ASOS 24 – Daenerys II

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    Yfos
    • Terreur des Spectres
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    ASOS 24 – Daenerys II
    Au fil des pages – liste des sujets

    ASOS 23 – Arya IV ASOS 25, Bran II

    De l’esclavage

    Sur les conseils de Jorah Mormont Daenerys, plutôt que d’aller rejoindre Illyrio, s’est dirigée vers Astapor pour recruter une armée.

    Découverte d’Astapor

    Astapor est la première cité esclavagiste visitée par Daenerys. Elle exporte des soldats.

    De loin, elle paraît belle, avec ses pyramides sur lesquelles poussent arbres et fleurs mais de près, c’est différent. Est-ce symbolique du projet d’y recruter son armée ? Une idée peut-être pas si bonne que ça à y regarder de près ?

    En effet, une fois entrée, tout dans Astapor paraît repoussant.

    À commencer par son symbole. La harpie, par elle-même n’est déjà pas forcément très belle mais celle d’origine a été modifiée : elle ne tient plus des faisceaux mais des chaînes. Ses habitants revendiquent ainsi le fait de tirer leur richesse de l’esclavage. Au moins, ce n’est pas hypocrite.

    Les loisirs y sont très rafraîchissants :

    – le combat d’une gamine de 9 ans contre un taureau. Elle a gagné, ce qui prouve bien que, « après tout, l’homme enfant a sa chance face à l’auroch » (© Goscinny)

    – un pari sur quel enfant l’ours mangera en premier selon le produit dont ceux-ci sont recouverts

    Le représentant d’Astapor, donne une mauvaise image de sa ville : raciste, sexiste. Même si sa conviction de la supériorité des habitants de Ghis est moins forte que son désir de faire du profit : certains des siens sont vendus comme esclaves.

    Les Astaporis se croient encore soldats mais leurs seules épées remarquables sont celles formées par les chevelures de certains d’entre eux.

    Leur cité est sur le déclin : les briques dont sont bâtis leurs édifices sont vieilles et délitées, comme l’est la harpie au-dessus de la porte dont la queue n’est plus guère qu’un moignon. Elle est moins peuplée qu’avant. Elle me fait penser un peu à Minas Tirith dans le Seigneur des Anneaux, décrite également comme ayant peu d’enfants et dans laquelle les bâtiments les plus beaux seraient aussi les plus anciens, les plus récents étant de moins bonne qualité.

    Daenerys n’a que des qualificatifs méprisants pour Kraznys mo Nakloz et les siens. Ce mépris est d’ailleurs réciproque :

    « argot négrier … gauchi par les grognements caractéristiques de Ghis »

    «  il refoulait la framboise »

    « Ghis gouvernait déjà un empire que les valyriens s’enculaient encore des moutons »

    « Est, ouest, du pareil au même ces femelles »

    et, à propos de ce que mangent les ouestriens

    « Boeuf. Porc. Des saloperies pour brutes pas décrassées »

    En français, le terme souvent utilisé pour les désigner les astaporiens, « négrier » est étrange : en la matière, ils ne sont pas racistes : leurs esclaves sont issus de diverses contrées, y compris la leur.

    Les esclaves

    Ce jour-là, Daenerys croise plusieurs types d’esclaves :

    Pour commencer, les immaculés

    On apprend qu’ils sont là, au soleil, depuis un jour et une nuit, sans manger et sans boire, dans l’unique but de prouver leur endurance au potentiel client.

    Kranys mo Nakloz décrit leur entraînement, inhumain. : choisis à 5 ans pour leurs capacités physiques, entraînés aux armes plusieurs heures par jour, deux tiers en mourant, castrés pour ne pas poser de problèmes. À titre d’épreuve il leur est demandé d’égorger un nouveau né et également le chiot qu’ils ont élevé. Par certains côté, cela paraît une référence à l’entraînement des jeunes spartiates, voire des janissaires. Pour plus de détail, lire «les mystères du Trône de Fer tome II».

    Ils n’ont pas de nom, pour encore plus les déshumaniser.

    Mais on peut constater que ce n’est pas définitif : s’ils ne sont qu’une dizaine

    « à se mêler à des esclaves ordinaires ils en viennent à oublier qui et quoi ils sont ».

