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Approfondissements / La saga principale

Des circonstances de la mort de Jon Arryn et du jeu des trônes qui en découle

Jon Arryn, Main du Roi (illustration : Allen Douglass ; montage : Evrach, La Garde de Nuit)

C’est par la mort de Jon Arryn que le lecteur est introduit à la cour de Port-Réal, aux intrigues qui s’y déroulent, et aux jeux de pouvoirs qui entourent le Trône de Fer. Le premier tome de la saga, AGOT, se concentre entre autre sur l’enquête que mène Eddard Stark, nouvelle Main du Roi, sur la mort de son ancien mentor qui, contrairement aux premières apparences, se révèle être un assassinat.
Ce crime semble être résolu à la fin du troisième tome (ASOS), lorsque Lysa Arryn révèle sa culpabilité et l’implication de Littlefinger devant Sansa (sur les objectifs de Littlefinger, voir aussi l’article Littlefinger : et dans les livres, alors ?). Mais est-ce réellement le fin mot de l’histoire ?

En effet, et comme à son habitude, GRRM aime jouer avec nous en nous offrant plusieurs niveaux de lecture : le mystère que l’on suit par les yeux de Ned, la résolution quelques milliers de pages plus loin, et les complots et machinations qui se cachent derrière, qui ne seront peut-être jamais mis en lumière dans les livres, et sur lesquels le décryptage qui suit va se pencher.

NB : ce décryptage a été originellement rédigé par Evrach (en février 2013)
Illustration de tête : Allen Douglass ; montage : Evrach, La Garde de Nuit.

Cet article est disponible au format audio, narré par Werther, dans un épisode de la Chandelle de Verre.

« Des rouages à l’intérieur de rouages à l’intérieur de rouages… »

(Lord Eddard Stark, AGOT, chapitre 31, Eddard VII)

L’assassinat de lord Jon Arryn est l’un des éléments les plus importants de la trame du premier roman de la saga. C’est l’élément perturbateur du récit, celui qui va propulser Eddard Stark au cœur des intrigues de la cour et lancer l’action. Cet événement est donc loin d’être insignifiant. Il reste pourtant entouré de mystères, et si la révélation de la culpabilité de Lysa lors de la conclusion d’ASOS clôt l’arc narratif des trois premiers tomes (le dernier chapitre d’ASOS répondant ainsi au premier chapitre d’AGOT, ce qui n’est pas anodin vis-à-vis de la structure du roman), toutes les zones d’ombre entourant ce meurtre sont loin d’être éclaircies à la première lecture, et il convient de bien analyser le texte afin de déterminer le rôle probable de chacun des protagonistes.

Ce décryptage est conçu avec plusieurs niveaux de lecture. Pour la majorité des gens, il peut s’envisager comme un bon récapitulatif chronologique des événements et de leur enchaînement, permettant de mieux assembler le puzzle. Pour les autres, il constituera une base de réflexion sur les intrigues menées par Varys et par Littlefinger tout au long de ce premier tome, à la lumière des informations les plus récentes issues d’ADWD (en particulier la problématique autour d’Aegon). Le but, à terme étant de répondre à cette fatidique question : « Qui a réellement tué Jon Arryn ? », mais également de décrypter le fonctionnement du fameux « jeu des trônes », qui donne son titre (en version originale) à ce premier tome de la saga.

Introduction sur la méthodologie : les faits concordants

L’une des particularités des analyses sur le Trône de Fer provient de la difficulté de s’accorder sur la véracité des faits rapportés. Le système de narration à la troisième personne non-omnisciente (système de personnages Point de vue, ou PoV) fait en sorte que les personnages peuvent mentir, se tromper, duper leur interlocuteur (et donc le lecteur), ou l’induire en erreur, voire se duper eux-mêmes. GRRM joue avec ces techniques narratives (avec une révélation en trois temps qui mériterait une analyse à part entière) afin de mener le lecteur là où il veut qu’il aille. Il faut donc partir du principe que tout, ou presque, dans les assertions des personnages non-PoV est sujet à caution si elles ne sont pas corroborées par des faits, et une grande part de la pertinence de l’analyse réside dans sa capacité à tenter de démêler le vrai du faux.

Prenons un exemple simple : Varys prétend que le poison utilisé pour tuer Jon Arryn est les « larmes de Lys »

Il atteignait déjà la porte quand Ned le rappela : « Varys ? » L’eunuque se retourna.
« De quoi est mort Jon Arryn ?
— Je me demandais quand vous remettriez ça sur le tapis.
— Parlez.
— D’un poison qu’on appelle les larmes de Lys. Une denrée rare et coûteuse, aussi limpide et douce que de l’eau, et qui ne laisse aucune trace. J’avais prié lord Arryn de faire goûter tous ses mets avant d’y toucher, je l’en ai prié ici même, dans cette pièce, il n’a jamais voulu en entendre parler. Il fallait être moins qu’un homme, me répondit-il, pour envisager de tels procédés. »

(AGOT, chapitre 31, Eddard VII)

Quel crédit apporter à cette affirmation, sachant que Varys fait lui-même partie de la liste des suspects, et que sa volonté d’aider lord Eddard par pur altruisme est clairement sujette à caution ? En l’état, pas énormément, il faut l’avouer. Heureusement, nous pouvons louer la précision et la rigueur de l’écriture de George R.R. Martin, qui sait mieux que quiconque distiller ce genre d’informations au fil de son récit. Ainsi la confirmation des effets et symptômes causés par les larmes de Lys nous est apportée par une source sans aucune relation avec la première, dans un chapitre d’Arya se déroulant à Braavos.

« C’est un poison plus cruel, ça, mais insipide et inodore et par là même plus facile à cacher. Les larmes de Lys, les gens l’appellent. Dilué dans l’eau ou le vin, il ronge les boyaux et le ventre, et il tue comme une maladie de ces parties-là. Sens. » Arya renifla et ne sentit rien.

(AFFC, chapitre 35, Cat des Canaux)

Cela concorde avec les symptômes éprouvés par Jon Arryn tels qu’ils sont rapportés par Robert, une troisième source indépendante.

Robert secoua la tête. « Jamais je n’ai vu un homme dépérir si vite. Si tu l’avais vu, le jour du tournoi que j’ai donné pour la fête de mon fils, tu l’aurais juré immortel. Et il s’éteignait deux semaines après. D’un mal qui lui incendiait les tripes. Qui le perforait comme un fer rouge. »

(AGOT, chapitre 5, Eddard I)

On peut raisonnablement conclure que Varys a bien dit la vérité cette fois, et que les larmes de Lys sont bien le poison utilisé par l’assassin. En revanche, l’assertion comme quoi Varys lui aurait suggéré de faire goûter tous ses plats avant d’y toucher reste, elle, invérifiable. Il faut donc l’envisager avec prudence et ne pas hésiter à la remettre en cause si elle s’accorde mal avec les autres faits ou motivations des personnages. Pas si difficile, n’est-ce pas ? Alors entrons dans le vif du sujet.

Vrais suspects et faux coupables

D’emblée, les Lannister sont pointés du doigt comme les coupables parfaits. Pour le lecteur suivant alors le point de vue des Stark, c’est une hypothèse très largement envisageable et éminemment logique. Leur apparente culpabilité est appuyée par le fait qu’ils semblent bel et bien cacher quelque chose, comme le montre le dialogue entre Jaime et Cersei surpris par Bran, ainsi que la lettre secrète envoyée par Lysa Arryn à sa sœur Cat.

— Sa femme est la sœur de lady Arryn, je te signale…, et je trouve miraculeux que celle-ci ne se soit pas déplacée pour nous souhaiter la bienvenue par ses accusations. »
Un peu plus bas, Bran s’aperçut qu’un maigre ressaut, quelques pouces à peine, jouxtait la fenêtre. Il voulut descendre jusque-là. Trop loin. Inutile d’insister. « Arrête de te ronger… ! Ta Lysa n’est qu’une grosse vache apeurée.
— Une grosse vache qui couchait avec Jon Arryn.
— Si elle savait quelque chose, elle serait allée trouver Robert avant de filer.
— Alors qu’il avait déjà consenti à prendre pour pupille son avorton ? Je n’en crois rien. C’eût été troquer son silence contre la vie de l’enfant. Maintenant qu’il est à l’abri dans le nid d’aigle des Eyrié, libre à elle de s’enhardir.
— Mères que vous êtes ! » La façon dont l’homme prononça ces mots les faisait sonner comme une imprécation. « Mettre au monde vous détraque toutes. Toutes folles. » Il se mit à rire. D’un rire aigre.
« Laisse-la s’enhardir tant qu’elle voudra. Quoi qu’elle sache, quoi qu’elle se figure savoir, elle n’a pas de preuve. » Il reprit au bout d’un moment : « Elle n’en a pas, n’est-ce pas ?
— Le roi n’aurait que faire de preuves. Je te le répète, il ne m’aime pas.
— A qui la faute, sœur de mon cœur ? »

(AGOT, chapitre 9, Bran II)

Dans la cire bleue se lisaient les armes lune-et-faucon d’Arryn.
« C’est de Lysa, murmura-t-elle avec un regard éperdu vers son mari, et je pressens là du malheur, Ned. Je le sens !
— Ouvre », dit-il, encore rembruni.
Elle rompit le cachet. Puis ses yeux parcoururent des mots qui, de prime abord, ne signifiaient strictement rien. Enfin, brusquement, elle se souvint, balbutia : « Elle a pris toutes ses précautions. Elle m’écrit dans la langue qu’enfants nous nous étions inventée.
[…]
Il la sentit se raidir. « C’est un avertissement, répondit-elle doucement, pour qui veut entendre. »
Il planta ses yeux dans les siens. « Ensuite ?
Jon Arryn est mort assassiné. »
Les doigts se crispèrent sur son bras. « Par qui ?
Les Lannister. La reine. »
Il la relâcha, marbrée d’empreintes rouges. « Bons dieux ! » souffla-t-il, puis, d’une voix rauque : « Ta sœur est complètement folle. Son chagrin la fait délirer.
— Elle ne délire pas. Toute exaltée qu’elle est, je te l’accorde, elle a froidement chiffré son message et mis toute son intelligence à le dissimuler. Qu’il tombât en de mauvaises mains, c’en était fait d’elle, à coup sûr. Tenter de nous alerter prouve assez qu’elle ne se berce pas de vagues soupçons.

