Daenerys – Une chute annoncée ?

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    Eridan
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    Il y a un sujet qu’on n’a pas abordé sur ce forum depuis des années : la chute de Daenerys des livres. (Pour le voyage de retour jusqu’à Westeros, c’est dans cet autre sujet ^^)

    Beaucoup d’entre nous se sont mis des œillères pendant longtemps, émerveillés par le miracle des dragons, éblouis par l’image de princesse Disney et le tempérament de feu de Danny … mais la conclusion de la série nous a ramené à une cruelle réalité : le parcours de Daenerys n’est probablement pas celui d’une princesse-guerrière victorieuse, mais plutôt celui d’un tyran qui s’ignore et qui court malgré elle à sa perte en croyant faire le bien. Nous ne voulions pas le voir … pourtant, il y avait de nombreux prémices qui auraient du nous inquiéter, et qui rendent cette chute envisageable (dans les livres … dans la série, ça a juste été mal construit !)

    Je me suis amusé à relever les éléments qui jalonnent le texte et qui constituent selon moi les prémices de sa chute à venir. Outre l’argument sur sa féminité qui joue contre elle (on le sait tous, je ne m’attarde pas dessus), il y a selon moi trois éléments qui vont lui nuire dans sa conquête du pouvoir : son déracinement, sa réputation et sa politique.

    1) Le déracinement : la perpétuelle étrangère

    Dès ses premiers chapitres, la quête de Daenerys se résume facilement : « retourner à la maison » .

    Par pitié, Viserys. par pitié, je ne veux pas, je veux rentrer à la maison.
    A la maison ? » Il continuait à parler tout bas, mais d’un ton vibrant de rage. « Comment rentrerions-nous à la maison, sœurette ? Ils nous l’ont prise, la maison ! »

    AGOT, Daenerys I.

    « Et vous, ser Jorah, quel vœu formez-vous lorsque vous priez ?
    – Rentrer chez moi, soupira-t-il d’un ton mélancolique.
    – Moi aussi », dit-elle, de la meilleure foi du monde.

    AGOT, Daenerys III.

    Mais rapidement, cette notion se teinte d’incertitude : Daenerys ne possède pas vraiment de « chez elle ». Dès l’enfance, elle a été coupée de ses racines et elle ne saurait elle-même définir ce qu’est son « chez elle » .

    Prenez patience, princesse. Ne commettez pas l’erreur de votre frère. Nous rentrerons tôt ou tard chez nous, je vous le garantis. »
    Chez nous ? L’expression la consterna, soudain. Il avait son Ile-aux-Ours, ser Jorah, mais elle, elle ? En quoi consistait son chez soi ? Quelques fables, des noms déclinés avec autant de solennité que les termes d’une prière, le souvenir de plus en plus flou d’une porte rouge… Lui faudrait-il, en définitive, considérer Vaes Dothrak comme sa maison ? à jamais ? et les vieillardes du dosh khaleen comme une préfiguration de son propre avenir ?

    AGOT, Daenerys VI.

    Daenerys évolue, néanmoins au cours de l’intégrale 1 : si dans son premier chapitre, son seul rêve est de retourner à « Braavos » dans la maison à la porte rouge …

    « Un jour, sœurette, nous rentrerons dans tous nos biens », disait-il volontiers. Ses mains, fébriles dès qu’il en parlait… « Bijoux, soieries, Peyredragon et Port-Réal, le Trône de Fer et les Sept Couronnes, tout ce qu’ils nous ont pris, tu verras, tout ! » Il ne vivait que pour ce jour-là. Alors que l’unique vœu de Daenerys était de revenir dans la grosse maison, de revoir la porte rouge et le citronnier, derrière la croisée, de vivre enfin l’enfance dont jusqu’alors l’avait frustrée la vie.

    AGOT, Daenerys I.

    … Après la mort de Viserys, elle reprend à son compte son rêve de reconquérir les Sept Couronnes. Et l’idée de la vengeance n’est malheureusement jamais très loin.

    Si je n’étais le sang du dragon, songea-t-elle avec mélancolie, ceci pourrait être chez moi. Elle était khaleesi, possédait un homme vigoureux, un cheval rapide, des femmes pour la servir, des guerriers pour assurer sa sécurité, une place de choix lui serait, l’âge venu, réservée au sein du dosh khaleen…, et dans son ventre prospérait un fils appelé à enfourcher le monde. De quoi satisfaire la plus exigeante…, mais pas le dragon. Viserys mort, elle était le dernier, le tout dernier. Et, comme l’enfant qu’elle portait, la semence de rois et de conquérants. Elle se devait de ne pas oublier cela.

    AGOT, Daenerys VI.

    – Je veux cingler vers Westeros et lamper le vin de vengeance dans le crâne de l’Usurpateur. » […]
    Un chef-d’oeuvre de larme roula le long de la joue de Xaro Xhoan Daxos. « Rien ne vous détournera-t-il jamais de cette folie ?
    – Rien, affirma-t-elle avec une conviction purement verbale, hélas.

    ACOK, Daenerys III.

    Il paraît toutefois évident que les récits et contes de Viserys lui ont donné une vision idéalisée des Sept Couronnes, qu’elle n’a en définitive jamais vues :

    Elle avait beau n’avoir jamais vu non plus les Sept Couronnes, il lui semblait néanmoins les connaître : Viserys l’en avait tellement bassinée ! Viserys lui avait si souvent promis de l’y ramener !

    AGOT, Daenerys VI.

    Viserys le disait toujours, il n’est rien au monde de si beau que les Sept Couronnes.

    ACOK, Daenerys II.

    Viserys lui avait cent fois conté les tournois auxquels il avait assisté dans les Sept Couronnes, mais ellemême n’avait jamais vu de joute.

    ADWD, Daenerys V.

    Daenerys tente de se convaincre elle-même que les Sept Couronnes sont son royaume, qu’elle s’y sentira chez elle … Ça risque fort de se révéler faux, comme Jorah tente de le lui faire comprendre :

    – Les mercenaires ont leur utilité, convint-il, mais vous ne conquerrez jamais le trône de votre père avec les raclures des cités libres. Rien ne ressoude si promptement un royaume en pièces que la profanation de son sol par des envahisseurs.
    – Mais je suis sa reine légitime ! s’insurgea-t-elle.
    – Vous êtes une étrangère qui se propose de débarquer sur ses rivages avec une armée d’allogènes même pas capables de parler l’idiome commun. Outre qu’ils ne vous connaissent pas, les seigneurs de Westeros ont tout lieu de vous craindre et de se défier de vous. Avant de mettre à la voile, vous devez vous les concilier. Au moins quelques-uns.

    ACOK, Daenerys III.

    On se rend compte à quel point sa prédiction s’avère prophétique dans l’intégrale 5 – ADWD, quand Daenerys prétend régner sur Meereen, sans pour autant y adopter les us et coutumes des Ghiscaris. Elle tente d’être reine d’un peuple qu’elle méconnait et dont les codes et traditions lui paraissent odieux (à nous aussi, d’ailleurs !) … Mais plus elle refuse de se plier à ces codes, plus elle est perçue comme une étrangère par son peuple, comme Galazza Galare le lui explique plusieurs fois :

    Daenerys avait voulu bannir le tokar lorsqu’elle avait pris Meereen, mais ses conseillers l’en avaient dissuadée. « La Mère des Dragons doit revêtir le tokar, sous peine de s’attirer une haine éternelle », l’avait mise en garde la Grâce Verte, Galazza Galare. « Sous les laines de Westeros ou une parure de dentelle myrienne, Votre Radieuse Majesté restera à jamais une étrangère parmi nous, une immigrée monstrueuse, une conquérante barbare. La reine de Meereen se doit d’être une dame de la Ghis ancienne. »

    ADWD, Daenerys I.

    « Je tiens à n’offenser personne, mais il est hors de question que je me présente nue devant la mère et les soeurs d’Hizdahr.
    – Mais, protesta Reznak mo Reznak en battant des paupières, mais il le faut, Votre Splendeur. Avant un mariage, la tradition exige que les femmes de la maison de l’époux examinent le ventre de la promise et, euh… sa féminité. Afin d’avoir la certitude qu’ils sont bien conformés et, euh…
    – … fertiles, acheva Galazza Galare. Un ancien rituel, Votre Splendeur. Trois Grâces seront présentes comme témoins durant l’examen, afin de prononcer les prières convenables.
    […]
    Votre Magnificence, vous ne comprenez pas, protesta Reznak. Le lavage des pieds est consacré par la tradition. Il signifie que vous serez la servante de votre mari. La tenue de mariage elle aussi est chargée de sens. L’épouse est vêtue de voiles rouge sombre, au-dessus d’un tokar de soie blanche, frangé de perles naines. »
    Il ne faudrait pas marier la reine des lapins sans ses longues oreilles. « Toutes ces perles vont s’entrechoquer quand je marcherai.
    – Les perles symbolisent la fertilité. Plus Votre Splendeur portera de perles, et plus elle aura d’enfants sains et vigoureux.
    […]
    « Si nous nous mariions selon le rituel ouestrien…
    – Les dieux de Ghis ne considéreraient pas cela comme une véritable union. » Le visage de Galazza Galare était dissimulé derrière un voile de soie verte. Seules paraissaient ses prunelles, vertes, sages et tristes. « Aux yeux de la cité, vous seriez la concubine du noble Hizdahr, et non sa légitime épouse. Vos enfants seraient des bâtards. Votre Splendeur doit épouser Hizdahr dans le Temple des Grâces, en présence de toute la noblesse de Meereen, afin de témoigner de votre union. »

    ADWD, Daenerys VI.

    Pour régner sur Meereen, je dois gagner à moi les Meereeniens, malgré tout le mépris qu’ils m’inspirent.

    ADWD, Daenerys I.

    Ce n’est pas nouveau : Daenerys est un personnage qui en apparence sait s’adapter aux peuples qu’elle fréquente (elle s’habille en Dothrakie, puis en Qarthienne, puis sous la contrainte en Meereenienne), mais dans le fond, elle ne parvient pas à adopter tous les us et coutumes des sociétés dans lesquelles elle évolue : elle s’oppose aux traditions de viols et d’esclavage des Dothrakis dans l’intégrale 1 AGOT, par exemple, en sauvant les Lhazaréennes dont Mirri Maz Duur.

    GRRM disait qu’il y avait des leçons Feu et Sang qui seraient bénéfiques à Daenerys. Or justement dans ce livre, on apprend qu’Aegon Targaryen et ses sœurs n’avaient pas entamé leur Conquête en arrivant comme de parfaits étrangers : ils s’étaient de longue date intéressés aux Sept Couronnes.

    Un mythe répandu, souvent entendu chez les ignorants, prétend qu’Aegon Targaryen n’avait jamais posé le pied en Westeros avant le jour où il prit la mer pour le conquérir, mais cela ne peut être la vérité. Des années avant cet embarquement, on avait sculpté et décoré la Table peinte sur l’ordre de lord Aegon ; une massive dalle de bois, de quelque cinquante pieds de long, taillée selon les contours de Westeros, et peinte pour exposer tous les fleuves et les forêts, les villes et les châteaux des Sept Couronnes. Clairement, l’intérêt d’Aegon pour Westeros précédait largement les événements qui le conduisirent à la guerre. De même, il existe des relations fiables de visites par Aegon et sa soeur Visenya dans leur jeunesse à la Citadelle de Villevieille, et de chasse au faucon à La Treille, comme invités de lord Redwyne. Il se peut qu’il ait également visité Port-Lannis ; les témoignages divergent.

    Feu et Sang, La Conquête d’Aegon.

    Par ailleurs, dans leur manière d’aborder leur nouveau peuple, Aegon et ses sœurs semblent avoir adopté les us et coutumes ouestriennes, ou en tout cas, c’est ce qu’ils ont prétendu :

    Lord Aegon et ses soeurs tinrent conseil avec eux et visitèrent le septuaire du château pour prier également les Sept de Westeros, bien qu’on ne l’ait jamais encore tenu pour un homme pieux.
    […]
    Les bannières héraldiques étaient de tradition depuis longtemps parmi les seigneurs de Westeros, mais jamais jusque-là chez les seigneurs dragons de Valyria. Lorsque les chevaliers d’Aegon déployèrent son vaste étendard de bataille en soie, avec un dragon rouge à trois têtes crachant le feu sur champ noir, les seigneurs virent en cela un signe qu’il était désormais des leurs, un grand roi digne de Westeros.

    Feu et Sang, La Conquête d’Aegon.

    A l’heure actuelle, on ignore encore qui Daenerys emmènera avec elle à Westeros … La présence de ser Barristan Selmy (s’il est toujours vivant à ce moment-là) pourrait rassurer certains Ouestriens … Pour autant, le gros de la troupe devrait être composé de Dothrakis, d’Immaculés et d’affranchis de cent pays. Autant le dire : une armée d’étrangers avec à leur tête une reine étrangère … Cela n’augure pas d’un bon accueil, d’autant que le peu que les Sept Couronnes savent sur Daenerys risque également de jouer contre elle.

    2) La réputation : la fille de son père

    Le lecteur est tenté d’évacuer cet argument : Daenerys n’a rien à voir avec Aerys, elle n’est pas folle comme pouvait l’être Aerys II. Nous le savons, nous le lisons à travers ses chapitres … D’ailleurs, si on pouvait en douter, on a un personnage bien informé qui pose le problème et vient nous le confirmer.

    « Vous avez protégé mon père bien des années, vous avez combattu aux côtés de mon frère au Trident, mais vous avez préféré abandonner Viserys à son exil et ployer le genou devant l’Usurpateur. Pourquoi ? Et dites-moi la vérité, cette fois.
    – Il est des vérités dures à entendre. […] dès sa tendre enfance, votre frère Viserys s’était souvent montré le fils de son père, ce qui, dans un sens, n’avait jamais été le cas de Rhaegar. […] Je vous ai dit, avant, que j’utilisais un faux nom pour empêcher les Lannister d’apprendre que je vous avais rejointe. C’était vous taire plus de la moitié des choses, Votre Grâce. La vérité pleine et entière est que je voulais vous étudier à loisir avant de vous engager mon épée. M’assurer que vous n’étiez pas…
    – … la fille de mon père ? » Si elle n’était pas la fille de son père, qui était-elle donc ?
    « … folle, acheva-t-il. Mais je ne discerne aucune tare en vous.

    ASOS, Daenerys VI.

    Nous voilà rassurés, Daenerys n’est pas folle ! Sauf que ce n’est pas le lecteur qu’il faudrait rassurer, c’est la population de Westeros ! Barristan a pris le temps d’observer Daenerys avant d’émettre cet avis, or, la plupart des Ouestriens n’auront pas la chance de pouvoir la rencontrer en personne et d’apprécier sa personnalité avant son arrivée dans les Sept Couronnes. Ils ne pourront se fier qu’aux rumeurs qui courent sur elle, qu’à sa réputation. On le sait, une réputation, ça vous colle à la peau : voilà pourquoi Jaime Lannister sera toujours le Régicide sans honneur et pourquoi Eddard Stark passera toujours pour l’homme qui ne ment pas … Le lecteur a beau savoir que la réalité est plus nuancée, les personnages ne voient pas beaucoup plus loin que ça.

    Or justement, quelle est la réputation de Daenerys ? A Westeros, pour le moment, les bruits qui courent sur elle ne sont pas encore trop mauvais, il s’agit surtout de bruits sur la renaissance des dragons. Ces contes suscitent surtout espoirs et rêves. Ils ont déjà attiré plusieurs personnages auprès de Daenerys. Quaithe l’avait averti dès l’intégrale 2 :

    « Méfie-toi, souffla-t-elle sous son masque de laque rouge.
    – De qui ?
    – De tous. Ils viendront nuit et jour voir les prodiges renés au monde, et cette vue déchaînera leur convoitise. Car les dragons sont le feu fait chair, et pouvoir et feu ne font qu’un. »

    ACOK, Daenerys II.