    Autrement dit, ils redeviennent humains.

    Elle rentre aussi en contact avec la traductrice, Missandei, dont elle ne connaît pas encore le nom. Celle-ci a reçu une éducation très poussée : elle parle plusieurs langues, elle sait comment traduire les paroles de son maître pour rester courtoise avec la cliente, elle a des connaissances de la culture de Westeros. A-t-elle appris tout cela avant ou après sa capture ? Son cas prouve que l’esclavage est organisé : certains (pas tous) réfléchissent à tirer le meilleur parti des esclaves en fonction de leurs dons respectifs.

    Kranys mo Nakloz lui décrit également les spectacles donnés dans les fosses à combat, particulièrement ceux faisant figurer des fauves et des enfants. Ces derniers n’auront pas l’opportunité de démontrer leurs talents.

    Daenerys croise également un convoi d’esclaves qui avance sous les coups de fouet. Tous étaient nus, pour bien leur faire comprendre qu’ils ne sont plus des humains.

    Irri également, qui bien que n’étant plus esclave, se comporte parfois comme telle, proposant de donner du plaisir à Daenerys, alors qu’elle préfère visiblement un de ses sang coureurs. Elle considère cela comme faisant partie de son devoir envers sa khaleesi.

    Les débats

    Daenerys débat ensuite séparément avec ses 2 conseillers, défendant contre chacun une position contradictoire.

    Avec Arstan, elle défend l’idée d’acheter ces esclaves. Elle explique que son frère a essayé en vain les autres solutions.

    Elle dit avoir été esclave: elle a été vendue à Khal Drogo. Un peu exagéré. Elle a été victime d’un mariage forcé et, comme l’a dit Tyrion, en tant que princesse c’était son destin. Même si sa famille avait gardé le pouvoir elle aurait été mariée pour servir les intérêts de celle-ci. La différence est le choc culturel avec son époux. À Westeros, soit il n’aurait pas existé, soit n’aurait pas été de cette ampleur mais Lysa, Cersei, Sansa en ont été victimes, et même sa mère Rhaella. Myrcella est promise très jeune à un prince dornien et envoyée vivre auprès de lui. Si Drogo l’avait partagée avec ses sang-coureurs, oui, la situation aurait été différente.

    Jorah minimise l’horreur : avant d’être interrompu, il s’apprête à décrire l’entraînement des Immaculés mais, visiblement, sans se rendre compte à quel point il est monstrueux. Voire en s’en servant comme argument pour prouver leur efficacité.

    Il explique que, eux, ne violeront pas, ne mettront pas de ville à sac. Pour lui, la fin justifie les moyens.

    Il a lui-même vendu des êtres humains pour se faire de l’argent, alors des esclaves pour conquérir un royaume… L’achat engagé, dans ce contexte, cela n’existe pas.

    Il néglige le fait que, pour chaque Immaculé, deux « apprentis » sont morts ainsi qu’un nouveau né. Et un chiot. Sans compter ce qu’a subi l’Immaculé survivant. De plus, en acheter en nombre poussera Leurs Bontés à en former de nouveaux puisqu’il y a de la clientèle.

    La chaleur, la puanteur de soufre de la fontaine, les coutume : en entrant à Astapor, Daenerys a peut-être franchi les portes de l’enfer.

    En fait, elle semble déjà avoir pris sa décision : plusieurs de ses questions à l’esclavagiste (obéiraient-ils à mes ennemis, …) semblent montrer qu’elle a une idée en tête.

    • Ce sujet a été modifié le il y a 1 année et 12 mois par Yfos. Raison: mise en forme
    • Ce sujet a été modifié le il y a 1 année et 12 mois par Yfos. Raison: mise en forme
    • Ce sujet a été modifié le il y a 1 année et 12 mois par R.Graymarch.
    #168582
    R.Graymarch
    • Vervoyant
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    En relisant ce chapitre, je pensais qu’on irait jusqu’au bout de la transaction alors qu’en fait non, ce sera pour un chapitre ultérieur. Difficile de ne pas être du côté de Daenerys vu qu’en face tout le monde est odieux. Néanmoins, il y a des conflits intéressants ou des mots qui reviennent souvent.