(AGOT, chapitre 7, Catelyn II)

La discussion entre Jaime et Cersei évoquant tour à tour des preuves, des soupçons et des accusations, on ne peut qu’incliner à croire en cette version des faits. Ils ont le mobile, l’opportunité, et semblaient avoir le plus à perdre dans l’histoire, Jon Arryn s’apprêtant à révéler leur inceste. De fait, la majorité des personnages de la saga qui savent que Jon Arryn n’est pas mort de mort naturelle les en accusent encore à l’heure actuelle (à la fin d’ADWD) et le lecteur seul, grâce aux chapitres de Sansa, sait que cette version des faits est fausse.

D’autres suspects sont successivement envisagés.

Le Grand Mestre Pycelle semble avoir sa part de responsabilité. Il écarte mestre Colemon dont les purges soulageaient Jon Arryn, défend mordicus que la mort était naturelle, avant de rediriger les soupçons vers Varys lorsqu’il constate qu’Eddard est au courant de l’empoisonnement.

— Ainsi affirmeriez-vous en conscience que Jon Arryn est mort d’une maladie foudroyante ?
— Oui, répondit gravement Pycelle. Si ce n’était de maladie, cher seigneur, de quoi d’autre, je vous prie ?
— Empoisonné », suggéra Ned d’un ton placide.
Les paupières assoupies s’animèrent d’un battement, le vieillard s’agita, mal à l’aise. « Qu’allez-vous… ? Nous ne sommes pas dans les cités libres, où cette pratique est courante. Le Grand Mestre Aethelmure a eu beau écrire que le meurtre gît, latent, dans tous les cœurs, l’empoisonneur n’en demeurerait pas moins indigne même de mépris. » Il s’abîma dans un long silence songeur. « Sans être irrecevable, monseigneur, votre hypothèse me paraît dénuée de vraisemblance. Le dernier des mestres connaît les poisons ordinaires, et lord Arryn ne présentait aucun des symptômes habituels. Et, en tant que Main, tout le monde le chérissait. Quel genre de monstre à figure humaine aurait pu perpétrer pareille ignominie ?
— Je me suis laissé dire que le poison était l’arme des femmes. »
Pycelle caressa pensivement sa barbe. « On le prétend. Des femmes, des couards et… des eunuques. » Il se racla longuement la gorge et finit par expectorer des glaires bien grasses dont il honora la jonchée. Un choucas claironna, depuis la roukerie, juste au-dessus d’eux, son croassement. « Notre lord Varys est né dans les fers à Lys, saviez-vous ? Défiez-vous des araignées, monseigneur. »

(AGOT, chapitre 26, Eddard V)

Il tente également d’écarter Eddard du livre que lisait Jon Arryn le soir de sa mort, La Généalogie et l’Histoire des grandes maisons des Sept Couronnes. Avec le portrait de maints puissants seigneurs, maintes nobles dames et de leurs enfants de mestre Malleon.

— Une chose, dit Ned. Je serais curieux d’examiner le volume que Jon vint vous emprunter la veille du jour où il tomba malade.
— Je crains qu’il ne vous intéresse guère… Il s’agissait de la pesante somme consacrée par le Grand Mestre Malleon aux généalogies des grandes maisons.

(AGOT, chapitre 26, Eddard V)

Varys, lui, semble impliquer ser Hugh du Val, l’ancien écuyer de lord Arryn, fort opportunément tué par Gregor Clegane lors du tournoi de la Main. Pycelle semble également impliquer l’écuyer lorsqu’il est interrogé par Tyrion.

« Qui administra le poison ?
— Quelqu’un, je gage, des tendres et bons amis qui venaient fréquemment s’asseoir à sa table. Oh, lequel… ? Il y en avait tant ! Lord Arryn était la bonté, la confiance mêmes. » Il soupira. « Il y avait un garçon. Tout ce qu’il était, il le devait à Jon Arryn et, pourtant, quand la veuve s’enfuit aux Eyrié, suivie de toute sa maisonnée, lui demeura à Port-Réal et y prospéra. Voir s’élever dans le monde les jeunes gens me réchauffe toujours le cœur. »
Le fouet sifflait à nouveau dans sa voix, et chaque terme faisait mouche. « Il devait faire galante mine, au tournoi, le mignon, dans son armure toute neuve, et avec ces croissants de lune sur son manteau. Dommage qu’il soit mort si prématurément, sa conversation vous eût édifié… »
Ned chancelait, comme empoisonné lui-même. « L’écuyer, dit-il. Ser Hugh. » Des rouages à l’intérieur de rouages à l’intérieur de rouages. Il en avait la tête concassée. « Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Jon Arryn était la Main depuis quatorze ans… Que faisait-il donc pour qu’il faille l’assassiner ?
— Il posait des questions », dit Varys en se glissant vers l’extérieur.

(AGOT, chapitre 31, Eddard VII)

Il [Pycelle] pleurait. « C’est son écuyer, Varys vous dira, Hugh qu’on l’appelait, c’est sûrement lui qui a dû le faire, demandez à votre sœur, demandez-lui. »

(ACOK, chapitre 26, Tyrion VI)

La conversation entre Illyrio Mopatis et Varys surprise par Arya dans les souterrains du Donjon Rouge semble, elle, impliquer directement Varys.

« Une Main est bien morte, pourquoi pas deux ? répliqua l’étranger, du fond d’une barbe jaune fourchue. Vous avez déjà dansé cette danse-là, mon cher ! » Lui, elle le voyait pour la première fois, sûr et certain. Il marchait, en dépit de son obésité, avec une légèreté surprenante, charriait sa graisse sur des demi-pointes dignes d’un danseur d’eau. La flamme de la torche faisait scintiller ses bagues d’or rouge et d’argent serties de rubis, de saphirs, moirées d’œils-de-tigre. Chacun de ses doigts en portait une, certains deux.
« Naguère n’est pas maintenant, et cette Main-ci n’est pas la précédente », répliqua le balafré comme ils prenaient pied dans la pièce.

(AGOT, chapitre 33, Arya III)

S’il est un moment où l’on peut envisager la sincérité des propos de Varys et Illyrio, c’est bel et bien dans cette scène où ils se croient seuls sous le Donjon Rouge, et Illyrio semble alors insinuer que Varys a quelque chose à voir avec la mort de la première Main (Jon Arryn) et que la mort d’Eddard Stark pourrait être une solution à leurs problèmes ; ce que Varys ne dément pas.

C’est finalement lors du dénouement d’A Storm of Swords que nous découvrons le coupable factuel, Lysa Arryn, manipulée par Littlefinger.

Je sais, mon amour. » Il fit un pas de plus. « Et je suis là. Tu n’as besoin que de prendre ma main, vois. » Il la lui tendit. « Tu n’as aucune raison de verser toutes ces larmes.
— Larmes, larmes, larmes ! sanglota-t-elle hystériquement. Pas besoin de larmes…, mais ce n’est pas ce que tu disais, à Port-Réal. Tu me disais de mettre des larmes dans le vin de Jon, et je l’ai fait. Pour Robert et pour nous ! Et j’ai écrit à Catelyn pour accuser les Lannister d’avoir assassiné mon seigneur époux, exactement comme tu disais. C’était tellement malin…, tu as toujours été tellement malin, je l’avais dit à Père, « Petyr est tellement malin, j’avais dit, il s’élèvera haut, haut, haut !

(ASOS, chapitre 81, Sansa VII)

Si cette explication semble satisfaisante, l’enchaînement des faits mérite qu’on s’attarde dessus, et c’est l’objet de la partie suivante.

Reconstitution chronologique des événements

Tout commence lorsque Stannis découvre l’inceste entre Jaime et Cersei Lannister. Craignant que, s’il en informe Robert, celui-ci ne le croira pas et pensera qu’il souhaite écarter ses neveux du trône pour se l’approprier, il se confie à Jon Arryn qui enquête avec lui afin de réunir des preuves de la bâtardise des « enfants » de Robert, comme il l’explique à Renly et à Cat.

« Mais si vous saviez la reine coupable d’un crime aussi monstrueux, lord Stannis, pourquoi vous en être tu ?
— Je ne m’en suis pas tu, déclara-t-il, j’ai informé Jon Arryn de mes soupçons.
— De préférence à votre propre frère ?
— Mon frère ne m’a jamais manifesté d’égards que de pure forme, expliqua-t-il. Émanant de moi, ce genre d’accusations aurait paru dicté par la rancune et l’intérêt, une manigance pour me placer en tête de la ligne successorale. Je présumai que Robert se montrerait moins récalcitrant si le dossier lui parvenait par l’intermédiaire de son cher Arryn.
— Ah, dit Renly. Voici la clé d’une mort d’homme.
— Parce que, bougre d’idiot, tu le croyais mort par le plus grand des hasards ? Cersei le fit empoisonner, de peur qu’il ne la dénonce. Il s’était employé à réunir un certain nombre de preuves…
— … qui ont sûrement disparu avec lui. Très très ennuyeux. »

(ACOK, chapitre 34, Catelyn III)

À noter que Stannis pense lui aussi que Cersei est responsable de la mort de Jon Arryn. C’est la conclusion la plus logique à ce stade du récit : en effet, Cersei est celle qui a le plus à perdre si Jon Arryn parvient à prouver que Joffrey, Tommen et Myrcella sont des bâtards issus de l’inceste.
Stannis confie donc ses soupçons à Jon Arryn et l’emmène voir Gendry, afin de lui montrer la différence physique entre un enfant issu de Robert et d’une jeune femme blonde et les enfants de Cersei.

