[ADWD] Cersei – la marche de la honte

  • Ce sujet contient 7 réponses, 6 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par DNDM, le il y a 1 mois.
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  • #128111
    Raff-Tout-Miel
    • Patrouilleur Expérimenté
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    J’ai décidé d’ouvrir un sujet sur ce que je pense être un des plus forts chapitres de l’ensemble de la saga: l’expiation de Cersei, sa pénitence.

    Bizarre, j’ai été clairement moins frappé à ma première lecture. Etais-je à demi somnolent devant ce chapitre? Ou bien étais-je en état de choc? Difficile à dire, mais après avoir relu l’ensemble de la saga, j’ai reconsidéré ce chapitre autrement.

    En fait depuis AGOT, on assiste aux évènements gravitant autour de Cersei, qui semble femme impitoyable, sacrifiant tout pour ses enfants, orgueilleuse et détestable au possible, pas toujours subtile, souvent inconsciente et téméraire. Bref. Pas vraiment le genre à expier ses fautes, mais plutôt à les assumer sans remords.

    J’ai été frappé par le rythme du déroulement de cette marche, de la captivité aux préparatifs, des préparatifs à la marche, de la marche à l’expiation. On dirait presque une partition de musique en 4 actes. Et si le Grand Septon était réellement parvenu à la briser là où tous avaient échoué ?

    La torture mentale qu’elle subit va crescendo et on voit qu’elle craque sans même s’en rendre compte.

    ACTE 1: l’emprisonnement.

    Cersei est captive comme un lion en cage. Furieuse, elle déchire la tunique qu’on lui a donné. Elle comprend vite néanmoins que la colère ne sert à rien et se décide à jouer à la maligne. Elle se montre conciliante, intrigante, voire séductrice vis-à-vis de la Foi. Devant le Grand Moineau, elle intrigue, reconnaît certains péchés, mais pas ceux qui pourraient lui coûter la tête. Sa tactique semble fonctionner, dans un premier temps. Le Grand Moineau semble prêt à la croire, mais il lui rétorque que seul un procès démêlera le vrai du faux, pas si dupe. La raison de cet acharnement ? La mort de Robert Baratheon ? Non, la mort du précédent Grand Septon, assassiné par Osney Poteaunoir. Cersei reconnaît donc les pêchés de fornications qui lui sont reprochés, en évitant de remettre en cause la nature de ses enfants. Elle accuse Stannis et son dieu rouge de faire de la propagande, ce qui semble convenir au Grand Moineau, renforçant par la même la grande hypocrisie de la Foi.

    En conséquence de quoi, elle devra donc expier ses pêchés. Pour avoir reconnu son adultère, elle a droit de visites, change de cellule passant du cachot à une chambre avec vue sur la ville, des vêtements plus accommodants, à droit à un lieu d’aisance, mais reste prisonnière.

    ACTE 2: Les préparatifs.

    Dans un premier temps, Cersei semble jubiler, elle retrouve le sommeil, n’est pas dérangée par les septas en pleine nuit pour reconnaître ses fautes, voit son oncle Kevan, apprend des nouvelles de son fils et de Jaime. Elle comprend qu’elle est prise au piège et qu’il n’y a pas d’échappatoire, elle devra expier, à moins que Jaime ne réapparaisse, ce qui serait un miracle à ce stade. Kevan ne souhaite pas que la Maison Lannister ne soit impliquée dans cette marche, à cause de l’opprobe que cela ferait rejaillir. Cersei est seule, et vengeresse. Toujours peu sincère avec la Foi, elle sourit aux Septa, mais les imagine dans les pires tourments. Si elle veut revoir Tommen et lui dicter sa future conduite à tenir face au Grand Moineau, elle devra donc passer par cette marche jusqu’au Donjon Rouge, reprendre les rênes et massacrer tous les moineaux ensuite…

    ACTE3: la marche.