    Déjà, on nous présente Astapor, son passé et en effet les différentes versions de la harpie. Au passage, un petit détour discret par Naath. GRRM a quand même un talent fou pour nous balancer des infos sur le monde sans que cela soit indigeste. Et des fois sans qu’on le remarque vu que Naath, on se dit « oui bon OK », alors que plus tard quand Missandeï aura pris de l’importance, cela en révélera plus. Et c’est encore plus vrai pour tout ce qui tourne autour de la harpie et du passé du pays de Ghis.

    Daenerys parle via une intermédiaire à une personne dont elle comprend la langue. C’est malin de sa part (et on l’aime déjà pour ça, surtout vu ce qui est dit en face). On apprend que c’est Jorah qui lui a conseillé de faire ainsi. A priori ça ne peut servir qu’une fois (sauf à continuer de faire semblant de ne pas comprendre) mais ce serait dommage de ne pas l’utiliser. Chapeau aussi à Missandeï qui du haut de ses 9 ans adapte son discours.

    Le récit du marchand est horrible mais passionnant. Je pourrais tout citer, tellement c’est à la fois un cliché de guerriers invincibles et pourtant on marche.

    Arstan n’est pas pour l’achat et il ne s’en cache pas. Daenerys veut quand même son avis (bon point). Cela dit, j’ai l’impression que sa première intervention marque le premier thème du chapitre.. le courage (le deuxième étant l’obéissance/le devoir)

    “I call that madness, not courage,” said Arstan Whitebeard.

    Arstan rythmera le chapitre avec ses Tap tap tap pas ultra subtils pour indiquer qu’il ne dit rien mais n’en pense pas moins.

    Citations ultérieures sur le courage

    “Tell this ignorant whore of a westerner that courage has nothing to do with it.”

    “The Good Master says that was not courage, Your Grace.”

     

    “They feel no pain, you see.”

    “How can that be?” she demanded through the scribe.

    The wine of courage,” was the answer he gave her. “It is no true wine at all, but made from deadly nightshade, bloodfly larva, black lotus root, and many secret things.

    J’ai trouvé aussi intéressant que Daenerys demande à Arstan de parler librement pas pour entendre ce qu’il a à dire (elle le sait déjà et manifestement ça ne changera pas son avis) mais pour que Missandeï l’entende aussi et le répète. Clairement Daenerys est futée et raisonne en stratège de la communication

    La problématique de la conquête du trône revient sur la table. Déjà avec des Dothrakis c’était pas top mais avec des esclaves…. Mais on dit qu’il y a toujours le peuple qui se languit des Targaryen (moui). Et revient la question du père qu’Arstan élude à nouveau

    “Your brother Rhaegar is still remembered, with great love.”

    “And my father?” Dany said.

    The old man hesitated before saying, “King Aerys is also remembered. He gave the realm many years of peace.”

    Daenerys n’est pas vraiment dupe sur le soutien à attendre d’ailleurs

    “Those same high lords who abandoned my father to the Kingslayer and bent the knee to Robert the Usurper?”

    “Even those who bent their knees may yearn in their hearts for the return of the dragons.”

    May,” said Dany. That was such a slippery word, may. In any language.

    Le marchand tente de faire monter les enchères en disant que la marchandise peut disparaître

    Only three days past I showed these same Unsullied to a corsair king who hopes to buy them all

    Et quand Daenerys parle de Balerion (my own bear.. hum), le marchand pense que c’est un homme. Du coup, il balance une remarque sexiste et devient encore plus insupportable

    “It is not the woman who decides, it is this man she runs to. As ever!”

    Daenerys part puis observe la ville

    “Bricks and blood built Astapor,” Whitebeard murmured at her side, “and bricks and blood her people.”

    “What is that?” Dany asked him, curious.

    “An old rhyme a maester taught me, when I was a boy. I never knew how true it was. The bricks of Astapor are red with the blood of the slaves who make them.”

    Elle consulte encore Arstan (qui en profite pour dire du mal de Jorah, ancien esclavagiste) sans vraiment changer d’avis, et en effet en exagérant un peu sur son statut de « femme vendue »

    “When I leave Astapor it must be with an army, Ser Jorah says.”

