sept. Mais il s’agit de notre souverain. Il en va de notre honneur de les servir.

    -Alors peu de seigneurs du Conflans ont de l’honneur. Les bannières riveraines sont bien rares : Ryger, Vance de Bel Accueil… Frey. Darry cracha par terre. On sait tous ce que vaut l’honneur de ce péagier ? Ses ancêtres torchaient le cul des vaches alors que les miens étaient déjà seigneurs à Darry !

    -Et rendaient probablement hommage aux rois de Viergétang, termina fièrement lord Perwyn.

    -J’avais oublié que lord Mouton ne pouvait s’empêcher de nous rappeler les origines royales de sa maison. M’est avis que les frontières de vos roitelets d’ancêtres ne dépassaient leurs murailles que d’un jet de pisse.

    -La baie des Crabes nous appartenaient !

    -Messires ! S’il vous plait. » Lord Symond n’était guère à l’aise lors de ces discussions. Les Herpivoie ne pouvaient se prévaloir de la même ancienneté que les Darry ou les Mouton, encore moins d’une couronne. Une partie de leur fortune provenait du commerce fluvial et leur suzeraineté sur la baie des Crabes avait pour origine un caprice d’Harren le Noir. Perwyn avait bien remarqué que son suzerain, conscient des faiblesses de son autorité, tentait par tous les moyens de ménager sa susceptibilité. Il ne le traitait pas en vassal mais en pair. « Ce n’est pas le moment de se chamailler, le roi est là. »

    Une cinquantaine de cavaliers avaient en effet devancé l’armée royale pour venir à la rencontre des seigneurs de la baie des Crabes. Perwyn reconnut de nombreuses bannières fer-nées, la seiche Greyjoy, la faux Harloi, la corne de guerre Bonfrère, la main des Drumm ou le blason vairé de vert et de noir des Noirmarées. Bien plus rares étaient les blasons riverains : le saule pleureur Ryger, les tours Frey et l’écartelé de lord Vance de Bel Accueil, lointain cousin du beau-père de Jon. Bracken, Nerbosc, Mallister, Tully… on ne compte plus les absents, pensa Perwyn.

    Le jeune Harrag Chenu, propre frère du roi, fit office de hérault : « Sa Majesté Harwyn, Second du Nom, roi des îles et du Conflans !

    -C’est un honneur de vous recevoir sire, déclara lord Herpivoie. Mon cœur a saigné il y a trois lunes de cela en apprenant la mort de votre père, Sa Majesté Harren. Puisse-t-il être jugé avec équité par le Père-d’En-Haut.

    -Mon père festoie dans les demeures liquides du Dieu Noyé, Herpivoie, répondit sèchement le jeune roi. Et épargnez-moi vos jérémiades, je sais que mon père était détesté par la plupart des seigneurs des terres vertes. Les faibles craignent et haïssent les forts, c’est connu. Ses os se faisaient vieux néanmoins, et il était temps qu’une tête plus jeune ceigne cette couronne de fer noire pour se débarrasser des menaces extérieures… et intérieures. »

    Les lords Harloi et Drumm éclatèrent de rire. Les seigneurs fer-nés semblaient apprécié ce jeune homme qui avait pourtant passé le plus clair de sa vie sur le continent. Les seigneurs riverains avaient par contre le plus grand mal à cacher leur malaise, lord Denys Ryger semblait absorber par la contemplation des créneaux d’Herpivoie et lord Jared Frey se forçait apparemment à sourire.

    « Mille de nos gens sont prêts à vous rejoindre pour votre expédition au sud, s’empressa de dire lord Herpivoie. Mon fils et héritier ser Hoster les commandera et lord Darry ici présent vous conduira jusqu’à Darry-le-Château pour que vous le repreniez au dragon.

    -Je vois que vous ne m’accompagnez pas en campagne. Je n’en n’attendais pas moins de vous, on ne m’a pas vraiment vanté vos faits d’armes…

    -Ce que veux dire mon royal frère, se dépêcha de dire le prince Harrag, c’est qu’il est heureux de vous voir contribuer à la défense du royaume. Il comprend que vous souhaitiez rester sur vos terres pour les défendre face à l’envahisseur.

    -Mon frère Harrag est incorrigible, toujours à modérer mes propos. Soit, ces mille épées seront largement suffisantes. J’ai désormais deux fois plus de troupes que ce soi-disant « roi de Westeros ». Lorsque j’aurai repris Darry, je partirai au sud et l’écraserai pour récupérer la baie de la Néra. Et quand cette affaire sera terminée, je m’occuperai de ces traîtres : Bracken, Nerbosc, Tully, Mallister, tous ceux qui n’ont pas répondu à mon appel ou à celui de mon père. Même vos cousins, lord Vance, précisa le roi en se retournant vers lord Jon Vance.

    -Les Vance d’Atranta ne sont que de très lointains cousins, sire. Nous n’avons rien à voir avec eux comme vous pouvez le constater. » Perwyn nota de ne pas mentionner la femme de Jon avec lord Vance.

    « Bon, il fait froid et j’ai faim, déclara lord Frey. J’espère que vous avez prévu un festin, lord Herpivoie. Et des chaufferettes pour cette nuit !

    -Ne rêvez pas, Frey. Nous n’avons pas de temps à perdre si nous voulons renvoyer le Targaryen sur son île. Nous partons de suite pour Darry. » Le roi ignora la mine déçue du sire du Pont et s’empressa de donner des ordres de marche.

    Perwyn, lord Herpivoie et ser Lucas Cox étaient bientôt seuls à observer l’ost royal emprunter la route royale en direction de Darry. Ils avaient presque disparus à l’horizon lorsque mestre Lorent vint les rejoindre.

    « Messire Mouton ! Un corbeau vient d’arriver de Viergétang. Etant donné les circonstances, je me suis permis de l’ouvrir, j’espère que vous ne m’en voudrez pas.

    -Bien sûr que non, mestre, répondit prestement Perwyn. Est-ce que tout va bien ? Le Targaryen aurait-il tenté une attaque ?

    -Non messire, rassurez-vous. Ce corbeau vient démentir le dicton du petit peuple : Noires ailes, noires nouvelles. Ser Jon, votre frère, vous écrit pour vous annoncer une bonne nouvelle : lady Mouton est enceinte. »

    Alors que lord Herpivoie et ser Lucas le félicitaient, lord Mouton était gagné par l’émotion. « Que les Dieux m’accordent un fils, pria-t-il, et je lui lèguerai à ma mort Viergétang ». Et bien plus, ajouta-t-il pour lui-même.

     

    #139000
    Werther
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    ANDACEY

    Viergétang – 10e lune de l’An 64 ap-B

    « C’est bien trop froid ! » s’écria Kyra avant de promptement retirer son pied du bain. « M’est avis que c’est Jonquil et non Florian que l’on aurait dû surnommer la Folle. Quelle idée de se baigner dans un étang gelé ? »

    Andacey éclata de rire, la jeune Kyra n’avait pas sa langue dans sa poche. Elle aimait passer du temps avec cette commère au franc-parler. Elle était sa seule véritable amie à Viergétang.

    « Tu exagères », dit Andacey en entrant sans trop de difficulté dans les eaux limpides de l’étang de Jonquil. « L’eau n’est pas si froide.

    -Je dois avouer une certaine réticence à entrer dans ce bain », ronchonna la jeune femme qui suivit néanmoins sa belle-sœur dans l’eau. « Peut-être serais-je un peu plus motivée si, comme Jonquil, j’étais épiée par un beau chevalier ? Rien de tel quel qu’un bel homme pour se réchauffer ! »

    Kyra s’esclaffa, fière de sa boutade. On ne pouvait en dire autant des sœurs assez âgées surveillant le bassin qui semblaient choquées par un tel langage. L’ordre était en charge de l’étang depuis que les seigneurs Mouton avaient fait construire les bains pour recevoir les nombreuses visiteuses désireuses de se baigner dans le légendaire étang où Florian avait rencontré Jonquil à l’Age des Héros.

    « Mais aucun homme à l’horizon… Il est tout de même absurde d’empêcher hommes et femmes de se rencontrer sur le lieu même où a débuté la plus belle des idylles de notre histoire… Et je suis sûre que si Jonquil nous comptait en détail la nuit suivant ce chaste épisode, tu serais dame de Dépucelétang. Ne rougis donc pas. Quand on a un ventre aussi gonflé que le tien on ne peut pas prétendre avoir encore son pucelage. »

    Andacey sourit et caressa tendrement son ventre. « C’est pour cela que je voulais venir. Il parait que les eaux de l’étang ont des vertus curatives. Mon enfant sera en bonne santé. » Elle désigna à son tour le ventre de son amie. « Je suis persuadée que tu auras bientôt la chance d’attendre un enfant.

    -Je m’attèle à la tâche tous les soirs, mais je commence à me demander si la virilité de Tyler fonctionne correctement. Lord Mouton n’est resté qu’une ou deux lunes à Viergétang avant son départ pour Herpivoie, et pourtant il a réussi à t’engrosser. J’aurais peut-être dû me marier avec un autre frère… Je suis sûr qu’il aurait fallu moins de deux nuits pour que Stanton me donne un enfant ! Il était particulièrement craquant lors de son départ pour la guerre. »

    Andacey s’assombrit. Elle ne connaissait guère son beau-frère mais ne lui souhaitait aucun mal. Elle espérait qu’il avait survécu à la bataille de Bouleau où les forces d’Harwyn II avaient été écrasées. La nouvelle de la défaite avait provoqué des mouvements de panique en ville et troublé Andacey. Il était fort probable que son frère ser Jaremy ait combattu pour Aegon ce jour là. Elle ne pouvait néanmoins souhaiter la victoire du Targaryen contre lequel son père avait péri. Non, décidément elle haïssait Aegon de toute son âme.

    Andacey écoutait d’une oreille distraite les bavardages de Kyra lorsqu’un bruit de déflagration la tira brusquement de ses rêveries. La confusion la plus totale s’était emparée des bains et les sœurs commençaient à paniquer. Les deux jeunes ladys se précipitèrent hors du bain tandis qu’un cri bestial s’élevait. Andacey s’empara d’un linge qu’elle enroula autour d’elle puis sortit le plus vite possible du bâtiment.

    Son accoutrement était totalement déplacé, mais personne dans la rue ne faisait attention à elle. Marchands, artisans, marins ou mendiants, tous  étaient pris de panique et courraient dans tous les sens. Les gardes chargés de la protection d’Andacey ne la remarquèrent même pas. La tête levée, ils fixaient le ciel avec frayeur.

    Avant même de suivre leur exemple, lady Andacey Mouton savait ce qu’elle allait découvrir : un dragon.

    #139001
    Werther
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    AETHAN

    Viergétang – 10e lune de l’An 64 ap-B

    Sur la plaine calcinée par le feu-dragon, deux armées de tailles égales s’affrontaient. Mestre Aethan assistait, impuissant et horrifié, à la bataille depuis la courtine du château. Le roi Harwyn II avait tenté de prendre à revers l’ost du Targaryen qui s’apprêtait à assiéger Viergétang. Mais le roi des îles et du Conflans ne possédait pas de dragons.

    Aegon Targaryen volait bien haut dans le ciel sur Balérion. La Terreur Noire était probablement la plus formidable bête du monde, mais le « roi de Westeros » ne voyait aucune raison de la lâcher sur ses ennemis. Méraxès, le dragon argenté de sa femme-sœur Rhaenys, suffisait amplement. Bien plus petit que Balérion, il ne faisait pourtant qu’une bouchée des chevaliers riverains comme des guerriers fer-nés. Plongeant sur ses adversaires, il gobait d’un seul coup de mâchoire les plus grands des destriers. Ses griffes acérées pouvaient trancher la plus solide des armures comme une motte de beurre et lorsqu’il crachait son feu-dragon, les hommes prenaient feu tels des fétus de paille.

    Déjà les premiers soldats du Conflans prenaient leur jambe à leur cou. Les rangs de l’armée d’Harwyn cédaient peu à peu et bientôt une véritable marée humaine reflua dans le désordre le plus complet. La bataille était belle et bien perdue.

    « Ce n’était pas une bataille mais un massacre », dit sombrement ser Jon. Le frère de Sa Seigneurie était armé pour le combat mais ce grand guerrier semblait avoir perdu toute sa combativité. « Il est inutile de combattre face à ces monstres volants. Edmure m’a assuré que le Targaryen se montre clément avec ceux qui ploient le genou. Je vais ouvrir les portes.

    -Avez-vous perdu la tête messer ? » Lady Mouton montait d’un pas décidé les étroites marches pour les rejoindre sur la courtine. « Je refuse une telle infamie. Je suis sûr que mon époux et maître serait d’accord avec moi et y verrait une trahison ! Je suis la dame de Viergétang et je me dois de défendre la ville contre ces envahisseurs !

    -Dois-je-vous rappeler, lady Andacey, que Perwyn m’a confié le soin de diriger Viergétang en son absence ? » Ser Jon faisait désormais face à sa belle-sœur, l’œil noir. « J’ai aussi pour rôle de défendre la ville et ses habitants, et il me semble qu’affronter 7000 soldats aguerris et deux dragons ne soit pas le meilleur moyen d’y parvenir. A moins que vous ne vouliez que mon frère ne retrouve que des cendres en lieu et place de sa demeure ?

    -Le feu-dragon n’a pas encore consumé la ville, mais on ne peut pas en dire autant de votre honneur messer.

    -Il n’y a rien d’honorable à voir ses gens périr par le feu. C’est mon devoir d’héritier de Viergétang que de les protéger.

    -L’héritier se trouve ici ! » cria lady Mouton en désignant son ventre de femme enceinte. « Tâchez de vous en souvenir au lieu de lorgner sur la demeure de votre frère que vous refusez de défendre.

    -J’ai beaucoup de défauts madame, mais pas celle de négliger ma famille. Je la place avant toute chose. J’aime ma femme, mes frères, mon futur neveu ou ma future nièce et même ma belle-sœur. Il n’est pas question de voir le siège de ma maison partir en fumée pour sauver un quelconque honneur !

    -Mestre Aethan ! »  Pris par surprise, il sursauta. « Vous ne pouvez pas trahir votre maître lord Mouton. Faîtes entendre raison à son frère. Se rendre aux Targaryens est une vilénie. »

    S’il y a bien une chose qu’Aethan ne voulait pas en ce moment même c’était bien d’être impliqué dans cette dispute. Il hésita un instant puis répondit : « Madame, je pense que ser Jon a raison. Il est inutile de lutter face à des chevaucheurs de dragon. Vous avez lu comme moi les chroniques de Valyria. Il ne sert à rien de lutter et nôtre rôle doit se borner à préserver ce qui peut l’être.