    Vient le jour fatidique. Cersei est prête à subir. Elle s’est forgée une armure mentale que rien ne pourra percer, prête à tout pour rejoindre son fils, faire annuler la régence de Kevan, rejoindre Qyburn et ensuite….en découdre.

    Cela commence par la tonte. Elle est lisse, comme venue au monde, on la rase intégralement. Plus de cheveux, plus de poils jusqu’à la plus stricte intimité. Elle le vit mal, comme la petite touche personnelle en plus, la petite surprise à laquelle elle ne s’était pas attendue. C’est la première attaque. Elle descend de sa cellule à travers le Septuaire, où elle est dévisagée et conduite à son escorte, dont fait partie son cousin Lancel, la Foi militante, les Epées. Elle se tient sur le parvis du Septuaire, exactement là où elle était le jour de l’execution d’Eddard Stark. Le symbole est fort, elle en est pleinement consciente et repense à Joffrey, son expiation commence, sans même qu’elle s’en rende compte. Elle culpabilise, Joffrey n’a pas écouté et a eu la tête de Stark. S’il avait écouté, jamais la guerre n’aurait eu lieu. Le sang a coulé sur le Septuaire même, Cersei se dénude et descend les marches de marbre, la tête haute sans rien cacher. Elle repense à la maîtresse de son grand-père, qui avait été jetée nue dans les rues de Port-Lannis par Lord Tywin, pleurant, gesticulant pour se couvrir avec les mains devant la population hilare. Pas question de leur offrir ce spectacle. La marche est éprouvante, fatiguante, elle subit les insultes, marche dans le purin. Elle se met à avoir peur, car elle repense à la révolte du pain, Lollys Castelfoyer, et la débandade jusqu’au Donjon Rouge. Soudain elle croit voir son père, un homme avec des favoris qui se moque d’elle. Elle se blesse alors une première fois en glissant au genou, est épaulée par le commandant de l’escorte et ne voit plus son objectif : atteindre le Donjon Rouge.

    ACTE4: l’expiation.

    Elle se blesse plus gravement au pied en marchant sur un objet coupant, elle crie après les Septas. Elle se met à pleurer tout bas, commence à avoir des visions et du remord, Joffrey, Tywin, Melara cuillêtre. Enfin, surgit le Donjon, elle est à Culpucier. Elle réalise sa nudité, ses vergetures, ses seins tombants. C’est alors qu’elle a une vision de Maggy la Grenouille qui lui apparaît en se moquant d’elle. Elle craque et s’enfuit vers le donjon, bousculant son escorte, fonçant à travers la foule, exactement comme l’avait fait la maîtresse de son grand-père. Elle est récupérée par Robert Fort, Qyburn le lui présentant comme sa délivrance qui vaincra tous ses ennemis, ce qu’approuve alors Cersei: « Oui. Oh que oui ».

    Conclusion:

    En définitive, je ne pense pas que la marche de la honte ait eu raison de Cersei Lannister. La Foi l’a fait craquer, certes, mais la conclusion du chapitre laisse à penser que sa vengeance va être terrible. Toutefois, c’est la première fois que l’on voit une Cersei sincère avec elle-même, en proie à l’expiation car elle expie bel est bien ses pêchés pendant cette marche. Mais si la Mère pardonne, il n’en va pas de même avec Cersei Lannister.^^

     

    • Ce sujet a été modifié le il y a 4 années et 2 mois par R.Graymarch.

    "A toi de choisir mon gars. Ou t'affrontes les fantômes, ou t'en deviens un."

    #128116
    Eridan
    • Vervoyant
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    Ce chapitre, c’est le moment où GRRM dit à son lecteur : « Hey ! T’as cru que la mort de Ned et les Noces Pourpres étaient traumatisantes et que je pouvais pas faire pire ? … Bah, t’as mal cru ! » ^^

    Bon … Cersei reste une affreuse peste, une piètre dirigeante et je l’aime pas … Mais ce chapitre pue la folie collective, l’hystérie, la haine … Personne ne mérite ça.