    “Ser Jorah was a slaver himself, Your Grace,” the old man reminded her. “There are sellswords in Pentos and Myr and Tyrosh you can hire. A man who kills for coin has no honor, but at least they are no slaves. Find your army there, I beg you.”

    “My brother visited Pentos, Myr, Braavos, near all the Free Cities. The magisters and archons fed him wine and promises, but his soul was starved to death. A man cannot sup from the beggar’s bowl all his life and stay a man. I had my taste in Qarth, that was enough. I will not come to Pentos bowl in hand.”

    “Better to come a beggar than a slaver,” Arstan said.

    “There speaks one who has been neither.” Dany’s nostrils flared. “Do you know what it is like to be sold, squire? I do. My brother sold me to Khal Drogo for the promise of a golden crown. Well, Drogo crowned him in gold, though not as he had wished, and I . . . my sun-and-stars made a queen of me, but if he had been a different man, it might have been much otherwise. Do you think I have forgotten how it felt to be afraid?”

    Whitebeard bowed his head. “Your Grace, I did not mean to give offense.”

    “Only lies offend me, never honest counsel.” Dany patted Arstan’s spotted hand to reassure him. “I have a dragon’s temper, that’s all. You must not let it frighten you.”

    “I shall try and remember.” Whitebeard smiled.

    Puis, seule elle pense à Jorah, enfin un peu car en vrai il n’est pas dans ses rêves

    Sometimes she would close her eyes and dream of him, but it was never Jorah Mormont she dreamed of; her lover was always younger and more comely, though his face remained a shifting shadow.

    Elle parle ensuite à Jorah et alterne le feu et le froid entre les actions qu’il a faites envers elle et le fait qu’elle a besoin d’une armée (et qu’ici il y en a une).

    On apprend que les dragons ont grandi

    L’anecdote sur les nuits agitées de Daenerys en dit assez long sur un autre thème du chapitre : l’obéissance (le devoir, la loyauté). Irri s’acquitte de cela même sans qu’on lui demande (implicitement ou explicitement) mais car elle est là pour ça. Elle fait ça de manière désincarnée, automatique, à un point que cela surprend Daenerys. Irri ne se rebelle pas contre son statut. Quant à Arstan qui pense du mal des esclaves-soldats, c’est dur ne pas se rapprocher de la loyauté de Barristan envers Aerys puis son pardon par Robert.

    Jorah revient ensuite et

    Dany did not turn. She could not bear to look at him just now.

    Jorah a de bons arguments et on sent qu’il pèse dans la future décision de Daenerys (qui n’avait peut être pas besoin de ça pour se décider, mais cela justifie son choix)

    Le mot de la fin est pour Jorah, une phrase marquante dans la lignée de la fin qui justifie les moyens. Gagner un trône, mais à quel prix ?

    Rhaegar fought valiantly, Rhaegar fought nobly, Rhaegar fought honorably. And Rhaegar died

    Et moi je pensais qu’on irait jusqu’aux négociations (car on ne sait pas comment elle va payer). Mais en fait, pas encore ^^

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    DOH. #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #168583
    Yfos
    • Terreur des Spectres
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    Dans mes « copier-coller » et parce que je ne savais pas vraiment où le caser, j’ai oublié un point important.

    Le mépris de Kranys pour les autres, surtout si ces autres sont des femmes étrangères l’ empêche d’envisager que Daenerys le comprenne alors que les dérivés du valyrien sont très répandus en Essos et qu’il est probable qu’une descendante des Targaryen connaisse le haut valyrien.

    Il n’a même pas noté sa réaction à la mention  du nouveau-né que chaque immaculé doit égorger.

    Et quand Daenerys parle de Balerion (my own bear.. hum), le marchand pense que c’est un homme.

    En VF elle dit

    J’ai mon ours personnel à bord du Balerion et il risque fort de me dévorer moi-même si je ne retourne auprès de lui »

    Elle parle donc bien d’un homme, Ser Jorah.