    Et effectivement. Dans l’intégrale 4 (AFFC), plusieurs personnages ouestriens finissent par entendre parler des dragons, et les convoitent : Euron et Victarion pour conquérir Westeros, Aemon et Marwyn pour accomplir la prophétie du prince qui fut promis, Tyrion pour se venger de sa famille, les exilés ouestriens (Faegon, Connington et Compagnie Dorée) pour revenir dans les Sept Couronnes.

    Le petit peuple n’a pas encore beaucoup entendu parler de Daenerys et se souvient manifestement mal d’elle :

    Ses camarades buveurs discutaient de dragons, à présent. « T’es complètement cinglé, jeta un barreur de la Cavalière des Tornades . Le Roi Gueux est mort depuis des années. Un seigneur du ch’val dothraki lui a tranché la tête.
    […]
    Le vieil homme fit la grimace. « Le prince Viserys était pas le seul dragon, si ? On est sûr qu’y’ z’ ont tué le fils du prince Rhaegar ? C’était un nourrisson.
    – Y avait pas une princesse, aussi ? »
    « Deux, répondit le vieux. La fille de Rhaegar, et pis l’autre, sa sœur.
    – Daena, précisa l’homme du fleuve. C’était la soeur, ça. Daena de Peyredragon. Ou Daera, non ?
    […]
    – Daenela, intervint bruyamment le tenancier. C’est ça, son nom. La fille du Roi Fou, j’ veux dire, pas c’te foutre de femme de Baelor.
    – Daenerys, dit Davos. On lui a donné le nom de Daenerys, qui avait épousé le prince de Dorne durant le règne de Daeron II. Je me demande ce qu’elle est devenue.

    ADWD, Davos II.

    D’autres personnages, un peu mieux informés, vont même jusqu’à émettre des sentiments pro-Targaryen quand ils l’évoquent.

    « Ils [les marins] sont unanimes à parler de dragons, ainsi que d’une jeune reine belle à couper le souffle. »
    […]
    Du reste, tous les Targaryens sont morts.
    – Tous, non, riposta Alleras. Le roi Mendigot avait une soeur.
    – Mais je croyais qu’on lui avait fracassé le crâne contre un mur, souffla Roone.
    – Nenni, fit Alleras. C’est celui du jeune fils du prince Rhaegar, Aegon, que les valeureux guerriers du lion Lannister écrabouillèrent contre le mur. Nous parlons, nous, de la soeur de Rhaegar, de la petite fille née à Peyredragon avant la chute de l’île et qu’on baptisa Daenerys.
    – La Typhon-née. Je me la rappelle, à présent. » Mollander brandit si brusquement sa chope à bout de bras que ce qu’il y restait de cidre au fond rejaillit en éclaboussures. « A la sienne ! […] Notre légitime reine mérite une nouvelle tournée de cidre, pas votre avis à vous, dites ? »
    […]
    « Le métis ne se trompe pas. La fille d’Aerys le Fol est toujours vivante, et c’est trois dragons qu’elle s’est couvés. […] Chaque homme débarqué de chacun des bateaux qui cinglait à moins de cent lieues de Quarth évoque ces dragons. Quelques-uns d’entre eux vous confieront même qu’ils les ont vus de leurs propres yeux. Le Mage tend à les en croire. »

    AFFC, Prologue.

    Mais il y a des signaux plus inquiétants, notamment du côté de ceux qui devraient être ses alliés naturels.

    Spoiler:
    Les Dorniens sont inquiets des bruits qu’ils ont entendu, notamment concernant la mort de Viserys :

    « He was killed by a Dothraki khal, » said Arianne. « The dragon queen’s own husband. »
    « So I’ve heard. What of it? »
    « Just… why did Daenerys let it happen? Viserys was her brother. All that remained of her own blood. »
    « The Dothraki are a savage folk. Who can know why they kill? Perhaps Viserys wiped his arse with the wrong hand. »
    Perhaps, thought Arianne, or perhaps Daenerys realized that once her brother was crowned and wed to me, she would be doomed to spend the rest of her life sleeping in a tent and smelling like a horse. « She is the Mad King’s daughter, » the princess said. « How do we do know–« 

    TWOW, Arianne I.

    Proposition de traduction :

    « Il [Viserys] a été tué par un khal dothraki, dit Arianne. Le propre mari de la reine dragon.
    – Je l’ai entendu dire. Et alors ?
    – Et bien … Pourquoi Daenerys a-t-elle laissé ceci se produire ? Viserys était son frère. Il était tout ce qui restait de son sang.
    – Les Dothrakis sont un peuple sauvage. Qui peut savoir pourquoi ils tuent ? Peut-être que Viserys a essuyé ses fesses avec la mauvaise main.  »
    Peut-être, songea Arianne, ou peut-être que Daenerys a réalisé qu’une fois son frère couronné et marié avec moi, elle serait condamnée à passer le reste de sa vie à dormir sous une tente et à sentir le cheval. « Elle est la fille du Roi Fou, dit la princesse. Comment pourrions nous être sûrs … »

    Un autre événement tragique risque de ternir la bonne entente de Daenerys avec les Dorniens : c’est le sort de Quentyn Martell, tué (ou blessé / brulé) par un dragon à Meereen … Bien qu’elle ne soit ni présente, ni coupable, les personnages sont prompts à la tenir pour responsable :

    « Je lui ai dit que c’était une folie. Je l’ai supplié de rentrer chez nous. Votre garce de reine n’avait rien à faire de lui, tout le monde le voyait. Il a traversé le monde pour offrir son amour et sa féauté, et elle lui a ri au nez.
    – Elle n’a jamais ri, répondit Selmy. Si vous la connaissiez, vous le sauriez.
    – Elle l’a repoussé. Il a offert son coeur, et elle le lui a rejeté et s’en est allée baiser avec son épée-louée.

    ADWD, La Main de la reine.

    Sans compter que si les Martell se rallient à Faegon, Daenerys risque d’avoir du mal à trouver sa place au milieu de cette alliance …

    Quant à ses adversaires, peu importe pour eux la réalité ; ils l’accuseront de folie de toute façon :

    « Nous recevons des histoires qui nous arrivent d’orient également. Une seconde Targaryen, et une dont nul ne peut disputer le sang. Daenerys Typhon-Née.
    – Aussi folle que son père », déclara lord Mace Tyrell.
    Ce père que, si je ne m’abuse, Hautjardin et la maison Tyrell ont soutenu jusqu’à l’extrême fin et au-delà. « Folle, il se peut, déclara ser Kevan, mais si tant de fumée dérive jusqu’à l’ouest, il doit assurément y avoir quelque feu qui brûle à l’est. »
    Le Grand Mestre Pycelle dodelina du chef. « Des dragons. Les mêmes histoires sont parvenues à Villevieille. Trop nombreuses pour qu’on les balaie. Une reine aux cheveux d’argent, avec trois dragons.
    – À l’autre bout du monde, contra Mace Tyrell. Reine de la baie des Serfs, certes. Grand bien lui fasse.
    – Sur ce point, nous pouvons partager le même avis, reconnut ser Kevan, mais la fille est du sang d’Aegon le Conquérant, et je ne pense pas qu’elle se contentera de rester éternellement à Meereen. Si elle devait atteindre ces côtes et unir ses forces à celles de lord Connington et de son prince, prétendu ou pas… Nous devons détruire Connington et son prétendant tout de suite, avant que Daenerys Typhon-Née puisse venir à l’ouest. »

    ADWD, Epilogue.

    Pour le moment, c’est un tableau assez neutre qui émerge … Mais il pourrait s’assombrir très rapidement : les rumeurs colportées par les ennemis de Daenerys risquent d’entacher sa réputation rapidement. Pendant tout ADWD – l’intégrale 5, des PoVs vont nous révéler les bruits que les ennemis de Daenerys font courir sur elle en Essos. Certaines sont caricaturales, pour ne pas dire bouffonnes … Il n’empêche ! Daenerys s’est attirée une réputation catastrophique à Qarth et dans la baie des Serfs, et cette réputation se répand :

    « Si la moitié seulement des histoires qui reviennent de la baie des Serfs sont vraies, l’enfant en question est un monstre. On la dit altérée de sang, et ceux qui la contredisent sont empalés sur des pieux pour y périr de mort lente. On la dit sorcière qui nourrit ses dragons de la chair des nouveaunés, parjure qui se rit des dieux, viole les trêves, menace les émissaires et se retourne contre ceux qui l’ont loyalement servie. On dit qu’on ne peut point étancher sa luxure, qu’elle s’accouple avec hommes, femmes, eunuques et même chiens et enfants, et malheur à eunuques et même chiens et enfants, et malheur à l’amant qui échoue à la satisfaire. Elle offre son corps aux hommes afin de réduire leur âme en captivité. »

    ADWD, Tyrion VI.

    Plus Quentyn entendait parler de Daenerys Targaryen et plus il appréhendait leur rencontre. Les Yunkaïis soutenaient qu’elle nourrissait ses dragons de chair humaine et se baignait dans le sang des vierges pour entretenir la souplesse et le satin de sa peau. Fayots en riait, mais il raffolait des anecdotes sur les appétits sexuels de la reine d’argent. « Un de ses capitaines descend d’une lignée où les hommes ont une anguille d’un pied de long, leur raconta-t-il, mais même lui, il est pas assez épais pour elle. Elle a vécu parmi les Dothrakis où elle a pris l’habitude de se faire fourbir par des étalons, si bien qu’aucun homme peut plus la satisfaire, désormais. » Et Bouquine, l’habile reître volantain qui semblait avoir en permanence le nez plongé dans un rouleau friable, jugeait la reine dragon aussi meurtrière que folle. « Son khal a tué son frère pour la faire reine. Ensuite, elle a tué son khal pour devenir khaleesi. Elle pratique des sacrifices sanglants, elle ment comme elle respire, elle se retourne contre les siens par caprice. Elle a violé des trêves, torturé des ambassadeurs… Son père était fou, lui aussi. Ça se transmet par le sang. »
    Ça se transmet par le sang. Oui, le roi Aerys II était fou, tout Westeros le savait. Il avait banni deux de ses Mains et condamné au bûcher une troisième. Si Daenerys est aussi meurtrière que son père, dois-je l’épouser quand même ? Le prince Doran n’avait jamais abordé cette éventualité.

    ADWD, l’Erre-aux-vents.

    Au-delà même des simples rumeurs, il faut reconnaître que son bilan n’est pas brillant : Daenerys a sauvé Mirri Maz Duur qui l’a trahie. Elle s’est attirée l’inimitié des dirigeants de la ville de Qarth, qui l’ont chassée. Elle a renversé les Bontés d’Astapor et mis en place un conseil de gouvernance en quittant la ville, mais la cité a sombré dans le chaos et l’anarchie aussitôt après son départ. Elle a laissé intacts les Judicieux de Yunkaï, qui depuis se sont retournés contre elle et lui ont fait la guerre. Elle a massacré les Grands Maîtres de Meereen, a tenté de régner sur la cité au prix de nombreux compromis, sans parvenir à y établir une paix durable … Là où Daenerys passe, le sang et la guerre se répandent.

    Gérer sa communication, c’est important … Soigner sa réputation, contrôler la manière dont les gens parlent de vous, c’est encore une leçon qui revient plusieurs fois dans Feu et Sang et dont Daenerys devrait s’inspirer :

    La reine Rhaenys était une grande bienfaitrice des bardes et des rhapsodes des Sept Couronnes, faisant pleuvoir l’or et les présents sur ceux qui lui plaisaient. Bien que la reine Visenya estimât sa soeur frivole, il y avait là une sagesse qui dépassait le seul amour de la musique. Car les rhapsodes du royaume, dans leur empressement à remporter la faveur de la reine, composaient nombre de ballades à la louange de la maison Targaryen et du roi Aegon, qu’ils partaient ensuite chanter dans chaque donjon, château et pré communal, des Marches de Dorne jusqu’au Mur. Ainsi la gloire de la Conquête fut-elle proclamée aux gens simples, tandis qu’Aegon le Dragon devenait pour sa part un roi héros.

    Feu et Sang : Le Dragon avait trois têtes. Le gouvernement sous le roi Aegon Ier.

    [Jaehaerys] n’était pas homme à s’en remettre au hasard. « Les mots sont du vent, dit-il à son conseil, mais le vent peut attiser un incendie. Mon père et mon oncle ont combattu les mots par l’acier et les flammes. Nous combattrons les mots par les mots, et nous éteindrons l’incendie avant qu’il ne commence. » Ce que disant, Sa Grâce envoya non pas des chevaliers et des hommes d’armes, mais des prêcheurs. « Parlez à tous ceux que vous rencontrerez de la bonté
    d’Alysanne, de sa nature tendre et douce, et de son amour pour tous les habitants de notre royaume, grands et petits », leur donna pour mission le roi.
    Sept partirent sur son ordre ; […] Au cours de leurs périples à travers le royaume, les Sept Orateurs parlaient de la reine Alysanne, de sa piété, de sa générosité et de son aimé, le roi son frère… […]
    Ici intervient un dilemme auquel doit faire face toute personne qui étudie l’histoire. Lorsque nous considérons rétrospectivement les événements qui sont arrivés en des années révolues, nous pouvons dire : c’est ceci, cela, ceci encore qui ont été les causes de ce qui s’est passé. En regardant ce qui ne s’est pas passé, en revanche, nous ne disposons que d’hypothèses. Nous savons qu’en 51, le royaume ne s’est pas soulevé contre le roi Jaehaerys et la reine Alysanne, comme il l’avait fait dix ans plus tôt contre Aegon et Rhaena. Le pourquoi de la chose est nettement moins certain. Le silence du Grand Septon fut éloquent, sans aucun doute, et les seigneurs autant que le peuple étaient las de la guerre… mais si les mots ont un pouvoir, qu’ils soient ou non du vent, assurément les Sept Orateurs ont eux aussi joué un rôle.

    Feu et Sang : Le temps de la mise à l’épreuve. La refonte du royaume.

    Une fois de plus, l’accueil des Ouestriens risque de ne pas lui être totalement favorable. Mais au-delà du simple accueil qui lui sera fait à son arrivée, c’est aussi sa manière de régner qui risque de lui attirer la haine de ses sujets.

    3) La politique : l’idéalisme radicalisé

    Une fois parvenue à Qarth, Daenerys prend le temps de penser à la politique qu’elle souhaite mener en temps que souveraine :

    Or, elle ne souhaitait nullement réduire Port-Réal en ruines calcinées que hanteraient des spectres inconsolables. Elle s’était assez abreuvée de larmes. Mon royaume, je veux l’embellir, je le veux peuplé d’hommes florissants, de jolies filles et d’enfants rieurs. Je veux voir mon peuple sourire sur mon passage comme, à entendre Viserys, il souriait sur celui de Père.

    ACOK, Daenerys II.

    La pensée politique de Daenerys est pleine de bons sentiments ; elle veut rendre le monde meilleur. Mais meilleur pour les uns signifie toujours pire pour les autres, n’est-ce pas ? ^^ Et c’est le problème de Daenerys : elle est idéaliste dans un monde qui n’est pas idéal. Martin ne se prive pas de la confronter à la dure réalité ! La fin de l’esclavage a un prix que son propre peuple doit payer :

    – Meereen est une cité libre habitée par des hommes libres.
    – Une cité pauvre qui jadis fut riche. Une cité affamée qui jadis fut grasse. Une cité sanglante qui jadis fut paisible. »

    ADWD, Daenerys III.

    A Meereen, Daenerys est confrontée à l’exercice difficile de la royauté, et elle découvre que « son peuple » est composé de gens divers et variés, aux intérêts contradictoires et que contenter les uns signifie toujours mécontenter les autres. Petit à petit, elle est contrainte de céder du terrain, de renoncer à son idéalisme et de faire ce que doivent faire tous les gouvernants : des conciliations, des compromis. Autant de renoncements, autant de crève-cœurs … mais qui sont nécessaires pour obtenir la paix et la pérennité de son règne.

