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Approfondissements / La saga principale

Tabous et transgressions : inceste, meurtre et cannibalisme dans le « Trône de Fer »

Jaime et Cersei Lannister (Illustration : Magali Villeneuve ; montage : Nymphadora)

Image de couverture : Magali Villeneuve, montage par Nymphadora

Selon Freud, Lévi-Strauss et Co, les sociétés humaines sont fondées sur trois interdits fondamentaux, ou « tabous » : l’inceste, le meurtre et le cannibalisme.

Le terme « tabou », d’origine polynésienne, désigne « ce que l’on ne doit pas toucher » : un objet, une personne ou un comportement dangereux pour les membres de la communauté. La notion de tabou, qui est notamment employée en ethnologie, intègre une dimension morale et/ou religieuse : c’est un interdit touchant au sacré, et dont la transgression peut parfois entraîner des sanctions, selon les croyances au surnaturel.
L’origine innée ou acquise de ces interdits fait toujours débat parmi les scientifiques. Cependant, on retrouve ces trois tabous dans la majorité des civilisations et leur transgression, sauf exception ritualisée et codifiée, entraîne la mise à l’écart et la condamnation de l’individu. Celui qui transgresse le tabou est « mauvais » et met en danger la société, il devient un tabou lui-même. En gros, si on copule entre parents, qu’on s’assassine et qu’on se bouffe entre nous, l’espèce ne va pas faire long feu, donc c’est pas bien, paf tabous.

Les sociétés du Trône de Fer, de Westeros et d’Essos n’échappent pas à ces règles, quoique à des degrés divers, et George R.R. Martin, l’auteur, semble parfois les avoir établies pour mieux les déconstruire…

L’inceste

L’inceste se définit comme des relations sexuelles prohibées entre parents très proches. D’une société à l’autre, le degré de parenté définissant l’interdit varie. Les relations entre apparentés directs : parents-enfants, frères et sœurs sont globalement condamnées. Dans la loi française, le mariage entre oncle-tante et neveu-nièce est prohibé, sauf autorisation exceptionnelle du président de la République, mais autorisé entre cousins au premier degré (cf. articles 161 à 164 du code civil).
Les unions incestueuses augmentent le degré de consanguinité des enfants qui en sont issus. L’inceste en lui-même ne provoque pas de malformation ou de mutation, mais favorise, en limitant le brassage génétique, l’apparition d’individus homozygotes récessifs porteurs de mutations défavorables (le génome de chaque individu contient deux versions de chaque gène, les allèles, un venant du père et un de la mère ; s’il possède deux allèles porteurs de la même tare, celle-ci s’exprimera et sera transmise à sa descendance). Les populations à forte consanguinité ont de fait des capacités d’adaptation à l’environnement limitées, notamment leurs capacités de résistance aux maladies, et sont donc plus fragiles.

Les « pharaons » Targaryen :

Aegon le Conquérant et ses deux sœurs, Visenya et Rhaenys Targaryen (par Amok)

Aegon le Conquérant et ses deux sœurs, Visenya et Rhaenys Targaryen (crédits : Amok, avec son aimable autorisation)

Dès le début de la saga, les Targaryen sont présentés comme se mariant entre frères et sœurs (ou oncles-nièces / neveux-tantes / cousins). Cette pratique non systématique, mais fréquente, apparaît établie et acceptée, et justifiée par les origines valyriennes des Targaryen, où de telles unions étaient habituelles et jugées préférables.

« Chez les Targaryen, la tradition avait toujours été de se marier entre parents, l’idéal étant de marier frère et sœur. […] La pratique remontait à l’ancienne Valyria, chez les vieilles familles, notamment celles qui élevaient et montaient des dragons. « Le sang du dragon doit demeurer pur », disait-on. […] Peu de gens osaient s’élever contre ces coutumes. »

(Les origines de la saga, Aenys Ier)

Les Targaryen sont considérés (et surtout cherchent à se présenter) comme une maison à part, de statut presque divin, tant par leur morphotype (les caractéristiques physiques : cheveux d’argent ou d’or, yeux aux nuances de mauve) et leur beauté légendaire que par leurs origines et leur fameux « sang de dragon ».

Ils évoquent, dans l’imaginaire commun, les pharaons d’Égypte. Cependant, contrairement à l’idée reçue, toutes les dynasties de pharaons n’ont pas pratiqué l’inceste, cette pratique est surtout le fait de la dernière dynastie, la lignée grecque des Ptolémée (305-30 av. J.-C.) qui pratiquait l’inceste et le mariage polygame, et qui (par ailleurs) se présentait comme des dieux (comme leurs prédécesseurs). D’autres dynasties royales d’Egypte avaient ce genre de mœurs maritales (comme la dynastie des ramessides – 1295-1069 av. J.-C.), mais elles étaient moins importantes que sous les Ptolémée. Ces mariages avaient essentiellement un but politique. L’imaginaire commun leur attribue aussi un rôle que religieux (il fallait recréer le couple sacré Isis-Osiris), mais cette dernière explication est remise en cause par les historiens aujourd’hui. Mais quoi qu’il en soit, George R.R. Martin a évoqué la dynastie des Ptolémée comme l’une de ses inspirations pour les Targaryen (cf. billet du 5 novembre 1998, en anglais). Il est assez probable qu’il ait également joué sur le parallèle avec leur souveraine la plus célèbre, Cléopâtre (Cléopâtre VII), qui épousa successivement ses deux frères, Ptolémée XIII et Ptolémée XIV.

Freuxsanglant (Brynden Rivers) et Shaïra, Astre des Mers (crédits : naomimakesart)

Freuxsanglant et Shaïra, Astre des Mers (crédits : naomimakesart)

L’inceste Targaryen est, au moment de la saga, accepté à Westeros, voire romancé dans les légendes propagées par les chanteurs (Freuxsanglant et Shaïra Astre-des-Mers, Naerys et Aemon le Chevalier-Dragon). Il est ancré dans les esprits au point que, même après la chute des Targaryen, Daenerys considère comme allant de soi son mariage avec Viserys, et que Griff le Jeune/Aegon n’envisage pas qu’elle puisse refuser de l’épouser (en tout cas, pas pour ce motif).

«  l’inceste était un monstrueux péché vis-à-vis des dieux anciens et nouveaux, et les fruits issus d’une pareille vilenie se voyaient également abominer dans le septuaire et le bois sacré. Certes, les Targaryen avaient volontiers pratiqué les mariages entre frères et sœurs, mais cette coutume coulait dans leurs veines avec le sang de l’antique Valyria, et ils se conformaient autant que leurs dragons aux prescriptions divines et humaines. »

(ACOK, Catelyn IV)

Toutefois, les mœurs targaryennes n’ont pas toujours été ainsi acceptées et intégrées par les Ouestriens, et surtout par la Foi. Après la Conquête, le mariage d’Aegon avec ses deux sœurs Rhaenys et Vysenia n’est accepté que du bout des lèvres par les religieux. Aegon le Conquérant impose son mariage bigame avec ses sœurs en usant d’un mélange de diplomatie et d’intimidation — regarde, je suis sympa, je te fais des courbettes, mais si tu me fiches pas la paix à moi et à mes frangines je sors Médor Balerion et je te crame la couronne, souviens toi du Champ de Feu — et sera oint à Villevieille par le Grand Septon en personne. Le peuple et la Foi acceptèrent, au moins en apparence, l’inceste et la bigamie de leur souverain. Les Grands Septons contemporains du règne d’Aegon ne s’opposèrent pas à ces mariages, mais ils ne les déclarèrent pas légaux pour autant (TSOTD).