    -Voilà qui est bien dit, mestre. L’affaire est entendue je crois. » Sans un regard pour sa belle-sœur, il dévala les escaliers et rejoignit la cour. « Ouvrez les portes ! Ser Hosteen, déployez la bannière arc-en-ciel ! »

    Aethan restait seul sur la courtine avec lady Mouton. Elle dardait sur lui un regard noir, empli de haine.

    #139002
    Werther
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    STANTON

    Les Épois – 11e lune de l’An 64 ap-B

    « La pluie commence à tomber mon prince, fit remarquer Stanton. Cela pourrait nous être défavorable.

    -Au contraire messer », répondit le prince Harrag avec un sourire las. « Les rangs ennemis sont plus fournis en archers que les nôtres. Cette pluie les privera de cet avantage. »

    Comme Stanton, le prince Harrag n’avait que 18 ans. Mais la comparaison s’arrêtait là. Harrag était en tout point le prince parfait. Alors que Harwyn II ne connaissait que la menace et la contrainte, le jeune Chenu était quant à lui capable de convaincre le plus récalcitrant des seigneurs par son charisme et son éloquence naturels. Il avait toujours une attention particulière pour ses hommes, du plus humble au plus fier. C’était un travailleur acharné qui n’économisait pas une seconde ses forces pour défendre le trône de son frère.

    Son armure cabossée, son arme ébréchée et ses larges cernes étaient autant de témoignages de ses souffrances, et pourtant il tentait de ne rien laisser transparaitre devant ses hommes. Sur le champ de bataille, il s’était couvert de gloire en terrassant de nombreux adversaires mais également en sauvant à deux reprises l’armée royale de la destruction totale à Bouleau et à Viergétang. La guerre l’avait endurcie et grandit et lorsqu’il parlait, même lord Jared Frey l’écoutait attentivement alors qu’il avait le double de son âge.

    Stanton maudissait les dieux de ne pas avoir fait d’Harrag le premier né d’Harren le Noir. Il l’admirait d’autant plus qu’il avait lui-même découvert sa propre médiocrité. Perwyn était un seigneur né, Jon un formidable commandant et même Tyler avait trouvé sa place à Viergétang. Stanton avait tiré quelque fierté de ses qualités de bretteur dans la cour et avait tellement souhaité prouver sa valeur sur le champ de bataille. Mais le jeune homme sûr de lui et de sa valeur était mort dans le chaos de Bouleau. Même les soldats de Viergétang ne le respectaient plus.

    C’est peut-être pour cela qu’il admirait tellement le prince Harrag.

    « Affronter une nouvelle fois Aegon est une folie, cracha lord Frey.

    -Je suis tout à fait de votre avis messire, répondit calmement Harrag. Cette guerre est perdue depuis longtemps. Mais j’ai beau exhorter Harwyn de se soumettre, il refuse obstinément. Il pense encore pouvoir rallier les seigneurs riverains à Harrenhal et arrêter le dragon. Je n’y crois pas une seconde, mais il m’a confié la mission de retenir notre ennemi en lançant cette attaque contre les Épois. Quelque désespérée que soit notre situation, il est de notre devoir d’obéir et de faire gagner du temps à Sa Majesté. Nous les affronterons donc », dit-il en désignant l’armée targaryenne presque deux fois plus nombreuse qui se préparait à la bataille.

    « Du suicide, oui-da ! Mes propres hommes sont fatigués et démoralisés. » L’armée Frey comptait pour la moitié des troupes du prince. « Et lorsque ce maudit dragon entrera dans la danse, il ne fera qu’une bouchée de nous.

    -C’est pourquoi je ne perdrai pas un instant. Je prendrai avec moi le gros des troupes et je chargerai leur centre. Nous devons absolument frapper vite et fort et entrer au contact le plus rapidement possible. Les Targaryen hésitent à utiliser leur dragon lorsque leurs propres troupes risquent d’être brulées. Quant à vous lord Frey, vous profiterez de l’effet de surprise pour charger leur flanc droit. Ce dernier est complètement dégarni. A mon signal, nous retraiterons le plus rapidement possible, rappelez-vous que nous ne sommes pas ici pour remporter une victoire, mais pour ralentir l’invasion. »

    Le ton plein de confiance et d’autorité ne souffrait pas de contradictions et tous les seigneurs se préparèrent. Les soldats s’armèrent puis rejoignirent leur rang tandis que le bruit des cors de guerre s’élevait dans le ciel. Stanton vérifia une dernière fois son arme et son bouclier puis abaissa sa visière.

    Le monde se réduisit à cette mince fente à travers laquelle il ne distinguait pas grand-chose. Sur un ordre d’Harrag, l’armée se mit en marche et Stanton fit adopter le pas à sa monture pour rester au niveau des piétons. A mi-chemin, l’armée ennemie envoya une volée de flèches, mais comme l’avait prévu le prince, la pluie alourdit les projectiles et bien peu d’entre eux atteignirent leur cible.

    Quelques instants plus tard, le prince donna l’ordre aux chevaliers de charger. Stanton souffla un bon coup avant de mettre sa monture au galop. Le terrain boueux rendait la charge difficile et plus d’une fois il crut que son cheval allait se renverser. La pluie le gênait énormément et il peinait à garder les yeux ouverts. Sa lance lui paraissait terriblement lourde. Enfin, il atteignit les rangs ennemis qu’il percuta avec violence.

    Il faillit être déstabilisé mais évita de justesse la chute. La charge avait néanmoins fait son effet et le centre de l’armée targaryenne recula sous le choc. Stanton démonta puis tailla de-ci de-là dans les rangs ennemis. Le combat tourna au chaos le plus total lorsque les Fer-nés et les hommes d’armes arrivèrent pour les épauler. Tous étaient conscients que l’armée adversaire était ébranlée et ne tarderait pas à céder.

    Le jeune chevalier fut néanmoins surpris de voir le flanc droit de l’armée targaryenne se refermer peu à peu sur eux.

    « Les Frey ne sont pas encore là, mon prince ! » cria-t-il.

    Harrag, s’extirpa tant bien que mal des premiers rangs pour se mettre à l’abri au centre de l’armée. Il remonta sur son cheval puis sortit son cor pour appeler à l’aide lord Jared Frey.

    Celui-ci survint bientôt. Non par le flanc, mais sur les arrières de l’armée. Staunton vit avec horreur les chevaliers des Jumeaux percuter violemment l’arrière-garde.

    « Trahison ! s’écria Harrag. Maudit soit les… » Le prince ne termina pas sa phrase. Une flèche venue des rangs targaryens vola jusqu’à sa gorge.  Ses derniers mots moururent dans un gazouillis sanglant. Staunton poussa un cri d’horreur lorsque le corps du prince glissa de sa monture pour disparaitre dans la marée humaine.

    Stanton était comme pétrifié. Tout autour de lui, la situation était chaotique. Des hommes mourraient en combattant ou en tentant de s’enfuir. Encerclés, ils n’avaient plus aucune chance….

     

    #139003
    Werther
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    PERWYN

    Harrenhal – 2e lune de l’An 65 ap-B

    Jamais Perwyn n’avait vu autant de monde réuni en un seul endroit. Lords Piper, Bracken, Nerbosc, Mallister, Vance d’Atranta et de Bel Accueil, Ryger, Tully, Mallister… tous les grands seigneurs riverains étaient là avec leurs maisonnées et leurs bannerets. Nombre de Fer-nés avaient également fait le déplacement. Cette foule paraissait pourtant ridicule au regard de la grande salle d’Harrenhal qui aurait pu accueillir dix fois plus de seigneurs.

    Au bout de l’imposante pièce, sur le trône d’Harren le Noir, siégeait Aegon Targaryen. Lorsqu’il fixait ses prunelles mauves sur un seigneur, ce dernier avait le plus grand mal à soutenir son regard. Sa puissante carrure, ses traits sévères, sa mâchoire carrée ou ses cheveux argent-or coupés courts, tout dans sa physionomie dégageait une aura d’autorité et de majesté.

    Les portes s’ouvrirent en grand pour laisser entrer Harwyn II, roi des Iles et du Conflans. Les seigneurs s’écartèrent sur le passage du souverain fer-né qui s’arrêta au pied des marches du trône. Un silence pesant s’abattit sur la grande salle. La tension était palpable alors qu’Harwyn dardait un regard noir sur le Targaryen. Puis, sans un mot, le roi dégaina.

    Plusieurs seigneurs portèrent la main à leur épée, mais pas un instant Aegon ne cilla. Harwyn jeta son arme au pied du trône puis mit un genou à terre, reconnaissant sa défaite.

    « Longue vie à Aegon Premier de Son Nom, roi de Westeros ! »,

    Le Targaryen se leva, et d’une voix puissante déclara : « Ainsi s’achève le règne d’Harwyn II Chenu, roi des Iles et du Conflans. Relevez-vous, Harwyn, seigneur suzerain des Iles de Fer ! » Harwyn se releva sous les acclamations de tous les seigneurs présents.

    Les uns après les autres, les seigneurs fer-nés et riverains vinrent prêter hommage et déposer leur épée devant le trône. Perwyn lui-même s’agenouilla face au Targaryen et jeta, non sans un certain regret, son arme sur la pile d’épées qui ne cessait de s’élever.

    « Ainsi disparait le royaume Chenu, dit lord Symond Herpivoie lorsque Perwyn le rejoignit. Harwyn continuera de gouverner les Iles de Fer mais n’aura plus d’autorité sur le Conflans…

    -Qui le roi choisira-t-il pour mener les seigneurs riverains ? »

    Lord Herpivoie soupira. « Pas moi en tout cas. J’ai été un des rares seigneurs à soutenir le mauvais cheval jusqu’au bout. Peut-être son demi-frère bâtard à qui il vient d’offrir Harrenhal ?

    -Orys Baratheon ? Je ne pense pas que les Riverains accepteront à nouveau un étranger à leur tête.

    -Cela semble pourtant plus simple que de choisir l’un des nôtres. Nous sommes désunis depuis des siècles et les inimitiés sont nombreuses entre seigneurs riverains. Peut-être choisira-t-il lord Frey ? Il est le seul seigneur d’importance à avoir combattu à ses côtés. »

    Perwyn ne put retenir une grimace de dégoût. « Aucun Riverain n’acceptera un péagier comme suzerain. Un péagier doublé d’un traitre et d’un parjure.

    -Probablement… Il devra donc choisir parmi les grandes maisons qui ont eu quelques prétentions royales par le passé. Les maisons Pescheur, d’Alluve, Lejuste et Teague qui ont régné en tant que rois des Rivières et des Collines se sont éteintes. Peut-être les Nerbosc ou les Bracken. Mais choisir une de ces deux maisons reviendrait à s’aliéner l’autre. Reste les Mallister ou même les Vance qui ont un jour revendiqué la couronne du Conflans… »

    Lord Herpivoie s’interrompit. Le dernier seigneur venait de jeter son épée et le roi Aegon s’était à nouveau levé pour prendre la parole. « Messeigneurs ! Ces épées ne seront pas gâchées ! Je les ferai fondre pour façonner un trône solide qui durera des siècles ! » Des acclamations répondirent au roi. « Mon rêve d’un continent unifié sous une seule et même couronne se réalise un peu plus chaque jour ! Ma reine Rhaenys m’écrit des Eryiés où le jeune Ronnel Arryn m’a juré allégeance. Au sud, Argilac Durrandon a remis son épée à la reine Visenya. » Une clameur soudaine accueillit cette déclaration. Le roi attendit qu’elle s’évanouisse pour reprendre.

    Les terres de l’Orage (jaune) font également parties du royaume.

    « Je sais que certains d’entre vous attendent avec impatience de savoir qui dirigera le Conflans. J’ai écouté avec attention l’avis des uns et des autres. Loyauté, droits ancestraux, que de bons arguments. Mais la guerre n’est pas finie ! A l’ouest, le roi du Roc Loren Lannister mobilise ses armées pour me défier ! J’ai donc décidé de remettre cette décision à plus tard. Prêtez-moi une autre épée, non pour forger un trône, mais pour défaire mes adversaires. Marchez avec moi jusqu’à Castral Roc, prouvez votre valeur l’arme à la main. Alors, et alors seulement, je choisirai celui qui est digne de diriger les braves seigneurs du Conflans ! »

    Quelques seigneurs semblaient déçus et lord Jared Frey pas le dernier, mais le discours du roi enflamma la bravoure des autres. Une puissante clameur s’éleva, Riverains et Fer-nés étaient prêts à la guerre.

     

    #139004
    Werther
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    ANDACEY

    Viergétang – 3e lune de l’An 2 ap-C

    Etendue sur son lit, Andacey était absorbée par la contemplation des rayons de soleil blafards qui entraient par l’unique fenêtre de ses appartements. Elle entendait à peine la voix de septon Forrest, assis sur une petite chaise à côté de son lit.

    « Son âme était vierge de tout pêché. Je suis sûr que notre Père-d’En-Haut le jugera avec bonté ».

    Andacey ne daigna même pas se tourner vers le religieux. « Comme il a pris sa vie…

    -L’Etranger l’a pris, pas le Père Ma Dame.

    -Vous ne cessez pourtant de répéter que les Sept ne sont qu’un. » Il n’y avait aucune animosité dans sa voix. Elle était très lasse et ne souhaitait pour rien au monde être entrainée dans un débat théologique.

    Heureusement pour elle, Perwyn entra à ce moment précis, lui épargnant la réponse du septon. Son visage était marqué par la tristesse mais il s’efforçait de sourire. Elle ressentit un certain soulagement à le voir, mais ce sentiment s’effaça rapidement lorsqu’elle aperçut mestre Aethan qui suivait son mari dans la pièce.

    Perwyn fit un geste et septon Forrest se retira. Le sire de Viergétang s’assit à son tour sur la chaise et prit la main d’Andacey.

    « Ma Dame est la plus belle du Conflans aujourd’hui. » Il garda le silence quelques temps avant de reprendre. « Je redescendais la route royale en compagnie de Stanton qui vient d’être libéré lorsque j’ai appris… » Il s’arrêta net, comme si en parler à haute voix était trop dur.

    Elle ne put retenir une larme. « Manfred aurait été un grand chevalier et un bon seigneur.

    -Je sais », répondit Perwyn d’une voix brisée. Elle trouva du réconfort dans la peine de son mari, elle se sentait moins seule dans ce cauchemar. « Nous surmonterons cette épreuve ensemble. Nous en sortirons plus forts. Ma mère a perdu deux enfants en couche. Cela ne l’a pas empêché de donner naissance à quatre fils en pleine forme. »

    Ils gardèrent le silence un long moment, pleurant intérieurement leur fils… puis ils furent interrompus par Aethan.