    En définitive, je ne pense pas que la marche de la honte aie eu raison de Cersei Lannister. […] Mais si la Mère pardonne, il n’en va pas de même avec Cersei Lannister.^^

    Je suis parfaitement d’accord et pour moi, ça s’exprime dès le chapitre de Kevan. (On l’avait évoqué par là.)

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #128132
    Emmalaure
    • Exterminateur de Sauvageons
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    Merci pour l’ouverture de ce sujet !

    Je ne sais pas si elle expie vraiment ses « péchés » et je ne suis pas du tout certaine qu’elle exprime le moindre remord vis à vis d’eux (mort de Robert, avoir couché avec son frère et engendré des bâtards, mort du grand septon…). En revanche, elle regrette que cela ait mal tourné, en particulier quand d’autres s’en sont mêlés – comme Joffrey.

    En revanche, elle craque bien sous l’humiliation subie et ça la rend touchante. C’est cela qui est fort avec GRRM : au début, après tous les crimes de Cersei et ce qu’on connait d’elle, en tant que lecteur on peut se dire que c’est bien fait pour elle. La perte de ses cheveux qu’elle arborait fièrement comme une couronne dorée (voire une armure dorée pour son orgueil de Lannister), en la présentant comme au jour de sa naissance, la remet au rang de n’importe quel autre être humain, quel que soit son rang social. Plus tard, avec ses vergetures, ses seins qui tombent, et le sang qui coule de ses pieds, chacun peut constater qu’elle n’est pas une déesse, qu’elle est mortelle, et que comme n’importe quelle femme, elle est sujette au temps qui passe et à ses marques. Elle ne peut plus arborer son corps avec fierté comme elle en avait d’abord l’intention. Pourtant, la foule d’anonymes se montre à son tour particulièrement vile : elle s’est trouvé un bouc émissaire facile et officiellement autorisé, qui va porter seul toutes les fautes et les manquements de tout le monde (et pourtant, Cersei est trèèèèès loin d’être la seule actrice dans cette tragédie dans laquelle les « grands » ont précipité les gens), et de prédatrice, Cersei est passée à proie (j’ose le parallèle avec les chasses très particulières de Ramsay). Ce renversement fait que le lecteur à la fin du chapitre, éprouve une empathie toute nouvelle pour le personnage, et ce en quelques pages, c’est-à-dire moins de temps qu’il en a fallu à Jaime pour retourner lui aussi l’opinion des lecteurs en sa faveur.

    Sinon, je suis d’accord avec mes deux voisins du dessus : Cersei ne sort pas de là véritablement humble, mais avec des désirs de vengeance bien plus exacerbés mais aussi mieux cachés. L’expiation religieuse a complètement manqué son but revendiqué : l’accusée ne sort pas en paix avec elle-même et réconciliée avec les dieux, ses actes, le genre humain, etc… mais il est au contraire animé d’une soif nouvelle de sang et en humiliant Cersei sans lui laisser de véritable échappatoire, le nouveau grand septon n’a fait que donner une légitimité et un prétexte au fauve féroce qu’elle porte en elle.

    #128137
    Raff-Tout-Miel
    • Patrouilleur Expérimenté
    • Posts : 439

    A y réfléchir, j’ai l’impression que son expiation est à la fois libératrice et contradictoire en effet.