L’avènement d’Aenys Ier, considéré comme un roi de faible envergure, change quelque peu la donne. Son propre mariage avec une cousine étant légitime, c’est celui de ses enfants Aegon et Rhaena qui va déclencher l’ire du Grand Septon. Auparavant, la proposition de Visenya de marier Maegor à sa nièce Rhaena l’avait déjà irrité, et il avait prévenu Aenys qu’une telle union ne serait pas vue favorablement par la Foi. Le mariage plus incestueux encore entre les enfants royaux ne passa pas :

« Du Septuaire Étoilé arriva une condamnation comme jamais roi n’en avait reçu, adressée au « roi Abomination. » […] On chassa le septon Murmison de la Foi pour avoir célébré la cérémonie, et des Pauvres Compagnons zélés le taillèrent en pièce quinze jours plus tard. »

(Les origines de la saga, Aenys Ier)

Le Septuaire Étoilé, siège de la Foi à Villevieille, condamna l’union comme une obscénité et prévint que les enfants issus d’une telle union seraient vus comme une abomination aux yeux des hommes et des dieux.

S’ensuivit le début de la rébellion de la Foi Militante (ou « guerre de la Foi »), qui se poursuivit durant les années du règne de Maegor et dont le but était de « mettre fin aux dragons, aux monstres et aux abominations » (« put an end to dragons and monsters and abominations », TSOD). Maegor, contrairement à son frère, ne manquait pas d’autorité, mais présentait quelques lacunes dans l’art de la diplomatie (#euphémisme^^). Mais, malgré des mesures sanglantes, il ne parviendra pas à faire cesser complètement cette rébellion.

Ce seront les capacités de conciliation de Jaehaerys qui mettront fin aux troubles. Nous avons (pour l’instant) peu d’information sur le règne de Jaehaerys et les raisons qui poussèrent la Foi à cesser la rébellion et à accepter les mœurs targaryennes. On peut supposer que Jaehaerys, comme son grand-père, sut équilibrer autorité et diplomatie.

Les Targaryen continuèrent à se marier entre frère et sœur, oncle et nièce, tante et neveu au cours des générations suivantes, sans que cela soit systématique, mais sans être remis en cause par la Foi ou l’opinion publique. Le seul Targaryen dont nous ayons connaissance qui ait critiqué ces unions intra-familiales est Aegon V, qui se maria avec Betha Nerbosc :

« Le roi avait pris en aversion la coutume valyrienne des mariages incestueux durant ses années passées parmi le peuple, mais le prince Jaehaerys était plus respectueux des traditions. Depuis son plus jeune âge, il aimait sa sœur Shaera et rêvait de l’épouser à l’ancienne mode targaryenne. Dès qu’ils en eurent conscience, le roi Aegon et la reine Betha firent de leur mieux pour les séparer, mais la distance ne semblait qu’accroitre leur passion mutuelle. »

(Les origines de la saga, Aegon V)

Dans L’Épée Lige (la deuxième nouvelle des Aventures de Dunk et l’Œuf), il semblait pourtant avoir accepté la coutume dans sa jeunesse, de même que Dunk :

 « L’Œuf parlait d’un semblable inceste comme s’il s’agissait de la chose la plus naturelle du monde. Pour lui, ce l’est. Cela faisait des centaines d’années que les Targaryen s’épousaient entre frères et sœurs afin de préserver la pureté du sang du dragon. Et bien que le dernier dragon, au sens littéral du terme, fut mort avant la naissance de Dunk, les rois-dragons persévéraient. Peut-être que les dieux ne voient aucun inconvénient à ce qu’ils épousent leurs propres sœurs. »

(L’Épée Lige)

Le contact avec le peuple, chez qui l’inceste est un tabou puissant, au cours de ses pérégrinations avec Dunk, aurait donc changé le regard d’Aegon sur les coutumes de sa famille. Il accepta cependant par la suite (ou imposa, selon les sources), le mariage entre ses deux petits enfants, Aerys et Rhaelle, enfants de Jaehaerys et de Shaera Targaryen, qui étaient déjà frère et sœur.

L’inceste Targaryen est donc accepté en Westeros du fait de leurs origines valyriennes, où de telles pratiques étaient courantes, et parce qu’ils ont eu le pouvoir au cours de l’histoire de soumettre ceux qui s’y opposèrent. Les Ouestriens le justifient par leur prétendu statut quasi-divin, non soumis aux lois des hommes communs et la nécessité de garder pur le « sang de dragon ». Toutefois, la chute des Targaryen fut interprétée par certains religieux comme une punition divine.

Les jumeaux Lannister

Jaime et Cersei ou le mythe de Narcisse revisité

« Il nous a vus ! »

(AGOT, Cersei à Jaime, dans Bran II)

L’inceste des Lannister va précipiter les événements de la saga. Pourtant, dans les troubles qui vont survenir, le caractère incestueux de l’adultère de Cersei n’est que secondaire. Elle se serait choisie comme amant un beau blond lambda, les conséquences auraient été les mêmes : adultère, fornication, bâtardise des petiots : « tête, pique, remparts ».
Jaime et Cersei Lannister, les magnifiques enfants de Tywin et Joanna, grands, beaux, intelligents, si semblables physiquement qu’enfants, ils échangeaient leurs vêtements et leur place à Castral Roc sans que personne ne s’en rende compte, et… amants. Jaime et Cersei sont « faux-jumeaux », ils ne sont pas plus proches génétiquement entre eux qu’avec Tyrion, mais ils sont décrits par l’auteur comme parfaitement semblables « Aussi semblables […] que le reflet dans le miroir » (AGOT, Bran II) sauf leur sexe, ce qui rend leur relation plus dérangeante encore. Cet « amour » entre les jumeaux est plus ancien que leurs souvenirs, remontant bien avant leur maturité sexuelle :

Tout petits, ils se faufilaient déjà dans le lit l’un de l’autre afin de dormir enlacés. Dès le sein maternel. Bien avant que sa sœur ne fleurisse ou que lui-même n’accède à la virilité, la vue des juments et des étalons dans les prés, des lices et des chiens au chenil, les avait incités à imiter ces jeux.
La femme de chambre de Mère les avait surpris un jour… à quoi faire au juste, il ne s’en souvenait plus, mais cela de toute manière horrifia lady Joanna. Qui, non contente de congédier la camérière et de le déménager, lui, dans une chambre à l’autre bout du château, fit en permanence garder la porte de Cersei. »

(ASOS, Jaime III)

Leur mère essaya de les séparer, menaçant de tout révéler à leur père, mais sa mort à la naissance de Tyrion leva l’entrave à la poursuite de leurs petits jeux.
Pour être un tabou fort, l’inceste dont ils sont coupables ne pèse guère sur la conscience des jumeaux. Cersei considère Jaime comme une version masculine d’elle-même et n’a jamais éprouvé de plaisir qu’avec lui :

« Trois siècles durant, les Targaryens ont bien préservé la pureté de leur sang par des mariages entre frère et sœur. Jaime et moi sommes d’ailleurs plus que frère et sœur. Nous ne formons qu’un seul être en deux corps.[…] Quand il est en moi, je me sens… entière.  »

(AGOT, Cersei à Eddard, dans Eddard XII)

Jaime ne pousse pas la réflexion plus loin que le fait qu’il aime sa sœur, et qu’elle est la seule femme qu’il ait jamais aimé et possédé. À ce titre, il voit une forme d’honneur dans la relation qu’il a avec elle :

« Je n’ai jamais couché avec une autre que Cersei. Plus loyal, à ma manière à moi, que votre Ned ne le fut oncques. »

(ACOK, Jaime à Catelyn, dans Catelyn VII)

Le lien entre Jaime et Cersei se distend cependant au cours de la saga. Séparés physiquement l’un de l’autre, ils s’éloignent psychologiquement de manière croissante. Cersei, qui devient de plus en plus paranoïaque, rappelle à Jaime Aerys le Fol et Jaime, qui change physiquement et moralement, ressemble de moins en moins à Cersei, qui ne se reconnait plus en lui et le rejette.