    « Sire… » dit le mestre d’une voix penaude. « Je suis désolé, mais Thoren nous attend pour discuter du relevé des feux et de l’arpentage. »

    Andacey ignora le mestre : « Que fait-il ici ? Les enquêtes sur le nombre de poules des culs-terreux primeraient-elles sur notre deuil ?

    -Nos champs et nos pâtures ont été ravagés par le feu-dragon, c’est moi qui ai commandé ce rapport. Ne blâme pas Aethan…

    -Je le blâmerai autant qu’il me le plaira. Sans sa couardise ton frère n’aurait pas eu le dernier mot. Cette chienne de Rhaenys ne serait pas entrée ici et notre fils ne serait probablement pas mort né. Les dieux nous ont fait payer notre soumission à ces polygames incestueux.

    -Jon et Athan ont pris la bonne décision. Ils ont préservé Viergétang. Et j’ai moi-même ployé le genou peu de temps après votre reddition. »

    La tristesse faisait peu à peu place à la colère. Elle souhaitait de tout son cœur voir la tête d’Aethan sur une pique, peut-être même celles de Jon et de Rhaenys. Elle lâcha la main de son mari, puis lui tourna le dos tout en rabattant sa couverture.

    « Je ne te retiendrai pas. Vas donc compter les moutons avec ce lâche. »

    Perwyn garda le silence. Au bout de quelques temps, elle l’entendit se lever puis partir, la laissant seule avec son chagrin.

     

     

    #139005
    Werther
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    JON

    Viergétang – 1re lune de l’An 3 ap-C

    « Messer », salua ser Hosteen avant d’ouvrir la porte. Jon lui rendit son salut avant de pénétrer dans les appartements de Perwyn.

    Ce dernier était à table, terminant son repas devant une pile de parchemins. « Jon, te voilà. Veux-tu que je te fasse servir à manger ?

    -Non ça ira », répondit Jon tout en s’asseyant en face de son frère. « J’ai déjà déjeuné avec Tyler.

    -Comment va-t-il ? », demanda Perwyn en repoussant son assiette et en servant un verre de vin à Jon.

    « On ne peut mieux. Sa femme doit accoucher dans une lune ou deux.

    -Qui aurait cru qu’il excellerait un jour à quelque chose et nous coifferait sur le poteau », remarqua Perwyn non sans une pointe d’aigreur. Jon savait que même près d’un an plus tard, la mort de son nourrisson était un sujet toujours douloureux pour Perwyn. « Stanton était avec vous ?

    -Non. Notre jeune frère est d’humeur maussade depuis son retour de captivité. Il serait peut-être bon de lui donner quelques responsabilités d’ailleurs. Il a désormais quelque expérience de la guerre.

    -Tu m’avais pourtant fait part de tes doutes sur ses qualités de commandant.

    -Et j’en ai toujours. Mais en cas de guerre, nous pourrons toujours compter sur Wendel.

    -Un homme du commun et grossier…

    – Et qui ne perd pas une occasion de critiquer mes décisions. Mais un excellent guerrier, avec de l’expérience. Wendel mènera les troupes et Stanton… représentera notre famille.

    -Soit, de bons arguments. Fait. », dit Perwyn en hochant la tête. « Justement, je voulais savoir où en étaient nos défenses. »

    Jon prit une gorgée de vin. Un cru acre en provenance du Bief. « Elles se portent bien. Elles n’ont guère été endommagées pendant la guerre, mais nous n’avons pas lancé d’opération de maintenance depuis une année maintenant et certains pans du mur ouest m’inquiètent.

    -Après mon départ, tu pourras réaffecter une partie de notre or à nos fortifications. Les campagnes reprennent vie peu à peu et l’arpentage est désormais terminé. Les impôts devraient à nouveau rentrer comme du temps d’Harren. D’après Thoren, le déplacement de la guerre à l’Ouest est une bonne chose pour le trafic de la baie des Crabes et les bateaux sont de plus en plus nombreux à revenir.

    -Après ton départ ? »

    Perwyn tapota son verre, l’esprit ailleurs. « Oui, j’ai fait de mon mieux pour Viergétang et j’ai repoussé à plusieurs reprises les invitations de lord Symond. Je dois me rendre à Herpivoie. À la vérité, je risque de faire plusieurs allers-retours au courant de l’année. La situation évolue.

    -Le roi ?

    -Oui, entre autres. Alors que la guerre traîne dans l’ouest, il multiplie les fronts. Il a lancé une campagne contre les petits seigneurs de la baie de la Néra. Et puis surtout il y a lord Mallister…

    -J’ai été surpris lorsqu’il a été désigné seigneur du Trident.

    -Ce ne fut pas vraiment mon cas. Lord Lyonel s’est distingué lors de la prise du Roc. Et puis les Mallister sont une famille qui peut s’enorgueillir d’une certaine ancienneté. L’un de ses ancêtres a même prétendu à la couronne du Conflans. La famille a de plus une longue tradition de lutte contre les Fer-nés, cela calmera peut-être lord Volmark et ses raids incessants sur les côtes du Trident. »

    Jon acquiesça mais ne put s’empêcher d’ajouter : « Je ne conteste pas l’ancienneté ou la puissance de la famille Mallister. J’ai par contre plus de réserves concernant Lyonel lui-même. J’ai servi sous ses ordres lorsqu’Harren l’avait chargé de pourchasser la bande Rouge qui sévissait dans la région de Vieilles-Pierres. Brave, oui-da, et un bon guerrier mais également cruel et ambitieux. D’aucun le surnomme le Noir parce qu’il ressemble à feu sa majesté Harren. Pas un compliment. Et puis cela me surprend, lord Frey est le seul à avoir pris fait et cause pour Aegon, et voilà que le roi nomme son plus grand rival.

    -J’y vois plutôt un coup de maître. Frey est détesté dans tous les Conflans pour sa trahison. Aegon lui-même ne doit pas faire confiance à un tourne-casaque. Et puis quel meilleur moyen de régner que de diviser ? Un homme peu apprécié et avec de nombreux ennemis gouverne désormais le Trident, ce n’est pas demain la veille que les Riverains feront front commun pour retrouver leur indépendance. Surtout quand on sait qu’ils sont déjà en colère contre les premières mesures du sire de Salvermer…

    -C’est-à-dire ? »

    Perwyn écarta son verre et s’empara d’une missive qu’il tendit à Jon. « Lorent, le mestre de lord Herpivoie, m’a envoyé le décret de lord Mallister rendant illégal toute guerre entre Riverains. »

    Jon ne put s’empêcher de rire : « Bonne chance à lui ! Demander aux Bracken et aux Nerbosc de mettre de côté leur querelle ancestrale… autant ordonner au soleil de ne pas se lever. Quoique… Les mestres peuvent trouver la trace de la Longue Nuit il y a 8000 ans, mais pas d’une trêve  entre ces deux familles. »

    Perwyn pouffa à son tour. Lorsqu’ils reprirent leur sérieux, le sire de Viegétang alla droit au but : « Tu seras en charge de Viergétang en mon absence. Septon Samwell se fait vieux et je sais que tu protégeras Viergétang… comme tu l’as fait pendant la guerre, malgré ce que dit ma femme. » Cet aveu de confiance fit chaud au cœur à Jon. « A ce propos, j’emmène Andacey avec moi, tu n’auras donc pas à te soucier de sa rancune. » Il sembla hésiter une seconde puis ajouta : « Prépare nos troupes Jon. Tiens-les prêtes à agir. Nous en aurons peut-être bientôt besoin. »

    Les deux frères se scrutèrent en silence. D’une lampée, Jon termina son verre avant de le reposer avec force sur la table. « Compte sur moi frère », dit-il en se levant. « Quand tu nous donneras le signal, nous serons prêts. »

     

     

    #139006
    Werther
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    ANDACEY

    Corneilla – 1re lune de l’An 4 ap-C

    Andacey ne put retenir un petit cri de frayeur lorsqu’elle vit le bouclier de Stanton voler en éclat sous l’impact de la masse d’arme. Son beau-frère fut déstabilisé et chuta lourdement sur le sol. Ce fut un miracle qu’il ne fut pas piétiné par sa monture. Il s’empressa de se rendre à ser Larys Darry, troisième rejeton de lord Petyr. Ce dernier explosa de rire : « Mon fils n’a fait qu’une bouchée de votre frère, lord Mouton.

    -La mêlée n’est pas terminée », répondit sombrement Perwyn.

    En effet, ser Donnel Darry était déjà durement pressé par une épée-louée. Andacey avait beau avoir une vue plongeante sur la mêlée depuis les gradins, elle avait du mal à suivre tant l’engagement était chaotique. Une bonne dizaine de combattants étaient encore debout et la moitié avait déjà démonté. Ser Clarence Darry, frère de lord Petyr, s’acharnait sur lord Symond Herpivoie qui était pourtant à terre.

    « Vous semblez choquée, ma chère » dit lady Leana Darry à Andacey.

    « Votre beau-frère fait montre d’une véritable férocité contre le suzerain de votre mari. »

    La jeune lady pouffa : « Clarence ne semble pas avoir apprécié les visites nocturnes de lord Symond à sa femme, lady Carellen Terrick. »

    Andacey en fut estomaquée : « Lord Herpivoie ? J’ai toujours entendu dire que c’était un homme pieux.

    -Pieux oui. Sur les dieux, Sa Seigneurie est intarissable et il est toujours le premier à donner à la Foi Militante. Mais pour la fidélité à ses vœux de mariage… C’est un secret de polichinelle que lord Symond passe autant de temps au bordel que dans les septuaires. Il serait d’ailleurs capable d’engrosser la statue de la Jouvencelle. » Elle baissa le voix pour ne pas être entendue de son mari. « L’année dernière il a reconnu le fruit de ses aventures avec Carellen, Jon Rivers.  Ser Clarence voulait réparation, mais mon mari l’a raisonné. »

    Andacey n’en croyait pas ses oreilles. Consternée, elle regarda lord Herpivoie se rendre et ser Clarence retenir son bras avant de jeter son arme, comme s’il avait perdu tout intérêt pour la mêlée.

    A l’autre bout de la rixe, son neveu ser Donnel Darry venait de s’incliner face à ser Hosteen.

    « Cajolez votre mestre, lord Petyr, ricana Perwyn. Si vous veniez à mourir Darry tomberait en mauvaises mains.

    -Votre chevalier a manifestement triché, riposta lord Darry.

    -Mon mari ne l’admettra pas, mais son fils aîné serait capable de se blesser en sortant la lame de son fourreau », murmura lady Leana. La dame de Darry semblait se réjouir de voir son beau-fils mordre la poussière. A 19 ans, elle était plus jeune que bien des enfants de lord Darry. On murmurait qu’elle était une ancienne servante de feue lady Elerra que lord Petyr avait déjà visité sa chambre plus d’une fois avant la mort de son épouse l’année dernière.

    Le combat se poursuivit longtemps. Ser Hosteen finit par se rendre à un certain Robb, un franc-coureur au service de lord Nerbosc. Ser Larys Darry perdit également son duel face à l’épée-louée. Leurs deux adversaires finirent par être les derniers debout. Ils s’affrontèrent un long moment avant que l’épée-louée demande grâce, faisant de Robb le vainqueur de la mêlée de Corneilla.

    Lord Petyr Darry cracha de dédain. « Si Nerbosc avait organisé une joute, jamais ces culs-terreux n’auraient pu participer. Je ne comprendrais jamais la passion de ces adorateurs d’arbres pour les mêlées. »

    Les Nerbosc étaient les seuls fidèles des anciens dieux au sud du Neck, et aucun d’entre eux, pas même lord Mathis, n’était oint des sept huiles. Ils dédaignaient ainsi les joutes qui avaient la préférence des chevaliers.

    Andacey remarqua que Perwyn se tenait une nouvelle fois la tête. Ses migraines empiraient de jour en jour et il refusait obstinément de voir un mestre. Elle se leva et le prit par la main : « Rentrons à notre pavillon.

    -Je ne peux pas Ma Dame, je dois aller féliciter lords Herpivoie et Nerbosc.

    -Assez ! Ils attendront. Nous retournons à notre pavillon où je ferai mander mestre Lorent ».

    Trop affaibli par ses maux de tête, Perwyn ne put qu’obtempérer ce qui fit éclater de rire lord Darry : « On voit qui tient la culotte chez les truites ! Même les migraines ne sont pas le fait de lady Mouton ! »

    Andacey salua Leana, ignora le seigneur de Darry et conduisit son mari jusqu’à leur pavillon. Elle l’étendit et fit appeler mestre Lorent.

    Ce dernier ne tarda pas à venir. Il se mit sur le champ à ausculter Perwyn. Andacey avait toute confiance en lui, le mestre d’Herpivoie était incontestablement plus efficace et loyal qu’Aethan.

    Lorsqu’il eu terminé sa longue observation, mestre Lorent soupira. Son expression n’augurait rien de bon. « Je n’irai pas par quatre chemin, messire. Je connais ces symptômes, vous êtes gravement malade. Je vais vous donner quelques potions de mon cru et vous proposer un traitement très… particulier. Pendant une lune vous épuiserez votre corps en courant nu…

    -Vous avez perdu la tête ? s’exclama Perwyn.

    -Non, messire. Certains patients ont  vu leur état grandement s’améliorer.

    -Quelle autorité aurais-je encore sur mes bannerets s’ils me surprenaient la nuit à courir dans le plus simple appareil ?

    -Vous pourrez toujours interdire l’accès d’un bois… mais si vous me permettez, il s’agit d’un problème mineur. Je vous propose un traitement, vous pouvez ou non l’accepter.

    -Peut-être devrais-je demander à Aethan de…

    -Perwyn ! le coupa Andacey. Mestre Lorent connait son affaire. Courir nu sous la lune est un prix bien modeste à payer pour guérir. »

    Perwyn eut une moue de dégoût avant de tourner vers mestre Lorent « Vous êtes un drôle de personnage. Mais soit. Mon épouse a confiance en vous, je m’humilierai donc. Soyez néanmoins sûr que si ce… traitement venait à s’ébruiter, vous le paierez cher.

    -Votre secret sera bien gardé », répondit mestre Lorent en s’inclinant.

    « Voilà qui est réglé, tu n’auras qu’à faire un peu d’exercice dans le plus simple appareil et tu recouvreras complètement la santé. »

    Mestre Lorent semblait gêné. « Ma Dame, j’ai dit que mon traitement pourrait faire gagner un peu de temps à votre mari mais… le mal qui le ronge ne peut être guérit. Même si Sa Seigneurie suit mes conseils elle ne lui restera que quelques années à vivre. Si ce n’est quelques lunes seulement… »

    Un silence s’abattit sur le pavillon. Perwyn finit par se redresser sur sa couchette, puis remercia chaleureusement le mestre avant de le congédier.

    Lorsque Lorent sortit, Perwyn se tourna vers Andacey, l’air grave : « Pas un mot à quiconque, Ma Dame… Il me faut deux corbeaux pour Viergétang. Le premier sera adressé à maître Kyle.