— Dis-moi, Gendry, lorsque lord Arryn est venu te voir, de quoi avez-vous parlé ?
— Il m’a seulement posé des questions, m’seigneur.
— Quel genre de questions ? »
Le garçon haussa les épaules. « Ben…, comment j’allais, est-ce que j’étais bien traité, si j’aimais mon travail, et des tas de trucs sur ma mère. Qui elle était, à quoi elle ressemblait, et tout et tout.
— Que lui as-tu répondu ? »
Il rejeta de son front la mèche noire qui venait de le lui barrer. « Elle est morte quand j’étais petit. Elle avait des cheveux jaunes et, quelquefois, elle chantait pour moi, je me souviens. Elle travaillait comme serveuse dans une brasserie.
— Et lord Stannis ? il t’a interrogé aussi ?
— Le chauve ? Non, pas lui. Il a pas dit un mot. Juste y me regardait d’un air furieux, comme si j’y avais violé sa fille.

(AGOT, chapitre 28, Eddard VI)

En lui montrant Gendry, Stannis parvient à convaincre Jon Arryn de la véracité de ses dires. Jon travaille alors à réunir des preuves, notamment en consultant le fameux ouvrage de mestre Malleon, « La Généalogie et l’Histoire des grandes maisons des Sept Couronnes. Avec le portrait de maints puissants seigneurs, maintes nobles dames et de leurs enfants » où il se rend compte que chaque union Baratheon-Lannister n’a jamais entraîné que des descendances aux cheveux noirs. Sentant la confrontation avec les Lannister arriver, Jon Arryn décide d’envoyer son héritier, le jeune Robert, à Peyredragon comme pupille de Stannis afin de l’éloigner de Port-Réal où il serait en danger en cas de confrontation avec les Lannister.

[Stannis :] En me priant de le prendre pour pupille à Peyredragon, son père lui-même en était conscient. Le service de page aurait pu améliorer son état, la maudite Lannister a tout flanqué par terre en faisant empoisonner lord Arryn et, maintenant, la Lysa nous embusque le môme aux Eyrié.

(ACOK, chapitre 1er, Prélude)

Ignorant que lord Arryn souhaitait envoyer le jeune Robert comme pupille à Peyredragon, lord Walder Frey se propose de le prendre lui-même comme pupille lors du tournoi d’anniversaire du prince Joffrey, offre que Lysa refuse de manière très cavalière. Jon Arryn s’excuse donc pour sa femme et dit à lord Walder qu’il ne peut accéder à son offre car Robert doit être envoyé comme pupille à Peyredragon.

[Walder Frey à Catelyn :] « Je parlais de votre sœur. J’ai offert à lord et lady Arryn de prendre pour pupilles à la cour deux de mes petits-fils et de me confier leur lardon ici, aux Jumeaux. Ils auraient déparé la cour, peut-être, mes petits-fils ? Du gâteau, tous les deux, pas tapageurs, polis. Walder est le fils de Merrett, Walder comme moi, et le second…, hé ! comment, déjà… ? Walder aussi, peut-être, on les appelle toujours Walder pour leur attirer mes faveurs, mais son père… ? C’était qui, son père, déjà ? » Son museau se fripa. « Bon, n’importe, de toute façon lord Arryn n’a voulu ni de l’un ni de l’autre, et ça, par la faute de madame votre sœur. Un glaçon, comme si j’avais suggéré de vendre son gosse à un batteur d’estrade ou d’en faire un eunuque, et quand lord Arryn a dit qu’il allait l’envoyer chez lord Stannis à Peyredragon, sortie en trombe, sans un mot de regrets ! et la Main n’a plus eu à m’offrir que de plates excuses… Belle jambe, des excuses, non ? »
Catelyn se crispa, mal à l’aise. « J’avais cru comprendre que le fils de Lysa, c’est lord Tywin qui devait le prendre pour pupille ?
— Non. Lord Stannis, répliqua-t-il, hérissé. Vous pensez peut-être que je confonds lord Stannis et lord Tywin ? Ils ont beau être deux trous du cul et se croire tous les deux trop nobles pour chier, je suis encore capable de les distinguer !

(AGOT, chapitre 60, Catelyn IX)

La conclusion de cette sortie en trombe est narrée par Lysa dans ASOS : après avoir appris que Jon voulait expédier Robert à Peyredragon, elle a couru voir Petyr.

On s’était fait un bébé, nous deux, un précieux petit bébé. » Elle mit les mains bien à plat sur son ventre, comme si l’enfant s’y trouvait toujours.
« Quand on m’en a eu privée, je me suis juré que je ne laisserais plus jamais se reproduire ça. Jon voulait à toute force expédier mon mignon Robert à Peyredragon, et ce poivrot de roi l’aurait volontiers donné à Cersei Lannister, lui, mais je ne le leur ai pas permis

(ASOS, chapitre 81, Sansa VII)

Mais ce n’est pas ce que tu disais, à Port-Réal. Tu me disais de mettre des larmes dans le vin de Jon, et je l’ai fait. Pour Robert et pour nous ! Et j’ai écrit à Catelyn pour accuser les Lannister d’avoir assassiné mon seigneur époux, exactement comme tu disais. C’était tellement malin…, tu as toujours été tellement malin, je l’avais dit à Père, « Petyr est tellement malin, j’avais dit, il s’élèvera haut, haut, haut !

(ASOS, chapitre 81, Sansa VII)

Accuser les Lannister est donc également une idée de Petyr. Cela concorde parfaitement avec sa manière d’envisager le jeu des trônes ; ou du moins ce qu’il en explique à Sansa, à savoir n’avoir aucun mobile apparent (ce n’est pas à Littlefinger que la mort de Jon Arryn semble profiter le plus) et ne jamais agir directement pour embrouiller ses adversaires.

« Joffrey vous avait donné Harrenhal et vous avait fait lord souverain du Trident…, pourquoi… ?
— Pourquoi diable est-ce que j’aurais voulu sa mort ? » Il haussa les épaules. « Je n’avais aucun mobile. Au surplus, je me trouve à mille lieues d’ici, dans le Val. Arrangez-vous toujours pour embrouiller vos adversaires. S’ils ne savent jamais avec certitude qui vous êtes ou ce que vous voulez, ils sont incapables de concevoir ce que vous risquez de faire le coup d’après. La meilleure façon, parfois, de les déconcerter consiste à accomplir des gestes qui n’ont aucun but, voire même à paraître œuvrer contre vos propres intérêts. Souvenez-vous de cela, Sansa, quand vous en viendrez à jouer le jeu.
— Le… – quel jeu ?
— L’unique jeu. Le jeu des trônes. »

(ASOS, chapitre 62, Sansa V)

Une fois Jon Arryn mourant, il est soigné par son mestre, Colemon qui est vite évincé par le Grand Mestre Pycelle.

Mestre Colemon crut diagnostiquer des coliques dues au froid.
[…]
— On m’a dit que vous aviez congédié mestre Colemon. »
Le Grand Mestre acquiesça d’abord d’un signe dont la lenteur implacable évoquait l’avance d’un glacier. « C’est exact, et je crains que lady Lysa ne me le pardonne jamais. J’ai pu me tromper, mais j’ai cru agir pour le mieux. Je considère mestre Colemon comme un fils, j’estime plus que quiconque ses capacités, mais il est jeune, et les jeunes gens se méprennent fréquemment sur la fragilité des organismes plus âgés. Il administrait à lord Arryn, pour le purger, des potions formidables et du jus de poivre qui, à mes yeux, risquaient de le tuer.

(AGOT, chapitre 26, Eddard V)

Pycelle ment à Eddard, bien entendu, en affirmant qu’il a congédié Colemon pour sauver Jon Arryn, alors que son objectif était exactement contraire. Il est peu probable que mestre Colemon n’ait diagnostiqué qu’un refroidissement ; la purge semble en effet un remède peu approprié pour des coliques. Le discours que Pycelle, apeuré et menacé, tient à Tyrion semble bien plus crédible.

« Oui, pleurnicha-t-il, oui, Colemon le purgeait, alors, je l’ai congédié. La reine exigeait que lord Arryn meure, elle ne l’a pas dit, c’était impossible, avec Varys qui écoutait, qui écoutait à tout moment, partout, mais je l’ai compris en la regardant. Mais ce n’est pas moi qui ai administré le poison, je le jure.

(ACOK, chapitre 26, Tyrion VI)

Pycelle est donc au courant de l’inceste entre Jaime et Cersei et il a compris, probablement grâce au livre sur les généalogies emprunté par Jon Arryn (aidé peut-être par ses derniers mots : « La graine est vigoureuse ») que Jon Arryn comptait dévoiler la véritable origine de Joffrey et de sa fratrie. Pycelle en déduit, comme Stannis et comme à peu près tout le monde à ce stade, que la reine est, de quelque manière que ce soit, à l’origine de cet empoisonnement, et qu’il doit faire en sorte que Jon Arryn ne survive pas. Cela explique aussi bien l’implication des Lannister, leurs allusions aux « preuves » de Jon Arryn dans les premiers chapitres que le rôle et les mensonges de Pycelle.