Plus encore qu’un inceste frère-sœur, la liaison entre Jaime et Cersei ressemble au mythe de Narcisse, un jeune homme si beau qu’il tomba amoureux de son propre reflet dans l’eau et qu’il s’y noya. Les deux Lannister ne manquant pas d’ego, ils sont une sorte de version dédoublée de Narcisse, Cersei voyant en Jaime l’homme qu’elle aurait souhaité être, Jaime se passionnant pour cette version féminine de lui-même. D’ailleurs, dans une version moins connue du mythe, rapportée par l’auteur grec Pausanias le Périégète (IIème siècle ap. J.-C.), Narcisse avait une sœur jumelle dont il était éperdument amoureux.
Le mythe de Narcisse donna son nom à une fleur aux couleurs d’or, belle mais toxique. Pour la petite histoire, dans les campagnes (enfin, dans ma campagne), les narcisses sauvages sont surnommées les « tire-vaches » car, bien qu’étant de jolies fleurs dorées qui attirent l’œil des ruminantes, elles les repoussent immédiatement par leur forte odeur désagréable et sont plantées dans les bordures de jardin pour repousser la gourmandise des bovidés. Les narcisses sont toxiques et souvent responsables d’empoisonnement de chiens dont l’odorat n’identifie pas la narcisse comme délétère (point bonus pour celui qui trouve une théorie à propos d’une vache qui s’éloigne d’une narcisse alors qu’un chien s’y empoisonne…).

Mais si Jaime et Cersei légitiment pour eux-mêmes leur relation, ils sont bien conscients que divulguée, elle leur vaudrait la mort, et sont donc prêts à tous pour protéger leur secret.

Les réactions à leur inceste

Les efforts des jumeaux n’ont pas empêché la nouvelle de s’éventer pour autant. Plusieurs des lords du Conseil restreint semblent être au courant, et se taisent pour des raisons diverses :

  • les Mains Jon Arryn et Ned Stark n’auront pas le temps de révéler ce qu’ils savent (forcément, quand on est mort, on parle moins…) ;
  • mestre Pycelle affirme être d’une loyauté indéfectible envers la maison Lannister et contribue à la mort de Jon Arryn qu’il accusait de comploter contre les Lannister (ACOK, Tyrion V) ;
  • Littlefinger sait, fait mine de s’en moquer, et amasse probablement ses billes ;
  • Varys sait tout sur tout ;
  • Renly est possiblement au courant (ACOK, Catelyn IV), et projette d’évincer Cersei et de faire épouser Margaery à Robert. On ne sait pas dans quelle mesure il est manipulé par les Tyrell, et si l’inceste de Cersei influence ses actions, ou s’il veut juste être agréable à la famille de Loras ;
  • Stannis Baratheon informe Jon Arryn de ses soupçons avant de s’isoler à Peyredragon.

Kevan Lannister dont on ne sait pas vraiment quand il s’en rend compte, se tait par loyauté envers sa famille, bien que les actions de son neveu et sa nièce le révulsent. enfin, Tyrion semble avoir toujours connu les agissements de Jaime et Cersei et ne parait pas s’en offusquer.

C’est la lettre de Stannis, diffusée aux quatre coins du continent, qui répandra à grande échelle la rumeur sur l’infamie de la reine. Ce qu’elle affirme sur l’ascendance de Joffrey provoque colère et dégoût chez les gens du commun, qui eux, lui reprochent davantage le coté incestueux qu’adultérin de sa relation :

« Putain ! cria-t-elle, putain du Régicide ! Enfoirée de ton frère ! […] Enfoirée de ton frère enfoirée de ton frère enfoirée de ton frère ! »

(ACOK, Tyrion VI)

« Corruption ! piaillait-il. Tel est l’avertissement ! Voici le fouet du Père ! » […] « Nous sommes ballonnés, boursouflés, fétides. Le frère s’accouple à la sœur dans le lit des rois et, en son palais, le fruit de l’inceste galipette au son du pipeau d’un petit singe démoniaque ! »

(ACOK, Tyrion V)

Les septons et le peuple établissent une corrélation entre les horreurs de la guerre dont sont victimes les Ouestriens et les crimes de leurs dirigeants. Interprétant celles-ci comme une punition divine, les adeptes de la Foi se soulèvent et demandent des comptes. C’est bien la transgression du tabou qui aurait entraîné cette sanction venant des dieux.
Les accusations d’inceste finiront par remonter jusqu’à Cersei et, parmi les péchés dont l’accuse la Foi — régicide, déicide, inceste, haute trahison, fornication —, l’inceste est estimé comme le pire :

« En dernier lieu, et pire que tout, il est des gens pour affirmer que vos enfants n’ont point été engendrés par le roi Robert, qu’ils sont des bâtards nés de l’inceste et de l’adultère.» (le Grand Septon)

(ADWD, Cersei I)

À la fin (actuelle) de la saga, nous avons donc : un roi considéré comme une « abomination issu d’inceste » entre frère et sœur, dont la mère est accusée, et que la Foi menace de destituer. Cersei, en grande stratège politique, n’a rien trouvé de mieux à faire que de réarmer la Foi, que Jaehaerys avait réussi non sans mal à soumettre à l’autorité du trône.
En bref, ça sent pas bon pour les narcisses.

Au-delà du Mur

«Il n’existe pas de lois, au-delà du Mur»

(ASOS, Samwell II)

Mais il y a pourtant des règles ou des traditions, à défaut de lois établies. Membres de la Garde et du peuple libre sont pareillement horrifiés par les mœurs incestueuses de Craster.

Craster (par Amok)

Craster (crédits : Amok, avec son aimable autorisation)

Ygrid affirme que l’inceste, élargi chez les sauvageons aux relations entre membres d’un même clan, est une faute :

«T’es dégueulasse. Tu coucherais avec ta sœur, toi ?
– Échalas n’est pas ton frère.
– Il est de mon village. T’y connais rien, Jon Snow. Un homme, un vrai, ça ravit loin, pour renforcer son clan. Les femmes qui couchent avec leurs frères ou leur père ou des parents de clan, ça offense les dieux, et c’est maudit par des enfants faiblards et mal foutus. Monstrueux, même.»

(ASOS, Jon III)

Une femme étrangère au clan le renforce. Ygrid est donc une Lévi-Strauss qui s’ignore. L’anthropologue voyait en effet dans l’interdiction de l’inceste et la tradition d’échanger des femmes avec le « groupe voisin », un moyen plus ou moins conscient de conserver la diversité génétique nécessaire à la survie du groupe, et de favoriser les relations pacifiques entre groupes.

