Répondre à : Jean-Philippe Jaworski

#198695
Lapin rouge
  • Fléau des Autres
  • Posts : 4609

Pour ce qui est enfin de mon appréciation personnelle de la trilogie, j’ai beaucoup aimé cette lecture. Elle fait partie de ces œuvres qu’on a hâte de retrouver lorsque l’on doit la laisser pour connaître la suite dès que possible. J’avais prévu au départ d’alterner les trois tomes avec d’autres lectures, mais cela s’est révélé impossible, et j’ai tout enchaîné !
J’ai apprécié beaucoup de chose : un univers fictionnel cohérent et fouillé, des intrigues politiques complexes et retorses, des moments d’action haletants, la puissance évocatrice de certains décors (le château de Vayre en particulier), les personnages vigoureusement campés, les coups de théâtre, dont certains particulièrement douloureux… Et la complexité de la trame d’ensemble, qui donne envie de lire ou de relire toutes les autres œuvres antérieures de la « Matière de Léomance » pour mieux comprendre comment les pièces du puzzle s’assemblent.

On peut bien sûr trouver des défauts à l’œuvre. Certain-e-s pourront l’estimer trop longues, comme je l’ai déjà dit plus haut concernant certaines descriptions. C’est une affaire de goût, car, pour ma part, je n’ai jamais ressenti la tentation de sauter des pages. On peut également trouver que les personnages sont tous assez peu sympathiques. Il est vrai qu’à part le chevalier de Quéant (et quelques autres, comme la mystagogue Prudence ou le paysan Winnoc, mais qu’on voit peu), les protagonistes se caractérisent tous par un manque de sincérité et un contrôle permanent de leurs réactions. Ils restent humains, mais leurs motivations sont cachées (sauf concernant Benvenuto), et, quand on les connaît, elles sont fondées sur l’ambition, la vengeance, le calcul, soit bien peu de sentiments positifs, ce qui peut parfois rebuter. Ca manque un peu de personnages comme Brienne, Davos ou Barristan pour respirer un peu.
Si on s’attarde un peu plus sur les personnages féminins, elles sont peu nombreuses, mais certaines jouent les premiers rôles. Elles ne sont pas moins enclines que les hommes à faire preuve de perfidie ou de manœuvres occultes, mais pas plus. Donc ni traitement de faveur, ni mise en retrait, mais un déséquilibre numérique certain.
Le personnage le plus complexe est certainement Ædan de Vaumacel. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, on le voit longtemps de l’extérieur, et son comportement peut interloquer par son souci permanent du respect du code d’honneur chevaleresque. Cela le rend au début plutôt sympathique, mais on se rend vite compte que ce code ne correspond pas nécessairement aux normes morales du héros classique. Et puis, et comme plusieurs autres personnages le font remarquer, on en vient à se demander si cette observation presque maniaque des règles courtoises n’est pas la marque d’un orgueil excessif, voire même si elle ne transforme pas Ædan en un pantin animé par des principes l’obligeant à une conduite parfois absurde. Pourtant, il reste lui-aussi un être finalement profondément humain.
Je vais m’arrêter là, en concluant par la frustration ressentie la dernière page tournée (outre qu’il m’a fallu recourir au web pour déchiffrer l’acroteleuton final), car il reste encore tant de question en suspens. Le Vieux Royaume n’a pas fini de nous hanter.

They can keep their heaven. When I die, I’d sooner go to Middle Earth.