    Quand elle repense à l’exécution d’Eddard sur le parvis, elle revoit littéralement la scène qui se superpose à sa situation actuelle. Elle descend l’escalier en marbre avec prudence pour ne pas glisser, mais on devine qu’elle superpose mentalement le sang de Stark coulant dessus. Elle regrette que Joffrey n’en ai fait qu’à sa tête, elle pense au fait que nombreux sont morts dans cette guerre, les fils d’Eddard y compris. Quand elle est éprouvée mentalement et physiquement, elle regrette la mort de son père, sa brouille avec Tyrion, la mort de Joffrey (c’est là qu’elle se blesse pour la seconde fois), Melara, et tout d’un coup lui revient la prophétie de Maggy qui se materialise alors dans son esprit et c’est la débâcle. En définitive, son expiation finit par la rendre complètement schizophrène. Pour autant, la fin du chapitre nous montre que bien qu’éprouvée, elle s’est libérée d’un poids, de la culpabilité qui la ronge personnellement. Mais pas de la culpabilité de ce dont on l’accuse. Je pense que c’est ça qui est fort avec ce personnage. Elle n’a donc absolument aucun regret pour la mort de Grand Septon, ni pour la mort de Robert. Elle expie uniquement la mort de ses proches. Et là, le lecteur a froid dans le dos. J’ai l’impression qu’effectivement elle va se sentir beaucoup mieux après le tour, c’est ça le pire. Du reste, l’assassinat de Kevan et Pycelle par Varys à la fin à de quoi laisser songeur, c’est exactement ce que voulait Cersei.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 2 mois par Raff-Tout-Miel.
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    "A toi de choisir mon gars. Ou t'affrontes les fantômes, ou t'en deviens un."

    #195259
    Eridan
    • Vervoyant
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    Question secondaire du jour : Cette marche, qui en a eu l’idée à l’origine ? On serait tenté de penser que ça vient du Grand Moineau. On sait par Cersei que :

    […] la seule façon de regagner le Donjon Rouge était de marcher. Le Grand Moineau avait été inflexible, et ser Kevan refusait de lever le petit doigt contre lui.

    ADWD, Cersei II.

    Et lors de la présentation de Cersei à la foule, il est annoncé :

    « Cette pécheresse a confessé ses fautes et imploré l’absolution et le pardon. Sa Sainteté Suprême lui a ordonné de démontrer son repentir en se dénudant de tout orgueil et de tout artifice pour se présenter, telle que les dieux l’ont faite, aux yeux des dieux et des hommes, afin d’accomplir sa marche d’expiation. »

    ADWD, Cersei II.

    Le Grand Moineau est résolu et il assume la responsabilité de l’acte…  Mais l’idée ne vient pas forcément de lui …

    La première fois qu’on en entend parler, c’est Kevan qui l’évoque :

    « J’ai discuté avec Sa Sainteté Suprême. Il ne te libérera pas tant que tu n’auras pas expié tes péchés.
    – J’ai confessé.
    Expié, ai-je dit. Aux yeux de la ville. Une marche…

    ADWD, Cersei I.

    Dans ce discours, on a à nouveau l’impression que l’idée vient du Grand Moineau … Mais c’est étrange, car Kevan ne le dit pas littéralement, et surtout, quelques paragraphes plus haut, le Grand Moineau ne parlait absolument pas de libération, il tenait à ce que Cersei reste à distance de Tommen. Il parlait bien de purger ses pêchés mais il ne semblait avoir alors aucune idée sur la manière de mener l’expiation.

    « Quand bien même, poursuivit le Grand Septon, ce sont de terribles accusations, et le royaume doit savoir si elles ont quelque fondement. Si Votre Grâce a dit vrai, nul doute qu’un procès prouvera votre innocence. »
    Un procès, malgré tout. « J’ai confessé…
    – … certains péchés, certes. Vous en niez d’autres. Votre procès séparera les vérités des mensonges. Je demanderai aux Sept de pardonner les péchés que vous avez confessés et prierai pour qu’on vous juge innocente de ces autres accusations. »
    Cersei se releva lentement de sa position agenouillée. « Je m’incline devant la sagesse de Votre Sainteté Suprême, dit-elle. Mais si je pouvais implorer une seule goutte de la clémence de la Mère, je… Voilà bien longtemps que je n’ai vu mon fils, s’il vous plaît… »
    Les yeux du vieil homme étaient des éclats de silex. « Il ne serait pas convenable de vous autoriser à voir le roi, tant que vous n’avez pas été purgée de vos perversités. Vous avez accompli le premier pas sur la voie qui vous remettra sur le droit chemin, cependant, et, à la lumière de cela, je vous permets d’autres visiteurs. Un par jour. »

    ADWD, Cersei I.