    Or Daenerys est tentée plusieurs fois par l’utilisation aveugle de la violence. Elle aime les coups d’éclats, la vengeance, le sang et le feu : elle avait déjà brûlé Mirri Maz Duur pour la punir de ce qu’elle lui avait fait (intégrale 1). Elle brûle ensuite les Non-mourants pour se protéger d’eux (intégrale 2). Elle trahit ses partenaires commerciaux en tuant les hommes qui lui ont vendu ses Immaculés et en mettant à sac Astapor (intégrale 3, Daenerys III), elle s’amuse à terrifier un émissaire de Yunkaï avec son dragon pour s’amuser (intégrale 3, Daenerys IV) et plus grave sans doute, sa conception de la justice pour les enfants crucifiés : confrontée à la cruauté des Grands Maîtres de Meereen qui ont fait cloué cent-soixante-trois enfants esclaves sur chaque miles qui sépare Yunkaï de Meereen, Daenerys rend justice :

    « Je veux vos meneurs, leur annonça-t-elle. Livrez-les, j’épargnerai tous ceux d’entre vous qui n’ont été que leurs acolytes.
    – Combien ? demanda une vieille entre deux sanglots. Combien vous en faut-il pour nous épargner ?
    – Cent soixante-trois », répondit-elle.
    Et elle les avait fait clouer sur des poteaux de bois tout autour de la plaza, chacun d’eux pointant le doigt vers le suivant. Une rage implacable bouillonnait en elle lorsqu’elle en avait donné l’ordre, une rage qui lui donnait l’impression d’être un dragon vengeur. Mais, plus tard, la vue de leur agonie sur les poteaux, quand elle passait par là, leurs gémissements qui vous écorchaient l’oreille, l’odeur de tripes et de sang qui vous…
    Elle écarta le miroir en fronçant les sourcils. C’était juste. Oui, juste. Je le devais. Pour ces enfants.

    ASOS, Daenerys VI.

    On pourrait discuter pendant des heures pour savoir si ce choix est juste ou non, qu’on n’arriverait sûrement pas à un consensus. Ce qui est indiscutable, c’est que ce choix est violent, et qu’il frappe en plus l’aristocratie meereenienne, en l’humiliant. Et pour quel résultat ? Dès l’intégrale suivante, la vanité de la mesure nous apparaît clairement :

    Elle n’avait pas oublié les enfants esclaves que les Grands Maîtres avaient cloués le long de la route de Yunkaï. Il y en avait eu cent soixante-trois, un enfant tous les milles, cloués aux poteaux milliaires, un bras tendu pour lui indiquer le chemin. Après la chute de Meereen, Daenerys avait fait clouer un nombre identique de Grands Maîtres. Des nuées de mouches avaient présidé à leur lente agonie, et la puanteur avait longtemps subsisté sur la plaza. Pourtant, certains jours, elle craignait de n’être point allée assez loin. Sournois, entêtés, ces Meereeniens lui résistaient à chaque pas. Oh, certes, ils avaient affranchi leurs esclaves… Mais pour aussitôt les engager de nouveau comme serviteurs, pour de si piètres salaires que la plupart avaient à peine les moyens de manger. Ceux qui étaient trop vieux ou trop jeunes pour avoir une utilité avaient été jetés à la rue, en même temps que les infirmes et les estropiés. Et les Grands Maîtres continuaient de se réunir au sommet de leurs pyramides altières pour se lamenter sur la reine dragon qui avait empli leur noble cité de hordes de mendiants crasseux, de voleurs et de traînées.

    ADWD, Daenerys I.

    Par ailleurs, cette manière de traiter les anciens esclavagistes lui a juste attiré la haine des survivants, comme c’est rapporté dans le même chapitre. Les blessures qu’elle a ouvertes me rappellent d’ailleurs cet échange entre Jaime et Hoster Nerbosc :

    Les anciennes blessures ne guérissent jamais, affirme mon père.
    – Mon père aussi avait une maxime. Jamais ne blesse un adversaire que tu peux tuer. Les morts ne crient pas vengeance.
    – Leurs fils, si, remarqua Hoster sur un ton désolé.
    – Pas si tu tues également les fils.

    ADWD, Jaime I.

    La violence est une spirale, et Daenerys n’est sans doute pas la bonne personne pour la briser. C’est pourtant une autre des leçons qu’elle aurait pu apprendre de Feu et Sang : l’utilisation abusive et systématique des dragons, de la violence et de l’humiliation comme le fait Maegor le Cruel permet seulement d’aggraver la haine que l’on vous porte secrètement jusqu’à votre chute ; c’est au contraire l’utilisation subtile de la force qui permet de concilier son peuple et de régner longuement, à l’image de Jaehaerys.

    Face à sa fureur se tenait lord Rogar Baratheon, Main du Roi et Protecteur du Royaume. Si sa seigneurie confirmait que les hommes de Maegor méritaient assurément punition, il faisait observer que s’ils exécutaient leurs captifs, les derniers partisans de l’usurpateur ne seraient pas enclins à ployer le genou. Lord Rogar n’aurait d’autre choix que de marcher sur leurs châteaux un par un et d’extirper chaque homme de sa forteresse comme un bigorneau, par l’acier et le feu. « Cela peut se faire, mais à quel prix ? demanda-t-il. L’affaire serait sanglante, et pourrait endurcir les coeurs contre nous. » Que les hommes de Maegor soient jugés et confessent leur trahison, insista le Protecteur. Ceux qui seraient convaincus des pires crimes pourraient être mis à mort ; quant au reste, qu’ils fournissent des otages pour garantir leur loyauté à venir, et cèdent une partie de leurs terres et châteaux.
    La sagesse de lord Rogar était claire pour la plupart des autres partisans du jeune roi, pourtant ses vues n’auraient peut-être pas prévalu si Jaehaerys lui-même n’y avait pas prêté la main. Bien qu’il n’eût que quatorze ans, l’enfant-roi prouva d’emblée qu’il ne se contenterait pas de rester docilement assis tandis que d’autres régnaient en son nom. Avec son mestre, sa soeur Alysanne et une poignée de jeunes chevaliers à ses côtés, Jaehaerys monta sur le trône de fer et fit venir ses seigneurs pour l’écouter. « Il n’y aura ni procès, ni tortures, ni exécutions, leur annonça-t-il. Le royaume doit constater que je ne suis pas mon oncle. Je n’entamerai pas mon règne par un bain de sang. Certains ont accouru tôt sous mes bannières, d’autres tard. Que vienne le reste, maintenant. »
    […]
    Durant les jours suivants, on vida les cachots de Port-Réal. Après avoir reçu à boire, à manger et des vêtements propres, les captifs furent escortés jusqu’à la salle du trône par groupes de sept. Là, sous les yeux des dieux et des hommes, ils renoncèrent à leur allégeance à Maegor et firent à genoux hommage à son neveu Jaehaerys, après quoi le jeune roi pria chacun de se relever, lui accorda son pardon et lui restitua ses terres et ses titres. Il ne faut pas croire que les accusés s’en tirèrent sans châtiment, cependant. Seigneurs et chevaliers pareillement furent forcés d’envoyer un fils à la cour pour servir le roi et tenir une fonction d’otage ; pour ceux qui n’avaient pas de fils, on exigea une fille. Les plus riches des seigneurs de Maegor cédèrent également certaines terres, Tourelles, Sombrelyn et Staunton, entre autres. D’autres payèrent leur pardon avec de l’or.

    Feu et Sang, Du prince au roi. L’ascension de Jaehaerys Ier.

    « Le roi connaissait bien l’orgueil de sa seigneurie [Rogar Baratheon]. Sa Grâce n’avait nul désir de le blesser encore en le forçant à s’humilier devant la cour tout entière. »
    […]
    « Je sais ce que vous avez fait, ce que vous avez déclaré, ce que vous envisagiez. […] Certains nous disent ennemis. Je préfère nous considérer comme des amis dont les avis ont divergé. »
    […]
    Puis il [Rogar] demanda si le roi exigerait des otages, en garantie contre sa loyauté à l’avenir. Trois de ses frères avaient de jeunes enfants qu’on pouvait envoyer à la cour, fit-il observer.
    En réponse, le roi Jaehaerys descendit du trône de fer et pria lord Rogar de le suivre. Il conduisit sa seigneurie de la salle à la cour intérieure où l’on nourrissait Vermithor. Un taureau avait été abattu pour son repas du matin et il gisait sur les pierres, calciné et fumant, car les dragons brûlent toujours leur viande avant de la consommer. Vermithor se repaissait de la chair, déchirant à chaque bouchée d’énormes morceaux de viande. Mais quand le roi approcha avec lord Rogar, le dragon leva la tête et les considéra avec des yeux semblables à des flaques de bronze en fusion. « Il croît chaque jour davantage, révéla Jaehaerys en grattant le grand dragon sous la mâchoire. Gardez vos nièces et vos ne veux, messire. Quel besoin aurais-je d’otages ? J’ai votre parole, c’est tout ce que je demande. » Mais le Grand Mestre Benifer entendit les paroles qu’il ne prononça pas : « Tout homme, toute femme et tout enfant des Terres de l’Orage sont mes otages, tant que je le chevaucherai, disait Sa Grâce sans l’exprimer, écrivit Benifer, et lord Rogar le comprit clairement. »

    Feu et Sang, Le temps de la mise à l’épreuve. La refonte du royaume.

    Où allons-nous avec ça ? Et bien la situation vécue par Daenerys dans la baie des Serfs pourrait parfaitement se reproduire à Westeros.

    Pour commencer, les chapitres de Tyrion sont moins caricaturaux que ceux de Daenerys sur la question : elle ne percevait et ne rapportait que les aspects les plus horrifiques de l’esclavage ; au contraire, Tyrion nous dit que la vie des esclaves est finalement assez comparable à celle des petites gens à Westeros :

    L’aspect le plus insidieux de la captivité tenait à la facilité avec laquelle on s’y accoutumait. L’existence de la plupart des esclaves ne différait pas tant de celle d’un serviteur à Castral Roc, lui semblait-il. Certes, certains propriétaires d’esclaves et leurs surveillants étaient brutaux et cruels, mais il en allait de même avec quelques seigneurs ouestriens, leurs intendants et leurs baillis. La plupart des Yunkaïis traitaient leur cheptel assez correctement, du moins tant que celui-ci accomplissait ses tâches et ne causait pas de problèmes… et ce vieillard avec son collier rouillé et sa loyauté farouche envers lord Ballotte-bajoues, son propriétaire, n’avait rien d’exceptionnel.

    ADWD, Tyrion XI.

    Les esclaves de Yezzan mangeaient mieux que beaucoup de paysans des Sept Couronnes et avaient moins de chance de crever de faim, l’hiver venu. Les esclaves étaient du bétail, certes. On pouvait les acheter et les vendre, les fouetter et les marquer au fer, les utiliser pour le plaisir charnel de leur propriétaire, les élever pour produire de nouveaux esclaves. En ce sens, ils ne valaient pas mieux que des chiens ou des chevaux. Mais la plupart des seigneurs traitaient assez correctement leurs chiens et leurs chevaux.

    ADWD, Tyrion XII.

    Il convient toutefois de garder un certain recul avec les propos de Tyrion : lui-même n’a qu’une expérience très réduite de l’esclavage, Daenerys a subi bien pire que lui en étant perçue comme une marchandise qu’on pouvait vendre à un khal pour s’obtenir un royaume … Toutefois, les propos de Tyrion soulève un doute : tout comme elle s’est émue du sort des esclaves, Daenerys ne risque-t-elle pas de s’émouvoir du sort des petites gens de Westeros ? Briser les chaînes, ça peut aussi s’appliquer aux roturiers et à leurs seigneurs et maîtres ouestriens. Dans ce cas, elle risque fort de s’aliéner la noblesse traditionnelle.

    Au-delà des considérations purement philosophico-politique, il y a une autre raison qui pourrait amener Daenerys à se mettre à dos de potentiels alliés : elle a une dette de sang à faire payer à la noblesse des Sept Couronnes, comme elle voulait faire payer les Grands Maîtres pour les enfants crucifiés.

    Et il est un certain nombre de chiens dont vous souhaitez la mort, si ma mémoire est bonne. »
    Les chiens de l’Usurpateur. « Oui. »

    ASOS, Daenerys II.

    Ces fameux chiens de l’Usurpateur, ce sont Ned, Tywin et Jaime. Dans sa tête, Daenerys les associe toujours les uns aux autres et les juge tous trois responsables de toutes les exactions commises lors du sac de Port-Réal. Plusieurs fois, certains personnages tentent de lui faire comprendre que ces trois personnages ne se valent pas ; plusieurs fois, elle reste sourde à leurs propos.

    – Félon, Ned Stark ? renifla Mormont, c’est invraisemblable ! Le Long Eté sera de retour avant que ce bougre-là ne s’abaisse à ternir son précieux honneur…
    – De quel honneur se targuerait-il ? lança Daenerys. Il a trahi son véritable roi, tout comme ces Lannister ! »

    ACOK, Daenerys II.

    – Stark était un traître qui a connu la fin des traîtres.
    – Votre Grâce, répondit Selmy, Eddard Stark a joué un rôle dans la chute de votre père, mais il n’avait à votre encontre aucune malveillance. Quand Varys l’eunuque nous a appris que vous portiez un enfant, Robert a voulu votre mort, mais lord Stark s’y est opposé. Plutôt que de tolérer un meurtre d’enfant, il a mis Robert en demeure de se trouver une autre Main.
    – Avez-vous oublié la princesse Rhaenys et le prince Aegon ?
    – Nullement. C’était là l’oeuvre des Lannister, Votre Grâce.
    – Lannister ou Stark, quelle différence ? Viserys les appelait les chiens de l’Usurpateur. Si un enfant est assailli par une meute de chiens, que lui importe de savoir lequel l’égorge de ses crocs ? Tous les chiens sont également coupables. La culpabilité… »

    ADWD, Daenerys II.

    Daenerys est capable de s’aveugler, de manquer de discernement, d’être cruelle. Tant que ça ne concerne que les Meereeniens, le lecteur lui pardonne : ils sont tellement méchants, tellement affreux, tellement « étrangers » à nos yeux, et même si elle applique une loi du talion cruelle, les atrocités commises pouvaient nous donner le sentiment que cette violence était juste et salvatrice. Mais saurons-nous supporter qu’elle s’en prenne aux Stark et aux Lannister, que nous suivons et aimons depuis plusieurs tomes ? ^^ Pas dit. Et si une fois de plus, elle appliquait une loi du talion violente ? Si elle exigeait des morts pour venger celle de Rhaegar, d’Elia, de Rhaenys et d’Aegon ? Trouverions-nous ça juste ?

    C’est là que nous arrivons à l’un des enseignements les plus désagréables et les moins réujouissants de Feu et Sang : un conquérant ne peut pas se permettre d’envahir un pays pour obliger ensuite son peuple à changer dans le sens qui lui paraît être bon. Un conquérant bouleverse déjà l’ordre établi, parfois depuis des siècles, il ne peut pas se permettre ensuite de faire la guerre à son propre peuple : au lieu de les combattre, Aegon et ses sœurs se sont beaucoup appuyés sur les élites aristocratiques et religieuses des Sept Couronnes.

    Tous apportaient le même message : à compter de ce jour, il n’y aurait plus à Westeros qu’un roi unique. Ceux qui ploieraient le genou devant Aegon de la maison Targaryen conserveraient terres et titres. Ceux qui prendraient les armes contre lui seraient jetés à bas, humiliés et anéantis.
    […]
    Bien qu’[Aegon] traitât avec dureté les rebelles et les traîtres, il tendait la main aux anciens ennemis qui ployaient le genou.
    […]
    On captura Loren Lannister le lendemain. Le roi du Roc déposa aux pieds d’Aegon son épée et sa couronne, ploya le genou et lui fit hommage. Et Aegon, fidèle à sa promesse, releva son ennemi vaincu et le confirma dans ses terres et sa suzeraineté, le nommant sire de Castral Roc et gouverneur de l’Ouest.