     

    #168619
    Emmalaure
    • Exterminateur de Sauvageons
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    Merci Yfos pour la présentation.
    Quel personnage détestable que ce Kraznys ! Il n’y rien dans ce chapitre qui puisse le sauver : non seulement business is business et ça justifie les pires crimes, mais en plus le « Good Master » ne masque pas sa bêtise, sa malfaisance et son impolitesse crasses. Le contraste entre le titre et la réalité est carrément un gouffre, on est au-delà de l’ironie. Du côté des inspirations de GRRM, Kraznys mo Nakloz pourrait être un méchant de comics et il me semble que la rouge et poussiéreuse Astapor lorgne pas mal du côté de la sombre et corrompue Gotham city sur le fond (comme Meereen et Yunkaï chacune à leur manière, d’ailleurs : à elles trois, les cités esclavagistes forment un ensemble cohérent littérairement parlant), mais aussi de celui d’Angband avec sa transformation d’Elfes et humains torturés en gobelins et orcs.
    Mais Daenerys n’est pas tout à fait Batman et les Immaculés ont une bien plus belle apparence que les orcs. On comprend parfaitement la colère qui enfle chez elle et le dilemme auquel elle est confrontée : l’armée qu’elle souhaite acquérir pour défendre sa cause est le fruit de crimes abominables qu’elle réprouve profondément, et sur ce point, Arstan Barbe-Blanche se fait l’écho audible des sentiments qu’elle s’interdit de montrer : Daenerys laisse lui laisse la parole pour exprimer sa réprobation et le tap tap tap du bâton rythme la montée de la rage, ce qui permet à Daenerys de continuer à dissimuler la sienne et simuler la satisfaction.

    Arstan Whitebeard tapped the end of his staff on the bricks as he listened to that. Tap tap tap. Slow and steady. Tap tap tap. Dany saw him turn his eyes away, as if he could not bear to look at Kraznys any longer.
    (…)
    Tap tap tap, Dany heard. Arstan Whitebeard’s face was still, but his staff beat out his rage. Tap tap tap. She made herself smile.

    On sent bien que notre duo aimerait pouvoir taper sur autre chose que le sol et qu’il se retient. Au retour sur le Balérion, c’est Jorah qui va se prendre le premier coup. A l’image de la ville-marmite, l’esprit de Daenerys dans ce chapitre est comme une cocotte-minute.
    En même temps, notre héroïne a un autre désir très fort, et qui ici concurrence directement son humanité, c’est celui de restaurer la lignée des Targaryen sur le trône de fer, de recouvrer la position dont elle a été déchue, parce que pour elle, cette déchéance rime avec l’exploitation, les mauvais traitements et in fine la mort, comme l’exprime clairement Jorah dans la punchline qui clôt le chapitre.
    Alors, quel choix va faire la Mère des dragons ? Et comment peut-elle résoudre ce conflit ?

    Du côté de la symbolique littéraire, j’ai vu plusieurs choses. La première, assez évidente à la lecture, c’est qu’Astapor est décrite comme un enfer chrétien, à savoir un fournaise avec ses diables et démons, un lieu où l’on est soit victime, soit bourreau sans rien au milieu, et notre héroïne qui y fait escale se retrouve complice de ses horreurs :

    – La première chose qu’on voit c’est le diable monstrueux qui règne sur le lieu : la statue géante de la Harpie d’Astapor (6 mètres, si je calcule bien), une chimère avec ses ailes de chauve-souris ou dragon, son corps et sa tête de femme/ogresse (avec des dents pointues), ses pattes d’aigle et sa queue de scorpion. Miam. Il lui manque les cornes.
    Si elle est en bronze, elle rappelle les idoles païennes devant lesquelles on se prosterne : les premiers mots prononcés par Kraznys dans le chapitre sont pour demander que Daenerys baisse les yeux, avec un double sens évident :

    « Tell the Westerosi whore to lower her eyes, » the slaver Kraznys mo Nakloz complained to the slave girl who spoke for him.

    Daenerys se fait ici traiter de pute (« où vont les putes ? », on se le demande…), une façon de la rabaisser et de dire qu’elle commet un sacrilège en osant regarder la harpie. Kraznys ajoute :

    « I deal in meat, not metal. The bronze is not for sale. Tell her to look at the soldiers. Even the dim purple eyes of a sunset savage can see how magnificent my creatures are, surely. »

    Comme il estime que son interlocutrice est une bête incapable de maîtriser les codes de base de personnes normalement civilisées (en gros, il présume qu’elle en comprend pas le langage symbolique), il lui fait donc expliquer très concrètement ce qu’il vend et ce qu’elle est venue acheter : de la viande et pas du métal.
    On pourrait cependant supposer que lui-même n’a pas une once de sentiment religieux et que la statue n’est là que pour la frime et le rappel d’une antique grandeur. D’ailleurs, la revue a lieu sur la « Place de l’Orgueil », mot qui ouvre le chapitre.