Non soigné par Pycelle, Jon Arryn finit par s’éteindre peu de temps avant le début du roman. Voilà la chronologie reconstituée mettant en lumière les rôles des divers personnages impliqués, et qui semble tout à fait crédible.

Et pourtant, cet enchaînement des événements ne tient pas la route une seconde, et ne résiste pas à une deuxième analyse.

Faits manquants et mobiles bancals

Si l’enchaînement précédent a pour lui la logique et l’appui du texte, il pose quelques soucis d’exhaustivité et mérite donc d’être considéré à nouveau, en utilisant la méthodologie évoquée dans la première partie de cet essai. En effet, si cette version des faits propose une explication satisfaisante des propos textuels sur le rôle des Lannister et sur celui de Pycelle, il n’en va pas de même pour les autres suspects évoqués. Les faits tels que rapportés par Lysa Arryn dans sa « confession » dans le dernier chapitre d’A Storm of Swords semblent indiquer qu’elle a versé le poison elle-même.

Tu me disais de mettre des larmes dans le vin de Jon, et je l’ai fait.

(ASOS, chapitre 81, Sansa VII)

Quel est donc, en ce cas, le rôle de ser Hugh du Val, pourtant pointé du doigt successivement par Littlefinger, Varys, puis Pycelle ? Quid de sa mort fort opportune face à ser Gregor dans le tournoi ?

Mais c’est au sujet du rôle de Varys que les trous sont les plus béants. Varys n’intervient, ni n’est cité, dans cet enchaînement des faits, que très marginalement, comme s’il avait été un simple observateur ne prenant pas parti dans la mort de Jon Arryn, comme si elle lui était indifférente et qu’il se contentait de « laisser faire ». Il dit bien à Eddard qu’il a prévenu lord Arryn de faire goûter ses plats.

J’avais prié lord Arryn de faire goûter tous ses mets avant d’y toucher, je l’en ai prié ici même, dans cette pièce, il n’a jamais voulu en entendre parler.

(AGOT, chapitre 31, Eddard VII)

On peut cependant douter très fortement de cette assertion qui n’est corroborée par aucun autre élément. Nous n’avons ici que la parole de Varys, qui tente de se faire bien voir d’Eddard. Il semble ensuite faire accuser ser Hugh du Val, à la fois auprès d’Eddard, mais aussi de Pycelle.

« Il y avait un garçon. Tout ce qu’il était, il le devait à Jon Arryn et, pourtant, quand la veuve s’enfuit aux Eyrié, suivie de toute sa maisonnée, lui demeura à Port-Réal et y prospéra. Voir s’élever dans le monde les jeunes gens me réchauffe toujours le cœur. »

(AGOT, chapitre 31, Eddard VII)

Il [Pycelle] pleurait. « C’est son écuyer, Varys vous dira, Hugh qu’on l’appelait, c’est sûrement lui qui a dû le faire, demandez à votre sœur, demandez-lui. »

(ACOK, chapitre 26, Tyrion VI)

Et euh… voilà. C’est tout. Comment du coup expliquer le dialogue surpris par Arya et qui voit Illyrio mentionner le rôle de Varys, et Varys y acquiescer ? Comment concilier cette discussion, probablement sincère (car supposée secrète entre deux alliés de longue date) et l’apparente passivité de Varys ? Mais il y a pire : comment concilier les mobiles comparés des uns et des autres avec cette même passivité ?

Si, à l’époque de la parution d’ASOS, au moment où l’on découvre que Lysa a versé le poison, on peut encore croire que Varys n’a joué aucun rôle dans la mort de Jon Arryn en occultant le dialogue cité ci-dessus, cela devient extrêmement difficile au regard des informations apportées par ADWD, et, en particulier, sur les motivations de Varys et de Littlefinger.

Varys et Illyrio ont pour objectif l’avènement d’Aegon. Qu’il s’agisse du vrai Aegon ou d’un Feunoyr importe peu ici, on se contente de partir du principe que mettre Aegon sur le trône est leur plan, qui que soit cet Aegon. En ce cas, Varys est la personne à Port-Réal qui a le plus à perdre à la révélation de l’inceste des Lannister par Jon Arryn. Que Jon et Stannis dévoilent la bâtardise de Joffrey, Tommen et Myrcella à Robert, lui apportant des preuves concrètes (livre de généalogie, bâtards…) et c’en est fini du plan de Varys et d’Illyrio. En effet, ce plan implique une déstabilisation du royaume au moment opportun, et une guerre civile déclenchée au bon moment, afin qu’Aegon apparaisse comme un sauveur. Pour cela, ils doivent jouer la carte de l’inceste au bon moment, et il est beaucoup trop tôt pour cela au moment où Jon Arryn compte le faire.

— Trop tôt, trop tôt…, gémit l’homme à l’accent. À quoi bon la guerre, maintenant ? Nous ne sommes pas prêts. Ajournez.
— Autant m’ordonner d’arrêter le temps. Vous me prenez pour un magicien ?

(AGOT, chapitre 33, Arya III)

Si même dans AGOT il est trop tôt, alors que dire du moment de la mort de Jon Arryn située quelques mois plus tôt ? Quelle que soit l’issue envisagée, Varys est perdant. Si Robert exécute Cersei et les enfants, le royaume est à nouveau stable, avec pour héritier Stannis, un homme peu manipulable, dans la force de l’âge (et peu enclin à laisser Varys à son poste) et même si l’Ouest se soulève brièvement, le temps qu’Aegon soit prêt, le royaume risque d’être à nouveau pacifié. Pire, une fois Cersei répudiée, Robert aurait probablement épousé Margaery Tyrell du fait des intrigues de Renly, renforçant l’unité du royaume autour d’une solide alliance Baratheon/Tyrell, ce dont Varys est pleinement conscient. Et pour peu qu’un enfant légitime soit conçu (ce qui tarde rarement avec un coureur comme Robert)…

Dans les lettres qu’il adresse à Hautjardin, le chevalier des Fleurs presse instamment Tyrell d’envoyer sa fille à la Cour. À quatorze ans, la donzelle est douce, belle, vierge, traitable, et lord Renly comme ser Loras entendent que Robert la baise, l’épouse et en fasse la nouvelle reine.

(AGOT, chapitre 33, Arya III)

En comparaison, les motifs de Littlefinger pour faire exécuter Jon semblent minces. Quel est le but profond de Petyr ? La question est ardue, et s’il y a pas mal de pistes (qu’il serait hors-sujet de traiter ici), bien malin est celui qui pourrait affirmer avoir tout compris de son jeu. Cependant, il semble avoir très peu à gagner à la mort de Jon Arryn :

  • la possibilité d’épouser Lysa ? Il ne l’aura qu’une fois fieffé d’Harrenhal, quand il aura un rang suffisant pour cela ; et de toute façon Jon Arryn était un homme de presque 70 ans, et Petyr n’avait aucune raison de presser les choses ;
  • empêcher la révélation de l’inceste ? Littlefinger n’a, lui, aucune raison de l’empêcher, c’est même lui qui met Eddard sur sa piste. Pourquoi faire reprendre l’enquête à la nouvelle Main si on a tué l’ancienne pour que cette enquête n’aboutisse pas ?
  • monter les Stark contre les Lannister et profiter du chaos ? On affirme souvent que Littlefinger prospère en opportuniste dans le chaos, mais cela semble léger comme explication. Et le chaos provoqué par la révélation de l’inceste en aurait été un également ;
  • revoir Catelyn ou se venger d’elle ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi précisément avec ce timing ? Jon a presque 70 ans, il finira bien par mourir, et Eddard est de toute façon son successeur tout désigné ;
  • pour complaire à Lysa qui a peur que son « Robin Robinet » soit envoyé à Peyredragon ? Comme si Littlefinger n’était pas capable de convaincre Lysa ! On le voit mal céder simplement au caprice d’une femme à demi-folle, avec de si grandes et imprévisibles conséquences.

On peut cependant toujours trouver un mobile crédible pour Littlefinger, mais là n’est pas l’essentiel : tout mobile qu’on pourrait lui trouver reste assez faible par rapport à celui de Varys, pour qui la non-révélation de l’inceste par Jon Arryn est une nécessité absolue. Comment donc concilier le mobile très fort de Varys et son apparente inactivité d’un côté, et l’absence de mobile profond de Littlefinger avec son apparente paternité du meurtre via Lysa ? Lysa semble bien convaincue que Petyr a monté un plan pour assassiner Jon afin qu’ils puissent être réunis, mais qui peut croire que Littlefinger lui a réellement dévoilé la vérité ?

Au final, il existe bien une solution, une solution contre-intuitive, mais qui permet d’expliquer à la fois les assertions d’Illyrio, les actions de Varys entourant la mort de Jon Arryn, et les motivations de Littlefinger : c’est de considérer que Varys est bel et bien l’instigateur principal de la mort de Jon Arryn. Si on réexamine tous les faits à la lumière de cette explication, on peut obtenir une trame tout aussi cohérente, mais bien plus exhaustive, qui ne laisse aucun point d’ombre (ou presque), et qui permet même de mieux expliquer tout l’enchaînement ultérieur des faits et gestes de Varys et de Littlefinger dans AGOT tel que décrit dans les chapitres d’Eddard.

Une autre vision des choses – Le jeu des trônes

La partie qui suit se veut plus hypothétique et est une tentative pour réconcilier tous les faits, événements et motivations en place afin de former un tout cohérent. Ce n’est absolument pas une assertion de la « vérité », et le scénario présenté ci-dessous, s’il doit s’en approcher, ne la reflète peut-être pas tout à fait. Il est cependant suffisamment étayé pour éclairer la plupart des lecteurs sur le rôle qu’a joué Varys dans la mort de Jon Arryn.