    -Pourquoi devez-vous absolument contacter votre justicier, mon amour ?

    -Il doit se hâter… Il y a de cela plusieurs lunes je l’ai chargé d’une mission.  Maintenant que mon temps est compté, je ne peux plus attendre… Par les sept enfers ! Avant de voir le Père, je jure de voir la chute de cet imbécile et l’élévation des Mouton. »

    Andacey ne comprenait guère où voulait en venir son mari, mais elle jugea plus prudent de ne pas insister.

    « Et le deuxième message ? »

    Perwyn hésita quelques instants, puis avoua : « Jon doit être mis au courant. Il doit se préparer à l’éventualité de ma…

    -Tu n’est pas encore mort !

    -Mais je dois prendre les devants, femme. Jon est mon héritier… »

    Andacey bouillait de rage. Elle s’assit près de Perwyn. « Soit… mais avant tes missives, fais mentir lord Darry », dit-elle en glissant sa main dans l’entrejambe de son mari.

    Perwyn sourit : « Ma Dame souhaiterait-elle assurer la succession ?

    -Peut-être », répondit-elle avant de l’embrasser.

    Alors qu’elle se déshabillait elle se fit une promesse. Jamais Jon n’héritera de Viergétang.

     

     

    #139007
    Werther
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    AETHAN

    Viergétang – 4e lune de l’An 4 ap-C

    La porte de la salle du conseil s’ouvrit avec fracas et Martyn, le nouveau membre de la garde personnelle de lord Perwyn entra dans la pièce. Il fallut quelques instants à Aethan pour réaliser que l’homme malingre, aux traits émaciés et aux joues creusées qui le suivait était bien son seigneur. Entre deux quintes de toux, il demanda aux conseillers de se rasseoir avant d’en faire de même.

    Lord Perwyn était encore en tenu de monte, et la plupart des conseillers semblaient se demander pourquoi il avait réuni ce conseil si peu de temps après son arrivée. Tous sauf les deux hommes qui siégeaient de part et d’autre de Sa Seigneurie. A sa droite, ser Jon avait le regard grave tandis qu’à sa gauche, Kyle de Marbrelac, justicier de Viergétang, tripotait nerveusement un vieux parchemin. Aethan finit par reconnaître le document ce qui lui donna une petite idée du sujet qui allait être abordé.

    « Messieurs, vous vous demandez peut-être pourquoi je vous ai réuni aujourd’hui. Vous avez probablement remarqué les préparatifs de mon frère… »

    Il était difficile d’ignorer les dizaines d’hommes d’arme qui vivaient désormais au château et s’entrainaient jours et nuits dans la cour.

    « La raison me semble claire », répondit Josua. Représentant des marchands de Viergétang, il avait été nommé châtelain l’année précédente à la mort de septon Samwell.  « Nous avons appris la victoire du roi dans les terres de l’Ouest et la soumission de Tohrren Stark, messire. Nous savons également que le Conquérant marche sur le Bief pour soumettre Mern IX Jardinier. Je présume que vous allez le rejoindre. »

    Lord Perwyn sourit : « La guerre du roi a bien un rapport avec ce conseil, mais pas pour la raison que vous avancez, Josua. Une partie des troupes de lord Herpivoie participeront effectivement à cette campagne. Ser Cox a également promis d’envoyer une partie de sa maisonnée… tout comme lord Darry. »

    Aethan était maintenant sûr de la raison de ce conseil. Il n’en fut que plus mal à l’aise.

    « Lorsque cet idiot de Petyr s’est vanté que ses quatre fils et ses deux frères suivraient Aegon, je me suis empressé de revenir ici. Il s’agit d’une occasion inespérée et que j’attendais depuis longtemps. Nous allons nous emparer de Darry ! »

    La déclaration de lord Perwyn fut accueillit avec stupeur par les membres du conseil. Probablement piqué au vif de ne pas avoir été mis au courant, le châtelain Josua protesta : « Messire ! Lord Herpivoie et les autres seigneurs riverains y verront une attaque dénuée de légitimité.

    -Darry a un jour appartenu aux Mouton.

    -Il y a des millénaires, rétorqua Josua. Et la maison Darry contrôlait alors Darry-le-château, peut-être ont-ils ployé le genou devant vos royaux ancêtres mais…

    -Nous en avons la preuve », le coupa Kyle. Le justicier fit passer le parchemin. « J’ai retrouvé dans nos archives des titres de propriétés bien postérieurs à l’Age des Héros, prouvant que les Darry ne furent pas les premiers maîtres de ces terres. »

    Le conseiller Edmure gloussa en examinant le document. « Ce mestre… Jace, a une écriture bien singulière… qui n’est pas sans me rappeler une autre », dit-il tout en jetant un coup d’œil amusé du côté d’Aethan. Ce dernier se sentit rougir. Edmure jeta nonchalamment le parchemin sur la table. « Je ne suis de toute façon pas sûr que lord Darry sache lire. Je dois avouer que votre décision ne me surprend pas. La période est tout à fait propice. Connaissant votre… intérêt pour Darry, j’y ai placé quelques agents. Le château n’est guère protégé. »

    L’enthousiasme du trésorier Thoren était plus mesuré : « Je ne veux pas remettre en doute vos droits messire, ni discutez vos raisons. Mais permettez-moi de vous mettre en garde contre une telle aventure. Nous venons à peine de nous remettre de la guerre et j’ai peur que cette affaire ne vide nos coffres.

    -J’ai pourtant provisionné de fortes sommes.

    -Oui-da, messire. Mais nos réserves sont modestes et une guerre trop longue risque de nous mener à la ruine.

    -Hé bien, cherchez une solution. Je décide, vous payez. Si cela est trop difficile pour vous, je trouverais quelqu’un de plus compétent. » Le ton était tranchant et n’appelait pas de réponse. Le pauvre Thoren était abattu. Le trésorier travaillait déjà comme quatre, y compris la nuit, pour maintenir les finances de Sa Seigneurie. Chercher des fonds pour cette guerre lui donnait déjà la migraine.

    « Cette guerre aura lieu, messieurs. Vous vous êtes sûrement aperçus de ma condition, je ne pourrai pas mener les troupes. » Il se tourna vers son frère. « Jon ?

    -J’aurai moi-même souhaité diriger les opérations, mais je dois m’assurer du bon déroulement des levées. Wendel et Stanton prendront le commandement de l’armée. »

    Edmure laissa échapper un ricanement. Jon se tourna vers le conseiller. « Wendel et Stanton vous déplaisent-ils, conseiller ?

    -Pas le moins du monde », répondit Edmure avec un sourire. « Même si je suis surpris que cette nomination viennent de vous… C’est leur donner bien du pouvoir. »

    Jon fronça les sourcils. « Comme toujours, vous parlez en charades. Vous avez toute ma confiance lorsqu’il s’agit de diriger une bande de coupeurs de bourses ou de meurtriers conseillers, moins quand il s’agit de trouver des commandants. Et qui proposeriez-vous d’ailleurs ? L’aubergiste de l’Oie qui pue ? Vous-même ? »

    Les conseillers éclatèrent de rire. Pas Edmure qui, toujours souriant, regardait ser Jon droit dans les yeux. « Pourquoi pas. Diriger des meurtriers armés de dagues ou équipés d’épées, quelle différence ? »

    Une certaine tension venait de s’abattre sur le conseil, et lord Perwyn se hâta de rompre le silence : « Cette décision est irrévocable. Wendel et Stanton partiront demain dès l’aube. » Il s’empara d’un verre puis se leva. « Messieurs ! Nous dinerons bientôt dans la grande-salle de Darry-le-château ! »

    Tous les conseillers se levèrent et trinquèrent ensemble à la réussite de Sa Seigneurie.

    #139008
    Werther
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    STANTON

    Brume-Isle – 5e lune de l’An 4 ap-C

    Le cadavre était alourdit par une brigandine et il fallut deux essais à Stanton pour le retourner. Il retira le heaume pour découvrir un visage juvénile. Les yeux clairs du jeune homme étaient encore grands ouverts, et sa bouche surmontée d’un petit duvet était figée dans une expression de souffrance que la mort ne semblait pas avoir estompée. Ces traits jeunes lui rappelèrent les siens avant de partir à la guerre… et ceux d’Harrag.

    « ‘lors m’ser ? » demanda Wendel qui se tenait à quelques pas de lui.

    « Trop jeune », répondit Stanton tout en se redressant. « Pas plus de 16 ans. Il s’agit probablement d’un écuyer. »

    D’un regard, il balaya le rivage où étaient étendus une quarantaine de cadavres. Ceux qui étaient originaires de Viergétang étaient chargés sur une vieille charrette réquisitionnée dans un village des environs. Les corps des soldats Darry n’avaient pas cette chance. Les hommes de Wendel et Stanton les dépouillaient soigneusement de leurs effets personnels avant de les laisser à la merci des corbeaux.

    Deux corps avaient même terminé dans l’eau et flottaient piteusement au gré du roulis des vagues. La baie finirait bien par les emporter jusqu’au rivage de Brume-Isle qui se trouvait juste en face d’eux. Comme ses frères, Stanton aimait lire. Dans sa jeunesse, il avait même hésité à se rendre à la Citadelle avant que mestre Clarent ne l’en dissuade. Il avait lu plusieurs ouvrages qui affirmaient que l’île était l’ancienne demeure de la maison Pescheur. Ses membres avaient régné en tant que rois de la Rivière au temps des Premiers Hommes.

    Wendel mit brusquement fin à ses rêveries : « Laissez tomber, m’ser. Ce sac à foutre d’ser Igon s’en est sorti, sûr comme l’jour. »

    Stanton ne pu retenir une petite grimace en posant son regard sur le franc-coureur dépenaillé. Sa maille portait des marques de rouilles, sa cape était couverte de boue et ses bottes tombaient pratiquement en lambeaux. Même le coursier sur lequel il était juché dégageait une odeur forte et désagréable. Surtout, Wendel parlait comme un charretier et ne pouvait ouvrir la bouche sans proférer une insanité.

    Et c’était cet homme que Jon avait choisi pour guider l’armée de Viergétang. Fils et frère des sires de Viergétang, vétéran des batailles de Bouleau, de Viergétang et d’Epois, il devait obéir à un simple franc-coureur !

    Stanton remonta sur son cheval. « S’il a survécu, serIgon est probablement retourné à Darry-le-château.

    -Non. C’pour ça qu’j’ai pris soin d’l’engager par l’ouest m’ser. Igona pas d’autres choix que d’partir vers l’sud. »

    Wendel présentait mal, mais Stanton devait reconnaître qu’il était un bon commandant. Sa manœuvre avait été rapide et exécutée de main de maître. La bataille n’avait rien à voir avec les grands engagements de la Conquête auxquels avait participé Stanton, mais Wendel était parvenu sans difficultés à écraser les Darry et à empêcher les survivants de rejoindre Darry-le-château.

    « Sans ser Igon et avec les quatre fils de lord Petyr dans le Bief, il n’y a plus personne pour défendre la place. Elle tombera en moins d’une lune.

    -Pardonnez-moi m’ser, mais j’crois que z’êtes trop optimiste. Darry-le-Château est p’tit, mais il suffit que de queques z’hommes pour l’défendre. Et avec 350 gars, on arrivera pas à s’en emparer. L’avais dit à ser Jon. Veut pas manquer d’respect à vot’ frère, mais j’aurais levé plus d’épées. »

    Wendel avait été recommandé par son frère, pourtant il ne cessait de se plaindre de Jon. Sur ce sujet, Stanton avait au moins un point commun avec le franc-coureur.

    « Problème de fonds. Lorsque nous sommes partis, Thoren venait néanmoins d’obtenir un prêt auprès d’une banque de Goëville. Jon devrait avoir l’argent nécessaire pour engager des renforts.

    -Le mait’ d’arme viendra donc nous r’joindre ? » demanda Wendel avec une pointe d’appréhension.

    « Non, il doit veiller aux levées et gouverner Viergétang. » Jon le maître d’arme, Jon le régent, toujours Jon. « Perwyn lui-même nous rejoindra devant les murs de Darry-le-Château.

    -Bonne nouvelle, pour sûr. Rien cont’ ser Jon, mais… » Wendel laissa sa phrase en suspens. Il frappa dans ses mains.« Bon, faut réunir les gars, nous s’rons d’vantDarry dans un ou deux jours. »

    Stanton acquiesça, il donna quelques ordres aux soldats pour qu’ils se préparent à se remettre en route. Ce Wendel lui plaisait bien tout compte fait. Il pourrait m’être utile. Surtout quand Darry sera tombée… et aura besoin d’un nouveau seigneur.

    #139009
    Werther
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    PERWYN

    Darry-le-Château – 7e lune de l’An 4ap-C

    Ser Gaston désigna du doigt la forteresse qui se dressait devant eux. « Modeste », dit-il d’un ton d’expert.« Pour un bâtiment si ancien je m’attendais… à quelque chose de plus impressionnant. L’enceinte est néanmoins facilement défendable. »

    Lorsqu’Edmure lui avait présenté le chevalier errant, Perwyn avait été dubitatif. Ses traits étaient disgracieux et repoussants et s’il s’exprimait correctement, certaines de ses expressions trahissaient ses origines modestes. Ses armes, un simple champ gris, étaient rudimentaires et il restait vague sur les circonstances de son adoubement.

    « Vous ne l’engagez pas pour sa ganache ou pour ses quartiers de noblesse » avait dit Edmure. Il n’avait pas tort. Perwyn s’était saigné à blanc pour engager un homme d’expérience, qui avait combattu pour Harren le Noir et Argilac d’Arrogant et avait même louéson épée de l’autre côté du détroit. Avec lui venait quinze dizaines d’hommes, chevaliers errants ou hommes d’armes, qui étaient tous des vétérans. Si cette bande faisait pâle figure à côté des compagnies qui guerroyaient de l’autre côté du détroit, elleétait bien suffisante pour prendre la forteresse de Darry.

    Perwyn fut pris d’une petite quinte de toux. Lorsqu’elle prit fin, il tâcha de ne pas regarder son mouchoir imbibé de sang.

    « J’espère que vous trouverez un moyen d’abattre ces défenses. Mais si ce n’est pas possible, nous attendrons. Lord Darry finira par se rendre, même si cela doit prendre une année entière. »

    Ser Gaston haussa ses larges épaules. « C’est vous qui payez, messire.