    Feu et Sang, La Conquête d’Aegon.

    Il proclama aussi que les hommes et femmes sacrés de la Foi, ainsi que toutes leurs terres et leurs biens, devaient être exemptés de taxes, et il affirma la prééminence des cours de la Foi pour juger et condamner tout septon, Frère Juré ou soeur sacrée accusés de malfaisance. Bien qu’il ne fût pas lui-même un homme pieux, le premier roi Targaryen prit toujours soin de cultiver le soutien de la Foi et du Grand Septon de Villevieille.
    […]
    Bien qu’il gardât un septon à Port-Réal et un à Peyredragon, le roi écrivait plus souvent au Grand Septon de Villevieille sur les sujets religieux et mettait toujours un point d’honneur à visiter le septuaire Étoilé lors de son circuit annuel.

    Feu et Sang, Le Dragon avait trois têtes, Le gouvernement sous le roi Aegon Ier.

    Par ailleurs, si Aegon uniformise les règles de douanes et d’imposition dans les Sept Couronnes, il ne touche ni aux lois, ni aux coutumes locales : au contraire, il entérine les particularismes locaux.

    Avec lui voyageaient six mestres, pour répondre aux questions qu’il pourrait avoir sur les lois, les coutumes et l’histoire locales, et pour noter les décrets et jugements que Sa Grâce pourrait rendre. Un seigneur se doit de connaître le pays qu’il gouverne, enseigna plus tard le Conquérant à son fils Aenys, et, par ses périples, Aegon en apprit tant et plus sur les Sept Couronnes et ses peuples.
    Chacun des royaumes conquis avait ses lois et traditions propres. Le roi Aegon intervint peu dans celles-là. Il permit à ses seigneurs de continuer à régner pratiquement comme ils l’avaient toujours fait, avec la totalité de leurs pouvoirs et prérogatives. Les lois de l’héritage et de la succession demeurèrent inchangées, les structures féodales préexistantes furent confirmées, les seigneurs tant grands que petits conservèrent les droits de haute et basse justice sur leurs terres, ainsi que le privilège de la première nuit partout où cette coutume avait antérieurement prévalu.

    Feu et Sang, Le Dragon avait trois têtes, Le gouvernement sous le roi Aegon Ier.

    La manœuvre est assez judicieuse : Aegon a déjà mené une conquête douloureuse qui a créé du ressentiment, il évite par la suite d’offenser ses vassaux et s’adapte à son royaume plutôt que d’essayer de le changer. Il laisse le soin à un autre (Jaehaerys) de mener la bataille de l’unification des lois (les Livres de la Loi) et de la réforme des coutumes les plus arriérées de son royaume (première nuit).

    Daenerys a tendance à suivre un autre chemin, au travers duquel Martin dénonce probablement l’impérialisme américain : elle conquiert un pays, et tente de le changer :

    « Ce sont ces calamités qui ont changé mon peuple en esclavagistes », lui avait expliqué Galazza Galare, dans le Temple des Grâces. Et je suis la calamité qui changera de nouveau ces esclavagistes en gens ordinaires, s’était juré Daenerys.

    ADWD, Daenerys III.

    Malheureusement, rendre un peuple « ordinaire » ou « bon » … C’est un travail qui peut prendre des millénaires, même avec des dragons. Une vie humaine n’y suffit pas, malgré les efforts déployés :

    « Aucun dirigeant ne peut rendre un peuple bon, lui avait dit Selmy. Baelor le Bienheureux a prié, jeûné et élevé aux Sept un temple de toute la splendeur que pouvaient souhaiter les dieux, et pourtant, il n’a pas pu mettre fin à la guerre et au besoin. » Une reine doit écouter son peuple, se répéta Daenerys.

    ADWD, Daenerys VI.

    Peut-être ne puis-je pas rendre mon peuple bon, se dit-elle, mais je devrais au moins essayer de le rendre un peu moins mauvais.

    ADWD, Daenerys IX.

    Daenerys ne peut pas gagner toutes ses batailles, c’est ce que nous apprennent ses chapitres à Meereen. Pour remporter certaines batailles, il va falloir qu’elle accepte d’en abandonner d’autres. Reste à savoir à quoi elle renoncera, de son propre chef ou sous la contrainte : sa vengeance ? son humanité ? sa royauté ? ses dragons ? sa vie ? Peut-être qu’un jour, nous aurons le fin mot. En attendant, elle est celle de nos PoV pour qui j’ai le plus peur.

    * * * * *

    Je m’arrête là pour le moment. On peut encore trouver d’autres éléments ailleurs, j’en suis sûr (comme les trahisons annoncées par les Non-mourants ou les prédictions de Quaithe, qui poussent Daenerys à se défier des mauvaises personnes, par exemple ; ce qui n’est pas sans évoquer la paranoïa d’Aerys le Fol), mais je crois cet essai suffisamment long comme ça. ^^

    • Ce sujet a été modifié le il y a 1 année par R.Graymarch.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #194832
    Worgen Stone
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1585

    Un essai bien intéressant que j’ai pris grand plaisir à lire et pour lequel je te remercie.

    Dans l’immédiat, je crains plus pour Jaime qui est en route pour se faire pendre ailleurs mais je t’accorde que Daenerys est en bien mauvaise posture.

    #194833
    R.Graymarch
    • Barral
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    C’est dommage qu’on n’aura jamais la fin de la saga sous la plume de GRRM car si Daenerys tourne (plutôt) bien, on pourrait quasi écrire le contraire ^^

    Tout le monde peut mal tourner. Ou bien d’ailleurs. Rien n’est écrit (^^), peu de choses à part la mort, sont permanentes

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
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    #194834
    Obsidienne
    • Pisteur de Géants
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    C’est dommage qu’on n’aura jamais la fin de la saga sous la plume de GRRM car si Daenerys tourne (plutôt) bien, on pourrait quasi écrire le contraire ^^ Tout le monde peut mal tourner. Ou bien d’ailleurs. Rien n’est écrit (^^), peu de choses à part la mort, sont permanentes

    Vous êtes bien pessimiste, Frère R. Graymarch …

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
    " Ouinshinshoin, ouinshinshishoin " ( Donald Duck, 1934)

    #194836
    Tybalt Ouestrelin
    • Pas Trouillard
    • Posts : 620

    Merci pour cette somme Eridan. C’est vrai que depuis la série, je revois tout le parcours de Daenerys comme la description formidable de la genèse du pire des tyrans.

    Mais j’essaie aussi de me souvenir de la guerre des deux Roses, qui oppose les Lancastre et les York et qui aboutit à l’avènement des Tudor, puisque elle est souvent citée comme une source d’inspiration.

    Henri Tudor au pouvoir tuera littéralement toute prétention à son trône une fois dessus. Pourtant il restaure la paix et son fils montera sur le trône sans contestation.

    Alors… Sait-on jamais, tout reste à lire !

    DOH 8&10 : Tybalt Ouestrelin, acolyte loyaliste devenu Mestre ; Or, Argent et Bronze.
    DOH 9 : Lazzara zo Ghazîn, Grâce Bleue devenue Sénéchale. Miraculée devenue Conseillère. Pas Miraculée deux fois.

    #194842
    Céleste
    • Pas Trouillard
    • Posts : 742

    Super sujet, j’avoue que je n’adhère toujours pas à la version de la série, même avec le recul. Je suis peut-être dans le déni du coup ^^

    Disons que je sens bien qu’on risque de voir Jon tuer Daenerys ou l’inverse pour la forge d’Illumination ou quelque chose dans ce gout là. Mais je ne vois pas Daenerys devenir celle de la série : c’est un des pov les plus empathiques de la saga. On est proche de celui de Jon par bien des aspects. Et puis surtout, on l’a le pov du tyran, on sait à quoi ressemble le pov d’Aerys, on le lit actuellement en relecture : c’est celui de Cersei. C’est à ce que ressemble le pov d’un Aerys, on en très loin avec Daenerys.

    Mais c’est vrai que j’ai peur aussi, parce que vers la fin d’ADWD elle commence à être agacée, c’est possible qu’elle commence à déshumaniser les meereeniens aussi. Parce que dans F&S il y a des choses qui se passent et je me dis que Daenerys aurait cramer tout Port-Réal à sa place, bref on en a déjà discuté sur un autre sujet.

    D’un autre côté, Aegon et ses soeurs, ils ont fait quoi à part tout cramer ?

    Je préfère le souffle du dragon à la bave de crapeau et la langue de vipère.

    #194848
    Eridan
    • Vervoyant
    • Posts : 6286

    Merci à vous pour vos retours.

    D’un autre côté, Aegon et ses sœurs, ils ont fait quoi à part tout cramer ?

    Ben justement : ils sont loin d’avoir tout cramé ! ^^ Ils n’ont utilisé le feu-dragon que quand c’était nécessaire, quand les seigneurs s’opposaient à eux, avec des flottes ou des armées sur le champ de bataille (Chenu, Durrandon, Jardinier, Lannister). Le reste du temps, ils se contentent de les exhiber mais sans bruler quoi que ce soit inutilement (Stark, Arryn, Tyrell, Hightower). Ni l’un ni l’autre des procédés ne fonctionnent avec les Dorniens, mais pour autant, les Targ de l’époque n’utilisent pas leurs dragons « gratuitement » face à des ennemis impréparés, en dehors du champ de bataille … Tout l’inverse de Daenerys dans ASOS, en somme. Elle utilise ses dragons en pleine ville contre des Astaporis non-préparés (ce qui est diablement efficace, mais aussi fort peu honorable ^^) et une fois contre un émissaire, où ce n’est absolument pas nécessaire :

    – Qu’en dites-vous ?
    – Je dis que vous êtes folle.
    – Ah bon ? » Elle haussa les épaules et articula : « Dracarys. »
    Les dragons répondirent. Rhaegal en sifflant et fumant, Viserion par des claquements de mâchoires, Drogon en crachant un tourbillon de flammes rouge-noir. Celles-ci touchèrent le drapé du tokar de Grazdan, dont la soie s’embrasa en moins d’un clin d’oeil. Des marcs d’or s’éparpillèrent sur les tapis quand l’émissaire trébucha contre le coffre, écumant de jurons, se battant le bras jusqu’à ce qu’enfin Barbe-Blanche l’inonde avec une carafe d’eau pour étouffer le feu. « Vous aviez juré que je bénéficierais d’un sauf-conduit ! pleurnicha-t-il.
    – Tous les Yunkaïis sont-ils aussi geignards pour un simple tokar roussi ? Je vous en offrirai un neuf… – si vous libérez vos esclaves d’ici trois jours. Sinon, Drogon vous câlinera de manière plus chaleureuse. » Elle vrilla son nez. « Vous vous êtes souillé. Reprenez votre or et partez. Et faites en sorte que mon message soit entendu des Judicieux. »

    ASOS, Daenerys IV.

    Ok, l’émissaire l’a provoqué … C’est souvent ce que les émissaires font et ils en paient le prix. N’empêche, quel besoin avait-elle de l’humilier ? En terme de négociation, Daenerys n’est elle-même pas vraiment judicieuse. Son comportement me rappelle celui d’un autre personnage : Robb Stark qui lui aussi s’amuse à faire peur à l’émissaire de ses ennemis avec sa grosse bestiole ! ^^ Sauf qu’à l’inverse de Daenerys, Robb a justement quelqu’un pour lui rappeler que ce comportement est puérile.

    Ce n’était pourtant pas la lame qui angoissait ser Cleos, mais l’approche souple et feutrée de Vent Gris qui, aussi grand que le plus grand des limiers d’orignac, venait, prunelles d’or et fourrure couleur de fumée, le flairer. Toute l’assistance perçut les sueurs froides du chevalier qui, durant la bataille du Bois-aux-Murmures, avait vu le loup égorger plusieurs hommes.
    […]
    « Telles sont mes conditions. Que la reine les accepte, et je lui accorderai sa paix. Sinon… – il siffla, Vent Gris s’avança en grondant -, je lui offrirai un autre Bois-aux-Murmures.
    […] Le loup-garou pointa son museau vers le ciel et se mit à hurler.
    Ser Cleos était devenu d’une pâleur de lait caillé. « La reine entendra votre message, mess… – Sire.
    […]
    « Tu t’en es bien tiré, dit-elle à son fils en le rejoignant dans le corridor. Sauf que ton numéro avec le loup était une farce plus puérile que royale. »
    Robb grattouilla Vent Gris derrière l’oreille. « Avez-vous vu la tête qu’il faisait, Mère ? sourit-il.

    ACOK, Catelyn I.

    (Marrant d’ailleurs : c’est une provocation d’Argilac Durrandon, qui fit couper les mains des émissaires que lui avait envoyé Aegon, qui a officiellement déclenché la Conquête ! ^^)

    j’avoue que je n’adhère toujours pas à la version de la série, même avec le recul. […] Mais je ne vois pas Daenerys devenir celle de la série : c’est un des pov les plus empathiques de la saga.

    Perso, je pense qu’il y aura des différences notables, ça me paraît évident … Maintenant, Daenerys a encore beaucoup de chemins à parcourir, narrativement parlant d’ici la fin de la saga et géographiquement parlant entre Meereen / Vaes Dothrak et Westeros ^^ Il peut encore se passer beaucoup de choses, dans un sens comme dans l’autre !

    On est proche de celui de Jon par bien des aspects. Et puis surtout, on l’a le pov du tyran, on sait à quoi ressemble le pov d’Aerys, on le lit actuellement en relecture : c’est celui de Cersei. C’est à ce que ressemble le pov d’un Aerys, on en très loin avec Daenerys.

    D’accord avec toi sur le fait que les PoV de Daenerys se rapprochent de ceux de Jon. Je trouve même Danny plus attachante de base que Jon … En revanche, je ne suis pas d’accord sur la suite ! ^^ Il existe différents types de tyrannie, de despotisme, de folie ou d’antagonisme : certains sont des fous paranoïaques (Aerys et probablement Cersei), d’autres sont des fanatiques religieux (Aeron, Mélisandre), d’autres simplement des brutes épaisses (Victarion), d’autres encore des monstres assoiffés de sang (Gregor, Ramsay, même si hors PoV ^^) … Mais au milieu de tout ça, les pires peut-être sont ceux qui nous inspirent de la sympathie, ceux qu’on aime bien, parce que justement, on se sent proches d’eux et on trouve leur comportement légitime et justifié par les circonstances et les causes qu’ils défendent. Les enfants Stark me font un peu cet effet ^^ Le lecteur est de leur côté, ce qui l’aveugle parfois sur leurs actions les plus sombres. Et Daenerys rentre également à mon sens dans ce schéma : la noblesse de son engagement (l’affranchissement des esclaves), qui nous est sympathique, nous masque l’horreur de ses méthodes et la vanité de sa démarche.

    Mais c’est vrai que j’ai peur aussi, parce que vers la fin d’ADWD elle commence à être agacée, c’est possible qu’elle commence à déshumaniser les meereeniens aussi. Parce que dans F&S il y a des choses qui se passent et je me dis que Daenerys aurait cramer tout Port-Réal à sa place, bref on en a déjà discuté sur un autre sujet.