Reprenons donc notre déroulement des événements : Stannis découvre l’inceste de Cersei et s’en ouvre à Jon Arryn (je ne vais pas recopier les citations à nouveau, je vous renvoie à la partie 3 pour ceux qui auraient oublié), et tous deux se mettent à enquêter et rendent visite à Gendry, ce que Varys ne peut manquer d’apprendre, puisque c’est lui qui a placé le jeune garçon chez l’armurier (ACOK, chapitre 9, Tyrion), car il comptait probablement l’utiliser afin de dévoiler lui-même l’inceste des Lannister et déclencher la guerre au moment opportun pour Aegon.

Varys commence donc à agir et intrigue afin de faire assassiner la Main du Roi, de manière à ce que l’on ne puisse remonter jusqu’à lui. Et, pour cela, il utilise Littlefinger. Alors, oui, il semble difficilement envisageable que Varys soit directement allé voir Petyr, et lui ait demandé en face s’il ne pouvait pas assassiner Jon Arryn pour lui faire plaisir, bien entendu. Cependant, il existe d’autres moyens de pousser quelqu’un à assassiner à votre place, et Littlefinger l’a lui-même largement prouvé en poussant la Reine des Épines à se débarrasser de Joffrey à sa place par de simples insinuations… Dans le cas qui nous intéresse, une discussion d’apparence anodine et géographiquement très éloignée, apporte un éclairage certain sur la question. Il s’agit d’une discussion entre Stannis et Janos Slynt au Mur :

Le roi grinça des dents. « Loin de moi d’aspirer à tripatouiller dans vos droits et vos traditions. Quant à mes royales directives, Janos, si vous entendez par là que je devrais ordonner à vos frères de vous choisir, ayez donc le courage de le dire. » Le coup droit prit lord Janos à contre-pied. Il sourit d’un air hésitant et se mit à suer, mais son voisin Bowen Marsh rattrapa la balle au bond. « Qui serait plus apte à commander les manteaux noirs que l’ancien commandant des manteaux d’or, Sire ?
— N’importe lequel d’entre vous, je pense. Même le cuistot. »
Le regard qu’il fit peser sur Slynt n’était pas précisément chaleureux. « Qu’il n’ait pas été le premier des manteaux d’or à se faire graisser la patte, ça, je veux bien vous l’accorder, mais il pourrait bien être le premier de leurs commandants à s’être engraissé par le trafic des places et des promotions. Si bien qu’il devait à la fin toucher son pourcentage sur les appointements d’une bonne moitié des officiers du Guet. Vous inscrirez-vous en faux, Janos ? »
Le cou de l’autre se violaça. « Menteries ! Que des menteries ! Un homme fort, ça s’attire des ennemis, Votre Majesté sait bien ça, qui vous chuchotent des menteries dans le dos. Y a jamais rien eu de prouvé, y a pas un homme qu’ait osé accuser Ja…
— Deux qui s’apprêtaient à le faire ont brusquement trouvé la mort au cours de leur ronde. » Stannis plissa les yeux. « Ne jouez pas au plus fin avec moi, messire. J’ai compulsé les pièces soumises par Jon Arryn au Conseil restreint. J’aurais été roi, vous perdiez plus que votre charge, je vous le garantis, mais Robert préféra vous passer vos peccadilles, en disant, je me rappelle : « Ils volent tous. Tant vaut un voleur qu’on connaît qu’un voleur qu’on ne connaît pas, son successeur pourrait être pire. » Tous propos soufflés à mon frère, je gage, par lord Petyr. Il avait du flair pour l’or, le Littlefinger, et je suis persuadé qu’il emberlificotait les choses de manière à ce que votre corruption profite au Trésor autant qu’à vous-même. »

(ASOS, chapitre 79, Samwell V)

Cette anecdote est extrêmement intéressante. Ainsi, Jon Arryn avait, peu de temps avant sa mort, réuni des preuves de malversations financières de la part de Janos Slynt, qui est, rappelons-le à toute fin utile, l’un des hommes à la solde de Littlefinger ; Stannis suspecte d’ailleurs Littlefinger d’avoir quelque chose à voir avec cette histoire, bien qu’il n’ait pas en main tous les éléments pour comprendre.

Mais revenons quelques temps avant cette présentation des preuves des malversations au conseil. Qui donc a pu fournir ces éléments à Jon Arryn ? Des hommes du Guet ? Ceux qui ont essayé se sont visiblement fait tuer. Quel informateur du royaume, qui sait toujours tout sur tout grâce à ses oisillons, aurait-il bien pu mettre Jon Arryn sur la piste de Janos Slynt ?…

Varys fournit à la Main du Roi des preuves des malversations impliquant Janos Slynt qui échappe aux sanctions grâce à l’intervention de Petyr auprès de Robert. Puis il va voir Petyr, et lui apprend que Jon Arryn est en train d’enquêter sur ces malversations, et est en passe de remonter jusqu’à lui et de le faire tomber, l’intervention de Petyr pour sauver la tête de Janos étant parue très suspecte aux yeux de Stannis… qui enquête justement en ce moment avec Jon Arryn. Il semble dès lors assez aisé de faire croire à Petyr qu’il est l’objet de cette enquête. Varys y ajoute peut-être même un peu de son discours convenu (le même blabla qu’il sert à Eddard, Tyrion et Kevan) sur le bien du royaume, et qu’il préfère que Petyr reste en poste, malgré sa corruption, car l’argent qu’il apporte participe à la stabilité du royaume et autre blabla dont il abreuve ses interlocuteurs crédules. Varys escompte donc que Petyr fera assassiner Jon Arryn à sa place (Petyr est bien placé pour ça, il vient du Val, est proche de Jon, et Varys ne doit pas ignorer que Petyr est l’amant de Lysa…). Bref, pour Varys, il est l’homme le mieux placé pour agir sans se faire repérer. Peut-être même est-ce Varys qui suggère que l’écuyer ferait un bon bouc émissaire… ou lui a-t-il fait miroiter la venue de Catelyn à Port-Réal avec un Eddard qui serait nommé Main ? Toujours est-il que le plan semble bien parti.

Il parait également important de noter qu’à ce stade de l’intrigue, Varys n’a aucune raison de croire que Littlefinger est autre chose que ce qu’il parait être ; un parvenu arriviste uniquement intéressé par l’argent, et qu’il n’est pas encore, aux yeux de Varys, un joueur du jeu des trônes avéré ni un maître ès intrigues de son niveau. Pots-de-vin et détournements financiers semblent alors les seuls activités de Petyr qui ne semble pas avoir d’ambition politique autre que son enrichissement personnel, ce qui explique que Varys ait pu voir en lui un pion potentiel plutôt qu’un joueur.

1-0 pour Varys.

Seulement voilà, peu de temps après cette discussion, a lieu le tournoi d’anniversaire du prince Joffrey. Lysa y apprend que Jon Arryn compte envoyer leur fils comme pupille à Peyredragon, et elle vient le répéter à Petyr. Ce dernier comprend alors qu’il y a autre chose derrière les enquêtes de Jon Arryn, et que Varys essaye de le manipuler. Le jeu des trônes entre les deux comploteurs peut alors commencer. Littlefinger joue le jeu de Varys, mais pas de la manière attendue par ce dernier. Il n’utilise pas Hugh du Val (que Varys pourrait ensuite utiliser contre lui), mais Lysa, et il fait rédiger à cette dernière la fameuse lettre cryptée à destination de Catelyn. C’est… brillant, tout simplement génial, comme l’a si bien dit Lysa lorsqu’elle évoque cette lettre.

Et j’ai écrit à Catelyn pour accuser les Lannister d’avoir assassiné mon seigneur époux, exactement comme tu disais. C’était tellement malin…, tu as toujours été tellement malin, je l’avais dit à Père, « Petyr est tellement malin, j’avais dit, il s’élèvera haut, haut, haut !

(ASOS, chapitre 81, Sansa VII)

Elle n’imagine pas à quel point. En agissant ainsi, Petyr court-circuite complétement Varys, qui pense dans un premier temps que son plan a fonctionné (il est même probablement sincèrement convaincu que c’est ser Hugh qui a versé le poison). Jon Arryn est écarté, de même que tout danger pour les malversations de Petyr, mais, grâce à la lettre de Lysa, Eddard reprend l’enquête exactement où Jon Arryn l’avait laissée, et Varys se retrouve au point de départ avec une Main du Roi qui s’apprête à dévoiler l’inceste…

1-1 égalisation de Petyr.

Littlefinger…, seul l’enfer sait ce que mijote Littlefinger. Et cependant, l’homme qui trouble mon sommeil, c’est lord Stark. Il tient le bâtard, il tient le livre, il tiendra la vérité sous peu.

(AGOT, chapitre 33, Arya III)

Tout le reste des interactions entre Petyr et Varys autour d’Eddard est centré sur cette problématique. Il est, sans le savoir, la pièce centrale du jeu des trônes auquel jouent les deux rivaux. Petyr pousse Eddard à se rapprocher de la vérité, il le pousse à s’opposer aux Lannister, alors que Varys tente de l’en éloigner dans un premier temps.

L’une des scènes marquantes est bien entendu celle de la dague en acier valyrien qui a servi contre Bran. Remettons un peu les éléments dans l’ordre chronologique. Catelyn et ser Rodrick Cassel arrivent à Port-Réal, ce dont Varys est immédiatement informé. La première personne qu’il prévient est… Littlefinger.