Le peuple libre rejette Craster, vu comme un corbac en raison de son père, et le considère maudit. Pourtant, Craster affirme à plusieurs reprises être un homme pieux, protégé par les dieux. L’identité des dieux de Craster n’est jamais explicitée, et est probablement différente des dieux des sauvageons, les anciens dieux, que vénèrent aussi les Nordiens. Ces derniers condamneraient l’inceste, quand ceux de Craster n’y verraient pas d’offense.

L’inceste est donc globalement condamné à Westeros. Les Targaryen sont les seuls à ouvertement déroger à ce tabou, arguant leurs origines valyriennes et leur « sang de dragon », qui leur conférerait un statut quasi-divin, et donc non soumis aux lois des hommes simples. Toutefois, la Foi des Sept n’a accepté ces pratiques que de force, et quatre rois se sont succédé avant que ne se mette en place une paix durable entre septons et Targaryen.
À la fin d’ADWD, la Foi a retrouvé une grande partie de sa puissance, rien ne dit qu’elle accepterait à nouveau un roi ou une reine, fussent-ils Targaryen, qui pratiquerait l’inceste.

Le meurtre

Le meurtre, en dehors d’un champ de bataille bien entendu, est condamné à Westeros, et puni par la mort ou le Mur. Lister chaque meurtre commis dans la saga serait fastidieux, on se limitera donc aux meurtres les plus outrageants.

Le parricide

Le parricide, du latin parens (le proche, le parent) et caedere (tuer), désigne le meurtre d’un proche, d’un membre de la famille. Il inclut le régicide, le roi étant considéré comme le père de ses sujets. En VO, George R.R. Martin utilise et joue avec les termes kinslayer (littéralement « tueur des siens ») et kingslayer (« tueur de roi »).
Le parricide, bien qu’étant un tabou majeur, est plus que répandu à Westeros :

  • Jaime Lannister le « Régicide », qui portera ce surnom probablement jusqu’à sa mort ;
  • Tyrion Lannister, parricide, que l’on accuse de matricide, de régicide, etc… ;
  • Maegor le Cruel, qui tua son neveu ;
  • Jonos le Fratricide, assassin de Ronnel Arryn, son frère ;
  • Erreg le Régicide ;
  • Theon, accusé par l’homme encapuchonné d’avoir tué ses frères Bran et Rickon. Theon a peut-être tué ses propres enfants, et à ce titre, serait un parricide (à ce sujet, voir aussi Comprendre « La Grande Conspiration nordienne ») ;
  • Freuxsanglant, pour avoir tué son demi-frère Daemon Feunoyr et ses neveux au champ d’Herberouge ;
  • Maekar Targaryen, assassin accidentel de son frère Baelor dans Le Chevalier Errant ;
  • Robb Stark, accusé de tuer son sang par Rickard Karstark.

« Qu’ils soient anciens, qu’ils soient nouveaux, n’importe aux dieux, reprit Karstark, est entre tous maudit qui tue sa parenté.[…] Les dieux te jugeront comme tu m’as jugé.  »

(ASOS, Catelyn III)

L’histoire de Baël le Barde, dans laquelle le fils tue sans le savoir son père (coucou Œdipe) nous apprend que le caractère volontaire ou pas du meurtre d’un proche n’atténue pas la gravité du crime :

« Baël, trente ans plus tard, mena le peuple libre au sud, c’est le jeune lord Stark qui l’affronta au Gué Gelé… et qui le tua, parce que, quand ils en vinrent à croiser le fer, Baël ne voulut pas verser le sang de son propre fils.
– De sorte qu’il périt à sa place ?
– Oui. Mais les dieux haïssent ceux qui, même à leur insu, tuent leurs propres parents. Quand lord Stark revint de la bataille avec la tête de Baël fichée sur sa pique, ce spectacle affligea sa mère si fort qu’elle se précipita du haut d’une tour. Lui-même ne lui survécut guère. L’un de ses vassaux le dépeça pour s’en faire un manteau.»

(ACOK, Jon VI)

Les dieux (anciens et nouveaux, Noyé…) et les hommes en Essos et en Westeros condamnent les auteurs de parricide, considérés comme des monstres. On retrouve cette maxime dans toute la saga :

« Au regard des dieux comme à celui des hommes, il n’est pire maudit que le parricide. »

(ASOS, Davos IV)

C’est la puissance de ce tabou qui retient Victarion Greyjoy de tuer son frère Euron :

« Je pourrais le tuer, confia-t-il à la noiraude. Seulement, c’est un abominable péché que de tuer son roi, et un plus abominable encore que de tuer son frère. »

(AFFC, Victarion II)

Les frères Lannister se sont tous les deux rendus coupables de parricide, chacun affrontant le dilemme moral en résultant à sa manière.
Jaime justifie son geste par la dangerosité et la folie d’Aerys, arguant qu’il n’avait pas le choix, que le Roi Fou menaçait de raser Port-Réal et qu’Eddard était trop psychorigide pour accepter son geste. Il oublie qu’il aurait pu neutraliser Aerys sans le tuer pour autant, ou au moins expliquer ensuite son acte.
Pour Tyrion, le meurtre de son père dépasse ses capacités de coping. Lorsque Bronn avait suggéré à demi-mot que la mort de Joffrey résoudrait bien des problèmes quant à la gestion du royaume, le simple fait d’envisager un parricide l’avait glacé (ACOK, Tyrion VII), alors que l’inceste de son frère et sa sœur le laissait indifférent. Il s’accuse du meurtre de son père tout au long d’ADWD, se justifiant parfois intérieurement par le fait qu’après l’avoir menacé, il n’avait d’autre choix que de tuer son père, sans quoi ce dernier ne le prendrait jamais au sérieux. Pour faire bonne mesure, il se charge aussi des morts de Joanna et Joffrey. Son geste horrifie en Westeros et Essos et étonne les personnages qui le connaissent.
Les deux peuvent justifier leur crime, mais les deux auraient aussi pu éviter de les commettre. Les deux sont marqués par leur geste et en porteront la culpabilité des années durant, aux yeux des autres et aux leurs propres. Les deux prétendent l’assumer en public, voire, bravaches, le revendiquent parfois. Ils n’en subissent pourtant que peu les conséquences à ce stade, seule leur réputation est entachée. Aucun des deux n’est exécuté ou envoyé au Mur, Jaime conserve son manteau blanc et Tyrion obtient l’aide de Varys et d’Illyrio.