    – Ensuite, le lieu est décrit par touches successives au gré de la revue militaire :
    « Tell her what she would know, slave, and be quick about it. The day is hot. »
    That much at least is no lie. A matched pair of slave girls stood behind them, holding a striped silk awning over their heads, but even in the shade Dany felt light-headed, and Kraznys was perspiring freely. The Plaza of Pride had been baking in the sun since dawn. Even through the thickness of her sandals, she could feel the warmth of the red bricks underfoot. Waves of heat rose off them shimmering to make the stepped pyramids of Astapor around the plaza seem half a dream.

    Dans les fournaises de l’Enfer, ça brûle, ça fume et la viande cuit à point. Et pour en ajouter une couche, la couleur dominante est le rouge.
    Même la mère des dragons y souffre de la chaleur, c’est dire…

    Le rouge est rappelé plus d’une fois dans le chapitre, jusqu’à la couleur des cheveux et des barbes des Astaporis qui ne sont pas des esclaves (« red-black », des couleurs Targaryen, dites donc)

    – Quand la « viande » (« meat ») est passée par cet enfer, elle en ressort transformée en créatures « magnificent » mais surtout déshumanisées. Arstan les compare à des moutons obéissants, sous-entendant qu’ils n’obéissent pas par choix, mais parce qu’ils ont été dressés à cela : en d’autres termes, on leur a retiré leur libre-arbitre, leur faculté de réfléchir par eux-même et leur capacités d’empathie. Ils sont des victimes sacrificielles (comme les chèvres, moutons et agneaux dans la saga) et à mon sens, la comparaison avec l’acier valyrien est loin d’être innocente, quand on a déjà été averti précédemment dans la saga que l’acier valyrien nécessite très certainement du sang pour le fabriquer.

    « Bricks and blood built Astapor, » Whitebeard murmured at her side, « and bricks and blood her people. »
    « What is that? » Dany asked him, curious.
    An old rhyme a maester taught me, when I was a boy. I never knew how true it was. The bricks of Astapor are red with the blood of the slaves who make them. »
    « I can well believe that, » said Dany.

    Alors, les briques sont-elles vraiment rouges du sang des esclaves ou bien est-ce uniquement un symbole ? Avec GRRM et la magie dans la saga, on ne peut pas trancher et c’est ce qui à mon sens rend le symbole d’autant plus fort : il y a toujours une réalité concrète derrière, même si elle n’est pas forcément directe.
    Comme si ça ne suffisait pas, en plus d’être rouge et brûlante, cette ville vomit par ses fontaines une eau jaune qui sent le soufre.

    – Enfin, que serait un enfer sans ses diablotins et autres démons ? Justement, Daenerys les voit passer en traversant la ville pour retourner à son bateau :

    A naked boy with peeling skin sat in a dry brick gutter, picking his nose and staring sullenly at some ants in the street. He lifted his head at the sound of hooves, and gaped as a column of mounted guards trotted by in a cloud of red dust and brittle laughter. The copper disks sewn to their cloaks of yellow silk glittered like so many suns, but their tunics were embroidered linen, and below the waist they wore sandals and pleated linen skirts. Bareheaded, each man had teased and oiled and twisted his stiff red-black hair into some fantastic shape, horns and wings and blades and even grasping hands, so they looked like some troupe of demons escaped from the seventh hell. The naked boy watched them for a bit, along with Dany, but soon enough they were gone, and he went back to his ants, and a knuckle up his nose.

    Les gardes de la ville, rutilants, joyeux, qui sortent d’un nuage de vapeur poussière rouge, avec des coiffures extravagantes et tordues (dont des cornes).
    Kraznys n’est pas épargné, bien sûr, qui sue abondamment (plus que Daenerys), a des seins de femme et dont la langue est comparée à des grondements et grognements, ce qui en fait une bête, un prédateur harpiesque déguisé en personnage hautement civilisé avec son tokar à perles d’or.