« D’où tenez-vous ma présence à Port-Réal ?
— Lord Varys sait tout, sourit Petyr d’un air malin. Il nous rejoindra sous peu, mais je désirais vous voir sans témoins d’abord.
[…]
— Pourquoi vous ? »
Il haussa les épaules. « Et pourquoi pas moi ? Je suis le Grand Argentier, le conseiller privé du roi. Selmy et lord Renly étant partis à la rencontre de Robert et lord Stannis pour Peyredragon, seuls demeuraient mestre Pycelle et moi. Mon choix s’imposait. J’ai toujours été l’ami de Lysa, Varys ne l’ignore pas.

(AGOT, chapitre 19, Catelyn IV)

La question de Catelyn est plus qu’intéressante. Pourquoi lui ? Quel intérêt Varys a-t-il de faire prévenir Petyr de l’arrivée de Catelyn s’ils n’ont pas œuvré ensemble ? Aucun. A ce stade du récit, Varys ignore encore que Petyr l’a blousé. Cela ne va pas durer.

Varys débarque donc sur ces entrefaites, ayant surpris les conversations entre Aron Santagar et Rodrick Cassel, il demande à voir la dague, alors que Littlefinger n’est pas encore au courant de l’attentat contre Bran.

« En toute franchise, cela vous ennuierait-il beaucoup de nous le montrer, ce poignard ? »
Aussi suffoquée qu’abasourdie, elle écarquilla ses yeux sur l’eunuque. Une araignée, songea-t-elle avec horreur, un sorcier, pire encore. Il savait des choses que personne ne pouvait savoir, à moins… « Qu’avez-vous fait de ser Rodrik ? demanda-t-elle d’un ton impérieux.
— J’ai l’impression que je me trouve, intervint Littlefinger, manifestement ahuri, dans la posture du chevalier que la bataille surprend désarmé ! De quel poignard parlons-nous donc ? Et qui est ser Rodrik ?

(AGOT, chapitre 19, Catelyn IV)

Et la conclusion, en cliffhanger de fin de chapitre, est édifiante.

« Il est à moi.
— À vous ? » C’était absurde. Petyr n’avait pas mis les pieds à Winterfell.
« À moi. Il le fut du moins jusqu’au tournoi donné pour la fête du prince Joffrey, dit-il en allant le retirer du panneau de bois. À cette occasion, je misai, comme la moitié de la cour, sur ser Jaime. » Son sourire penaud ressuscitait presque l’adolescent de jadis. « Or, lord Tyrell le démonta, et pas mal de monde y laissa des plumes. Ser Jaime perdit cent dragons d’or, la reine un pendentif d’émeraudes, et moi ceci. Sa Grâce récupéra le joyau, mais le gagnant garda le reste
— Qui ? questionna Catelyn, la bouche sèche d’appréhension et les doigts cuisants d’une douleur renouvelée.
— Le Lutin, lâcha-t-il, tandis que lord Varys ne la quittait pas des yeux. Tyrion Lannister. »

(AGOT, chapitre 19, Catelyn IV)

Pourquoi cette remarque de la part de GRRM ? La scène est forte : Littlefinger accuse Tyrion de la tentative d’assassinat de Bran devant Catelyn. Pourquoi insister sur l’attitude de Varys à ce moment-là, alors qu’il n’est que spectateur passif de la scène ? La réponse est évidente dans le cadre de cet enchaînement des faits.

En accusant Tyrion, Littlefinger met les Stark sur la piste des Lannister ; ce qui est à l’inverse de ce que souhaite Varys qui n’a aucun intérêt à ce qu’Eddard enquête sur les Lannister et qui comprend alors que son « partenaire » n’a pas joué franc-jeu. Varys fixe Catelyn pour voir sa réaction, car d’elle va dépendre beaucoup de choses concernant la suite des événements. Varys sait pertinemment que Littlefinger est en train de mentir au sujet du poignard, mais il ne peut dévoiler le mensonge sans se griller lui-même. De par leurs liens d’enfance, Catelyn est forcément plus encline à croire Petyr plutôt que l’Araignée, et le voilà réduit au rôle de figurant dans le jeu de Petyr… et il doit composer avec.

2-1 pour Petyr.

De là, on comprend beaucoup mieux pourquoi Littlefinger affirme, deux chapitres plus loin, qu’il tient Varys par les couilles (sic), ce qui est plutôt vrai pour le coup :

Littlefinger se mit à sourire. « Abandonnez-moi lord Varys, douce dame… Si vous me permettez de parler cru (ces lieux s’y prêtent admirablement !), je lui tiens les couilles. » Son sourire s’accentua, tandis que ses doigts mimaient la prise. « Pure métaphore mais, voyez-vous, si j’entrouvre le pot aux roses, les oisillons se mettent à chanter, et Varys n’y tient nullement. À votre place, je m’inquiéterais davantage des Lannister et moins de l’eunuque. »

(AGOT, chapitre 21, Eddard IV)

En admettant que Petyr dise ici la vérité, qu’est-ce que cela pourrait être d’autre ? Littlefinger n’a a priori aucune connaissance de l’existence d’Aegon. Que Varys a arrangé le mariage de Daenerys et Drogo ? Varys est chargé par le roi Robert de surveiller les deux Targaryen exilés, il pourrait très facilement justifier ce mariage par la volonté d’éviter que Viserys n’épouse sa propre sœur ; une lignée bien plus dangereuse pour Robert qu’un éventuel semi-dothraki… Non, vraiment, rien de ce que Littlefinger pourrait savoir sur Varys et dont nous, lecteurs, avons connaissance, ne pourrait justifier une telle allégation ; sauf bien entendu si, comme le propose ce scénario, l’initiative de la mort de Jon Arryn est bien à mettre au crédit de Varys. Si Varys peut espérer s’en sortir pour à peu près toutes ses forfaitures avec un roi permissif comme Robert, avoir tramé la mort de son mentor, ami et Main du Roi… Varys y perdrait la tête. En revanche, Varys, lui, ne peut aucunement agir contre Littlefinger puisque ser Hugh n’a pas été utilisé et que Lysa ne se retournera jamais contre Petyr.

Et si Petyr avait menti en affirmant de manière si… colorée et imagée que Varys se serait pas un obstacle, alors pour quelle raison Varys n’a-t-il pas dévoilé le mensonge de Petyr sur le poignard, pas même par la suite à Eddard, lorsqu’il vient le voir en tête à tête, alors même que ce mensonge de Petyr est un gros problème pour lui et pour le « plan Aegon » ? Si on y ajoute ses récriminations contre Petyr lors de sa discussion avec Illyrio…

Seul l’enfer sait ce que mijote Littlefinger. Et cependant, l’homme qui trouble mon sommeil, c’est lord Stark.
Il tient le bâtard, il tient le livre, il tiendra la vérité sous peu. Et voilà que maintenant sa femme a, grâce aux manigances de Littlefinger, enlevé Tyrion Lannister. Lord Tywin va prendre la chose comme un outrage, et Jaime voue à son Lutin de frère une affection bizarre. Que les Lannister fassent mouvement vers le nord, et les Tully se trouvent impliqués à leur tour. Ajournez, dites-vous ? je réplique : hâtez-vous. Le plus adroit des jongleurs lui-même ne saurait maintenir éternellement cent balles en l’air.

(AGOT, chapitre 33, Arya III)

…la seule réponse cohérente c’est qu’il ne peut pas le faire, car Petyr a un moyen de pression sur lui… son rôle dans la mort de Jon Arryn.

Varys va être obligé d’adopter un autre angle d’approche. Puisqu’il semble impossible d’empêcher lord Stark d’accéder à la vérité, alors il faut temporiser le plus possible afin d’empêcher la guerre et de stabiliser le royaume. Robert étant virtuellement mort, il faut que Varys pousse Eddard à la confrontation avec Cersei. Varys organise la mort du très suspect Hugh du Val en s’arrangeant pour qu’Hugh tombe contre Gregor Clegane et n’ait pas d’écuyer pour l’aider à mettre son armure. Il n’est pas nécessaire que Gregor ait été consciemment impliqué dans la mort de ser Hugh, s’arranger pour qu’il tombe face à la Montagne en étant mal équipé suffit à faire de lui un mort en sursis, ce qui est cohérent avec les propos de GRRM sur la mort de ser Hugh.

At the end of A Storm of Swords we learned that Jon Arryn was poisoned by Lysa at the instigation of Littlefinger, but who ordered the death of Ser Hugh of the Vale? Cersei? Littlefinger?

It could very well have been either of the two, that’s for you to decide. But, it could also just have been a Gregor thing. He’s a murderous brute, and really needs no reason to kill someone.

(GRRM ; SSM Asshai.com Interview in Barcelona 28 juillet 2012)

Le soir même, Varys vient voir Eddard et lui donne de nombreuses informations : il accuse Hugh d’avoir été l’empoisonneur (ce qui renforce les soupçons d’Eddard sur les Lannister vu que Gregor est un homme lige de Tywin), et il lui apprend que les Lannister comptaient tuer Robert dans la mêlée ce jour :

On espérait bien le tuer, à la faveur de la mêlée. » Ned demeura un bon moment interloqué. « Qui ? » Varys sirota voluptueusement son vin. « S’il me faut vraiment vous le dire, alors, vous êtes encore plus imbécile que Robert et, moi, je me trompe de camp.
— Les Lannister, maugréa Ned. La reine…, non, je ne veux pas croire cela, même de la part de Cersei. Elle l’avait d’ailleurs prié de ne pas se battre !
— Elle lui avait interdit de se battre, et ce au vu et au su de son frère, de ses chevaliers et de la moitié de sa cour. Franchement, je vous le demande, se pouvait-il plus sûr moyen de lancer le roi Robert dans la mêlée ? »
Ned se révulsa de tout son être. L’eunuque venait de mettre dans le mille. Indiquer simplement à Robert qu’il ne pouvait ou ne devait pas faire une chose, la chose était d’avance résolue, autant dire faite.