Le parricide est un tabou majeur, et universel, et pourtant si fréquent qu’il pose un cas de conscience même à Roose Bolton, c’est dire :

« Si le tueur des siens est maudit, que peut faire un père quand un de ses fils tue l’autre ? »

(ADWD, Theon III)

Meurtre de l’hôte

Les lois de l’hospitalité protègent les hôtes ayant partagé le « pain et le sel », ou plus généralement accueillis à la table ou sous le toit d’un hôte. En contrepartie, l’hôte reçu s’engage à respecter les règles de vie de l’accueillant. Ces lois sont particulièrement sacrées dans le Nord :

« Une coutume que les Nordiens respectent plus que tout autre est le droit de l’hôte, […] les crimes où le droit de l’hôte a été violé sont rares mais toujours traités aussi sévèrement que les pires trahisons. Seul le régicide est considéré comme étant de la même gravité. »

(Les origines de la saga)

L’histoire du Rat Coq témoigne de l’importance accordée aux lois de l’hospitalité, dont la transgression est considérée comme plus grave que le cannibalisme et le meurtre « simple » :

« Le Rat Coq avait mitonné le prince andal dans une énorme croûte, avec des oignons, des carottes, des champignons, des masses de poivre et de sel, une bonne tranche de lard fumé, plus un rouge de Dorne on ne peut plus sombre, et puis il l’avait servi à son père qui, non content d’en vanter le goût, en réclama une seconde portion. A la suite de quoi les dieux, métamorphosant le cuisinier en un monstrueux rat blanc, l’avaient condamné à ne manger rien d’autre que ses propres petits.
Il hantait Fort Nox depuis lors mais, si fort qu’il s’y repût de sa progéniture, sa faim demeurait toujours inassouvie. « Or, ce ne fut pas le meurtre perpétré qui lui valut la malédiction divine, disait Vieille Nan, ni le fait d’avoir servi au roi andal son propre fils en tourte. La vengeance est un droit de l’homme. Mais il avait tué un hôte sous son propre toit, et, ce crime-là, les dieux ne sauraient en aucune manière le pardonner. »

(ASOS, Bran IV)

Les lois de l’hospitalité sont très répandues, à Westeros, depuis Dorne, jusqu’au-delà du Mur :

« Encore qu’après avoir mangé à sa table, les lois de l’hospitalité m’auraient servi d’égide. Elles sont aussi anciennes que les Premiers Hommes et aussi sacrées qu’un arbre-cœur. » Il désigna d’un geste la table qui les séparait, le pain rompu, les os de volaille. « Ici, tu es l’hôte, et tu n’as rien à redouter de moi…, cette nuit du moins. »

(ASOS, Mance Rayder à Jon Snow, dans Jon I)

En Essos, à Qarth :

« J’étais une invitée sous votre toit et j’avais partagé la viande et la boisson avec vous. »

(ADWD, Daenerys III)

À Meereen et Yunkai :

« La Cité Jaune pleure son noble fils, Yurkhaz zo Yunzak, qui a péri de cruelle façon alors qu’il était l’hôte de Meereen. Le sang doit payer le sang. »

(ADWD, Barristan II)

Les Noces Pourpres (crédits : Didier Graffet, calendrier 2017)

Les Noces Pourpres (crédits : Didier Graffet, calendrier 2017)

Quand on parle de droit de l’hôte, l’événement qui vient immédiatement à l’esprit est celui des Noces Pourpres. Les Frey se sont là rendus coupables de régicide et de meurtre de leurs hôtes, au cours d’un banquet… sur des Nordiens. Un tel sacrilège ne restera probablement pas impuni, les Frey paraissent en effet en mauvaise posture entre la Fraternité Sans Bannière et les Nordiens. Lady Cœur-de-Pierre et ses compagnons semblent tenir le précédent des Noces Pourpres comme ayant modifié les règles :

« C’est absolument impossible, répliqua-t-elle. Elle est morte.
– La mort et les droits de l’hôte, marmonna Longue Jeyne Heddle. C’est des trucs qu’ont plus tant de sens comme que ç’avait avant, l’un pas plus que l’autre. »

(AFFC, Brienne VIII)

Contrairement au parricide ou à l’inceste, qui bien que tabous, sont joyeusement transgressés tout au long de la saga, le droit de l’hôte, souvent mis en avant par un hôte qui se sent menacé, n’est transgressé qu’au cours des Noces Pourpres et lors du meurtre de Craster. Surin, l’assassin de Craster, et ses compagnons sont tués par Mains-froides et ses corbeaux et probablement mangés par Eté, sa meute, et sans doute par Bran et ses compagnons (voir ci-dessous).

Meurtres d’enfant

« Je ne tremperai pas dans ce meurtre, Robert. Agis à ta guise, mais ne me demande pas d’y apposer mon sceau. »

(AGOT, Eddard VII)

Sans être un interdit aussi fort que le parricide ou la violation des lois de l’hospitalité, le meurtre d’enfants est très mal perçu. La fin des enfants d’Elia Martell a fortement choqué Dorne. Eddard se brouille avec Robert à propos de Daenerys, et ce dernier revient sur sa décision de la faire assassiner sur son lit de mort. La volonté d’Eddard de sauver les enfants de Cersei du courroux de Robert participe à sa chute. Ned s’horrifie du meurtre de Mycah, qui vaudra à Sandor de figurer sur la liste d’Arya, et dont Sandor lui-même semble se repentir plus tard. Daenerys venge la mort des enfants-esclaves de Mereen, crucifiés par les esclavagistes et s’horrifie de l’épreuve infligée aux Immaculés, qui doivent tuer un nouveau-né pour achever leur formation.

Arya Stark, en compagnie du Limier (Sandor Clegane), tue Titilleur dans l'auberge du Carrefour (crédits : Mathia Arkoniel)

Arya Stark, en compagnie du Limier, tue Titilleur dans l’auberge du Carrefour (crédits : Mathia Arkoniel)

Les enfants meurtriers sont peu mentionnés ; le cas que nous connaissons le mieux est celui d’Arya, qui tue pour s’échapper, pour se défendre, puis par vengeance, et qui établit une liste de personnes à tuer. Elle semble culpabiliser au départ, se demandant ce que sa mère et son frère penseraient d’elle s’ils savaient ce qu’elle a fait. Puis elle devient commanditaire d’assassinats à travers Jaqen H’ghar avant de suivre l’enseignement des Sans-Visage, tuant sur commande, puis de son propre chef. Aucun de ses meurtres n’est « gratuit », Arya ne tue pas pour le plaisir, mais elle en culpabilise de moins en moins, et s’accorde le droit de se faire justice.
Aucun « Point de Vue » extérieur ne nous permet de savoir comment seraient jugés les crimes d’Arya dans la société, l’homme plein de gentillesse lui reproche d’avoir tué sur sa décision propre Dareon, le barde déserteur de la Garde de Nuit, et pourtant lui accorde une « promotion », accélérant sa formation de six mois.

Le cannibalisme

La notion de cannibalisme revient régulièrement dans la saga, sans être fréquente pour autant. C’est un interdit presque universel : même en Essos, on ne mange pas de chair humaine :

« Les Ghiscaris mangent tout ce qui nage, vole ou rampe, l’homme et le dragon exceptés, l’avait avertie Daario. Et le dragon, ils en mangeraient aussi, je parie, pour peu que la moindre occasion se présente. »

(ADWD, Daenerys VIII)

Mordeur est le seul personnage décrit comme un cannibale régulier, et il s’apparente plus à un animal qu’à un humain. Il ne parle pas, pousse des cris, et passe son temps à tenter de boulotter ses voisins, morts ou vifs, provoquant le dégoût de Gendry :

« Septon Utt tripote les petits garçons, Qyburn pratique la magie noire, et ton ami Mordeur bouffe les gens. »

(ACOK, Arya IX)

Mais certaines pratiques cannibales, probablement liées à des rituels s’apparentant au sacré, sont à noter. Khrazz, l’un des combattants d’arène de Meereen, pratique un cannibalisme rituel, visant à s’approprier la force de ses adversaires en mangeant leur cœur (ADWD, Daenerys IX). Il en va probablement de même pour les cannibales de Skagos dont les guerriers mangeraient le cœur et le foie de leurs adversaires.