    Et Kevan lui-même ? Comment se fait-il qu’il adhère si vite, et même qu’il défende cette idée, lorsqu’il l’expose à Cersei ?

    Une marche…
    – Non. » Elle savait ce que son oncle allait conseiller et ne voulait point l’entendre. « Jamais. Expliquez-le-lui, si vous devez encore vous entretenir avec lui. Je suis reine, et non une putain des quais.
    – Il ne t’adviendrait aucun mal. Nul ne touchera…
    – Non, répéta-t-elle, avec plus de dureté. Plutôt mourir. »
    Ser Kevan n’en fut pas ému. « Si tel est ton souhait, tu risques de le voir exaucé sous peu.

    ADWD, Cersei I.

    D’après moi, l’idée ne vient pas du tout du Grand Septon … mais de Kevan lui-même, qui y voit un moyen à la fois d’obtenir la libération de Cersei, tout en lui retirant (imagine-t-il) toute crédibilité politique.

    On se souviendra qu’une Sainteté avait déjà été trainé nu dans les rues de la ville, mais rien ne nous dit qu’il avait été obligé de marcher au milieu de la foule :

    Septon Ollidor se trouvait en passe de l’emporter quand certains de ces moineaux l’ont filé jusqu’à un bordel d’où ils l’ont extirpé puis traîné tout nu dans la rue.

    AFFC, Cersei V.

    Obliger une femme à défiler nue devant les « bonnes gens » d’une ville, ce n’est pas tant une idée de la Foi qu’une idée Lannister : Cersei et Kevan nous raconte tous les deux ce triste épisode.

    Cersei avait un an, à la mort de son grand-père. La première action de son père en accédant au titre avait été d’expulser de Castral Roc la maîtresse de son géniteur, une roturière cupide. On l’avait dépouillée des soieries et des brocarts que lord Tytos lui avait offerts, des joyaux qu’elle s’était appropriés, et on l’avait envoyée, nue, traverser les rues de Port-Lannis, afin que l’Ouest la vît pour ce qu’elle était.
    Bien que trop jeune pour assister elle-même au spectacle, Cersei en grandissant avait entendu les histoires, de la bouche de lavandières et de gardes qui avaient été présents. Ils décrivaient combien la femme avait pleuré et supplié, le désespoir avec lequel elle s’était agrippée à ses vêtements lorsqu’on lui avait commandé de se déshabiller, ses tentatives futiles pour couvrir de ses mains ses seins et son sexe tout en clopinant vers l’exil, pieds nus et dévêtue de par les rues. « L’était coquette et orgueilleuse, avant », lui avait raconté un garde, elle s’en souvenait, « tellement fière, on aurait cru qu’elle avait oublié qu’el’ sortait du ruisseau. Une fois qu’on y a fait tomber ses nippes, bah ! y avait plus qu’une roulure comme les autres. »

    ADWD, Cersei II.

    Mais Kevan lui n’y voit pas qu’un moyen d’égratigner sa fierté, il y voit surtout un moyen de lui retirer tout son pouvoir :