    Nul doute qu’après être venue à bout des vampiriques Nonmourants, Daenerys va devoir venir à bout de ces nouveaux monstres qui se dressent sur sa route !

    La seconde lecture symbolique découle de la première mais les références sont cette fois internes à la saga :

    – Pour commencer, revenons à cette statue géante et monstrueuse de Harpie : celle qu’on voit est celle d’Astapor et tient des chaînes, mais dans un bref rappel historique, Daenerys se souvient que la Harpie de Ghis tenait des éclairs (« thunderbolt ») dans ses griffes : or, dans la saga, il y a un animal ailé lié à la foudre et aux tempêtes, à savoir le corbeau (« crow », plus précisément). On les retrouve nichés dans la tour foudroyée de Winterfell, il y a le dieu des tempêtes des Îles de Fer adversaire du dieu Noyé, ou encore la compagnie de mercenaires des Corbeau-tornade (« Stormcrow »), pour les exemples les plus évidents. Si on y regarde d’un peu plus près, dans le chapitre immédiatement précédent, la troupe où se trouve Arya était à la recherche d’un « Seigneur la Foudre » (« thunderbolt ») aussi insaisissable qu’un oiseau et capable d’échapper à la mort : ils vont en chercher la trace dans un vieux petit château tenu par un seigneur qui a perdu la mémoire (le « contraire » apparent du Nord et de Winterfell qui « se souvient »), puis dans une forêt parmi les arbres et enfin dans un lieu qui tient à la fois des arbres et de la forteresse (la Glandée). Le chapitre suivant est pour Bran en quête d’une mystérieuse Corneille à Trois yeux, qui ouvre le chapitre par la contemplation de la constellation du dragon de glace et le clôt sur une histoire passée qui concerne un prince dragon et une jeune fille louve, sous le signe de la chauve-souris d’Harrenhal.
    J’ajouterai qu’avec son apparence de chimère, la harpie lorgne thématiquement du côté des change-peaux (en tous cas, ceux suffisamment puissants pour habiter plusieurs êtres vivants différents).
    GRRM soigne bien sûr ses transitions et l’enchaînement de ses chapitres même lorsque les personnages sont aux antipodes les uns des autres et ne se connaissent pas, mais je m’interroge sur la nature des liens établis entre Daenerys d’une part et Bran et Arya d’autre part. La Harpie peut préfigurer le futur adversaire de la dragonne Daenerys, quand elle sera de retour à Westeros, à savoir la Corneille à Trois Yeux, un peu comme un entraînement.

    – Justement, la Harpie d’Astapor produit dans sa fournaise et son nuage de poussière sa propre armée invincible (les Immaculés), qui reprennent des caractéristiques des Autres et des cadavres animés : insensibles aux blessures, à la faim et à la soif, dépourvus de sentiments (à tout le moins dans les apparences), obéissants à la seule volonté de leur maître, ce sont des machines à tuer. Ils sont ici dans un contexte d’extrême chaleur, en opposition/miroir au froid extrême. Le texte en vo s’offre même le luxe d’un parallèle (involontaire de la part de Kraznys qui a la parole à ce moment) entre les Immaculés et les Autres :

    When she told him, he (Kraznys) smiled and said, « Inform the savages that we call this obedience. Others may be stronger or quicker or larger than the Unsullied. Some few may even equal their skill with sword and spear and shield. But nowhere between the seas will you ever find any more obedient. »

    Kraznys, lorsqu’il parle « des autres », pense à d’autres soldats, mais le lecteur pense également aux Autres.
    Cela dit, on ne sait pas à qui obéissent les Autres et leurs brumes glacées et je ne pense pas que ceux du présent de la saga soient animés/réveillés par la mystérieuse Corneille à Trois Yeux. En revanche, on peut se demander si ça n’a pas été le cas dans un lointain passé.