Menacer, intimider ou diffamer

Nombre de protagonistes menacent leurs ennemis de leur faire manger une partie d’eux même, certains vont jusqu’à la leur cuisiner, comme les Dothrakis (AGOT, Daenerys IV) ; Joffrey, grand leader en devenir, qui conseille à ses sujets affamés de manger les morts qu’il vient de tuer (ACOK, Tyrion V) ; les Fer-Nés coincés à Moat Cailin qui menacent Theon de lui faire manger ses entrailles ; Rorge, qui promet à Brienne de lui faire avaler ses propres yeux, avant que Mordeur ne commence réellement à la grignotter (AFFC, Brienne VII) ; Ramsay, jeune marié, n’est pas content qu’on tue ses copains ; même Tormund utilise ce genre de menace ; …

« Et les dieux te gardent que Khal Drogo n’apprenne ton comportement. Il t’éventrerait pour te faire avaler tes propres entrailles. »

(AGOT, Daenerys IV)

« Je l’écorcherai tout vif, pour griller sa couenne jusqu’à ce qu’elle croustille, et la lui ferai ingurgiter jusqu’à la dernière bouchée. »

(ADWD, Ramsay, dans Theon V)

« Mon fils, Dryn. Veille à ce qu’on s’occupe bien de lui, corbac, ou je ferai roustir ton foie noir avant de le manger. »

(ADWD, Tormund à Jon, dans Jon XII)

Accuser un ennemi de cannibalisme permet aussi de le discréditer, de le faire apparaître comme inhumain, d’inspirer la peur :

« Ce n’était qu’un cri, dans les montagnes de la Lune, pour redouter les Faces Brûlées qui, non contents de mortifier leur chair au fer rouge, passaient pour agrémenter leurs festins de bébés rôtis. »

(AGOT, Tyrion VII)

«  Grâce à quelque infâme diablerie, votre frère et une armée de zomans ont, à moins de trois journées de Port-Lannis, fondu sur ser Stafford Lannister. Sans seulement pouvoir tirer l’épée, des milliers de braves ont été massacrés durant leur sommeil. Après ce carnage, les hommes du Nord se sont repus de la chair des cadavres. »

(ACOK, Lancel, dans Sansa III)

« Les effroyables clans des fleuves gelés qui se repaissaient de chair humaine, à ce qu’on disait »

(ASOS, Jon II)

« Les galères Oledo et le Fils de la Vieille Mère avaient été jetées sur les rochers de Skagos, l’île des licornes et des cannibales, où même le Bâtard Aveugle avait craint d’accoster  »

(ADWD, Davos I)

« Le souvenir l’assaillit brusquement des histoires dont on avait bercé son enfance, à Castral Roc, et d’après lesquelles lady Lothston, atteinte de folie furieuse, prenait des bains de sang et présidait à des festins de chair humaine à l’intérieur de ces mêmes murs d’Harrenhal. »

(AFFC, Jaime III)

Jon est la cible de rumeurs l’accusant de frayer avec des cannibales, entre autres joyeusetés :

« … que je suis à moitié sauvageon moi-même, un tourne-casaque qui a l’intention de vendre le royaume à nos assaillants, aux cannibales et aux géants. »

(ADWD, Jon VIII)

Les plus cinglés s’amusent à faire manger de la chair humaine à leurs prisonniers :

  • La bande à Clegane, jamais à court de bonnes idées, semble avoir pris un peu trop au premier degré le nom du leader des Braves Compaings, en le proposant en ragoût aux prisonniers qui se plaignaient de n’être pas assez nourris (AFFC, Jaime III) ;
  • Euron, le plus fou des frangins Greyjoy, qui dit avoir fait manger aux Conjurateurs de Qarth qu’il avait capturé l’un d’entre eux (AFFC, Victarion II) ;
  • le Prince en Guenilles, qui ne badine pas avec les tentatives de désertion, et qui coupe, puis fait rôtir le pied d’un déserteur, avant de le lui faire manger. Celui-ci deviendra ironiquement le cuisinier du camp (ADWD, Quentyn III) ;

Cannibalisme de survie

Bon, on a compris, manger les gens, c’est pas bien. Mais il faut avouer que parfois, la faim justifie les moyens. Et dans une saga où les guerres et la venue de l’hiver provoquent nombre de famines, les cas de cannibalisme désespéré sont légion :

  • la pauvre lady Corbois, contrainte à mourir de faim dans les geôles de son château, et qui est retrouvée morte après s’être mangée les doigts, horrifie les Nordiens et ajoute, s’il est possible, à la noirceur de la réputation de Ramsay, qui l’a enfermée après l’avoir épousée de force ;
  • le cannibalisme est envisagé par Stannis lors du siège d’Accalmie (ACOK, Catelyn IV) ;
  • il est désiré, bien malgré lui, par le pauvre Sam lors du bûcher funéraire de Bannen, qui répand une appétissante odeur de cochon grillé (mention spéciale à GRRM, pour le réalisme de cette scène, et l’humour noir d’Edd-la-Douleur – ASOS, Samwell II) ;
  • les Conjurateurs capturés par Euron refusent d’abord de manger leur collègue, avant d’y être contraints par la faim ;
  • certains Fer-nés coincés à Moat Cailin mangent leurs morts, horrifiant leurs compatriotes (ADWD, Theon II) ;
  • à Astapor, la famine contraint la population au cannibalisme (ADWD, Daenerys II et VI) ;
  • les sauvageons piégés à Durlieu sont réduits à manger leurs morts ;
  • les prisonniers dans L’Épée lige : « L’un d’entre eux avait essayé de dévorer l’autre, en lui déchiquetant le cou et l’épaule. »

Stannis, qui avait pourtant déjà envisagé de boulotter de la chair humaine à Accalmie, ne laisse pas passer l’acte désespéré des Cossepois, qui ont mangé un soldat mort alors que l’armée est piégée par la neige, et autorise ses fous de R’hllor à faire un barbecue avec les cannibales, sous l’œil d’Asha, qui est certes horrifiée, mais pas surprise que les soldats affamés en soient arrivés à de telles extrémités.
Si l’on excepte ce dernier cas, où les Cossepois sont brûlés pour avoir mangé leurs morts, les cas de cannibalisme de survie inspirent plus de compassion que de reproches de la part des protagonistes de la saga. Les dieux ne sont pas mentionnés comme abhorrant les cannibales, alors qu’ils maudissent les parricides et unions incestueuses, même dans les cas où l’auteur du crime ignore qu’il en commet un. À noter que, dans les cas cités, les pauvres hères cannibales y ont été contraints par la faim ou la menace, ou ne connaissait pas la composition du menu qu’on leur servait (la traçabilité des données alimentaires à Westeros, c’est pas encore au point). Ils ont mangé leurs morts, mais n’ont pas provoqué leur mort au préalable.

La tourte aux Frey

« La meilleure tourte que vous ayez jamais goûtée, messeigneurs, promit le lord obèse. […] Chanteur, joue-nous une chanson sur le Rat Coq. »

(ADWD, Theon III)

Les Manderly ont bouffé du Frey. Au sens propre. Et ils ont fait bouffer du Frey aux Bolton et aux Frey. J’avoue, j’avais pas compris, c’est sur le blog de la garde que j’ai compris, et ça tient superbement la route. Lord Manderly est pourtant un homme attaché aux lois et respectueux des dieux. Certes, c’est un glouton, mais de là à en faire un cannibale…
Si l’on se réfère à l’histoire du Rat Coq (qui tombe à pic), faire manger de l’humain à un ennemi n’est pas répréhensible, au sens où un homme a un droit de vengeance. Violer les lois de l’hospitalité, par contre, vous assure d’être maudit pour l’éternité. Et Manderly a pris garde d’offrir un cadeau aux Frey, rompant ainsi son engagement d’hôte avec eux.