    Dans les dernières années de leur père, après le décès de leur mère, leur géniteur avait pris pour maîtresse l’accorte fille d’un fabricant de chandelles. Qu’un lord veuf s’attachât une roturière pour chaufferette n’était pas chose inouïe… mais lord Tytos ne tarda pas à faire siéger la fille avec lui dans la grande salle, la couvrant de présents et d’honneurs, allant jusqu’à lui demander son avis sur les affaires d’État. En moins d’un an, elle renvoyait les domestiques, donnait des ordres aux chevaliers de sa maison, et parlait même pour Sa Seigneurie quand son époux était indisposé. Elle acquit tant d’influence qu’on répétait dans Port-Lannis que tout homme qui souhaitait faire entendre sa requête devait s’agenouiller devant elle et parler fort dans son giron… car l’oreille de Tytos Lannister se situait entre les cuisses de sa dame. Elle avait même pris coutume de porter les joyaux de leur mère.
    En fait, jusqu’au jour où le cœur du seigneur leur père avait éclaté dans sa poitrine alors qu’il gravissait une volée de marches escarpées montant au lit de la garce. Tous les arrivistes qui s’étaient déclarés amis de celle-ci et avaient cultivé sa faveur la désertèrent bien vite lorsque Tywin la fit mettre nue et promener à travers Port-Lannis jusqu’aux quais, comme une vulgaire putain. Bien qu’aucun homme n’eût posé la main sur elle, cette promenade avait signé la fin de son pouvoir.

    ADWD, Épilogue.

    Ce qui me conforte dans l’idée que Kevan est celui qui a suggéré cette idée, c’est justement tout ce qu’il raconte juste avant de relater cet événement, et l’évocation de sa culpabilité qu’il tente de se refouler en disant que « Tywin aurait compris » et que « Tywin avait agi comme lui » dans le temps :

    Je n’ai aucune raison de me sentir coupable, se répéta ser Kevan. Tywin le comprendrait, assurément. C’est sa fille qui a jeté l’opprobre sur notre nom, et point moi. Ce que j’ai fait, je l’ai fait pour le bien de la maison Lannister.
    Ce n’était pas comme si son frère n’avait jamais agi de même. [Insérez ici la citation précédente.] Assurément, Tywin n’aurait jamais rêvé que le même sort attendît sa propre fille dorée.
    « Il le fallait », murmura ser Kevan face à son restant de vin.

    ADWD, Épilogue.

    Si Kevan avait seulement « laisser faire » comme on le croit, comparerait-il son action à celle de son frère ? Lui-même ne dit pas que l’idée venait du Grand Septon, il me semble … il dit juste qu’il fallait « l’apaiser » :

    « Il le fallait », murmura ser Kevan face à son restant de vin. Il fallait apaiser Sa Sainteté Suprême. Tommen aurait besoin d’avoir la Foi derrière lui dans les batailles à venir. Et Cersei… l’enfant dorée en grandissant était devenue une femme coquette, sotte et cupide. Laissée au pouvoir, elle aurait provoqué la ruine de Tommen, comme elle l’avait fait de Joffrey.

    ADWD, Épilogue.

    Kevan ne dit pas tout : bien sûr, il faut contenter la Foi, et bien sûr, Cersei devait être écartée … Tywin et lui cherchaient à l’évincer depuis au moins ASOS (un remariage forcé, à l’époque). Dans AFFC, après la mort de Tywin, Kevan se retrouve seul face à sa nièce, il tente à nouveau d’obtenir son retrait, mais il ne parvient qu’à se faire congédier, jusqu’à ce qu’on le rappelle comme lord régent. Kevan ne cherche pas seulement à écarter Cersei, il veut la briser, l’empêcher de revenir dans le jeu politique, ce qui lui laisse la place libre et permet au passage de rassurer les Tyrell.