    -Oui, je paie. Et je peux vous promettre que tous les trésors du monde ne sont rien à côté de mon envie de voir mettre à bas ces bannières laboureur pour les remplacer par celles de la truite. »

    L’horrible bouche de l’épée-louée forma ce qui s’apparentait à un sourire, dévoilant de monstrueux chicot. « Tous les trésors du monde ? Ma solde suffira, messire. »

    Perwyn sourit puis reporta à nouveau son attention sur Darry-le-Château. Il se prit à rêver aux bannières Mouton volant sur le manoir du laboureur, aux acclamations des habitants, au respect des seigneurs riverains. Il était fier de ce qu’il était en train d’accomplir. Il regrettait que son père ne put être témoin de cet exploit, lui qui avait subit les pires outrages. Notre honneur sera bientôt restauré, père.

    « Messire ! » l’interpella ser Hosteen. « Wendel et ser Stanton ont terminé leur inspection. Ils vous attendent dans votre pavillon. »

    Escortés par ser Hosteen, les deux hommes se rendirent sous le pavillon qui avait été installé à quelques pas de là. Perwyn salua son frère et son commandant puis se pencha sur la table où avait été préparé un plan de la forteresse ennemie.

    « Que proposez-vous ? » demanda-t-il à ses deux commandants.

    « Je ne sais pas ce qu’en pense Wendel, mais je proposerais un assaut », répondit Stanton. « Nous pouvons envoyer quelques hommes dans la forêt avoisinante pour récupérer de quoi confectionner un bélier. Il nous suffira ensuite de briser la porte et nous prendrons le château par la force. »

    Ser Gaston éclata de rire. « Votre frère a la fougue de la jeunesse. J’aime ça ! Néanmoins je pense que ce serait suicidaire. »

    Stanton fronça les sourcils. « Du suicide ? Nous parlons de Darry-le-Château, pas du Roc.

    -J’en conviens messer, mais votre frère n’est pas Aegon et je ne suis pas Balérion

    -A voir votre visage, on pourrait en douter. »

    Ser Gaston explosa de rire. « Vous me plaisez de plus en plus, messer. Il n’empêche que cette porte me semble solide.

    -Lord Darry n’a avec lui qu’une poignée de gardes. Des vieillards et des jouvenceaux pour la plupart.

    -Vous seriez étonnés de ce que peuvent faire des vieux et des enfants depuis une barbacane. Nos pertes risquent d’être lourdes et notre victoire loin d’être assurée. Avec cinq centaines d’hommes nous ne pouvons nous le permettre.

    -M’est avis que vous craignez plus la perte de votre solde en cas de victoire rapide. »

    Le chevalier errant se remit à rire. « Vous n’avez pas votre langue dans votre poche, messer. Oui, j’avoue que chaque jour passé au service de votre frère est un jour où je n’ai pas à chercher un autre employeur. Mais c’est une période faste pour des gens comme moi. Aegon, Mern IX, même le Crapaud Jaune de Dorne cherche des soldats… Simplement je ne veux pas perdre la majorité de mes hommes dans un assaut incertain. »

    Perwyn se servit un verre de vin puis se tourna vers Wendel qui n’avait encore rien dit.

    « Votre avis ? »

    Le franc-coureur hésita. « Ser Stanton parle avec courage, m’sire… Mais pour l’coup ser Gaston est dans le vrai. Si on attaque on r’partira la queue ent’ les jambes. Mieux vaut attendre qu’soient morts de faim. L’sire Darry a fait entrer tous les gars du coin dans l’château et z’ont probablement pas eu l’temps d’faire des provisions. Surtout qu’les dragons avaient pas épargné la région. Boufferont leurs ch’vaux et leurs gamins avant la fin d’la lune. »

    Perwyn descendit son verre d’une traite. « Soit. Nous attendrons. Vous pouvez envoyer quelques hommes fourragers les villages des alentours pour faire des provisions, mais veillez à ce qu’ils… ne dépassent pas certaines limites. Il s’agira bientôt de terres Mouton. »

    Il allait leur demander de disposer lorsque ser Hosteen entra précipitamment dans le pavillon.

    « Messire, messire ! Une armée approche !

    -Ser Igon et le reste de l’armée Darry ? » demanda Perwyn.

    « Non, messire. Ils arborent la bannière Herpivoie. »

    Perwyn faillit s’étrangler avec le reste de son vin.

    Quelques heures plus tard, Perwyn et ser Hosteen se trouvaient au pied de la petite colline où lord Symond avait décidé que se tiendrait la rencontre. Perwyn se retourna vers ser Hosteen : « Restez ici, messer.

    -Laissez-moi venir avec vous, messire. Il peut s’agir d’un piège.

    -Lord Herpivoie a été très clair sur ce point. Je dois venir seul, il en sera de même pour lui ou pour Cox.

    -Mais lord Darry…

    -Petyr est sorti seul du château. Le sauf-conduit ne valait que pour lui, et vous le savez. Restez ici et n’intervenez pas. » Perwyn hésita une seconde avant d’ajouter. « Restez néanmoins sur vos gardes et tenez-vous prêt à agir si je vous en donnais le signal.

    -Bien messire » répondit le chevalier en s’inclinant.

    C’est donc seul sur son cheval que Perwyn poursuivit l’ascension de la colline. Une crainte montait en lui à mesure qu’il approchait du sommet. Et si ser Hosteen avait raison ? Et si cette entrevue était un piège ?

    Il balaya cette pensée. Il était trop tard pour reculer.Il donna un coup sur ses rênes et atteint bientôt le sommet de la colline.

    Il était le dernier arrivé. En face, lord Petyr Darry le fusillait du regard et il semblait sur le point de se jeter sur lui. Entre eux se tenait lord Symond Herpivoie qui arborait pour l’occasion une expression sévère. Il était néanmoins resté en retrait, laissant le soin à ser Lucas Cox de le représenter. Le vieux chevalier semblait gêné par la situation et avait salué Perwyn d’un sourire.

    « Messires, nous sommes ici pour mettre fin à cette querelle.

    -Querelle ? » explosa Petyr. « Il s’agit d’une attaque injustifiée !

    -Pas injustifiée », corrigea Perwyn. « Ces terres ont appartenu à ma famille il y a des siècles.

    -Mensonges ! Les Darry règnent ici depuis les Premiers Hommes.

    -Et ils juraient fidélité aux Moutons. J’ai un document pour le prouver.

    -Vous pouvez parader avec vos parchemins tout votre saoul, Mouton, je me torche avec ! Mes ancêtres n’ont jamais été soumis à Viergétang. Vous vous cachez derrière vos faux pour massacrer mes gens ! Ça a été une boucherie à Brume-Isle !

    -Vous parlez de vos hommes comme s’ils sortaient du matristère. C’étaient des guerriers, et ils ont été vaincus loyalement sur le champ de bataille.

    -Loyalement ? Parce qu’envahir mes terres alors que la moitié de mes troupes se trouvent dans le sud, que mes quatre fils et mes deux frères se battent pour le roi, c’est loyal ? C’est là l’œuvre d’un pleutre.

    -Dit le lâche qui n’a même pas mené ses propres hommes au combat.

    -ASSEZ ! » Lord Herpivoie avait du mal à contenir sa colère. « Je n’en peux plus de vos querelles incessantes ! J’ai fermé les yeux bien trop longtemps sur vos chamailleries. J’ai prié l’Aïeule qu’elle vous fasse entendre raison à vous deux, mais c’est allez trop loin. Vous êtes allé trop loin lord Mouton !

    -Messire, c’est mon droit de banneret de régler cette affaire par les armes…

    -Non, lord Mouton ! Pas depuis que lord Mallister a décrété la fin des guerres privées. » Lord Herpivoie se massa les tempes. « Mon soutien à Harwyn m’a déjà coûté cher en hommes, en fonds… en influence. Je suis maintenant humilié par mes propres vassaux. Lord Lyonel Mallister n’est pas homme à pardonner la faiblesse. » Il redressa la tête d’un air décidé. « Mais c’est fini ! Cette folie doit cesser lord Mouton. Rappelez vos hommes, mettez fin à ce siège, faîtes la paix… Sinon je n’aurais d’autres choix que d’intervenir moi-même. »

    Lord Mouton ressentit un frisson lui parcourir l’échine. Etait-ce le vent froid ou la menace proférée par son suzerain ? Il garda le silence. Un geste de sa part et ser Hosteen accourait avec des renforts. Il pourrait capturer Petyr… et même lord Herpivoie. Ce dernier était venu avec seulement deux cent hommes tout au plus. Il pourrait peut-être l’écraser. Et puis… Il porta sa main à son fourreau.

    Et puis quoi ? Il n’était pas garanti qu’il capture lord Darry, encore moins Herpivoie. Il n’était même pas sûr d’en sortir vivant. Quant à cette bataille il n’était pas certain de la gagner, pas plus que celles qui suivraient sans doute. Cox et Herpivoie pouvaient mobiliser des centaines d’hommes, alors qu’il peinait déjà à engager une bande de chevaliers errants. Il deviendrait un paria ruiné, brisé…

    Il démonta, puis jeta un dernier regard aux murs de Darry-le-Château. Envolées les bannières à la truite. Celles du laboureur narguaient Perwyn. Le vent se déchainait désormais, mais il résista aux bourrasques et mit un genou à terre. La tête baissée, il repensa à nouveau à son père, et à l’humiliation qu’il avait subie. Il la comprenait désormais. Il la ressentait.

    #139026
    Werther
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    ANDACEY

    Viergétang – 11e lune de l’An 4 ap-C

    Un domestique apporta du thé à la menthe et des gâteaux au miel. Andacey se servit avant d’en proposer à Kyra et Riona. La plus jeune accepta volontiers entre deux commérages, mais la seconde était trop occupée par son poing de croix.

    « Lors de notre visite à Belgrave, mon père lord Robert nous a fait visiter le chantier de la nouvelle forteresse du roi. » Kyra mettait un point d’honneur à insister sur le titre de son père. Bien que toujours bannerets de lord Rosby, les Belgrave avaient été élevés au rang de lord par Aegon Targaryen.

    « Sa  Majesté à fait venir des milliers d’ouvriers et d’artisans pour la construire sur la rive nord de la Néra. Pour l’instant il n’y a pas grand-chose mais mon frère dit que s’y élèvera bientôt un château splendide et même une ville. » Kyra s’empara d’un nouveau gâteau qu’elle dévora d’une bouchée. « Nous avons d’ailleurs rencontré quelques Ouestiens. J’ai insisté longuement auprès de l’un d’eux pour me donner plus de détails sur le Duel des Lions. »

    La curiosité d’Andacey fut piquée au vif. Le Duel des Lions avait beau avoir eu lieu il y a près de deux lunes, elle n’avait pas réussi à obtenir plus d’informations sur cet événement que les bardes ne cessaient de chanter.

    « Le roi… je veux dire le seigneur Loren Lannister aurait arrêté Lancel Lannister…

    -Son frère ?

    -Non, non. Ce Lancel appartient à la branche des Lannister de Port-Lannis. Leur ancêtre commun remonte à plusieurs siècles… Bref, lord Lancel aurait fait valoir son droit à un duel judiciaire, mais étant trop âgé il aurait demandé à ser Raynald Lantell de le remplacer. La maison du chevalier est également issue des Lannister parait-il, d’où le lion apparaissant sur ses armes. Quoiqu’il en soit lord Loren aurait lui-même relevé le défi. Le combat se serait déroulé dans la grande salle du Roc et, sur ce point les chansons ne mentent pas, il aurait duré une éternité. Par contre mon interlocuteur a mis en doute les dernières paroles si romantiques de lord Loren à sa femme. »

    Andacey était un peu déçue par cette dernière révélation. Il s’agissait du passage le plus beau des balades des rhapsodes. « Qui gouverne donc les terres de l’Ouest désormais ?

    -Officiellement, lord Forley Lannister… mais ce dernier n’a pas plus d’un an. Gerold, le frère de Loren a été nommé régent. »

    Encore un frère pour régent, se dit Andacey. Pourquoi la veuve de lord Lancel ne pouvait-elle pas remplir cette tâche ? Cela la fit penser à Jon, aussi se tourna-t-elle vers sa femme Riona qui avait gardée le silence tout du long.

    « Que vous inspire donc cette histoire lady Riona ? »

    La lady leva les yeux de son travail d’aiguille, comme surprise qu’on s’adresse à elle.

    « Belle en un sens… Mais tellement triste. Lord Loren n’aurait jamais dû accepter un tel duel. Il laisse derrière lui un jeune garçon qui ne le connaîtra jamais, cette affaire me fend le cœur. » Andacey fut surprise de voir lady Riona se caresser le ventre. Surprenant son regard, cette dernière sourit puis déposa ses aiguilles. Elle se pencha vers les deux jeunes femmes, et adopta un ton de conspiratrice : « Je n’ai encore rien dit à Jon mais… Aethan est formel, je suis grosse. »

    Kyra s’exclama puis félicita chaleureusement Riona. Andacey fit de son mieux pour sourire et ne pas montrer son désarroi. Mais tandis qu’elle prenait dans ses bras sa belle-sœur elle ne put s’empêcher de la jalouser. Jon est déjà l’héritier et voilà qu’il assure la succession. Malgré ses efforts, Andacey ne parvenait pas à en faire autant.

    Elle ne savait pas vraiment quoi dire, aussi fut-elle heureuse de voir ser Hosteen entrer dans la pièce pour annoncer que ser Jon souhaitait voir sa femme. Celle-ci salua ses deux belles-sœurs puis sortit. Ser Hosteen resta quelques instants durant lesquels Andacey surprit les regards déplacés que le chevalier échangea avec Kyra.

    Lorsque ser Hosteen sortit à son tour, Andacey fusilla sa belle-sœur du regard : « Qu’est-ce que c’était que cela ?

    -Quoi donc ? » demanda le jeune femme sur un ton faussement innocent.

    « Cet échange de regard. »

    Kyra était apparemment gênée. « Andacey… J’aime Tyler. Mon mari est attentionné… parfois trop. C’est un homme bon… néanmoins… J’ai moi-même des besoins. Et quand ser Hosteen nous a accompagnés à Belgrave…

    -Tu veux dire que vous êtes déjà allés plus loin ! » Andacey n’en revenait pas.

    « Andacey…

    -Stop ! » la coupa-t-elle. « Je  ne veux pas en savoir plus. Tu es ma seule amie à Viergétang et je ne trahirai pas ton secret mais… ne me demande pas d’excuser ton comportement. »

    Affreusement gênée, Andacey se leva brusquement et quitta la pièce. Elle était choquée, outrée. Un tel comportement était inacceptable. Elle n’avait néanmoins pas menti à Kyra et ne dirait rien.

    Déboussolée, elle arpenta les couloirs de la forteresse sans but particulier. La grossesse de Riona et l’infidélité de Kyra la touchaient plus que de raison. Peut-être parce que cela la renvoyait à ses propres échecs ? Depuis Darry, Perwyn était distant, à la fois préoccupé et déprimé. Il ne partageait que rarement sa couche et Andacey se sentait peu à peu délaissée. C’est elle qui aurait eu le plus besoin d’un amant.