Tout porte à croire que Wyllis, dans les cellules d’Harrenhal, n’aurait pas été aussi horrifié que Jaime s’il avait connu l’origine de la chèvre qui l’a nourri.

Donc, dans le Nord, vous pouvez bouffer les collègues, s’ils vous ont fait du tort, faut juste que l’abattage soit pratiqué en terrain neutre. Et violer les lois de l’hospitalité augmente vos chances de finir en plat principal.

Cannibalisme et zomanie

Ou pas.
Dans le prologue du cinquième tome (ADWD), on en apprend plus sur les règles qui existent au sein de la communauté de zomans :

« De la chair d’enfant, songea-t-il en se souvenant de Cabosse. De la chair humaine. Était-il si bas tombé qu’il avait faim de chair humaine ? Il entendait presque Haggon gronder : « Les hommes peuvent consommer la viande des bêtes et les bêtes celle des hommes, mais l’homme qui se repaît de chair humaine est une abomination. »
Une abomination. Ce mot avait toujours eu la faveur d’Haggon. Abomination, abomination, abomination. Manger de la chair humaine était une abomination ; copuler sous forme de loup avec un loup, une abomination ; et s’emparer du corps d’un autre homme, la pire des abominations. […] J’ai dévoré son cœur et bu son sang, et toujours il me hante »

(ADWD, prologue)

Varamyr s’est adonné à plusieurs reprises, à travers le corps d’un de ses animaux, au cannibalisme, et s’en repent à l’approche de sa mort. Les dieux du Nord qualifieraient donc d’abomination l’homme qui mange la chair de l’homme, même lorsqu’il ne la mange pas réellement en tant qu’homme.

Robb Stark, roi du Nord, chevauche en compagnie de son loup, Vent Gris (crédits : Blackwolf Studio)

Robb Stark, roi du Nord, chevauche en compagnie de son loup, Vent Gris (crédits : Blackwolf Studio)

Certains zomans que nous connaissons ont goûté eux aussi le sang des hommes. Les enfants Stark sont tous des zomans comme l’a confirmé George R.R. Martin.

Nous n’avons pas, et n’aurons jamais le point de vue de Robb sur ses liens avec Vent Gris. A-t-il lui aussi goûté la chair humaine quand son loup massacrait du Lannister au Bois-aux-Murmures ou à la bataille de Croixbœuf ? Des rumeurs disent simplement qu’il s’est changé en loup et a dévoré des hommes, et les meilleurs mensonges contiennent une part de vérité.

Sansa ayant perdu Lady très tôt dans la saga, elle n’a pas de « rêve de loup » dans lesquels elle est dans le corps de Lady, même si elle rêve de sa louve à de nombreuses reprises.

Jon combat son côté zoman, sans y parvenir complètement. Il goûte le sang des proies de Fantôme, mais rien ne laisse à penser que ces dernières sont humaines :

« Le goût du sang chaud envahit la bouche de Jon, et il sut que Fantôme avait tué, cette nuit. Non, se dit-il. Je suis un homme, pas un loup. »

(ADWD, Jon III)

Rickon, le plus sauvage et le plus lupin des enfants Stark, a un lien fort avec son loup. Etant probablement à Skagos, île connue pour ses pratiques cannibales, en compagnie de Broussaille, il a de bonnes chances de transgresser ce tabou :

« Rickon tapota le museau sanglant de Broussaille. « Je l’ai délivré. Il n’aime pas la chaîne. » Il se lécha les doigts. »

(AGOT, Bran VII)

Arya festoie avec Nymeria lors de ses chasses nocturnes, et s’en réjouit en rêve. Nymeria, terreur du Conflans, est d’ailleurs connue pour son appétence pour la chair humaine :

« Elle s’humecta les lèvres, en se souvenant. Le bêlement des moutons, la terreur dans les yeux du berger, le bruit produit par les chiens tandis qu’elle les tuait un par un, les grondements de sa meute. Le gibier était plus rare depuis les premières neiges, mais la nuit dernière ils avaient fait bombance. De l’agneau, du chien, du mouton et la chair d’un homme. Certains de ses petits cousins gris craignaient les hommes, même morts, mais pas elle. La viande était de la viande, et les hommes étaient du gibier. Elle était la louve des nuits. »

(ADWD, Arya I)

« Ils racontent que la meute est conduite par une louve monstrueuse, une ombre errante sinistre et grise et gigantesque. Ils vous affirmeront qu’elle s’est révélée capable d’abattre un aurochs toute seule, qu’il n’est chausse-trape ni piège qui soit en mesure de la capturer, qu’elle ne craint ni l’acier ni le feu, qu’elle égorge n’importe quel mâle qui tente de la saillir, et qu’elle se repaît exclusivement de chair humaine. »

(AFFC, Septon Meribald, dans Brienne V)

Et les Sans-Visage le remarquent :

« – Tu mens. Je lis la vérité dans tes yeux. Tu as des yeux de loup et le goût du sang » ADWD Arya II

Pourtant Arya, lors d’un dîner dans la demeure du noir et du blanc, s’horrifie à la pensée de manger l’un des cadavres :

« Une fois, elle se trouvait en train de dîner quand un abominable soupçon s’empara de son être ; reposant son couteau, elle se mit à considérer fixement la tranche de viande blanchâtre placée sous son nez. L’homme plein de gentillesse s’aperçut de sa mine horrifiée. « C’est du porc, enfant, lui dit-il, simplement du porc. »

(AFFC, Arya II)

Mais le porc et la chair humaine ont un aspect et un goût très proche…

Bran a du mal à se résoudre à manger la « truie » tuée par Mains-froides, mais il va pourtant goûter au sang et à la chair humaine à travers son loup et les barrals :

« Mais alors que sa vie s’écoulait hors de lui en un flot rouge, Brandon Stark perçut le goût du sang. »

Dans Les origines de la saga (l’encyclopédie parue en 2014), les anciennes pratiques des Nordiens révèlent que des sacrifices humains étaient pratiqués sous les arbres-cœur et le cannibalisme n’est pas mentionné comme un tabou qui serait abhorré par les anciens dieux :

« Les Chroniques de Longuesœur lui attribuent bien des horreurs : de sauvages Nordiens tuant des enfants pour remplir leur marmites, des soldats arrachant les entrailles d’hommes vivants pour les enrouler sur des broches,… »

(Les origines de la saga, Le Viol des Trois Sœurs)

La pratique des sacrifices humains devant les barrals est d’ailleurs confirmée par une vision de Bran qui assiste à une scène glaçante.

Sans être cannibales à proprement parler, Bran et Arya, et probablement Rickon partagent ce que George R.R. Martin appelle le « goût du sang ». Ils rappellent les vampires de Riverdream, un autre roman de George R.R. Martin, qui buvaient le sang mais dévoraient aussi leurs victimes, tout en étant prisonniers de cet état.

En conclusion

Il est difficile de rester objectif quant à savoir quel sacrilège est le plus odieux dans la saga. Le lecteur est forcément influencé par ses propres affects envers les personnages. Les gens du Nord ont dans leurs yeux le bleu qui manque à leur décor étant du côté des « gentils » (les Bolton mis à part), le lecteur a tendance à passer sur ces quelques transgressions, et bouffer du Frey, on en a tous rêvé depuis les Noces Pourpres. Là où l’inceste de Jaime et Cersei nous dégoûte, on trouve des excuses au crime de Tyrion, qui a tout de même assassiné son père alors qu’il était sans défense, et Arya et Bran, malgré leur fort capital sympathie, ont-ils pour autant une évolution conforme à la morale ?