    Personnellement, j’ai moins peur pour Port-Réal … que pour Meereen ! Je ne sais vraiment pas ce que Daenerys va laisser quand elle quittera la baie des Serfs, mais si on se fie à ce qui arrive à Astapor dans ADWD, ça risque d’être un sacré champ de ruines. Est-ce qu’elle va sombrer au point de tout incendier ? Je ne sais pas, sans doute pas. Par contre, je la vois bien « partir à l’américaine » : mettre en place un roi ou un conseil censé assurer la continuité, comme elle l’avait fait à Astapor, et abandonner la région alors qu’elle est encore totalement instable … pour au final que ce roi ou ce conseil se fasse renverser et que les esclavagistes reprennent en définitive le pouvoir. Daenerys se perçoit comme une calamité qui apporte le changement, mais je doute que ce changement soit aussi durable qu’elle se le figure : elle n’est peut-être bien qu’une calamité et rien de plus.

    A côté de ça, je pense que la série a énormément simplifié (encore et toujours) l’arc de Daenerys … Le chemin jusqu’à Westeros est long et compliqué, il ne devrait pas se faire sans encombre ! Mais c’est l’objet de mon prochain sujet, donc je n’en dis pas plus. ^^

    A Weseteros, je pense que son principal problème sera la noblesse, plutôt que le petit peuple … Je la vois moins incendier des villes que bruler des nobles et des faux rois. Mais je peux parfaitement me tromper. 😉

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #194856
    Sandrenal
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    Comme GRRM adore prendre le contrepied des stéréotypes, on peut supposer que Daenerys qui part comme Aragorn va finir comme Attila. Je suis globalement d’accord avec tous les arguments avancés sauf sur quelques détails.

    Outre l’argument sur sa féminité qui joue contre elle (on le sait tous, je ne m’attarde pas dessus)

    Là-dessus je ne suis pas d’accord du tout. Ce que démontre TPATQ, contrairement au message que veut faire passer HotD, c’est que les grands seigneurs choisissent toujours leur intérêt. Parmi tous les Verts, on ne relève péniblement que 2 grands seigneurs qui avancent la féminité comme argument contraire : Ironrod qui est le vrai fanatique de la question et Grover Tully que personne ne suit, ni ses vassaux, ni sa famille. Tous les autres choisissent en fonction de leurs intérêts, affinités, alliances. Le contexte à Westeros sera en plus bien défavorable à de telles arguties, après des années de guerre, plusieurs prétendants morts, l’arrivée de l’hiver… Les seigneurs chercheront comme toujours à sortir avantagés des conflits et si soutenir une femme peut les aider à atteindre ce but, ils le feront sans rechigner. Et les autres n’attendront que la fin des troubles, peu importe qui permettra d’y arriver.

    il y a selon moi trois éléments qui vont lui nuire dans sa conquête du pouvoir : son déracinement, sa réputation et sa politique.

    Le déracinement peut être un argument à double tranchant. Certes, cela comporte de nombreux désavantages pour Daenerys : elle ne connaît pas les terres sur lesquelles elle veut régner, elle ne connaît pas ses futurs sujets, vassaux, coutumes… Mais ce handicap peut être jusqu’à un certain point comblé par les personnes dont elle choisit de s’entourer : Barristan et Tyrion peuvent être un bon début. Et son éloignement est même un avantage puisqu’elle n’est pas mêlée de près ou de loin à toutes les calamités qui ont suivi la mort de Robert. Elle peut donc apparaître comme un recours crédible. Le problème qui risque de devenir insoluble comme tu l’as souligné, c’est l’armée avec laquelle elle compte faire sa conquête : des dothrakis, des eunnuques et des mercenaires… Si une partie de Westeros ne se rallie pas rapidement à son panache blanc, sa conquête restera toujours une invasion étrangère.

    Sa filiation à Aerys peut aussi fonctionner dans les deux sens. Elle peut lui attirer l’inimité des familles ennemies d’Aerys : Stark, Lannister, Baratheon. Mais les familles qui ont soutenu les Targaryens pendant la rébellion de Robert peuvent aussi être tentées de revenir à leurs premières allégeances. La folie d’Aerys n’était connue que des familiers de la cour et le souvenir s’en est certainement estompé. Le peuple semble lui plutôt nostalgique d’Aerys (même si je suis d’accord pour dire que le problème de Daenerys sera la noblesse).

    Le principal problème de Daenerys c’est de loin sa politique. L’idéalisme et le messianisme c’est bien beau sur le papier mais dans la réalité ça donne la catastrophe de Meereen, faite de brutales humiliations et de concessions accordées d’une telle mauvaise grâce qu’elle n’en retire aucun bénéfice. Son échec final à Meereen l’incitera forcément à réfléchir mais comme elle ne peut pas remettre en question son objectif de créer un monde meilleur (quand on se fait surnommer Née du Typhon, mère des dragons, imbrûlée et briseuse de chaînes, c’est difficile de redescendre sur Terre et de se rendre compte que l’on est pas le Messie), elle sera forcée d’en arriver à la conclusion que c’est parce qu’elle a fait des compromis qu’elle a échouée. Et ce n’est probablement pas avec cet état d’esprit qu’elle devrait arriver à Westeros.

    J’insiste sur un dernier point que tu as déjà abordé et qui me paraît crucial : l’entourage. La plupart des handicaps de Daenerys pourraient être surmontés avec le bon entourage. Or, l’entourage qui se dessine autour d’elle semble la pousser dans la mauvaise direction. A part Barristan, tous ceux qui la rejoignent ou la courtisent ont leur agenda personnel (la vengeance pour Tyrion et Victarion, les luttes internes à la Citadelle pour Marwyn, le chaos pour Euron) qui n’inclut pas le bien du royaume. Et aucun d’eux n’a le sens de la communication ou le génie politique de Tywin qui serait nécessaire pour une conquête réussie. Aegon et ses sœurs n’ont manqué ni de l’un ni de l’autre pour réussir leur conquête. Tyrion est sans doute celui qui a le plus de sens politique dans le lot mais les dispositions qu’il laisse entrevoir dans ADWD font présager qu’il les mettra à la disposition de ses intérêts. Tyrion est de toute façon un très mauvais communicant comme son intérim de main du Roi l’a démontré.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année par R.Graymarch.
    #194859
    Oiseleur
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    Intéressant de rappeler à quel point Daenerys est dans une impasse dans sa guerre de serfs : là où elle passe les institutions qu’elle laisse s’effondrent ; la cité de Yunkaï humiliée par l’affranchissement de ses esclaves planifie sa revanche et tisse des alliances pour briser la briseuse de fer ; à Meereen les pro esclavagistes sont en rébellion larvée avec un prix assez élevé pour que cela cesse ; les termes de la paix avec l’alliance esclavagiste ont un goût de défaite pour Dany. (La question de savoir est si elle dénonce le traité de paix dans les arènes de Meereen avant l’arrivée de Drogon.)

    À moins qu’elle n’arrive à provoquer une révolte généralisée des esclaves à Essos ou du moins dans les environs de la Baie des Serfs, le combat de Daenerys pour une abolition durable de l’esclavage (éviter un rétablissement de l’esclavage dès qu’elle a le dos tourné) est vouée à l’échec.

    Le résultat de la guerre de la Baie des Serfs devrait influer sur la pratique de la politique de Daenerys. Peut-être qu’elle tentera une fuite à la Nymeria (reste à savoir où se procurer le nombre de navires et de marins assez aguerris pour amener les affranchis à bon port).

    Pour ce qui est de la vengeance et bien elle devrait se dépêcher de revenir à Westeros pour qu’il lui en reste. Les maison Arryn, Tully, Baratheon sont au bord de l’extinction. Les Baratheon-Lannister sont en petite forme (plus que deux héritiers légitimes directs en  course).

    Daenerys n’a pas été formée à l’art de gouverner avec juste Viserys et Willem Darry comme lien direct avec l’histoire de Westeros. Et je gage que Viserys III parlait plus probablement d’Aegon I, Dareon I, Aegon V que de Jaehaerys I ou de Daeron II.

    Elle doit apprendre à la dure. L’un de ses meilleurs conseillers militaires s’est avéré être un espion pour le compte de l’usurpateur Robert Baratehon. Skahaz mo Kandaq  en prenant le parti de Daenerys a lié son destin à celui de l’imbrulée mais il a du mal à se faire pardonner par les autres familles nobles meereeniennes.

    L’expérience de Meereen pourrait être instructive pour la mère des dragons.  Si elle réussit à étoffer sa suite de personnes savantes et raisonnablement loyales.

    C’est le résultat de la campagne de Daenerys et des leçons qui en seront ou non tirées qui nous renseignerons sur sa maturation dans le domaine politique.

    Je note que si Daenerys prend des otages pour faire cesser les assassinats commis par les fils de la Harpie, elle ne les exécutent pas, bon ou mauvais choix ? Cela aurait sans doute mieux marcher si elle n’avait pas au préalable crucifier en représailles auparavant.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année par R.Graymarch.
    #194869
    Eridan
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    Merci à vous aussi pour vos retours.

    Eridan wrote: Outre l’argument sur sa féminité qui joue contre elle (on le sait tous, je ne m’attarde pas dessus) Là-dessus je ne suis pas d’accord du tout.

    J’ai dit que ça jouait contre elle, je n’ai pas dit que c’était une fin de non-recevoir absolue 😉 Je suis persuadé que l’argument de la féminité remontera à l’arrivée de Daenerys. C’est en tous cas un argument qui est à disponibilité pour ceux qui veulent l’utiliser, et je suis convaincu que certains s’en serviront, notamment ses adversaires (Stannis entre autre ? ^^). Est-ce qu’il sera utilisé par des gens qui y croiront ou juste par des opportunistes, ça par contre, c’est un autre débat.

    Mais les familles qui ont soutenu les Targaryens pendant la rébellion de Robert peuvent aussi être tentées de revenir à leurs premières allégeances. La folie d’Aerys n’était connue que des familiers de la cour et le souvenir s’en est certainement estompé. Le peuple semble lui plutôt nostalgique d’Aerys

    Pour être franc, les Tyrell me semblent désormais trop engagés auprès des Baratheon-Lannister pour faire marche arrière, d’où d’ailleurs les propos virulent de Mace contre Daenerys dans le chapitre de Kevan. Ça ne signifie pas pour autant que les vassaux Tyrell ne vont pas éventuellement tenter leur chance avec les Targaryen, plusieurs pourraient vouloir jouer cette carte … mais je pense qu’ils se compromettront déjà avec Faegon (qui a une meilleure prétention au Trône que Daenerys d’après Tyrion) avant même de songer à attendre Daenerys. D’ailleurs, j’ai énormément axé mon essai sur la noblesse … mais je suis persuadé que s’il survit jusqu’à son arrivée, Faegon sera l’un des plus gros problèmes de Daenerys. L’entente entre les dragons n’est jamais assurée … mais là, j’entre dans un terrain beaucoup trop spéculatif.

    Pour ce qui est du peuple, effectivement, on repère par petites touches des mouvement de nostalgie de l’époque Targ’, mais je pense que c’est beaucoup lié à la guerre que traversent les Sept Couronnes (et l’avènement des Baratheon a forcément fait des déçus, comme les Connington, les Darry, etc.) Est-ce que pour autant ça ramènera beaucoup de monde sous la bannière Targ ? Je pense qu’Illyrio en rajoute quand il fait croire à Viserys que le peuple coud des bannière Targ en secret. Jorah n’y croit pas en tous cas et Illyrio se retient bien de tenir le même discours à Tyrion et Faegon. A mon avis, c’est moins Aerys qui est regretté que l’époque des Targaryen : Aerys reste le Roi Fou, même en dehors des sphères nobles (cf. ADWD, Davos II), mais son règne a été plutôt paisible et prospère. Le peuple peut être nostalgique de cette période là, pour ceux qui l’ont connu. Pour autant, après avoir connu presque deux ans de guerre, est-ce qu’ils voudront reprendre les armes pour la fille du Roi Fou ? Plus que pour le fils du Prince de Peyredragon ? ^^

    Peut-être qu’elle tentera une fuite à la Nymeria (reste à savoir où se procurer le nombre de navire et de marins assez aguerris pour amener lea affranchis à bon port).

    Next sujet incoming … ^^

    Si elle réussit à étoffer sa suite de personnes savantes et raisonnablement loyales.

    J’ai hésité à écrire ce quatrième point qui fait sans doute défaut à mon essai … la méfiance. ^^ La mise en garde des Non-mourants « Trois trahisons te faudra vivre » est un poison. La tentative d’assassinat du marchand de vin, la trahison de Mirri, le piège des Non-mourants, la tentative d’assassinat des Navrés, la trahison de Xaro, la mega trahison de Jorah, puis celle de Brun Ben Prünh, la tentative d’assassinat qui touche Belwas, la prédiction de Quaithe sur le sénéchal parfumé … et comme disait Sandrenal, l’arrivée dans son entourage prochainement de futurs conseillers pour le moins soupçonneux : Jorah était déjà un joyeux drille dans l’ensemble, mais avec un peu de chance, elle va se retrouver avec Marwyn qui agite ses soupçons contre les tueurs de dragon et Tyrion qui parvient à tenir ce genre de discours :

    « Dis ce que tu voudras. Elle deviendra mon épouse, lord Connington y veillera. J’ai confiance en lui comme s’il était de mon propre sang.
    – Peut-être devriez-vous jouer le fou à ma place. Ne vous fiez à personne, mon prince. Ni à votre mestre sans chaîne, ni à votre faux père, ni au preux Canard ni à la charmante Lemore ni à tous ces beaux amis qui vous ont fait croître à partir de rien. Par-dessus tout, ne vous fiez ni au marchand de fromages, ni à l’Araignée, ni à cette petite reine dragon que vous vous êtes mis en tête d’épouser. Toute cette défiance vous aigrira le ventre et vous tiendra éveillé la nuit, certes, mais mieux vaut cela que le long sommeil qui n’a point de fin. »

    ADWD, Tyrion VI.

    Si avec ça, Danny ne sombre pas dans la paranoïa … (J’admets que pour le moment, elle résiste vraiment bien. Mais pour combien de temps encore ? ^^’)

    Je note que si Daenerys prend des otages pour faire cesser les assassinats commis par les fils de la Harpie, elle ne les éxécutent pas, bon ou mauvais choix ? Cela aurait sans doute mieux marcher si elle n’avait pas au préalable crucifier en représaille auparavant.

    C’est tout le problème des chapitres à Meereen : certains choix faits sont plutôt judicieux, mais ils arrivent après un coup d’éclat qui lui a déjà aliéné une partie de la population (la partie la plus puissante) ; ses renoncements auraient sûrement porté leur fruit, je me demande même s’ils ne lui auraient pas permis à terme d’obtenir une paix durable, avec un système qui aurait peut-être pu fonctionner … mais tout est gâché par l’arrivée de Drogon, qui met fin à la trêve et aux accords.

    Après, oui, Daenerys va sûrement retenir des choses de son expérience dans la baie des Serfs … Seulement, on ne se refait pas : elle est impulsive, elle se laisse porter par ses coups d’éclat et je doute qu’elle parvienne à se calmer de ce côté-là.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #194884
    Altair
    • Patrouilleur du Dimanche
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    Je pense que l’arc de Daenerys finira de la même manière que dans la série (tuée par Jon après qu’elle ait anéanti King’s Landing), mais que cela sera bien mieux amené évidemment, en prenant tout le temps nécessaire pour expliciter son évolution vers la folie.

    #194890
    Céleste
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    Perso, je pense qu’il y aura des différences notables, ça me paraît évident … Maintenant, Daenerys a encore beaucoup de chemins à parcourir, narrativement parlant d’ici la fin de la saga et géographiquement parlant entre Meereen / Vaes Dothrak et Westeros ^^ Il peut encore se passer beaucoup de choses, dans un sens comme dans l’autre !

    Clairement, il est possible qu’elle passe par Volantis et Pentos également, du moins c’est attendu par des personnages, ça en fait du temps écoulé côté Westeros.

    Vaes Dothrak sera surement un passage clé dans son parcours, comme dans la série d’ailleurs, je suis peut-être naive mais je m’attends à des révélations plutôt que ce que nous a fait la série.