    Sans le vouloir, ses pas l’avaient mené jusqu’à la salle de travail de son mari. Elle hésita un instant puis ouvrit la porte. Perwyn se leva d’un bond et porta la main à sa dague. En la reconnaissant, il rengaina et se rassit. « Frappe avant d’entrer femme ! ». Ses traits étaient tirés et de longs cernes creusaient ses orbites. Rongé par la maladie et la peur, Perwyn dormait mal ces derniers temps.

    « Je suis désolé, mon amour », répondit-elle d’une voix penaude. « Je souhaitais simplement m’enquérir de ta santé et partager un peu de temps avec toi. » Elle jeta un coup œil à la table couverte de parchemins et à Thoren assit en face de son mari. « Puis-je rester ? »

    Son époux désigna machinalement une chaise. « Fais. Même si ces affaires ne te passionneront probablement pas. » Elle s’assit et écouta son mari sermonner son trésorier.

    « Je ne vous ai pas demandé de me faire détester par la moitié des villages de la région !

    -Mais, messire. » Le trésorier n’en menait pas large. « Nos caisses sont vides. Pour payer nos levées, ser Gaston et rétablir nos finances j’ai du intensifier les collectes d’impôts.

    -Certains paysans parlent d’exhortions, voire d’exactions ! Si Jon ne s’était pas rendu à Marbrelac avec des soldats, nous aurions pu avoir une révolte ! Et d’après vos rapports toujours plus alarmants, cela ne semble pas avoir arrangé l’état de nos coffres. Où est passé cet argent ? Je commence à me demander si vous n’en détournez pas une partie ! »

    Thoren semblait révulsé mais il n’éleva pas la voix. « Messire, j’ai toujours fait montre de la plus grande probité. Cet argent a servi à rembourser les emprunts que nous avons contractés pour payer l’expédition contre Darry.

    -Expédition que vous ne souteniez pas d’ailleurs » cingla Perwyn d’un ton soupçonneux. « Si une révolte éclate, lord Darry se fera une joie de la soutenir, si ce n’est pas déjà le cas d’ailleurs. Si cela venait à arriver, je peux vous promettre que vous irez droit aux cachots ! » Il désigna le porte. « Vous pouvez disposer. »

    Thoren se leva puis s’inclina avant de quitter la pièce. Perwyn prit sa tête entre ses mains. « Je suis fatigué, Ma Dame. Je suis entouré d’incompétents… et de traitres.

    -Tu ne devrais pas autant travailler. Tu peux te reposer sur quelqu’un d’autre, quelqu’un de qui tu es proche et sur qui tu peux compter », dit-elle en s’approchant de lui.

    « Oui, tu as raison », il releva la tête et lui sourit. « Jon peut peut-être s’occuper de ces affaires. »

    Andacey n’aurait pas été plus choquée s’il l’avait giflée, mais elle ne laissa rien paraitre.

    « J’ai d’autres soucis. Cette affaire Darry… » Il baissa la voix. « Je suis sûr que Petyr a soudoyé certains de mes serviteurs pour me nuire… ou pire. Lord Herpivoie demande à ce que je le rejoigne mais… il est très proche de Petyr. Cette affaire les a rapprochés. »

    Dans les yeux de son époux, Andacey discernait de la peur. Et une part de folie. « Ce pourrait être un piège. Il pourrait m’enfermer, me déposséder.

    -Perwyn. Tu t’es soumis. Lord Symond ne peut rien te reprocher. Et… si tu as peur d’aller à Herpivoie, alors invite ton suzerain à Viergétang.

    -Comment ça ?

    -Lord Herpivoie te craint tout autant. Il veut que tu lui montre du respect. Prépare un festin. Regagne ses bonnes grâces et gagne-le à ta cause. Darry ne pourra rien faire contre toi si tu es protégé par lord Symond. »

    Perwyn réfléchit un instant, puis se redressa, un sourire aux lèvres. « Oui, bonne idée. C’est à moi de faire le premier pas. D’en faire mon allié contre Petyr. Je vais appeler Aethan pour qu’il prépare un corbeau. »

    Il se leva puis posa un baiser sur les lèvres d’Andacey. «  Tu es un véritable soutien mon amour. Un peu plus et Jon pourrait obtenir un repos bien mérité. » Il éclata de rire, content de son trait d’esprit puis la quitta.

    Si seulement, se dit tristement Andacey alors que la porte se refermait.

    #139078
    Werther
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    PERWYN

    Viergétang – 1re lune de l’An 5 ap-C

    « Non ! » Le couloir était étroit et Perwyn se retourna si brusquement qu’Aethan faillit lui rentrer dedans. « Vos produits exotiques et vos instruments engloutissent déjà des sommes astronomiques. Je ne financerai pas vos lubies.

    -Mais votre condition…

    -Ma condition ne s’améliorera pas, dussiez-vous être un archimestre. Je ne paierai pas. Maintenant si vous le permettez, je dois m’assurer que tout est prêt pour recevoir lord Herpivoie. » Il planta Aethan au beau milieu du couloir puis dévala les marches pour se rendre dans le hall.

    Il appréciait de moins en moins Aethan. Andacey avait bien raison, c’était un paresseux et un incapable qui ne valait pas mestre Lorent. Pour dire la vérité il se méfiait de plus en plus de lui et de ses traitements. Plus d’une fois il s’était débarrassé discrètement de ses potions. Volontairement ou pas, le mestre pourrait bien l’empoisonner.

    Il arriva bientôt dans le hall où une armée de domestiques s’affairait pour préparer l’arrivée de lord Herpivoie.  Certains serviteurs déployaient les tapis de Myr,  d’autres arrangeaient des bouquets de fleurs ou accrochaient aux murs les bannières Herpivoies et Mouton. Il héla l’un de ses domestiques : « Pas celle-la », dit-il en désignant une tapisserie représentant Florian III. « Pas la peine de rappeler au seigneur de la baie des Crabes que nous avons été rois de la région, surtout après les derniers événements. Remplacez-la par une bannière familiale, la truite doit resplendir. »

    Il alla ensuite se placer en face de la porte et invita Andacey à le rejoindre. Il demanda à sa famille de se ranger à sa droite. Jon et sa femme Riona dont le ventre commençait à s’arrondir, puis Tyler et Kyra ainsi que leur fille Jayne qui allait sur ses deux ans. Stanton se plaça tout au bout.

    Ses conseillers s’alignèrent à la gauche d’Andacey. Le châtelain Josua de Marbrelac, septon Forrest puis Aethan qui affichait un air maussade. Venaient enfin le justicier Kyle, le trésorier Thoren et le conseiller Edmure.

    Tout est parfait, se dit Perwyn alors que les derniers domestiques quittaient la pièce. Il ressentait néanmoins une certaine angoisse. Il avait passé plusieurs jours à préparer cette rencontre et souhaitait que tout se déroule parfaitement.

    Enfin les invités entrèrent, escortés par ser Hosteen et Martyn. Ils n’étaient que trois, bien moins nombreux qu’escomptés. Perwyn ravala sa déception et s’inclina pour saluer son suzerain.

    « Messire, c’est un honneur de vous recevoir à Viergétang.

    -C’est moi qui doit vous remercier pour votre invitation lord Perwyn. Je suis heureux de vous rencontrer en dehors d’Herpivoie… et dans des circonstances heureuses. » Une boule se forma dans le ventre de Perwyn, mais lord Symond ne remarqua rien et se retourna pour désigner son fils et héritier. « Vous connaissez Hoster. Ser Hoster désormais. Il vient d’être adoubé par lord Lyonel Mallister en personne.

    -Vous voilà un homme fait » dit Perwyn au jeune homme qui ne devait pas avoir plus de 16 ans.

    « Pas assez pour participer à la guerre d’après mon père » répondit le jeune homme avec une pointe d’amertume.

    « Envoyer son fils et héritier à la guerre peut-être dangereux, lord Petyr l’a appris à ses dépens » répondit lord Symond.

    La pique ne passa pas inaperçue et Andacey vint au secours de son mari en changeant de sujet. « Messire, je suis heureuse de vous revoir. Votre femme lady Wendella n’est pas avec vous ? Je me faisais une joie de la revoir.

    -Elle est… souffrante. Elle vous prie de bien vouloir l’excuser. Ma sœur Dianessa la remplace. » Il désigna la femme qui était en train de saluer Jon. Perwyn n’avait rien en soi contre la sœur de lord Symond, mais elle était mariée à ser Lyle, le deuxième fils de lord Petyr, et il se demandait si son suzerain n’essayait pas de lui envoyer un message.

    « Je vous prie de bien vouloir me suivre dans la grande salle », dit Perwyn avec son plus grand sourire. « Nous avons préparé un grand banquet. »

    Et banquet il y eut. Perwyn n’avait pas regardé à la dépense. Sachant lord Symond religieux, il avait commandé sept plats : des tourtes de pigeons, des cailles cuisinées au beurre, un cochon de lait rôti, des langoustes de Blancport, du ragoût de crabes avec des poivrons, de la truffe blanche et des tartes aux prunes. Perwyn avait bien entendu veillé à ce qu’aucune truite ne soit servie. Pour accompagner le diner il avait fait venir quelques jongleurs et deux rhapsodes qui interprétèrent Jouvencelle, Mère et Aïeule, Deux cœur qui battent comme un seul qui plut particulièrement à lady Dianessa, la Danse des Lions et la Chute du Fer-né. A part Thoren qui connaissait le prix de la soirée, tous passaient un bon moment. Sur le dais, lord Symond et Perwyn échangeaient de bons mots, tout comme Andacey et lady Dianessa. Ser Hoster discuta avec Stanton pendant une bonne partie de la soirée. Lançant de temps en temps des regards noirs à son père et à sa tante.

    A la fin du repas, au moment où l’on servait des crus en provenance de ses réserves personnelles, Perwyn en profita pour discuter d’affaires plus sérieuses.

    « J’ai entendu dire que le roi Mern serait en mauvaise posture. Le roi Aegon vole de victoire en victoire.

    -Littéralement » s’amusa lord Symond. « Mais aux dernières nouvelles, c’est lord Robert Farman qui est le héros du royaume. Il a écrasé lord Meryn Rowan à la bataille de Bourg-Noisette, à quelques lieues de Hautjardin.

    -Lord Lyonel a-t-il prit part à la bataille ?

    -Non, à son grand déplaisir. Il vient à peine d’arriver dans le Bief, mais d’après mes informations il serait justement au niveau de Boisdoré. Peut-être désire-t-il s’emparer de la forteresse de lord Rowan ? A défaut de l’avoir défait sur le champ de bataille…

    -Il paraitrait que le Grand Septon serait favorable à une paix.

    -Oui, Sa Sainteté, dans sa grande sagesse, voit bien que la partie est perdue.

    -Il n’empêche que son attitude me surprend, étant donné les… mœurs bien étranges de notre roi.

    -Oui, les épées de la Foi dont je suis très proche sont particulièrement choquées de sa polygamie. Une infamie cela est bien vrai.

    -Sans parler de l’inceste ! »

    Lord Symond faillit s’étouffer avec son vin. J’aurais dû faire venir un meilleur cru, je savais qu’il ne l’aimerait pas, s’inquiéta Perwyn.

    « Oui… oui… l’inceste. Mauvaise chose que cela… Mais tout le monde ne peut pas être parfait et Sa Majesté a été très claire en réitérant son attachement à la Foi et en se déclarant protecteur des Sept. »

    Lord Herpivoie se leva. « Il se fait tard, je pense me retirer dans les appartements que vous m’avez préparés. » Il tapota l’épaule de Perwyn. « Je suis heureux que vous ayez abandonné vos folles ambitions lord Perwyn. A dire vrai, je devrais même vous remercier. Lord Lyonel a été particulièrement satisfait de la façon dont j’ai réglé cette affaire, et les dieux savent qu’il est difficile de plaire au seigneur du Trident. Lord Petyr ne sera pas probablement pas content, mais je réitère mon invitation à me rejoindre à Herpivoie, vous avez toujours une place à mon conseil. Et puis, qui sait ? Peut-être m’accompagnerez-vous à Salvemer lorsque lord Mallister rentrera de la guerre. »

    Perwyn le remercia chaudement, puis lui souhaita une bonne nuit. Laissé seul au centre du dais, il se resservit un verre et expira profondément. Il était soulagé, l’objectif de ce festin était atteint.

    Il allait regagner sa place.

     

     

    #139126
    Werther
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    STANTON

    Viergétang – 6e lune de l’An 5 ap-C

    Un bouge immonde. Situé dans une cave au plafond bas et aux murs de torchis, il était seulement éclairé par quelques piteuses bougies posées ça et là sur les tonneaux qui servaient de table. Et une odeur ! Pas étonnant qu’on l’appelle l’Oie qui pue, se dit Stanton. Le gros aubergiste au tablier plein de graisse vint apporter trois chapons dégoulinant de jus accompagnés de bières noirâtres qu’il déposa sur le tonneau avant de repartir.

    Une taverne infecte, mais Stanton n’était pas aussi fier que Perwyn et pouvait bien supporter la crasse. Et puis personne ne se douterait qu’il choisirait cet établissement. Le patron était connu pour sa discrétion étant donné sa clientèle peu recommandable. Il se devait d’être loin des oreilles indiscrètes, notamment celles du conseiller Edmure, s’il voulait aborder certains sujets avec ses compagnons.

    « A la victoire cont’ l’Bief ! » dit Wendel avant de descendre une grande lampée de bières. « Et à la guerre cont’ l’Crapaud de Dorne ! » ajouta-t-il en reprenant une rasade.

    Le franc-coureur reposa sa choppe vide. « D’la merde c’te bière.

    -C’est pourtant votre quatrième » dit Stanton d’un air amusé.

    « Yep, mais j’ai jamais dit qu’jamais pas la merde » s’éclaffa le franc-coureur. « Me rappelle ma jeunesse tiens. Mon paternel était un gardoche et était pas l’dernier à lever l’coude. M’en f’sait boire des fois de c’te pisse d’cheval. Bien sûr c’était avant qui s’fasse trouer la panse par un marin. » Il repartit d’un grand rire.

    « Je passe mon tour » dit Martyn en repoussant sa choppe d’un air dégoûté. « Mon père à moi tenait une auberge plutôt réputée au carrefour de la route du Nord et du Val, au nord-ouest de Salins. La bière y était bonne.

    -Z’avez pas r’pris l’affaire ? » s’enquit Wendel.

    « Les impôts d’Harren ont eu raison de son commerce et il l’a vendu. Avec l’argent il m’a payé l’équipement nécessaire pour entrer au service d’Herpivoie.