    « Quoi qu’ait pu faire Cersei par ailleurs, elle demeure une fille du Roc, de mon propre sang. Je ne la laisserai pas connaître la mort des traîtres, mais j’ai pris soin de lui retirer ses crochets. Tous ses gardes ont été renvoyés et remplacés par mes propres hommes. En lieu de ses anciennes dames de compagnie, elle sera désormais servie par une septa et trois novices sélectionnées par le Grand Septon. Elle ne doit plus avoir voix au chapitre en ce qui concerne le gouvernement du royaume, ni l’éducation de Tommen. J’ai l’intention de la restituer à Castral Roc après le procès et de veiller à ce qu’elle y demeure. Que cela suffise. »
    Il garda le reste pour lui. Cersei était désormais entachée, son pouvoir rendu à son terme. Du mitron au mendiant, la ville avait assisté à sa honte et, de la traînée au tanneur, de Culpucier l’Anse-Pissat, tous avaient contemplé sa nudité, leurs yeux avides s’attardant sur ses seins, son ventre et ses parties intimes. Aucune reine ne pouvait espérer régner de nouveau, après cela. Vêtue d’or, de soie et d’émeraudes, Cersei avait été une reine, avec les déesses pour seules rivales ; nue, elle n’était plus qu’humaine, une femme qui avançait en âge, avec des vergetures sur le ventre, et des seins qui avaient commencé à s’affaisser… comme les commères dans la foule s’étaient complu à le signaler à leurs époux et amants. Mieux vaut vivre humiliée que de mourir fière, se dit ser Kevan. « Ma nièce ne causera plus de tracas, promit-il à Mace Tyrell. Vous avez ma parole là-dessus, messire. »
    […]
    Jamais elle ne lavera cette tache, malgré toute son énergie à frotter.
    […]
    Nous lui avons coupé les griffes.

    ADWD, Épilogue.

    Sans même parler d’un motif de vengeance plus personnel peut-être …

    « Vous êtes encore en colère contre moi. Je l’entends dans votre voix. Pardonnez-moi, mon oncle. J’ai eu tort de vous jeter mon vin à la tête, mais…
    – Crois-tu que j’ai cure d’une coupe de vin ? Lancel est mon fils, Cersei. Ton propre neveu. Si je suis furieux contre toi, la raison vient de là. Tu aurais dû veiller sur lui, le guider, lui trouver une fille convenable de bonne famille. Et au lieu de ça, tu…

    ADWD, Cersei I.

    Mais comme Kevan ne l’évoque pas dans son chapitre, je lui accorde sur ce point le bénéfice du doute.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #195275
    Oiseleur
    • Patrouilleur Expérimenté
    • Posts : 307

    C’est une possibilité pas du tout improbable que Kevan ait été à l’origine de cette modalité d’expiation pour Cersei.

    À la lecture de Feu et Sang, la fin de Mysaria m’avait évoqué une variante létale de la marche de la honte.

    Lady Mysaria est capturée alors qu’elle tente de fuir, et condamnée par ser Perkin à traverser la ville nue tandis qu’on la fouette. Si elle parvient jusqu’à la porte des Dieux, elle sera libérée. Elle meurt à la moitié du chemin<sup id= »cite_ref-fab.2Cc17_4-0″ class= »reference »></sup>.

    #195298
    Céleste
    • Pas Trouillard
    • Posts : 698

    Pour moi ta démonstration est très convaincante surtout le dernier argument car tout du long je me disais que ça fonctionnait seulement si Kevan était au courant pour Lancel. Parce qu’il lui faut une motivation, là où je l’ai laissé durant la relecture il avait abandonné le roi et les enfant de Tywin, ces derniers n’étant que déceptions à ses yeux et a préféré se recentrer sur sa famille, ses enfants. Le point de bascule pourrait être le refus de Darry par Lancel et sa confession, ainsi que la nomination au poste de Gouverneur de l’Ouest.

    Faut voir à la relecture mais je trouve que ce que tu proposes est très convaincant.

    Je préfère le souffle du dragon à la bave de crapeau et la langue de vipère.

    #199360
    DNDM
    • Fléau des Autres
    • Posts : 2935

    Tiens, je n’avais pas lu cette démonstration concernant Kevan, et c’est en effet plus que convaincant.

    Auteur de "Les mystères du Trône de Fer", tome I, co-auteur du tome 2: https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-les-mots-sont-du-vent/ & https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-2/
    Présentation & autres pub(lications) : www.lagardedenuit.com/forums/sujets/presentation-dndm/

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