    Toutefois la révélation sera peut-être quelque chose de destructeur. Thématiquement, ce n’est absolument pas déconnant qu’on nous propose une destruction par la glace et par le feu, les Autres et les dragons. L’Étalon qui montera le monde, ça n’a pas l’air si choupinet que ça, mais ce n’était pas le destin de Rhaego plutôt que celui de Daenerys ? Même si c’est acceptable narrativement et thématiquement, est-ce qu’un livre est suffisant pour qu’on accepte cette évolution de pov chez Daenerys ?

    Personnellement, j’ai moins peur pour Port-Réal … que pour Meereen ! Je ne sais vraiment pas ce que Daenerys va laisser quand elle quittera la baie des Serfs, mais si on se fie à ce qui arrive à Astapor dans ADWD, ça risque d’être un sacré champ de ruines. Est-ce qu’elle va sombrer au point de tout incendier ?

    C’est bizarre à dire mais dans mes rêveries, Daenerys n’est pas présente à Meereen. Tout le bordel est géré par Selmy, Tyrion, et Victarion. Même les potentiels « trigger » ne sont pas gérés par elle : le potentiel assassinat sur sa personne, la potentielle tentative de mise à mort des dragons (merci Quentyn pour leur libération ^^), Groleo. Ils n’ont pas besoin d’elle pour le moment, peut-être quand la flotte de Volantis arrivera, et encore, une potentielle révolte des esclaves nous est annoncée.

    Mais ce que je voulais dire c’est que déshumaniser l’autre c’est le début des massacres sans problème de conscience et donc peut-être un signe de commencement de changement dans le pov, mais on en est encore très loin ^^

    Je préfère le souffle du dragon à la bave de crapeau et la langue de vipère.

    #194891
    Tizun Thane
    • Pisteur de Géants
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    elle sera forcée d’en arriver à la conclusion que c’est parce qu’elle a fait des compromis qu’elle a échouée. Et ce n’est probablement pas avec cet état d’esprit qu’elle devrait arriver à Westeros.

    oui. Ca va mal tourner, si on en croit son dernier chapitre publié. Le Feu et le Sang. Ca va commencer par les Dothraki, mais ça ne va pas en rester là.

    Je suis persuadé que l’argument de la féminité remontera à l’arrivée de Daenerys.

    C’est évident. Le concile de 101 et le précédent fâcheux de Rhaenyra lui seront balancés à la figure. Le sexisme de la société de westeros ne doit pas être ignoré.

    Martin dit que la société a des dents, et qu’elle mord. C’est compliqué d’aller à l’encontre de siècles de tradition, et de lois constitutionnelles qui interdisent aux femmes de monter sur le trône.

    Merci Eridan de ce récapitulatif très complet. A mon sens, tu as sous-estimé sa bévue abyssale avec Dorne et Quentyn. Elle aurait dû prendre l’alliance avec Dorne (et éventuellement le mariage avec Quentyn) très au sérieux, quand bien même Quentyn n’est pas charismatique.

    Dorne lui aurait servi de pied à terre, de point de ralliement à sa conquête. Elle manque désespérément d’alliés locaux pour prévaloir.

    #194892
    Kellhus
    • Frère Juré
    • Posts : 57

    Merci à vous aussi pour vos retours.

    Après, oui, Daenerys va sûrement retenir des choses de son expérience dans la baie des Serfs … Seulement, on ne se refait pas : elle est impulsive, elle se laisse porter par ses coups d’éclat et je doute qu’elle parvienne à se calmer de ce côté-là.

    Et d’abord merci pour cet essai Eridan !

    Je partage les craintes de R. Graymarch ; arriver un jour à la dernière page d’A Dream of  Spring avec une petite (grosse ?) larme ne m’a jamais semblé si incertain.

    Mais si GRRM y parvient, je crois que le destin de Daenerys devrait pas mal se jouer sur sa capacité à apprendre de ses erreurs… Assez peu de personnages de ASOIAF  ont montré cette forme d’intelligence sur le long terme, et encore moins dans l’exercice du pouvoir. Cela les rend délicieusement (ou atrocement) humains car les passions ont toujours leur rôle à jouer sur « qui » sont ces gens, mais à par Jaeherys, je vois pas trop… Daenerys pourrait-elle être une nouvelle exception qui confirme la règle ?

    Comme tu le montres très bien, elle n’en prend pas vraiment le chemin…

    "On se prend souvent pour quelqu'un, alors qu'au fond, on est plusieurs."
    Raymond Devos

    #194894
    Eridan
    • Vervoyant
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    Et encore merci pour vos retours. ^^

    Clairement, il est possible qu’elle passe par Volantis et Pentos également, du moins c’est attendu par des personnages, ça en fait du temps écoulé côté Westeros. Vaes Dothrak sera surement un passage clé dans son parcours, comme dans la série d’ailleurs, je suis peut-être naive mais je m’attends à des révélations plutôt que ce que nous a fait la série. Toutefois la révélation sera peut-être quelque chose de destructeur. Thématiquement, ce n’est absolument pas déconnant qu’on nous propose une destruction par la glace et par le feu, les Autres et les dragons. L’Étalon qui montera le monde, ça n’a pas l’air si choupinet que ça, mais ce n’était pas le destin de Rhaego plutôt que celui de Daenerys ? Même si c’est acceptable narrativement et thématiquement, est-ce qu’un livre est suffisant pour qu’on accepte cette évolution de pov chez Daenerys ?

    Next sujet incoming … ^^

    Merci Eridan de ce récapitulatif très complet. A mon sens, tu as sous-estimé sa bévue abyssale avec Dorne et Quentyn. Elle aurait dû prendre l’alliance avec Dorne (et éventuellement le mariage avec Quentyn) très au sérieux, quand bien même Quentyn n’est pas charismatique.

    Énormément de choses à dire, et il me semblait y avoir consacré suffisamment de mots pour que l’idée passe ! ^^ Dorne est effectivement la seule couronne qui pourrait éventuellement rejoindre un parti Targ’ en bloc, les autres Couronnes sont déjà beaucoup trop divisées par la guerre ou ralliées à ses ennemis naturels. Qui va-t-elle encore devoir épouser pour se concilier une alliance puissante ? Les candidats sont multiples, mais peu nombreux sont ceux qui pouvaient lui garantir une alliance aussi importante que ce que pouvait faire Quentyn.

    Le problème ne touche pas que Daenerys de toute façon : les « Targaryen » jouissent d’amitiés et de sympathies comptés dans les Sept Couronnes. Les anciens loyalistes ont de nouvelles alliances ou ont été affaiblis, certains ont même disparus. On peut toujours compter sur les nouveaux mécontents, mais Daenerys n’arrivera toujours qu’en deuxième après Faegon. S’il y en a un qui peut capter les amitiés locales, à mon sens, c’est lui : il arrive plus tôt, il est le fils de Rhaegar (et pas la fille du Roi Fou), il va incessamment remporter des victoires, c’est un garçon … Daenerys risque tout simplement d’arriver trop tard. D’une certaine manière, j’ai l’impression de voir un miroir inversé de la situation croisée par Tyrion à Volantis :

    Le prince Aegon ne trouvera pas d’amis ici. Le prêtre rouge parlait d’une antique prophétie, une prophétie qui annonçait la venue d’un héros pour délivrer le monde des ténèbres. Un héros. Pas deux. Daenerys a des dragons. Pas Aegon.

    ADWD, Tyrion VII.

    Un roi, un prétendant, un héros pour mener le parti Targaryen à Westeros, pas deux ^^
    A Volantis, Daenerys prévalait dans le cœur des esclaves qui pouvaient l’accueillir comme une libératrice, mais ce ne sera sûrement pas la même à Westeros. Si Faegon est toujours en vie à son arrivée (et la prédiction des Non-mourants sur le dragon du comédien m’invite à penser que ce sera le cas), Daenerys va se retrouver avec un parti Targaryen déjà constitué à son arrivée. Qui plus est, malgré son identité douteuse et son absence de dragon, Faegon a de meilleures prétentions que sa tante et s’il a remporté des victoires, son parti devrait être solide … Daenerys n’aura pas beaucoup de choix : le rejoindre comme tante ou comme épouse (polygame ?) d’Aegon … ou le combattre et le remplacer, ce qui pourrait faire parti des « mauvaises idées » . ^^

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année par FeyGirl. Raison: « hero » en anglais, « héros » en français^^

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #194909
    Pat le petit porcher
    • Patrouilleur du Dimanche
    • Posts : 106

    Belle analyse. Je partage l’idée qu’on se dirige vers une Daenerys sombrant dans la folie furieuse, mais je serais plus réservé sur le portrait global qui est fait d’elle. Je ne la vois pas comme une idéaliste indécrottable qui n’apprendrait pas de ses erreurs. J’ai plutôt l’impression que, jusqu’au chapitre des arènes de Meereen, Martin propose plutôt un parcours crédible pour quelqu’un qui apprendrait, à la dure, l’art de gouverner. Accédant, extrêmement jeune et sans formation, à un pouvoir démesuré, elle apprend au fond assez vite. Si, à Astapor et à Yunkai, elle est en proie à l’illusion qu’elle pourrait mettre fin à l’esclavage dans la Baie des Serfs, une fois devenue la « Mère » des affranchis, elle en rabat sur ses prétentions et se soucie surtout d’éviter à son peuple de crever de faim ou de retourner à l’esclavage (apprenant ainsi qu’en politique comme en famille, pour devenir « mère » il vaut mieux savoir à l’avance comment on fera pour nourrir et protéger ses « enfants »). Et elle fait preuve de belles qualités pour apprendre à régner : elle sait écouter les avis les moins agréables de ses conseillers, sans leur permettre de saper son autorité en le donnant avant qu’elle l’ait demandé (voir sa remarque à Arstan sur le sujet), elle sait très bien distinguer les conseillers vraiment dignes d’être écoutés de ceux qui la flattent. Bien sûr, à la fin de son séjour à Meereen, elle est encore très loin d’avoir suffisamment appris et mûri (même si on peut discuter interminablement, à propos de chacune de ses décisions, pour savoir si c’est une erreur ou pas ; pour ma part je me contenterais de relever un point : de toute évidence jusqu’à sa fuite avec Drogon elle continue à refuser de voir qu’entre être la Mère des affranchis, et être la reine de Westeros, il faut choisir une fois pour toutes, et que si elle veut vraiment assumer ses responsabilités envers les affranchis il faut renoncer au Trône de Fer). Mais il serait tout à fait justifié de penser qu’elle est en bonne voie pour le faire.

    La principale raison, à mon avis, de s’inquiéter pour son avenir, se trouve dans son dernier chapitre d’ADWD. Quand, sous l’effet de la fièvre, elle tient un dialogue imaginaire avec Jorah, les conseils qu’il lui donne (et qu’on peut donc considérer comme l’expression de sa propre raison) aboutissent à la conclusion qu’elle n’est pas faite pour planter des oliviers, mais pour répandre le feu des dragons. Elle risque donc de tirer, de son expérience meereenienne, la leçon exactement inverse de celle qu’il faudrait : penser qu’elle ne peut s’appuyer que sur ses dragons, et régler dorénavant tous les problèmes à coups de « dracarys ». Peut-être y a-t-il là, aussi, un effet du lien qui se renforce entre elle et Drogon, quelque chose du caractère du dragon (un dragon particulièrement sauvage) doit déteindre sur sa personnalité.

    #194916
    Oiseleur
    • Patrouilleur Expérimenté
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    Le jugement de Baristan Selmy sur Daenerys et qu’elle est encore tropémerveillée par le feu pour pouvoir considérer la valeur de la terre pour prospérer.

    #194942
    Liloo75
    • Fléau des Autres
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    Merci Eridan pour cette très riche analyse.

    J’ai essayé de me souvenir de la façon dont je percevais Daenerys à la fin de la lecture de la saga (et avant d’avoir vu la série).

    Eh bien, je faisais partie des lecteurs très indulgents envers la jeune fille. Je crois que je voyais Daenerys un peu comme tu le décris, avec l’indulgence que l’on accorde aux Stark, parce que dans l’histoire, ce sont eux les héros.

    Mais au milieu de tout ça, les pires peut-être sont ceux qui nous inspirent de la sympathie, ceux qu’on aime bien, parce que justement, on se sent proches d’eux et on trouve leur comportement légitime et justifié par les circonstances et les causes qu’ils défendent. Les enfants Stark me font un peu cet effet ^^ Le lecteur est de leur côté, ce qui l’aveugle parfois sur leurs actions les plus sombres. Et Daenerys rentre également à mon sens dans ce schéma : la noblesse de son engagement (l’affranchissement des esclaves), qui nous est sympathique, nous masque l’horreur de ses méthodes et la vanité de sa démarche.

    A mes yeux, Daenerys était une jeune fille innocente, vendue très tôt pour acheter une armée à son frère. Elle n’a jamais été préparée à régner, ni même à gouverner (cela c’était le job dévolu à Viserys). Et néanmoins, lorsqu’elle se retrouve chez les dothrakis, elle parvient assez vite à trouver sa place et à jouer son rôle de khaleesi. Alors même qu’elle se retrouve chez un peuple dont elle ne connait rien. Et avec un frère qui ne fait rien pour l’aider (heureusement que ser Jorah est là tout de même).

    Même après la mort de Khal Drogo, elle parvient à conserver son rôle de chef du khalasar. Certes, la naissance des dragons va l’aider grandement à asseoir sa légitimité. Mais je la trouvais bien courageuse cette petite jeune fille qui s’impose comme une meneuse d’homme, dans un monde où justement ceux qui dirigent sont forcément des hommes.

    Et j’étais prête à lui pardonner toutes ses folies. Elle brûle l’hôtel des Nonmourants, peu importe, de toute façon, ils étaient déjà à moitié morts, non ?

    Elle part à la conquête de la Baie des Serfs, mais c’est au nom d’une juste cause, elle veut libérer les esclaves. Beaucoup d’hommes meurent en subissant la colère du dragon, mais ils l’ont bien cherché, ils étaient esclavagistes et/ou marchands malhonnêtes.

    A Meereen, en primo lecture, je dois avouer que je n’avais pas saisi tous les enjeux politiques (heureusement que la lecture des Mystères du Trône de fer m’a permis de m’y retrouver au milieu des intrigues complexes qui se jouent).

    J’avais surtout retenu la visite de Daenerys aux malades souffrant de la jument pâle aux portes de Meereen. Et son envol sur Drogon au milieu des arênes. Dans son dernier chapitre d’ADWD, Daenerys est malade, elle ne sait pas comment elle va s’en sortir, elle parle avec des fantômes, et puis finalement elle parvient à dompter son dragon et à trouver de quoi se sustenter grâce à lui. La scène ne m’a pas dégoutée, au contraire, je me suis dis, enfin, elle prend le pouvoir, elle va devenir maîtresse de sa destinée.

    Et j’attendais la suite avec impatience (c’était en 2016/2017, j’avais encore plein d’espoir en ce temps), afin de découvrir les nouvelles aventures de Daenerys, une véritable héroïne à mes yeux.

    A la relecture, en revanche, je commence à voir les failles du personnage, sa quête du pouvoir (et pas seulement pour libérer les pauvres exclaves), ses décisions parfois impulsives et dont elle ne mesure pas forcément les conséquences, son enfermement à Meereeen. Je ne sais pas si elle est réellement entourée des bons conseillers (en dehors de ser Barristan qui se montre loyal et désintéressé).

    Mais si GRRM y parvient, je crois que le destin de Daenerys devrait pas mal se jouer sur sa capacité à apprendre de ses erreurs… Assez peu de personnages de ASOIAF ont montré cette forme d’intelligence sur le long terme, et encore moins dans l’exercice du pouvoir.

    En effet, je pense également que l’avenir de Daenerys va dépendre de son aptitude à aprendre de ses expériences malheureuses et de sa capacité à se remettre en question.