    -Qu’ess-vous foutez à Viergétang alors ? »

    Stanton répondit à sa place : « Martyn est un héros de Bouleau. C’est pendant la guerre que nous nous sommes rencontrés et je lui ai proposé de venir à Viergétang pour entrer dans la garde personnelle de Perwyn.

    -Bonne chose ça. Mais un héros comme vous devrait être commandant moi j’dis ! » Wendel venait de commander une nouvelle tournée et son visage commençait à s’empourprer sous l’effet de l’alcool et de la colère. « T’ça à cause de m’ser Jon, si vous m’pardonnez d’parler ainsi d’vot’ frère m’ser. » Stanton fit un geste pour signifier son accord.

    « Pas capab’ d’voir qui peut commander des hommes » continua Wendel, élevant la voix. « Si j’tais maître d’arme ça s’pass’rait pas comme ça !

    -Mon frère est la raison pour laquelle je vous ai réuni » l’interrompit Stanton en baissant la voix. Les deux hommes se tournèrent vers lui, interloqués. « Voyez-vous j’aime mon frère. Mais, je dois malheureusement reconnaître qu’il ne prend pas toujours les meilleures décisions pour Viergétang. N’est-il pas celui qui a capitulé face à une femme alors que Martyn et moi combattions vaillamment contre les envahisseurs ? Je reconnais ses qualités de commandant, mais depuis quand n’a-t-il pas pris les armes ? Une éternité ! Il n’était pas là à Brume-Isle ou devant les remparts de Darry-le-Château. » Wendel prit une nouvelle gorgée en signe d’approbation. « D’ailleurs n’a-t-il pas délaissé ses devoirs pendant une demi-lune lorsque mon neveu Walton est né ? Et cela le dessert-il ? Non. Bras droit de Perwyn, chef de sa garde personnelle, régent, maître d’arme ? Les honneurs s’accumulent. Il est temps pour nous d’agir. »

    Wendel se tortilla sur son siège, manifestement mal à l’aise. « Ce s’rait pas comme qui dirait un acte de trahison qu’vous proposez m’ser ?

    -Trahison contre qui ? » rétorqua Stanton. « Jon semble l’avoir oublié, mais nous servons Perwyn, pas lui. Ce serait rendre service à mon frère ainé que de remplacer un homme par trois fidèles serviteurs. Du reste je ne propose pas de faire le moindre mal à Jon. Je souhaite même qu’il passe plus de temps avec sa femme et son fils. Nous œuvrerions simplement à son remplacement. Vous feriez un excellent maître d’arme Wendel. » Le franc-coureur rougit presqu’en levant sa bière à cette déclaration. « Quant à toi Martyn, tu pourrais être devenir le chef de la garde personnelle de Perwyn, un honneur que t’avais refusé lord Herpivoie. » Ce dernier ne leva pas sa choppe mais Stanton surprit une lueur de gourmandise dans ses yeux.

    « Et vous m’ser ? » demanda Wendel.

    « Moi ? Et bien, je pense pouvoir être un régent tout à fait capable. Si vous me soutenez, ma première décision sera de vous nommer aux postes qui vous reviennent. »

    Les deux hommes le regardèrent en silence pendant quelques temps avant que Wendel lève à nouveau sa choppe. Martyn fit de même et les trois conspirateurs trinquèrent à leur alliance.

    Ils burent encore quelques pintes infectes avant de quitter l’établissement. Stanton se dirigea vers la planche qui servait de comptoir et chercha des yeux le patron. A sa place se tenait une jeune femme aux rondeurs appétissantes.

    « Mon père est parti, messer. Il devait voir quelqu’un de toute urgence. » Comment ce gros lard a-t-il pu produire un aussi joli brin de fille ? Stanton avait toujours un faible pour les filles du commun.

    « Je viens régler ma note.

    -Mon père a dit que vous n’avez rien à payer, la maison ne peut charger un Mouton. »

    Stanton sourit à cette marque de respect. Au moins un qui sait à qui il a à faire.

    « Et vous faîtes quelque chose après le retour de votre père ? » La jeune femme rougit. Ha, qu’il était bon d’être puissant.

    #139132
    darkdoudou
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    C’est vraiment très agréable à lire, merci Werther de nous proposer cet AAR dans le monde du trône de fer avec des personnages bien martiniens! J’ai bien vu tes avertissements de départ sur le style et ton ambition, j’éprouve beaucoup de plaisir à savourer les aventures de la maison Mouton.

     

    #139139
    Werther
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    C’est vraiment très agréable à lire, merci Werther de nous proposer cet AAR dans le monde du trône de fer avec des personnages bien martiniens! J’ai bien vu tes avertissements de départ sur le style et ton ambition, j’éprouve beaucoup de plaisir à savourer les aventures de la maison Mouton.

    Merci beaucoup darkdoudou. Je suis très content que cela te plaise ! Cela motive bien à continuer. Ce style est un peu nouveau pour moi, mais je prends du plaisir à donner un peu de vie aux personnages et du sens à leurs actions (par exemple expliquer pourquoi mon incompétent de puîné se prend à rêver de la régence ^^).

    #139145
    Werther
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    PERWYN

    Viergétang – 7e lune de l’An 6 ap-C

    Perwyn ne comprenait pas toujours les femmes, et encore moins la sienne. Mais il savait que la mort de Manfred avait cassé quelque chose chez Andacey. Ce jour là, elle avait perdu son innocence et une partie de sa joie de vivre. La naissance de Walton, le fils de Jon, avait encore détérioré son humeur, et la situation n’avait fait qu’empirer lorsque Riona avait accouché d’une fille, Liane.

    Aujourd’hui pourtant, l’épouse de Perwyn était resplendissante. Sourire aux lèvres, elle ne tenait pas en place.

    « Septon Forrest dit que c’est un miracle. Il a organisé une cérémonie au septuaire de Viergétang pour rendre grâce à la Mère. Il a beaucoup prié pour une telle nouvelle.

    -Si je puis me permettre ce ne sont pas ses prières, mais ma semence qui est la cause de cette grossesse. » Enfin j’espère.

    Andacey émit un petit rire. « Je sais, Perwyn. » Elle lui prit les mains. « Tu vois qu’il nous fallait persévérer. Je suis sûr qu’il s’agira d’un fils. Fort et en bonne santé. » Elle semblait vouloir se convaincre elle-même après la mort du petit Manfred quatre ans auparavant.

    Perwyn prit sa femme dans ses bras. « J’en suis sûr, Ma Dame. » Il l’embrassa sur le front. « Repose-toi désormais. Tu en as besoin. »

    Elle répondit par un grand sourire avant de sortir de la salle de travail. Perwyn se rassit, la boule au ventre. Il avait essayé de donner le change et de paraitre heureux, mais il était rongé par le doute. Il fit appeler Edmure. Lorsqu’il arriva, Perwyn congédia ses domestiques et leur intima de fermer la porte derrière eux.

    « Que puis-je faire pour vous messire ? » demanda le conseiller en s’asseyant nonchalamment sur une chaise en face de Perwyn.

    « Vous êtes probablement au courant…

    -Si je ne l’étais pas je serais un piètre serviteur. Félicitations messire. »

    Perwyn fit un geste de remerciement. « Je voudrais vous charger d’une petite… enquête Edmure. »

    Le conseiller leva un sourcil.

    « Je voudrais que vous… vous assuriez que cet enfant est bien de moi.

    -Y a-t-il des raisons d’en douter ? Lady Andacey est grosse de deux lunes et vous étiez avec elle à cette époque. N’avez-vous pas…

    -Si, si, nous avons. Mais… Nous étions à Herpivoie. Et connaissant mon suzerain. »

    Edmure s’esclaffa. « On dit que lord Symond aime autant les femmes que les dieux. Mais s’il priait autant qu’il forniquait il serait déjà Grand Septon. » Le conseiller se rendit rapidement compte que Perwyn ne partageait pas son hilarité et recouvra rapidement son sérieux.

    « J’étais auprès de lord Herpivoie lorsque ser Lucas Cox a découvert sa relation avec la femme de son frère. Le vieux chevalier était dans une colère noire et est reparti directement à Salins.

    -Et son humeur ne devrait pas s’améliorer. La rumeur court que, non content de cocufier le frère de ser Lucas, votre seigneur a également fait des siennes avec la femme de son héritier.» Edmure avait manifestement du mal à retenir son hilarité. « Il en faudrait moins pour vexer un homme.

    -Quoiqu’il en soit je veux que vous utilisiez vos… réseaux pour vous assurer que cet enfant est bien le mien.

    -Ce sera fait messire », dit Edmure en se levant. « Avez-vous encore besoin de mes services ? »

    « Non, vous pouvez disposer. »

    Enfin seul, Perwyn put laisser échapper une violente quinte de toux. Alors qu’il examinait le sang qui couvrait ses mains, il se mit à prier que l’enfant fut bien le sien.

    #139168
    Ædianys
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    Ton AAR est vraiment super, et plus particulièrement le développement des personnages ! Et bravo à toi, parce que tu m’as donné envie de tester AGOT prochainement.

    Doran plays to win, whether at cyvasse or the game of thrones.
    « We princes make our careful plans and the gods smash them all awry. »
    [DOH9] La Harpie étourdie

    Spoiler for NOARLAAAK !!!

    #139169
    Werther
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    Ton AAR est vraiment super, et plus particulièrement le développement des personnages ! Et bravo à toi, parce que tu m’as donné envie de tester AGOT prochainement.

    Merci beaucoup Ædianys ! J’essaye de faire ce que je peux pour leur donner vie. Je suis très content que cela te donne envie de jouer au mod, essaye-le, tu ne seras pas déçu.

    Le prochain chapitre est un peu particulier, je l’ai écrit pour expliquer le changement de statut de deux personnages (ce qui sera important pour la suite) en me basant sur un petit event (je n’ai pas inclus d’image sur cet event car il ne correspond pas exactement à la situation). L’écrire m’a donné quelques migraines, mais j’espère qu’il fera sens et vous plaira .

    #139170
    Werther
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    AETHAN

    Viergétang – 12e lune de l’An 6 ap-C

    Le roussin d’Aethan n’était décidemment pas à la hauteur des coursiers de ses compagnons. Le cheval avait le plus grand mal à se frayer un chemin à travers la forêt épaisse et plus d’une fois le mestre se demanda s’il n’était pas perdu. Pour être honnête, il était lui-même épuisé par cette chevauchée. Ses reins le faisaient souffrir et pour couronner le tout il avait encore faim. Il salivait rien qu’à penser à la bonne pintade fourrée aux prunes qu’il avait aperçue aux cuisines avant de partir. Non, décidemment il se demandait pourquoi messer Jon lui avait demandé de l’accompagner. Le régent aimait à l’avoir auprès de lui au cas où… mais Aethan se demandait à quoi il pouvait bien servir lors d’une partie de chasse.

    Il allait perdre tout espoir de retrouver son chemin lorsqu’il entendit un cri sur sa gauche : « Ici ! La bête est morte ! »

    Aethan força sur ses rênes et se dirigea tant bien que mal en direction de la voix. Il déboucha bientôt sur une petite clairière où se trouvaient ser Jon, le conseiller Edmure et le franc-coureur Martyn qui s’était agenouillé en face d’une carcasse de sanglier qu’il s’évertuait à dépecer.

    « Vous m’impressionnez Edmure » était en train de dire ser Jon. « Une flèche à une telle distance… Vous m’aviez caché vos talents de chasseur. »

    Le conseiller arbora son fameux sourire : « Que de compliments de la part du maître de chasse de Viergétang. Il s’agissait d’un de mes passe-temps favoris… dans une autre vie. » Il ne laissa pas le temps à ser Jon de rebondir sur cette phrase énigmatique. « Mais l’honneur en revient à Martyn qui a réussi à terrasser la bête. »

    Ser Jon acquiesça avant de s’adresser directement au franc-coureur qui venait de terminer dépecer la bête : « Edmure a raison, Martyn. Vous avez été impressionnant. Autant par votre acharnement à poursuivre la bête que par ce formidable coup d’épée. Stanton ne tarissait pas d’éloge sur son ancien compagnon d’arme. Le « héros de Bouleau » m’avait-il dit. Il avait manifestement raison.

    -Merci, messer. Mais il s’agissait d’une simple bête blessée. Et votre frère en a peut-être un peu rajouté. Des héros fils d’aubergiste j’en ai vu peu. Et des héros à Bouleau, aucun, ou alors des sots qui se sont fait tuer dès la première charge. J’ai moi-même écopé d’une blessure qui m’a renvoyée à Herpivoie.

    -Ne faîtes pas votre humble. Je dois l’avouer, j’ai eu des doutes au départ. Lorsque je vous ai accepté au sein de la garde personnelle, je pensais surtout alléger la charge de ser Hosteen, une fine lame, mais qui ne pouvait protéger tous les membres de notre famille. Surtout que mon frère Tyler ne cessait de se défier de lui. Il le trouvait trop… proche de sa femme. »

    Ser Jon n’en dit pas plus, mais Aethan avait bien saisi l’allusion. Le château bruissait de rumeurs sur la « proximité » entre ser Hosteen et lady Kyra.

    « Pas de problème de ce côté-là, messer. Les affaires de cœur ne m’intéressent guère. C’est peut-être pourquoi lord Symond ne m’aimait pas ou bien parce que je ne suis guère friands des bondieuseries. »

    Aethan ne fut guère surpris. Lord Herpivoie avait la réputation d’être un homme très à cheval sur la religion, mais pas sur la chasteté.

    Edmure explosa de rire : « Vous n’étiez pas fait pour vous entendre. Il y a deux types de personnes que lord Symond respecte le plus au monde : les septons et les putains. Quoiqu’il ne doit pas avoir le temps de se rendre souvent au bordel ces derniers temps. L’une de ses maîtresses Cox est enceinte et l’autre vient d’accoucher d’une bâtarde, Alys Rivers. La maternité ne doit pas plaire à sa seigneurie puisqu’elles ont été délaissées au profit d’une nouvelle favorite, lady Barbra Bracken, l’épouse épouse de ser Clarence Darry le Jeune. C’est un retour aux femmes de Darry que lord Herpivoie connait bien. Heureusement que lord Petyr est un lèche-botte et ferme les yeux sur les goûts de son suzerain, sinon tous les hommes de sa famille seraient déjà en train de se révolter. » Cette histoire semblait particulièrement amusée le conseiller. « Cela doit être dans le sang, sa plus jeune sœur Lansia couche avec son beau-frère lord Frey et Dianessa est également sur le point de mettre au monde un bâtard. Par contre, je n’ai pas réussi à découvrir le nom du père. »

    Les maîtresses et bâtards de lord Herpivoie (an 7).