Les personnages de Martin sont gris, plus ou moins foncés, et peu peuvent se targuer d’avoir respecté la morale à chaque instant. Le lecteur est surpris et va par habitude chercher à classer les personnages en bons et méchants, et changer d’avis en cours de route. Alors, comment choisissons-nous quelles transgressions sont acceptables, compréhensibles et parfois même bien méritées, quand d’autres provoquent chez le lecteur un sentiment d’horreur ?

Jaime est un bon exemple de personnage honni au début qui va peu à peu séduire les lecteurs. Son passage de personnage que l’on voit à travers les yeux d’autres personnages, à un personnage « Point de Vue » dont on a les pensées, et qui semble se diriger vers une quête de rédemption, suscite la compassion. Quand il a les pensées intimes d’un protagoniste, le lecteur est plus enclin à comprendre ses actes, voire à s’identifier à lui. Ça fonctionne pour Jaime, malgré ses crimes, mais pas pour Cersei. Cersei ne remet pas en cause ses choix, refuse la moindre contradiction et évolue vers une paranoïa de plus en plus dure. Même en ayant ses pensées, le lecteur éprouve peu de compassion envers elle, au moins jusqu’à sa marche de la honte.
Si nous avions le point de vue de Ramsay, conçu lors d’un viol de sa mère, sous le cadavre pendu de son mari, mis à l’écart par son père biologique quand un autre Snow est élevé dans un château, aurions-nous plus de compassion pour lui ?

Pourquoi certaines transgressions semblent-elles plus acceptables que d’autres ? Les Manderly ont-ils eu raison de manger du Frey parce que les Frey c’est des méchants, alors que l’acte des sbires de Clegane, qui nourrissent des prisonniers avec de la « chèvre », est abominable ? Pourtant Varshé Hèvre fait bien partie de ceux dont on souhaite la fin.

Par ses aspects non manichéens, par l’évolution si réaliste de ses personnages, l’œuvre de George R.R. Martin est profondément morale et provoque chez le lecteur des sentiments contradictoires. Est-il moral de se réjouir de la mort d’un enfant de 13 ans, même si celui-ci parait bien parti pour devenir aussi tyrannique et fou qu’Aerys ? Où se situe Tyrion sur l’échelle du bien et du mal ? Les Stark deviendront-ils les monstres de l’histoire ?

George R.R. Martin a déclaré qu’il n’y aurait pas de réponse claire à l’existence réelle ou non des dieux dans la saga, comme dans la vraie vie. Cependant, le fait que certains actes soient considérés comme maudits aux yeux des hommes et des dieux préfigure-t-il le destin de leurs auteurs ?

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3 Comments

  1. Jolie analyse, Tomcat : j’ai particulièrement apprécié le passage sur Jaime et Cersei, la dimension narcissique de leur relation et tout ce qui concerne l’anthropophagie, c’était succulent ! J’ajoute un élément au menu : il est probable que le chanteur Symon Langue-d’argent ait fini en ragoût des mains de Bronn, (cf. ASOS,33,Tyrion).
    En ce qui concerne la législation française sur l’inceste, il faut préciser que seul l’inceste sur mineur relève du Code Pénal. Les relations intrafamiliales entre majeurs consentants relèvent de la vie privée. Le Code Civil, lui, pose une limite aux unions matrimoniales intrafamiliales – sachant que la famille est à entendre au sens de ses membres par le sang ET, ce que l’on sait moins, par l’alliance. Ce qui promet des beaux casse-têtes juridiques dans le cas des familles recomposées.
    La formulation de la loi est vague mais dans tous les cas le mariage oncle/tante avec neveu/nièce par le sang est proscrit. L’éventuelle exception que tu mentionnes est celle d’une union entre un oncle/tante avec un neveu/nièce par alliance. (et aussi le cas exceptionnel avéré en 2013 d’une bru avec son beau-père)
    Le Code Civil proscrit non seulement les unions consanguines mais considère aussi incestueuse toute union qui brouillerait l’ordre des générations dans une famille d’où l’empêchement des unions de collatéraux par alliance. (les unions entre les beaux-frères et belles-sœurs sont permises depuis quelques années)
    En revanche, si l’on se penche sur les arbres généalogiques des familles royales d’Espagne, du Portugal et d’Autriche entre le 16ème et 18 siècles, on relève pas moins d’une douzaine de mariages entre oncle et nièce par le sang ! et ce, avec dispense papale ! Imaginez Cersei Lannister épousant son oncle Kevan avec la bénédiction du Grand Septon !
    À signaler, petite erreur de numérotation, Cléopâtre a épousé ses deux frères, Ptolémée XIII et Ptolémée XIV. Ptolémée XV était en fait son fils, Césarion, qui ne régna jamais, exécuté par les hommes d’Octave, futur empereur Auguste.

    • C’est corrigé pour Les Ptolémée, merci ^^ (je plaide coupable pour cette faute)

  2. Très bon article bien argumenté.
    Mais j’aime à penser que le monde de Martin n’est pas aussi noir que cela. Du moins j’aime à m’en convaincre. J’ai l’habitude d’être prudent vis à vis de ce que témoignent ou rapportent les gens, et encore plus de ce que racontent les personnages POV des romans de George Martin. En bien ou en mal.
    Dans l’histoire ancienne, lorsqu’un peuple ou un état manque de griefs matériels pour envahir, conquérir ou exterminer un autre peuple, ce dernier est accusé de contrevenir aux lois édictées par les dieux. Il en est ainsi de l’anthropophagie et autres interdits alimentaires, des relations sexuelles et de la compartimentation sociale et familiale. Ainsi l’argument « Ils mangent même de la chair humaine » apparait plusieurs fois dans l’histoire romaine. Cela ne veux pas dire que c’était vrai, et l’on manque souvent d’indices matériels ou de preuves pour en « juger ». De même pour les sacrifices humains, ou d’enfants reconnus. Cependant, l’exposition des bébés non reconnus par le père, à Rome, était permis, croit t-on souvent, mais ce ne pourrait être qu’une vieille histoire ou légende, qui sait ! Et cela ressemble fort à celle de Craster, les Autres mis à part.
    Il y a aussi les figures de style et les expressions passées dans le langage courant comme de nos jours « Ha, s’il continue, je vais me le faire », ou « je vais me la faire ». Je me suis toujours interrogé sur le double sens sexiste, sexuel ou violent de cette expression. ou encore « Il ou elle va s’en mordre les doigts », ou comme les expressions « fils de pute », ou NTM, ou « T’es qu’une lopette ».
    J’aime à croire que le monde de Martin n’est pas aussi noir que cela, à l’aune de nos mentalités, mais qu’il l’est seulement par la médisance, le mensonge intéressé, le faux témoignage ou l’exagération rhétorique, ou motivés par l’envie, la jalousie ou l’intolérance. Ce qui n’empêche pas quelques personnages d’être très inquiétants.
    Sur le même thème, une pièce de théâtre de Sénèque, Thyeste me semble une bonne illustration de l’inspiration de George Martin. Et bien d’autres, ne serait-ce que la bible par exemple.

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