    A la relecture, je perçois également à quel point l’offre de mariage des Martell était pertinente, et aurait pu lui permettre de mettre un pied à Westeros.

    Elle aurait dû prendre l’alliance avec Dorne (et éventuellement le mariage avec Quentyn) très au sérieux, quand bien même Quentyn n’est pas charismatique.

    A moi aussi, ce pauvre Quentyn ne m’a pas emballée en primo lecture et je trouvais sa démarche bien présomptueuse. Mais à la relecture des chapitres dorniens, je me dis que l’offre de Dorne n’aurait pas dû être rejetée sans réfléchir.

    Bref, ma position au sujet de Daenerys évolue au fil de mes relectures.

    Et en te lisant, je découvre que le personnage est encore plus teinté de gris que je ne le percevais.

    Maintenant, j’ai hâte de lire la suite 😉

     

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année par Liloo75.

    - De quels diables de dieux parlez-vous, lady Catelyn ? (…) S’il existe vraiment des dieux, pourquoi donc ce monde est-il saturé de douleur et d’iniquité ?
    - Grâce aux êtres de votre espèce.
    - Il n’y a pas d’êtres de mon espèce. Je suis unique.

    #194956
    Pandémie
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    Le souci de la série, c’est que justement elle met le focus sur Dany alors que, en simplifiant beaucoup, GrrM parle de l’impossibilité systémique de régner dans une société féodale. Il impute le manque de recul du lectorat aux origines de la fantasy, avec des rois très gentils faces à des vilains très méchants. Mais on peut remonter plus loin, avec le Moyen-âge de pacotille des romantiques du 19ème siècle. Ou même le « story-telling » des souverains eux-mêmes pour justifier leur existence. On retrouve cela en masse sur ce forum, avec des gens qui se rêvent trouvère ou noble dame s’ils devaient vivre dans cet univers alors qu’ils seraient soient morts jeunes soit occupés à gratter la terre pour quelques maigres navets pour survivre à un hiver de 2-3 ans et qui trouve trop cool l’idée que Tywin aurait brûlé une ville et ses habitants pour dégoter Robert (je ne juge pas, je sais très bien que dans la vraie vie, ils trouveraient cela ignoble). Je cite Martin dans une interview à Rolling Stone en 2012:

    Ruling is hard. This was maybe my answer to Tolkien, whom, as much as I admire him, I do quibble with. Lord of the Rings had a very medieval philosophy: that if the king was a good man, the land would prosper. We look at real history and it’s not that simple. Tolkien can say that Aragorn became king and reigned for a hundred years, and he was wise and good. But Tolkien doesn’t ask the question: What was Aragorn’s tax policy? Did he maintain a standing army? What did he do in times of flood and famine? And what about all these orcs? By the end of the war, Sauron is gone but all of the orcs aren’t gone – they’re in the mountains. Did Aragorn pursue a policy of systematic genocide and kill them? Even the little baby orcs, in their little orc cradles?

    On le voit dans la saga, des personnes « humanistes » ou « bonnes » sont elles-mêmes coupables ou victimes. Par exemple, Doran Martell veut préserver son peuple, mais par tradition d’honneur et de vengeance, est trahi par sa propre fille, perd un frère et un fils. Robb Stark, pour sauver sa famille, condamne des dizaines voir centaines de milliers de troufions et de civils à la mort. Le peuple en souffre aussi mais n’est pas bien « meilleur ». Il est par exemple très heureux d’un Baelor voir d’un Aerys II se serait très certainement satisfait d’un Joffrey qui viole et violente Sansa dans l’intimité du Donjon Rouge à condition de vivre en paix. Comme le dit Grrm dans la même interview, un roi bon, ou une reine bonne, n’est pas pour autant un roi ou une reine sage.

    On sait par l’un des moments WTF de la série que GrrM apporte un élément de réponse.

    Spoiler:
    Pour régner, il faut sans doute être surhumain. Mais se posera alors la question d’un règne… inhumain.

    On verra ce qui se passera avec Dany. Je pense aussi que son compas moral est entrain de bien vaciller mais que cela dépendra en partie de son entourage. Tyrion,  Barristan, peut-être Marwyn ont sans doute une fibre plus humaniste que Victarion, Moqorro ou le Crâne-ras. Un autre facteur déterminant sera le momentum. Arriver pour sauver Westeros des Marcheurs blancs ou arriver au milieu d’une lutte de succession va radicalement changer l’image et le rôle de Dany. Être un Azor Ahai messianique ou un prétendant de plus… Elle pourrait ainsi être un tyran et paradoxalement être immensément populaire et droite dams ses bottes de son pint de vue. On en a plein nos livres d’Histoire.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année par Pandémie.
    #194958
    Eridan
    • Vervoyant
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    Je partage l’idée qu’on se dirige vers une Daenerys sombrant dans la folie furieuse

    Alors personnellement, ce n’est pas ma vision ! ^^ Je pense plutôt que Daenerys, jeune fille de quatorze ans, dépositrice d’un pouvoir absolu qui la dépasse complètement, a tendance à fonctionner par pulsions et instincts … parfois, ça donne des moments de grâce merveilleux (entrer dans le bucher = ressortir imbrulée et avec des dragons ; s’opposer à Drogon dans l’arène = le monter pour la première fois), parfois, ça amène au contraire au pire (le sac d’Astapor ; la crucifixion des esclavagistes). Ce que je redoute, ce n’est pas tant la folie furieuse et paranoïaque, c’est plutôt ces fameux coups d’éclats, des décisions qu’elle n’aurait pas bien réfléchie et dont elle n’anticipe pas les conséquences. Typiquement, si FAegon mourrait par la faute de Daenerys ou par celle de son dragon … comment les personnages autour y réagiraient ?

    A Meereen, quand elle règne, la plupart de ses décisions et de ses jugements sont plutôt bons, dans l’ensemble, même s’il y a des loupés … Maintenant, ce ne sont pas ses décisions quand elle règne qui me font craindre pour elle, mais vraiment celles qu’elle prend sous le coup de l’émotion.

    Et elle fait preuve de belles qualités pour apprendre à régner : elle sait écouter les avis les moins agréables de ses conseillers, sans leur permettre de saper son autorité en le donnant avant qu’elle l’ait demandé (voir sa remarque à Arstan sur le sujet), elle sait très bien distinguer les conseillers vraiment dignes d’être écoutés de ceux qui la flattent

    Pas toujours. Il y a le cas Brun Ben qui parvient à la rouler. Et avant lui, il y avait Mirri et Jorah. Daenerys est entourée de faux amis, et elle tombe souvent dans leur piège. Skahaz me fait le même effet, d’ailleurs. Heureusement, il est moins subtil et plus douteux que Brun Ben ; Daenerys suit rarement ses conseils pour pas dire jamais.

    Si, à Astapor et à Yunkai, elle est en proie à l’illusion qu’elle pourrait mettre fin à l’esclavage dans la Baie des Serfs, une fois devenue la « Mère » des affranchis, elle en rabat sur ses prétentions et se soucie surtout d’éviter à son peuple de crever de faim ou de retourner à l’esclavage (apprenant ainsi qu’en politique comme en famille, pour devenir « mère » il vaut mieux savoir à l’avance comment on fera pour nourrir et protéger ses « enfants »).

    Éviter à ses enfants l’esclavage est impossible à terme. La démarche de Daenerys est vaine, et son obstination également. On pourrait lancer un troisième sujet sur ce que deviendra le pays de Ghis après le départ de Daenerys, mais la paix dans cette région paraît lointaine pour ne pas dire impossible … et la suppression de la traite esclavagiste ne durera pas, aussitôt qu’elle sera partie. Les conditions de paix qu’on lui imposait et auxquelles elle avait consenti montraient déjà bien que l’esclavagisme allait reprendre très vite.

    « Yunkaï nous accordera la paix, mais à un certain prix. L’interruption du commerce des esclaves a causé de grands torts à travers tout le monde civilisé. Yunkaï et ses alliés exigeront de nous une indemnité, à verser en or et en joyaux. […] Les Yunkaïis reprendront l’esclavage, comme avant. Astapor sera rebâtie en une cité esclavagiste. Vous n’interviendrez pas.
    — Je n’étais pas à deux lieues de leur cité que les Yunkaïis avaient déjà rétabli l’esclavage. Ai-je rebroussé chemin ? Le roi Cleon m’a implorée de me joindre à lui contre eux, et j’ai fait la sourde oreille à ses suppliques. Je ne désire pas la guerre avec Yunkaï. Combien de fois devrai-je le répéter ? Quelles promesses leur faut-il ?
    — Ah, voilà l’épine cachée dans la tonnelle, ma reine, répondit Hizdahr zo Loraq. La chose est malheureuse à dire, mais Yunkaï n’a aucune foi en vos promesses. Ils continuent de pincer la même corde de la harpe, une histoire d’émissaire que vos dragons ont fait brûler.
    — Seul son tokar a brûlé, riposta Daenerys avec dédain.
    — Peu importe, ils n’ont pas confiance en vous. Les hommes de la Nouvelle-Ghis partagent leur avis. Les mots sont du vent, comme vous l’avez si souvent dit vous-même. Aucune de vos paroles n’assurera cette paix, pour Meereen. Vos ennemis exigent des actes. Ils veulent nous voir mariés et me voir couronné roi, pour régner à vos côtés. »

    ADWD, Daenerys VI.

    (Il faudrait vérifier si Hizdahr dit bien la vérité quand il prétend que les ennemis de Daenerys le veulent lui pour roi … Ca l’arrange bien ! ^^ Mais c’est crédible.) Et encore, ces conditions là sont celles qu’on lui impose avant l’épisode de l’arène. Après, ça empire : les Yunkaïs exigent la mort des dragons, en plus des termes précédemment négociés. Promettrait-elle de quitter la baie des Serfs pacifiquement et pour toujours, que les Yunkaïis seraient encore capables de craindre qu’elle mente et ne revienne …

    Elle n’a jamais été préparée à régner, ni même à gouverner (cela c’était le job dévolu à Viserys).

    (En théorie … mais lui-même n’a jamais été préparé pour cette tâche qui le dépassait complètement ! ^^)

    Je ne sais pas si elle est réellement entourée des bons conseillers (en dehors de ser Barristan qui se montre loyal et désintéressé).

    Loyal, pour sûr. Désinteressé, pas totalement : Barristan rejoint Daenerys avec comme espoir qu’elle retournera à Westeros. Ses conseils vont tous dans ce sens. 😉 Et aussi loyal et désintéressé qu’il puisse sembler, Barristan n’est pas un conseiller complet pour autant. Il manque de ruse, de duplicité. Il n’a pas une pensée politicienne. Il réfléchit en chevalier ouestriens confit d’honneur, quitte parfois à proposer des solutions ineptes :

    Daenerys fit la grimace. Même son propre peuple ne laissait pas le sujet en repos. Reznak mo Reznak insistait sur l’argent qu’on pouvait gagner au travers de taxes. La Grâce Verte affirmait que rouvrir les arènes contenterait Grâce Verte affirmait que rouvrir les arènes contenterait les dieux. Le Crâne-ras estimait que cela vaudrait à la reine des soutiens contre les Fils de la Harpie. « Qu’ils se battent », bougonna Belwas le Fort, qui avait jadis été un champion de l’arène. Ser Barristan suggérait plutôt un tournoi ; ses orphelins pouvaient galoper sus aux anneaux et s’affronter en mêlée avec des armes émoussées, disait-il, une suggestion que Daenerys savait aussi impraticable qu’inspirée par de bonnes intentions. C’était du sang que les Meereeniens avaient envie de voir, et non du talent. Sinon les esclaves de combat auraient porté une armure. Seule la petite scribe Missandei semblait partager les réticences de la reine.

    ADWD, Daenerys II.

    Ou de conseiller la bravoure à des gens qui ne sont pas taillés pour ça :

    Où est passé ton courage ? s’emporta ser Barristan. Son Altesse vous a libérés de vos chaînes. À vous d’affûter vos épées et de défendre votre propre liberté, à son départ.

    ADWD, Daenerys III.

    A moi aussi, ce pauvre Quentyn ne m’a pas emballée en primo lecture et je trouvais sa démarche bien présomptueuse. Mais à la relecture des chapitres dorniens, je me dis que l’offre de Dorne n’aurait pas dû être rejetée sans réfléchir.

    C’est compliqué, parce que comme dit Pat plus haut, Daenerys doit choisir entre être la Mhysa des esclaves et être reine des Sept Couronnes. Pour Mhysa, le mariage avec Dorne n’a aucun intérêt : son problème le plus urgent est d’obtenir la paix à Meereen et Martell ne peut pas la lui offrir contrairement à Hizdahr (pis bon, il arrive trop tard ! ^^’) A l’inverse, en effet, le mariage avec Hizdahr n’est d’aucune utilité pour Westeros. Au contraire, lorsqu’elle arrivera en terres ouestriennes, ses deux mariages à des « barbares » risquent de ne pas améliorer les rumeurs qui trainent sur elle … surtout que le premier est mort. Et le second ? Que va-t-il arriver à Hizdahr, maintenant qu’il a été arrêté par Barristan ? Est-ce que Daenerys va l’instituer roi de plein droit avant de partir ? Ou se débarrasser de lui pour ne pas devenir polygame ?

    Le jugement de Baristan Selmy sur Daenerys et qu’elle est encore tropémerveillée par le feu pour pouvoir considérer la valeur de la terre pour prospérer.

    Tu as la citation ou la référence quelque part ?

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #194984
    Pat le petit porcher
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    Éviter à ses enfants l’esclavage est impossible à terme.

    Parce que nous voulons qu’elle quitte la Baie des Serfs pour gagner Westeros… C’est ce que la saga exige et ce qu’elle désire elle-même. Mais si elle s’installait définitivement là où ses enfants ne peuvent pas aller plus loin pour la suivre, ce serait possible, quoique difficile. C’est ce qu’exigerait le sens des responsabilités envers ceux qui ont fait d’elle leur reine. Ce qu’elle ne peut absolument pas faire, c’est abolir l’esclavage dans l’ensemble du pays de Ghis (et elle y a renoncé depuis un bon moment, n’envisageant pas marcher à nouveau sur Yunkai pour exiger de nouveau la libération des esclaves).

    elle sait très bien distinguer les conseillers vraiment dignes d’être écoutés de ceux qui la flattent Pas toujours. Il y a le cas Brun Ben qui parvient à la rouler. Et avant lui, il y avait Mirri et Jorah. Daenerys est entourée de faux amis, et elle tombe souvent dans leur piège. Skahaz me fait le même effet, d’ailleurs. Heureusement, il est moins subtil et plus douteux que Brun Ben ; Daenerys suit rarement ses conseils pour pas dire jamais.

    Quelqu’un peut trahir et être néanmoins un bon conseiller… C’est justement le cas de Jorah, comme Daenerys finit par le reconnaître elle-même : malgré ce qu’elle a à lui reprocher, elle admet qu’il l’a toujours bien conseillée. Brun Ben passe à l’ennemi, mais je ne vois pas d’exemple où les avis qu’il a pu donner à Daenerys aient été mauvais. Et inversement, un homme qui semble lui être loyal peut être un conseiller désastreux, comme Daario, que Daenerys n’écoute pas malgré tous les sentiments qu’il lui inspire. Discerner qui mérite d’être écouté, et en qui on peut avoir confiance, ce sont deux choses différentes.