    Ser Jon balaya ces commérages d’un geste d’impatience. « En tout cas Martyn, sachez que je suis bien heureux que vous ayez quitté son service pour rejoindre Viergétang. Mon frère avait raison, vous êtes un homme de valeur. » Il frappa dans ses mains. « Assez bavassé. Cette chasse m’a ouvert l’appétit. Nous pouvons ren… ». Il ne termina pas sa phrase. Une flèche fila et le cueillit à l’épaule droite. Le choc déstabilisa ser Jon qui tomba de cheval.

    Aethan failli se faire dessus lorsqu’il vit des hommes armés sortir des buissons et charger Edmure et Martyn. Sentant la peur de son maître, le roussin paniqua à son tour et partit au galop. Le mestre n’eut pas le temps d’agripper ses rênes et chuta violemment sur le sol.

    Sonné, Aethan mit quelques instants à reprendre son souffle. Autour de lui, Martyn et Edmure avaient tiré l’épée et se battaient vaillamment contre les assaillants. Gagné par la peur, le mestre rampa jusqu’à un arbre derrière lequel il se cacha.

    Il lui fallu un certain temps avant de réunir le courage nécessaire pour risquer un œil derrière le tronc. Trois assaillants étaient à terre et Martyn se battait avec ardeur contre un grand rouquin armé d’une hache. Aethan fut particulièrement impressionné par Edmure, qui se battait avec aisance contre deux brigands.

    Il ne fallut que quelques bottes bien placées pour qu’Edmure abatte ses deux adversaires alors que le grand rouquin jetait sa hache et se rendait à Martyn.

    « Mestre Aethan » appela calmement Edmure, comme s’il venait de faire quelques exercices anodins. « Ils sont morts. Vous pouvez vous occuper de messer Jon, je pense qu’il a plus besoin de vous que votre tronc. »

    Aethan n’était pas rassuré. Il donna encore un coup d’œil à la clairière avant de rejoindre ser Jon. Ce dernier était assis sur le sol, se tenant l’épaule. Le mestre enleva délicatement la jaque qui couvrait le corps du régent avant d’examiner la plaie.

    « C’est une blessure superficielle », annonça-t-il. « Vous ne pourrez pas utiliser votre bras droit pendant quelques temps mais vous n’avez rien à craindre. »

    Edmure examina un cadavre puis se rendit auprès du prisonnier qui, les bras levés, n’en menait pas large.

    « Ecusson de lord Arryn. Déserteurs je présume ?

    -Oui, oui… m’sire. Les combats à Dorne c’t’une boucherie. On a quitté c’merdier après la bataille de Soléclat. » Le rouquin semblait terrorisé. « Epargnez-moi, m’seigneur. On savait pas qui qu’vous étiez. On avait faim. On a cru que…

    -Que nous étions des proies faciles. Perdu. » D’un geste Edmure décapita le déserteur.

    Ser Jon se redressa avec difficulté. « Ce n’était pas nécessaire Edmure. Il méritait un procès.

    -Je vous ai fait gagner du temps messer. Quant à lui, il a gagné une mort plus honorable que la corde.

    -Vous avez été impressionnant », dit ser Jon. « Où avez-vous appris à tenir une épée et à vous en servir ainsi ?

    -Une autre vie », sourit Edmure.

    Ser Jon était désormais debout, sa main gauche appuyant sur sa blessure. De sa main droite, il tira l’épée. « A genou ! Les deux ! »

    Avec quelques appréhensions, Edmure et Martyn s’exécutèrent. Ser Jon s’approcha d’eux l’épée au clair.

    « Aujourd’hui je vous dois la vie. Aussi… »

    Il frappa l’épaule d’Edmure du plat de son épée : « Edmure, jurez-vous sous le regard des dieux et des hommes de défendre ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes, de protéger toutes les femmes et tous les enfants, d’obéir à vos capitaines, à votre seigneur lige et à votre roi, de vous battre courageusement si besoin et d’accomplir toutes les autres tâches qui vous incomberont, si dures ou humbles ou périlleuses qu’elles puissent être ? »

    Il était rare de voir Edmure estomaqué. C’était le cas à ce moment précis. Mais sa surprise se mua bientôt en un sourire et Aethan cru apercevoir une lueur de fierté dans son visage.

    « Je le jure.

    -Alors relevez-vous, ser Edmure. »

    Alors que ser Jon faisait de même avec Martyn, Aethan partit à la recherche de son roussin. J’aurais dû apprendre à me battre, soupira-t-il intérieurement, je serai désormais ser Aethan.

    #139214
    darkdoudou
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    le nouveau Ser Edmure est un personnage intéressant je trouve! Un mélange de Littlefinger et Theon, je suis très curieux de savoir comment il va évoluer et aussi d’en savoir plus sur son mystérieux passé.

    Par contre, quelque chose que je ne comprends pas : vues ses caractéristiques, pourquoi Edmure est-il conseiller en intrigues (maitre-espion) plutôt que maitre d’armes? Et surtout comment fait-il pour passer de 15 à martial à 18 depuis le début? Je précise que je n’ai jamais joué à CK2, jeu que je connais uniquement par la lecture du forum.

    #139215
    R.Graymarch
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    Par contre, quelque chose que je ne comprends pas : vues ses caractéristiques, pourquoi Edmure est-il conseiller en intrigues (maitre-espion) plutôt que maitre d’armes?

    Peut-être que le maître d’armes actuel est mieux qu’Edmure en martial. Des fois on case les gens au mieux des capas et des places disponibles.

    Ou des souhaits (on peut être nul en diplomatie et vouloir être chancelier malgré ce que la nature a donné’

    Et surtout comment fait-il pour passer de 15 à martial à 18 depuis le début?

    La vie 🙂 Suivant les événements (et parfois les choix) tu peux devenir zélé, brave, lâche, ambitieux, timide, estropié etc etc. Et cela influe sur les caractéristiques

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    DOH. #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #139218
    Werther
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    le nouveau Ser Edmure est un personnage intéressant je trouve! Un mélange de Littlefinger et Theon, je suis très curieux de savoir comment il va évoluer et aussi d’en savoir plus sur son mystérieux passé.

    Merci ! Oui, ser Edmure est un personnage qui me plait également. Et il va connaitre pas mal de… « promotions ».

    Par contre, quelque chose que je ne comprends pas : vues ses caractéristiques, pourquoi Edmure est-il conseiller en intrigues (maitre-espion) plutôt que maitre d’armes?

    Gray a raison. Jon a les meilleures statistiques militaires et je ne voulais pas me mettre à dos mon régent. Il n’y avait personne avec une meilleure intrigue à ma cour. J’ai évité de trop inviter de personnages et de me contenter de ce que j’avais.

    Et surtout comment fait-il pour passer de 15 à martial à 18 depuis le début?

    Encore une fois Gray a raison. De multiples événements peuvent te faire gagner des traits modifiant tes caractéristiques (le personnage peut apprendre, s’améliorer… ou régresser, être incapacité). C’est ce qui a dû arriver à ce brave Edmure.

    Je précise que je n’ai jamais joué à CK2, jeu que je connais uniquement par la lecture du forum.

    Et il ne faut pas hésiter, cet AAR est également là pour cela. Encore merci pour tes questions et remarques !

     

    Le prochain chapitre va justement mettre en scène les deux visages d’Edmure dont parle darkdoudou.

    #139219
    Werther
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    JON

    Viergétang – 2e lune de l’An 7 ap-C

    L’écu de la quintaine vacilla sous le choc. L’épaule droite de Jon le lançait, mais il ignora la douleur et frappa à nouveau le mannequin qui faillit basculer. Il allait asséner un nouveau coup lorsqu’un rire familier retentit.

    « Encore un peu messer et votre… adversaire finira par demander merci. » Ser Edmure dévala les escaliers de la courtine et vint rejoindre Jon dans la cour. Le conseiller, revêtu d’une cotte de maille, se dirigea vers le râtelier et s’empara d’une épée d’entrainement et d’un vieux bouclier.

    « Que faîtes-vous là, messer ? » demanda Jon alors que ser Edmure se plaçait face à lui, le bouclier relevé.

    « Comme le dit sûrement lord Symond à ses maîtresses : certaines choses sont plus agréables à deux. Permettez-moi de vous aider dans votre entrainement.

    -Si tel est votre souhait », répondit Jon en plaçant son bouclier devant son torse et en levant son épée. « Mais n’espérez pas de cadeau.

    -Particulièrement aujourd’hui je présume », sourit le conseiller en se mettant en position.

    Jon décocha un coup de biais qu’Edmure para tant bien que mal avant de répliquer par une manchette.

    « Quelle fougue, messer. La naissance de la petite Bellena vous aurait-elle mis de mauvaise humeur ?

    -Pourquoi ne me réjouirais-je pas de la naissance de ma nièce ? » répondit Jon tout en sabrant avec rage son adversaire qui d’un saut se mit hors de portée.

    « La petite vous ravit votre titre d’héritier. »

    Jon tailla de gauche et de droite, sans grand succès avant de replacer son bouclier.

    « J’ai honte de le dire, mais oui. Je ressens une certaine amertume. Moins pour moi que pour mon fils Walton qui ne sera jamais seigneur de Viergétang. Mais une fille passe avant un frère, telle est la règle.

    -Une fille légitime d’autant plus. » Edmure testa la défense de Jon en donnant quelques coups qui firent sonner les épées. « J’ai le regret de vous annoncer que la petite est bien de votre frère. Malgré ses doutes.

    -Perwyn en doutait-il ? » demanda Jon, surpris.

    « Oui, messer. Et j’ai enrichi plus d’une servante de Viergétang et d’Herpivoie avant de pouvoir prouver que la petite est bien une Mouton. » Cette fois-ci, Edmure tailla avec plus d’insistance, forçant Jon à rester sur la défensive. « Mais pour votre problème, il existe peut-être une solution. »

    Jon repassa à l’offensive, assaillant le conseiller de coups. « Epargnez-moi vos conseils en parricide, ce n’est pas mon genre. »

    Edmure parvint sans grande difficulté à parer ou à éviter chaque taillade. « Je ne suis pas un ange, messer. Et personne ne m’a jamais pris en défaut de sentimentalisme. Mais loin de moi l’idée de tuer votre nièce. Non, il y a un autre moyen pour que votre fils devienne un jour seigneur de Viergétang.

    -Offrir une aide désintéressée ne vous ressemble pas messer », dit Jon tout en relâchant ses assauts.

    Ce fut à Edmure de porter un coup dont la force surprit Jon. « Désintéressée ? Qui a dit que cela était désintéressée ? Le jour où vous m’avez adoubé, vous m’avez surpris messer. Une chose rare chez moi. Je vous dois une faveur, mais je pense que votre alliance me sera tout à fait utile… Et pour cela il faut que vous restiez en place. Il faudra donc d’abord régler le problème de votre frère.

    -Perwyn ?

    -Non, ser Stanton.

    -Quoi Stanton ? » demanda Jon tout en parant un nouveau coup.

    Edmure pivota légèrement puis leva son épée. « Lors de cette partie de chasse, sans le vouloir, vous vous êtes gagné un autre fidèle. » Edmure effectua une feinte avant de cisailler les jambes de Jon qui recula une nouvelle fois. « Ser Martyn. Il est venu me voir pour me prévenir d’un danger que je connaissais déjà. Il se trouve que ser Stanton se verrait bien régent et a promis, pour prix de leur soutien, le poste de maître d’armes à Wendel et de chef de la garde à ser Martyn. Je me demande bien qui occupe toutes ces charges…

    -Quoi ? » s’exclama Jon, si choqué qu’il abaissa sa garde. Une erreur qu’il regretta amèrement lorsqu’Edmure repassa à la charge, le pressant durement. « Andacey vise déjà mon titre, et maintenant Stanton ?

    -Si je puis me permettre », dit Edmure en réduisant l’intensité de ses attaques. « Votre belle-sœur est isolée et une bien piètre comploteuse. Stanton n’est pas Lann le Futé, mais par sa charge de commandant il a un certain pouvoir, et il dispose de soutiens. Il est bien plus dangereux. »

    Sous l’effet de la colère, Jon repassa à l’attaque, taillant de gauche et de droite, si violemment qu’Edmure faillit tomber à plusieurs reprises. « Je dois… humpf… prévenir Perwyn pour…. han… qu’il mette fin à ce complot ! »

    Jon forçait tellement que son épaule vint le rappeler à son bon souvenir. Il était épuisé et ses assauts se firent de moins en moins percutants. Enfin, Edmure para avec sa lame et les deux épées résonnèrent dans la cour.

    « Une bien mauvaise idée, messer. Notre seigneur n’est pas… des plus confiants en la nature humaine ces derniers temps et cela pourrait se retourner contre vous. Il faudrait des preuves et si Wendel n’est pas vraiment la discrétion incarnée, Stanton est prudent…

    -Que proposez-vous donc ? Attendre tranquillement qu’il me prenne ma place ? »

    Edmure plaça un coup de bouclier qui fit reculer Jon. Le conseiller avait désormais à l’initiative. « Saviez-vous que les taxes sur la bière sont affreusement élevées ? Thoren sait où trouver le moindre liard pour satisfaire les caprices de Sa Seigneurie.

    -Quel rapport avec Stanton ?

    -Il se trouve que certains aubergistes de notre belle ville brassent secrètement leurs propres bières. Le résultat est souvent imbuvable mais également détaxé. Certains d’entre eux échappent néanmoins à tout contrôle… grâce à moi. » Les assauts étaient de plus en plus violents et Jon avait beau reculer il ne parvenait pas à reprendre la main sur son adversaire qui ne paraissait pas du tout épuisé.

    « Grand bien vous en fasse à vous et à vos aubergistes. Mais à part confirmer mes doutes sur votre probité, je ne vois pas l’intérêt de cette histoire.

    -Détrompez-vous. Cette petite histoire est la clé de votre contre-attaque. » Tout en disant cela, Edmure désarma Jon d’une botte au poignet puis, d’une poussée, le fit tomber par terre. Le conseiller plaça son épée à quelques pouces de la tête de Jon.

    « Ayez confiance en moi, messer. Je me charge de cette affaire. »

    #139228
    Yunyuns
    • Terreur des Spectres
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    Superbe récit que cet AAR. Merci Werther.

    Fan n°1 de Victarion Greyjoy, futur Roi des Sept Couronnes.

    #139231
    R.Graymarch
    • Vervoyant
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    Et il ne faut pas hésiter, cet AAR est également là pour cela.

    Le jeu de base est gratuit depuis un an (et le mod l’a toujours été). Maintenant, faut pas se leurrer. c’est un jeu très compliqué à prendre en main et si tu « croches », ça peut vite devenir très choronophage (demandez à AEdianys^^). Aussi, si le jeu de base est gratuit, les nombreux DLC (non indispensables mais c’est mieux avec) sont super onéreux (même quand ils sont en soldes) et ça sert aussi à recruter pour CK3.

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    DOH. #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

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