(AGOT, chapitre 31, Eddard VII)

Cette assertion est bien entendu invérifiable, et personne n’y fera jamais allusion (rien dans les PoV de Cersei par exemple).

Il fait une allusion publique et fort à propos sur le poison pendant une session du Conseil restreint, faisant tiquer Pycelle, ce qu’Eddard remarque :

— Mormont implore que tu lui pardonnes, rappela Renly.
— Désespérément, confirma Varys, mais ses jours lui sont plus chers encore. Actuellement, la princesse approche de Vaes Dothrak, où il est interdit de dégainer, sous peine de mort. Si je vous disais quel supplice les Dothrakis réservent au malheureux qui poignarderait une khaleesi, vous ne fermeriez pas l’œil de la nuit. » Il flatta ses bajoues fardées. « Tandis qu’un poison…, les larmes de Lys, par exemple, Khal Drogo ne saurait jamais qu’il ne s’agit pas de mort naturelle. »
Les paupières somnolentes de Pycelle papillotèrent brusquement, et il loucha vers l’eunuque d’un air soupçonneux.

(AGOT, chapitre 34, Eddard VIII)

Varys sait que Pycelle sait que c’est ce poison qui a été utilisé (puisqu’il a empêché mestre Colemon de le purger) et c’est peut-être même dans la réserve de Pycelle que Varys a pris le poison. Nous savons grâce au procès de Tyrion que Pycelle en possède dans ses appartements :

Voilà du pesteloup, ça, c’est du venin de basilic, et celui-ci, ah…, les larmes de Lys. Oui oui. Je les reconnais tous. Le Lutin Tyrion Lannister les a volés dans mes appartements, quand il m’avait arbitrairement fait emprisonner.

(ASOS, chapitre 71, Tyrion X)

Cette allusion a probablement pour objectif de pousser Eddard (à qui Varys a déjà révélé le nom du poison) à s’intéresser de plus près à Pycelle (dont la fidélité aux Lannister est plutôt aisée à découvrir).

À la mort du roi, Varys en rajoute une couche en impliquant très fortement Lancel devant Eddard :

— Au fait, ser Barristan, susurra Varys, impressionnant de calme, ce fameux vin, qui le lui servait ? » L’eunuque s’était approché si doucement que sa voix fît tressaillir Ned. Vêtu d’une robe de velours noir dont les pans balayaient le sol, il était tout poudré de frais. « Le roi buvait à même sa propre gourde, affirma ser Barristan.
— Une seule gourde ? La chasse donne tellement soif…
— Je n’ai pas compté. Plus d’une, en tout cas. Son écuyer les renouvelait au fur et à mesure qu’il le demandait.
— Tant de zèle à s’assurer, reprit Varys, que Sa Majesté soit toujours en mesure de se rafraîchir, n’est-ce pas touchant ? » La bouche brusquement amère, Ned se souvint des deux blondinets houspillés, le jour de la mêlée, pour la cuirasse trop étroite. Et de Robert contant la scène, le soir même, en se tenant les côtes. « Lequel des écuyers ?
— L’aîné, dit ser Barristan, Lancel.
— Je vois je vois, reprit Varys, doucereux. Un garçon robuste. Fils de ser Kevan Lannister, neveu de lord Tywin et cousin de la reine. Espérons que le cher enfant ne se reproche rien. On est tellement vulnérable, à cet âge innocent, tellement. Si je me rappelle… ! »

(AGOT, chapitre 48, Eddard XIII)

Tout cela ne vise qu’une seule chose : faire croire à Eddard que Varys est dans son camp. Puisqu’il ne peut pas l’empêcher de découvrir et de révéler la vérité, et qu’il serait contreproductif de le faire tuer, il faut que Varys gagne sa confiance, afin de pouvoir, le moment venu, lui faire croire qu’ils jouent dans le même camp et le manipuler. Et cela fonctionne à merveille.

Petite parenthèse au passage : Varys a pu tenter de saper la confiance qu’a Eddard en Littlefinger. Comment Jaime a-t-il pu découvrir le bordel que visitaient Petyr et Eddard ? Si Varys lui a indiqué où les trouver, cela peut être interprété comme une tentative de Varys pour discréditer Littlefinger auprès d’Eddard, ce qui fonctionne également puisque la fuite de Littlefinger, qui semblait réellement effrayé face à Jaime, lui fait perdre son crédit aux yeux d’Eddard.

Littlefinger avait eu beau le seconder dans son enquête et cacher Catelyn, sa promptitude à sauver sa précieuse peau lors du guet-apens, Ned ne la digérait pas.

(AGOT, chapitre 46, Eddard XII)

Mais cela reste ténu et bien plus hypothétique que le reste, je vous l’accorde.

Une fois Robert mort et Eddard emprisonné, Varys peut alors l’approcher et le manipuler à sa guise : il lui ment quand il lui dit que sa confrontation avec Cersei a précipité la mort du roi (ce qui est faux, le plan d’assassinat de Robert lors de la chasse au sanglier était antérieur à la confrontation d’Eddard avec Cersei) de manière à le culpabiliser pour la mort de son ami.

Ce n’est pas le vin qui a tué le roi, c’est votre compassion.

(AGOT, chapitre 59, Eddard XV)

Il le convainc ensuite de ne pas révéler l’inceste de Cersei et d’inciter son fils Robb, qui rassemble son ost, à réintégrer la paix du roi, faute de quoi Sansa en paiera le prix. Varys se présente, comme de coutume, comme un défenseur de la paix et du royaume :

— Vos propres buts. Et quels sont-ils, lord Varys ?
— La paix, répliqua celui-ci sans hésiter. S’il se trouvait à Port-Réal une âme qui désespérait sincèrement de préserver les jours de Robert Baratheon, je fus cette âme-là.

(AGOT, chapitre 59, Eddard XV)

Et c’est vrai. Incomplet, mais vrai : tant que Robert était en vie, Varys avait la possibilité de déclencher la guerre civile à son bon vouloir, au moment adéquat. À cause de Littlefinger, la guerre est sur le point d’éclater beaucoup trop tôt, mais tout n’est pas perdu. Même emprisonné, Eddard peut servir les projets de Varys. En lui promettant le noir (avec en outre, pour faire bonne mesure, l’évocation larmoyante de la possibilité de finir ses jours auprès de Jon Snow) et la vie de Sansa s’il ne dévoile pas l’inceste, et que Robb réintègre la paix du roi, alors Varys maintient un semblant de paix ; avec Joffrey à la tête du royaume à la place de Robert, mais la paix tout de même. Eddard accepte tout : de prendre le noir, de confesser sa trahison, et donc de taire l’inceste.

— Je voudrais vous voir servir le royaume. Dites à la reine que vous confesserez vos noirs forfaits, dites-lui que vous ordonnerez à votre fils de déposer les armes et proclamerez la légitimité de Joffrey. Offrez de dénoncer Stannis et Renly comme usurpateurs et comme félons. Notre lionne aux yeux verts vous sait homme d’honneur. Si vous lui concédez la paix qui lui faut et le loisir de régler son compte à Stannis, si vous lui jurez d’emporter son secret dans la tombe, elle vous accordera, m’est avis, de prendre le noir et d’aller paisiblement finir vos jours sur le Mur, auprès de votre frère et de l’espèce de fils que vous y avez. »
[…]
— Si je m’abaissais jusque-là, c’est que ma parole sonnerait aussi creux qu’une armure vide. La vie ne m’est pas précieuse à ce point,
— Tant pis. » L’eunuque se leva. « Et celle de votre fille, messire ? A quel prix l’estimez-vous ? » Un frisson glacé lui perça le cœur. « Ma fille…
— Vous ne me faisiez pas l’injure de croire que j’avais oublié votre charmante enfant, n’est-ce pas ? Eh bien, soyez tranquille, la reine s’en souvient aussi.
— Pas ça… ! s’étrangla Ned. Au nom des dieux, Varys, disposez de moi comme vous l’entendrez, mais laissez ma fille en dehors de vos manigances. Sansa n’est qu’une fillette…

(AGOT, chapitre 59, Eddard XV)

Nous avons d’ailleurs la confirmation plus tard que c’est bien Varys qui a incité Cersei à faire à Ned cette offre de prendre le noir :

— Forcément, commenta Tyrion, d’un ton qu’il rafraîchit imperceptiblement pour la première fois. Il [Varys] s’était employé à convaincre ma sœur de pardonner, sous réserve que Stark prendrait le noir.

(ACOK, chapitre 9, Tyrion II)

Varys se fend même, lors de cette discussion, d’une remarque acerbe et emportée (lui d’ordinaire si calme) concernant Littlefinger, lorsqu’Eddard suggère qu’ils sont de mèche.

« Est-ce là votre conception personnelle des choses, haleta-t-il, ou êtes-vous de mèche avec Littlefinger ? »
La question parut impayable à l’eunuque. « Plutôt épouser le Bouc Noir de Qohor ! En fait d’intrigues tortueuses, Littlefinger vient bon second dans les Sept Couronnes ».

(AGOT, chapitre 59, Eddard XV)

Varys vient en effet de redresser la situation ; certes pas aussi idéale qu’elle eut pu l’être, mais il a réussi à temporiser.

2-2 égalisation de Varys.

Seulement voilà : Joffrey décide sur un coup de tête (en apparence) de faire quand même trancher la tête de lord Eddard, malgré les protestations de sa mère, du Grand Septon et… de Varys, bien entendu !

« Sa tête, ser Ilyn ! »
La foule poussa un rugissement, et sa houle battit si rudement le piédestal de Baelor qu’Arya sentit la statue tituber, pendant que le Grand Septon se pendait aux basques du roi, que Varys se précipitait en se tordant les bras, que la reine elle-même tentait apparemment de raisonner son fils, mais Joffrey leur opposait à tous le même branlement de tête négatif.