    Ce que je redoute, ce n’est pas tant la folie furieuse et paranoïaque, c’est plutôt ces fameux coups d’éclats, des décisions qu’elle n’aurait pas bien réfléchie et dont elle n’anticipe pas les conséquences.

    certes, elle prendra sans doute encore pas mal de décisions de ce genre… Reste à savoir si ce serait suffisant pour entraîner sa chute. Tous les personnages de la saga, ou peu s’en faut, prennent certaines mauvaises décisions parce qu’ils se laissent guider par une émotion dangereuse, et c’est peut-être une des raisons pour lesquelles le taux de mortalité y est si élevé… mais on peut tout de même espérer que ça n’entraînera pas la perte de chacun d’eux. En outre, je ne sais pas si je te comprends bien quand tu distingues les décisions qu’elle prend quand elle règne et les décisions qu’elle prend sous le coup de l’émotion, mais si ça veut dire que les exemples de décisions impulsives sont surtout à prendre avant son règne à Meereen, on pourrait aussi interpréter cela comme le signe que le personnage mûrit et apprend progressivement à ne plus laisser ses impulsions guider ses choix politiques. Mais bon, ta vision reste moins pessimiste que la mienne si tu ne penches pas pour une Daenerys submergée par une folie dragonesque !

     

     

    #194985
    Oiseleur
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    Prince Quentyn was listening intently, at least. That one is his father’s son. Short and stocky, plain-faced, he seemed a decent lad, sober, sensitive, dutiful… but not the sort to make a young girl’s heart beat faster. And Daenerys Targaryen, whatever else she might be, was still a young girl, as herself would claim when it pleased her to play the innocent. Like all good queens she put her people first – else she would have never wed Hizdahr Zo Loraq – but the girl in her still yearned for poetry, passion and laughter. She wants fire and Dorne sent her mud.
    You could make poultice out of mud to cool a fever. You could plant seeds in mud and grow a crop to feed your children. Mud would nourrish you, where fire would only consume you, but fools and children and young girls would choose fire every time.

    Chapitre 60 de ADWD

     

    #194999
    Eridan
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    Parce que nous voulons qu’elle quitte la Baie des Serfs pour gagner Westeros… C’est ce que la saga exige et ce qu’elle désire elle-même. Mais si elle s’installait définitivement là où ses enfants ne peuvent pas aller plus loin pour la suivre, ce serait possible, quoique difficile. C’est ce qu’exigerait le sens des responsabilités envers ceux qui ont fait d’elle leur reine. Ce qu’elle ne peut absolument pas faire, c’est abolir l’esclavage dans l’ensemble du pays de Ghis (et elle y a renoncé depuis un bon moment, n’envisageant pas marcher à nouveau sur Yunkai pour exiger de nouveau la libération des esclaves).

    Toutafè ! Ça recoupe d’ailleurs une réflexion que j’ai partagé sur le podcast sur Dunk et l’Œuf : « les réformateurs pro-petites gens doivent toujours affronter l’inertie des élites traditionnelles, et la réaction d’une aristocratie qui refuse de se soumettre de bon gré et d’abandonner ses privilèges pour le bien commun. L’autre idée (assez triste et fataliste), c’est qu’à peine le réformateur parti (Aegon mort à Westeros, Daenerys quittant Astapor), les réformes mises en place se retrouvent bousculées et bien souvent, elles ne résistent pas. »

    Les termes obtenus par Daenerys sont dérisoires alors qu’elle est encore là (Meereen qui ne reprendra pas officiellement l’esclavage, mais dont toute la société fonctionne encore comme au temps de l’esclavage ; Astapor et Yunkaï qui vont pouvoir continuer). Une fois qu’elle sera partie, que restera-t-il ?

    Mais bon, ta vision reste moins pessimiste que la mienne si tu ne penches pas pour une Daenerys submergée par une folie dragonesque !

    Je ne l’espère pas, je ne lui souhaite pas …

    En fait, ce que je redoute beaucoup, c’est que Martin parte dans la direction de la folie congénitale : Aerys II était fou et la folie se transmet au sein de la famille Targ par le sang. De nombreux personnages l’évoquent ou y croient déjà. Jusqu’à faire douter Daenerys elle-même.

    « Son père était fou, lui aussi. Ça se transmet par le sang. »
    Ça se transmet par le sang. Oui, le roi Aerys II était fou, tout Westeros le savait. Il avait banni deux de ses Mains et condamné au bûcher une troisième. Si Daenerys est aussi meurtrière que son père, dois-je l’épouser quand même ? Le prince Doran n’avait jamais abordé cette éventualité.

    ADWD, l’Erre-aux-vents.

    Elle était du sang du dragon, mais ser Barristan l’avait avertie : ce sang charriait une souillure. Serais-je en train de devenir folle ? Ils avaient traité son père de fou, autrefois.

    ADWD, Daenerys II.

    Que les personnages y croient, ça ne me dérange pas ; ils croient à toutes sortes de choses, certaines vraies, d’autres fausses. Le lecteur fait le tri, mais si Martin donne le même genre de folie à Daenerys qu’à son père, il accrédite auprès du lecteur cette thèse de la folie congénitale. On a déjà Viserys qui présente des similitudes avec Aerys (mais aussi des différences), Daenerys et Rhaegar ont leurs faiblesses, mais pas le genre de folie d’Aerys … Je préfèrerai personnellement que ça reste comme ça, et qu’on évite de faire croire aux lecteurs que la folie est congénitale, que c’est inévitable. Des signaux dans la saga me font espérer qu’on ne se dirige pas vers la folie aveugle pour Daenerys : Martin joue beaucoup sur cette notion « fils de … » ou « fille de … » (ou de prédestination, de manière générale) et c’est généralement pour mettre cette idée à mal. Je trouve plus intéressant de voir Cersei sombrer dans ce genre de folie paranoïaque (qui lui vient non pas de son sang, mais de son exercice du pouvoir) plutôt qu’une Daenerys.

    Pour Daenerys je veux bien voir un effondrement, mais pas parce qu’elle a le même genre de folie que son père, plutôt parce que les gens sont superstitieux, qu’ils ont vite fait de te catégoriser en fonction de ta réputation. C’est grâce à ce mécanisme qu’on se retrouve avec un Jaime, assimilé à un Régicide sans honneur, alors que ses motivations sont plus complexes. Les choix de Daenerys peuvent être violents mais ils ne sont pas pour le moment l’incarnation de sa folie latente, juste une manifestation de sa puérilité et de son manque de conscience politique. J’aimerais que ça continue comme ça. Je trouverai plus touchant le parcours d’une jeune fille qui essaie de faire de son mieux toute sa vie, mais qui se retrouve complètement dépassé par les événements qu’elle a provoqué, plutôt qu’une énième « reine folle » comme le sont déjà Rhaenyra et Cersei.

    Chapitre 60 de ADWD

    Merci, j’ai la version française, du coup pour les non-anglophones :

    Le prince Quentyn écoutait avec attention, cependant. Celui-là est bien le fils de son père. Court et trapu, banal de visage, il semblait un bon garçon, mesuré, raisonnable, obéissant… mais pas le genre qui fait battre plus vite le coeur d’une jeune fille. Et Daenerys Targaryen, quoi qu’elle pût être par ailleurs, était encore une jeune femme, comme elle l’affirmait elle-même quand il lui plaisait de jouer l’innocence. Comme toutes les bonnes reines, elle plaçait son peuple au premier plan – sinon, elle n’aurait jamais épousé Hizdahr zo Loraq – mais la jouvencelle en elle continuait d’avoir faim de poésie, de passion et de rire. Elle désire le feu, et Dorne lui envoie de la boue.
    Avec de la boue, on pouvait faire une compresse pour calmer une fièvre. Dans la boue, on pouvait planter des graines et faire pousser une récolte pour nourrir ses enfants. La boue nourrissait quand le feu ne savait que consumer, mais immanquablement les sots, les enfants et les jeunes filles préféraient le feu.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #195032
    Oiseleur
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    Il ne faut pas exagérer

    Mais bon, ta vision reste moins pessimiste que la mienne si tu ne penches pas pour une Daenerys submergée par une folie dragonesque !

    Je ne l’espère pas, je ne lui souhaite pas … En fait, ce que je redoute beaucoup, c’est que Martin parte dans la direction de la folie congénitale : Aerys II était fou et la folie se transmet au sein de la famille Targ par le sang. De nombreux personnages l’évoquent ou y croient déjà. Jusqu’à faire douter Daenerys elle-même.

    « Son père était fou, lui aussi. Ça se transmet par le sang. » Ça se transmet par le sang. Oui, le roi Aerys II était fou, tout Westeros le savait. Il avait banni deux de ses Mains et condamné au bûcher une troisième. Si Daenerys est aussi meurtrière que son père, dois-je l’épouser quand même ? Le prince Doran n’avait jamais abordé cette éventualité.

    ADWD, l’Erre-aux-vents. Elle était du sang du dragon, mais ser Barristan l’avait avertie : ce sang charriait une souillure. Serais-je en train de devenir folle ? Ils avaient traité son père de fou, autrefois. ADWD, Daenerys II.

    Que les personnages y croient, ça ne me dérange pas ; ils croient à toutes sortes de choses, certaines vraies, d’autres fausses. Le lecteur fait le tri, mais si Martin donne le même genre de folie à Daenerys qu’à son père, il accrédite auprès du lecteur cette thèse de la folie congénitale. On a déjà Viserys qui présente des similitudes avec Aerys (mais aussi des différences), Daenerys et Rhaegar ont leurs faiblesses, mais pas le genre de folie d’Aerys … Je préfèrerai personnellement que ça reste comme ça, et qu’on évite de faire croire aux lecteurs que la folie est congénitale, que c’est inévitable. Des signaux dans la saga me font espérer qu’on ne se dirige pas vers la folie aveugle pour Daenerys : Martin joue beaucoup sur cette notion « fils de … » ou « fille de … » (ou de prédestination, de manière générale) et c’est généralement pour mettre cette idée à mal. […] Pour Daenerys je veux bien voir un effondrement, mais pas parce qu’elle a le même genre de folie que son père, plutôt parce que les gens sont superstitieux, qu’ils ont vite fait de te catégoriser en fonction de ta réputation. […] Les choix de Daenerys peuvent être violents mais ils ne sont pas pour le moment l’incarnation de sa folie latente, juste une manifestation de sa puérilité et de son manque de conscience politique. J’aimerais que ça continue comme ça. Je trouverai plus touchant le parcours d’une jeune fille qui essaie de faire de son mieux toute sa vie, mais qui se retrouve complètement dépassé par les événements qu’elle a provoqué, plutôt qu’une énième « reine folle » comme le sont déjà Rhaenyra et Cersei.

    À mes yeux, la seule trace de folie que l’on peut retrouver chey Aerys II est son inclinaison à la pyromanie. Il jalousait l’aura de Tywin Lannister, sa main du roi, en fait toutes les personnes qui étaient plus compétentes que lui pour régner et qui ont le malheur d’être charismatiques.

    Pour l’instant Daenerys a une aura que lui confère son statut de Mère des Dragons, à voir ce que ça donnera si jamais d’autres personnes réussissent à dompter les dragons ou pire à en faire éclore.

    Un des grands problèmes de Daenerys sera que ses troupes seront composées de groupes avides de butin : les mercenaires et les dothrakis en tête ; les fer-nés de Victarion. Pas une troupe aussi disciplinée que les Immaculés. Les compagnies auront besoin d’un débouché à la fin de la conquête.

    La Compagnie Dorée et leur champion y seront confrontés eux aussi à ce problème du butin.

    Curieusement plus le temps passe et plus je me dis que le Conflans ravagé et Harrenhal / Salins pourront être le point de chute final pour le peuple des affranchis de Daenerys. Que celle-ci réussisse ou non à prendre la tête des Sept Couronnes.

    Comparer le règne de Rhaenyra à celui de Cersei ne m’était pas venu à l’esprit, mais maintenant que l’idée est installée.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année par R.Graymarch.
    #195034
    Pandémie
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    Même si c’est impossible de faire un diagnostic dur un personnage de fiction, Aerys II a tous les signes de la schizophrénie, de crises de paranoïa ou de stress post-traumatique après Sombreval. Il a des sautes d’humeur inexplicables, voit des complots partout, refuse de qu’on le touche, lave, le soigne, il s’inflige du mal à lui-même et aux autres. Le roi Croûte quand même…

    Ce genre de psychose est en grande partie d’origine génétique, c’est prouvé. Et Dany est issue d’une double union incestueuse. Il est donc quasi certain qu’elle a le gène. Ce qui ne veut pas dite qu’elle va devenir folle, il faut encore que le gène « s’active » comme de la nitroglycérine qu’il faut secouer pour qu’elle saute. Secouée, Dany l’a déjà passablement été mais elle tient le coup. Cependant, les Nonmourants l’ont annoncée mortelle aux mensonges et à la trahison et elle pourrait bien basculer à la suite d’un de ceux-ci. Ce serait plus que normal.

    Car même sans apport génétique, qui en sortirait indemne? Je reprends ce que je disais plus haut, Martin n’a pas envie d’écrire sur un roi parfait style Aragorn et quelque soit la famille que l’on prenne, Stark, Lannister, Martell, Greyjoy, Arryn, Tully, … il y en a quasiment aucun qui s’en sortira en bon état et Dany ne fera pas exception. Ce qui reste sujet à spéculation, c’est l’ampleur de ce qui va la changer et de ses réactions. Mais aucune chance qu’elle soit une reine sage, bonne et paisible car selon Martin, ça n’existe jamais vraiment.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année par R.Graymarch.
    #195048
    Tybalt Ouestrelin
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    Aerys II a tous les signes de la schizophrénie, de crises de paranoïa ou de stress post-traumatique après Sombreval.

    La schizophrénie est d’abord définie par son syndrome dissociatif. Pour Aerys on a plutôt une paranoïa (ou psychose paranoïaque) avec surestimation de soi, méfiance excessive, interprétation allant toujours dans le même sens quitte à recréer la réalité, bref.

    Pour la partie génétique, c’est un peu plus complexe on parle là de panels de gènes et d’associations de gènes qui rendent plus susceptibles de développer une maladie. Mais on est loin du 100%. Si votre frère jumeau (même génome) est schizophrène votre risque de l’être aussi est aux alentours de 10-30% (ce qui est très au-dessus de la population générale) ; ça n’est donc pas qu’une histoire de gènes. Pour l’anecdote nous avons tous des gènes pour l’autisme, la schizophrénie, etc. Et on ne développe pas tous ces pathologies.

    Cela dit, la génétique chez GRRM n’est pas la même que la nôtre. Les cheveux Baratheon ou Tully ne se transmettent pas « à chaque fois » dans la vraie vie.

    Tout ça pour dire, que personnellement je prends pas mal de distance avec les transmissions de pathologies. Je garde le 1 Targaryen / 2 est fou.

    DOH 8&10 : Tybalt Ouestrelin, acolyte loyaliste devenu Mestre ; Or, Argent et Bronze.
    DOH 9 : Lazzara zo Ghazîn, Grâce Bleue devenue Sénéchale. Miraculée devenue Conseillère. Pas Miraculée deux fois.

    #195053
    Pandémie
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    Oui, oui, c’est ce que je dis, des prédispositions. Simplement Dany a été soumise, est soumise à la fin d’ADWD et sera encore soumise malheureusement pour elle si les prophéties se réalisent à divers traumatismes qui peuvent faire craquer n’importe qui. Et comme les particularités génétiques des uns et des autres sont comme tu le dis encore plus régulières chez GrrM, il serait très surprenant que Dany ne devienne pas folle. Juste que ce sers un peu mieux amené que dans le show.

    #195055
    Tybalt Ouestrelin
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    Oui je suis assez d’accord avec toi. Elle subit énormément, ce qui va renforcer des vécus de persécution et de paranoïa. D’autant que les tyrans ont une tendance « naturelle » à la paranoïa du fait du contexte : leur pouvoir repose sur leur force, celle-ci est toujours fragile et nécessite donc d’être soutenue, défendue par des alliés qui deviennent une partie de la force, s’ils se retournent contre le tyran, celui-ci est perdu. On voit très souvent des tyrans s’isoler de plus en plus et éliminer leurs anciens soutiens. Ils n’ont pas forcément de prédisposition à la folie mais leur situation intenable peut les rendre fou.

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