(AGOT, chapitre 66, Arya V)

Un coup de tête, vraiment ?

[Tyrion :] — Les couronnes produisent des effets bizarres sur les têtes qu’elles coiffent, acquiesça-t-il. Cette histoire d’Eddard Stark…, l’œuvre de Joffrey ? »
La reine grimaça. « Il avait pour consigne de faire grâce à Stark en lui permettant de prendre le noir. Cette solution nous débarrassait de ce gêneur et nous permettait de faire la paix avec son fils, mais Joff a pris de son propre chef l’initiative d’offrir à la populace un spectacle plus excitant. Que pouvais-je faire ? Il s’est prononcé pour la mort devant la moitié de la ville. Et Janos Slynt et ser Ilyn y ont mis tant d’allégresse que la chose était faite avant que j’aie pu prononcer un mot ! »
Elle serra le poing. « Le Grand Septon crie partout que nous avons profané le septuaire de Baelor en y versant le sang et que nous l’avions trompé sur nos intentions.
— L’argument ne manque pas de poids, confessa Tyrion. Ainsi, ce lord Slynt, il était de la fête, n’est-ce pas ?

(ACOK, chapitre 4, Tyrion I)

Ser Ilyn est certes particulièrement motivé du fait qu’Eddard l’a privé de sa fonction en envoyant lord Béric à sa place exercer la Justice du roi à l’encontre de ser Gregor Clegane :

— Et ser Ilyn ? » L’eunuque flatta l’une de ses bajoues poudrées. « Il incarne, après tout, la justice du roi. Confier à d’autres la tâche que lui confèrent ses fonctions…, d’aucuns ne vont-ils pas l’interpréter comme un outrage délibéré ?
— Tout sauf délibéré. » Il se défiait, à la vérité, du chevalier muet, mais peut-être uniquement par aversion viscérale à l’endroit des bourreaux. « Dois-je au surplus vous le rappeler ? les Payne sont bannerets des Lannister. J’ai cru préférable de désigner des hommes que ne liait à lord Tywin aucun serment de féauté.
— Très prudent à vous, j’en conviens, susurra Varys. Il se trouve néanmoins que j’ai, par le plus grand des hasards, aperçu ser Ilyn tout au fond de la salle et, à la manière dont nous dévisageaient les prunelles pâles que vous savez, je me crois fondé à déduire qu’il ne jubilait guère, encore que, pour être sûr de rien, avec cet éternel silencieux, n’est-ce pas… ? J’espère de tout mon cœur qu’il saura lui aussi surmonter son dépit. Mais il aime si passionnément sa besogne…

(AGOT, chapitre 44, Eddard XI)

Mais au-delà de ça, il peut être nécessaire de rappeler que, du fait du mutisme et de l’illettrisme de ser Ilyn, la gestion de l’administration carcérale et des exécutions est sous la coupe de Littlefinger, notamment via le geôlier-chef qui s’occupe de l’intégralité de la gestion des geôles, qui est un homme de Petyr et qui lui rédige des rapports.

Or, ser Ilyn était singulièrement inapte à tenir ce dernier emploi. Comme il ne savait ni lire ni écrire et ne pouvait pas parler, il avait abandonné la gestion des cachots à ses subalternes, quels qu’ils fussent et tels qu’ils étaient. En l’occurrence, le royaume n’avait plus de lord Confesseur depuis Dareon II. Quant au dernier geôlier-chef en date, un marchand de tissu, il avait acheté son office à Littlefinger.

(AFFC, chapitre 28, Jaime III)

— Ces rapports, qui est-ce qui les a eus sous les yeux ?
— Certains étaient adressés au Grand Argentier, d’autres au maître des chuchoteurs. Tous au geôlier-chef et à la Justice du roi. Tel a toujours été l’usage dans les cachots.

(AFFC, chapitre 28, Jaime III)

De là à imaginer qu’Ilyn Payne ait été informé en amont de l’exécution par ce fameux geôlier-chef (qui décédera opportunément dans ACOK) de manière à s’assurer que l’exécution soit la plus rapide possible (ne pas laisser le temps à Cersei ou à Varys d’interagir pour l’empêcher malgré la sentence du roi)…

Quant à l’enthousiasme tout aussi débordant de Janos Slynt dans cette exécution, et que Tyrion reprend au vol, qu’en dit le principal intéressé ?

[Tyrion :] Prenez Eddard Stark, messire. M’étonnerait qu’il ait jamais envisagé de finir sur le parvis du septuaire de Baelor.
— Fichtre pas foule qui s’y attendait, aussi ! » concéda Janos en pouffant.
Tyrion pouffa de même. « Dommage que j’aie raté ça. On dit que Varys lui-même était suffoqué. »
Lord Janos éclata d’un rire qui lui secoua la panse. « L’Araignée… ! hoqueta-t-il. Sait tout, qu’on dit. Ben, savait pas ça.

(ACOK, chapitre 9, Tyrion II)

Si Varys était suffoqué, il semble que Slynt était, lui, au courant que le roi allait faire décapiter lord Stark. Janos Slynt étant depuis toujours l’homme de main de Littlefinger, il n’y a pas loin à aller pour en déduire que l’idée d’offrir un « spectacle à la populace » en faisant décapiter Eddard a été soufflée à Joffrey par Petyr, avec Janos et Ilyn en première ligne de manière à s’assurer que l’exécution ait bien lieu ; ce ne serait en tout cas pas la première fois que Petyr souffle une idée tordue à l’oreille de Joffrey pour servir ses propres intérêts, comme le montre l’affaire des nains jouteurs dans ASOS :

[Littlefinger à Sansa :] Au fait, mes nains jouteurs ont-ils été du goût de messire votre petit époux ?
— Ils étaient à vous ?
— Il m’a fallu les envoyer chercher à Braavos et les cacher dans un bordel jusqu’au mariage. Il n’y a que le tracas qui ait excédé la dépense. Il est étonnamment difficile de cacher un nain, et Joffrey… – un roi, ça peut toujours se conduire à l’abreuvoir mais, avec Joffrey, il fallait pas mal faire d’éclaboussures et barboter dans l’eau avant qu’il se rende compte qu’elle était potable. Quand je lui touchai mot de ma petite surprise, Sa Majesté me répondit : “Et pourquoi donc aurais-je envie d’horribles nains pour mes festivités ? Je déteste les nains !” Ce qui me contraignit à le prendre aux épaules et à lui souffler : “Pas aussi fort que les détestera votre oncle…” »

(ASOS, chapitre 69, Sansa VI)

3-2 pour Littlefinger qui remporte ainsi cette manche du jeu des trônes ; lord Eddard mort, Varys est impuissant à empêcher le déclenchement de la guerre des Cinq Rois.

Conclusion

Alors fondamentalement, qu’est-ce que cela change ? Pas grand-chose. Que Varys fut probablement l’instigateur originel de la mort de Jon Arryn n’amoindrit en rien la culpabilité de Littlefinger, ni, dans une moindre mesure, celle des autres protagonistes qui ont tous leur part de responsabilité. Le propos de cet essai était plus de s’intéresser de plus près à la structure de ce premier tome intitulé « A Game of Thrones » et de distiller l’essence de ce fameux jeu de trônes, un jeu subtil, qui a lieu en arrière-plan du récit du fait de la narration par PoV, qui permet difficilement d’avoir une vue d’ensemble des intrigues et des motivations de chacun. Avec un narrateur omniscient, la marge de manœuvre de GRRM aurait été bien plus faible : soit dévoiler l’intégralité des intrigues au lecteur (de la logique de l’omniscience), soit les cacher artificiellement (et rendre toute révélation ultérieure particulièrement maladroite). Ici, les techniques narratives mises en place, comme le choix des narrateurs, servent à merveille le jeu de l’intrigue en permettant à l’auteur de révéler ce qu’il souhaite au compte-gouttes, et de laisser une grosse part d’appréciation et d’investigation au lecteur plutôt que de lui prémâcher l’œuvre.

Et le jeu des trônes entourant les morts successives de Jon Arryn et d’Eddard Stark n’est qu’un exemple parmi d’autres des nombreux niveaux de lecture parsemant les romans et rendant les multiples relectures d’une incroyable richesse. Qui avait, par exemple, ne serait-ce que découvert l’homosexualité de Renly (jamais clairement énoncée dans les romans) lors de sa première lecture ? Alors lisez, relisez, lisez entre les lignes et relisez entre les lignes, car quand un auteur ne prend pas les destinataires de son œuvre pour des idiots, les relectures sont bien souvent plus enrichissantes et plus épanouissantes que la première… Le jeu des trônes n’est pas qu’un jeu politique entre les différents personnages de la saga, c’est également un jeu d’intrigues entre l’auteur et le lecteur ; et il est loin d’avoir livré tous ses secrets…

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3 Comments

  1. quel travail formidable bravo ! tu arrive à faire apprécier encore plus une oeuvre déjà plus qu’excellente 🙂

  2. Bonjour, fabuleux. Une question: si le dernier scénario est le bon, qui et pourquoi a alors informé Cersei et Jaime des investigations de Jon? Dans quel but? Car à Winterfell ils en font tous deux allusions (ou du moins ils font allusion au fait que Jon sait des choses…), ce qui contribue à nous mettre sur la piste qu’ils
    pourraient être à l’origine de son assassinat…merci.

  3. Je gagerai qu’il s’agit du Grand Mestre Pycelle, après tout c’est lui qui a donné a Jon Arryn le livre de la généalogie des sept couronnes, il a du le dire a Cersei sans rien insinuer et elle a compris que Jon enquêtait sur elle

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