    – Et en effet, toujours dans le registre du symbolisme littéraire et des parallèles, le chapitre de Daenerys s’ouvre sur un rappel historique et des considérations sur le passé de l’empire Ghiscari et sa mémoire en grande partie perdue après sa chute face aux dragons des Valyriens. Comme vieux vestige de Ghis et de Valyria (de Valyria, elle a au moins hérité la langue et la pratique de l’esclavage, à moins que Valyria n’ait pris sa pratique de l’esclavage de l’empire de Ghis), Astapor est une ville qui tombe déjà en poussière sous l’action du vent et ça va être rappelé à plusieurs reprises dans le texte :

    So many bricks, she thought, and so old and crumbling. Their fine red dust was everywhere, dancing down the gutters at each gust of wind.

    La citation vient du moment où Daenerys a achevé sa visite aux Immaculés et retourne sur le Balérion.
    Si Daenerys est traitée de « whore » par Kraznys, notre reine dragon en a autant en bagage à l’égard de la Bonté et des Astaporis, qu’elle considère comme des héritiers bâtards de Valyria (le haut valyrien pratiqué par eux est qualifié de « mongrel » en vo) et de Ghis. Aux yeux de Daenerys, des bâtards illégitimes à revendiquer l’héritage de Valyria comme sont illégitimes les Baratheon qui occupent le Trône de Fer.
    La question qu’on peut se poser, puisqu’on explore l’air de rien une antique mémoire, c’est pourquoi la route de Daenerys la mène à cet endroit et pourquoi elle est amenée à liquider l’héritage de Valyria (dont elle est elle-même issue en tant que dragon) avant de passer à Westeros (si elle y arrive). Qu’est-ce que cela raconte du passé d’Essos et est-ce que cela peut être concrètement relié au passé lointain de Westeros ?

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année et 11 mois par R.Graymarch. Raison: dilemme
    #168627
    DJC
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    Bravo et merci pour vos commentaires et analyses 🙂

    Pas grand chose à rajouter, si ce n’est un brin de ressenti (en primo lecture comme en seconde lecture) : « ah oui, c’est vrai, il y’a aussi Daenerys ! »

    Hihi ça faisait une quinzaine de chapitres sans elle, et malgré tous ces POV centrés sur Westeros, on est remis dans le bain direct avec ce cadre fort, ces problématiques autour de l’esclavage, les choix de Daenerys. Et ca remet bien en perspective les intrigues de Westeros, tout comme le font les chapitres au nord du mur.

    Et j’avais aussi noté le « Others » relevé par Emmalaure.  Et je me suis interrogé aussi sur le fil conducteur éventuel par rapport aux chapitres précédents, je n’ai pas trouvé beaucoup de réponses. « Une mise en perspective », ça me va bien 🙂

    En seconde lecture, j’ai « fast forward » pour lire directement les chapitres suivants de Daenerys.. (comme Gray je m’attendais aussi à la négo, et aussi hâte de la suite). Oui j’ai pris un peu d’avance hihi

    #168645
    Lapin rouge
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    notre reine dragon en a autant en bagage à l’égard de la Bonté et des Astaporis, qu’elle considère comme des héritiers bâtards de Valyria (le haut valyrien pratiqué par eux est qualifié de « mongrel » en vo) et de Ghis. Aux yeux de Daenerys, des bâtards illégitimes à revendiquer l’héritage de Valyria comme sont illégitimes les Baratheon qui occupent le Trône de Fer.
    La question qu’on peut se poser, puisqu’on explore l’air de rien une antique mémoire, c’est pourquoi la route de Daenerys la mène à cet endroit et pourquoi elle est amenée à liquider l’héritage de Valyria (dont elle est elle-même issue en tant que dragon) avant de passer à Westeros (si elle y arrive). Qu’est-ce que cela raconte du passé d’Essos et est-ce que cela peut être concrètement relié au passé lointain de Westeros ?

    Je suis un peu perplexe quant à cette affirmation selon laquelle Daenerys voit dans les cités esclavagistes de Ghis des héritiers bâtards de Valyria. Historiquement, Valyria a vaincu et soumis Ghis. Les Astaporis ne se considèrent d’ailleurs pas comme des héritiers des Valyriens :

    « Old Ghis ruled an empire when the Valyrians were still fucking sheep. » (Kraznys)

    They can keep their heaven. When I die, I’d sooner go to Middle Earth.
    #168648
    Céleste
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    Je pense aussi que les cités esclavagistes ne se voient pas comme héritier de Valyria, et pourtant… Ils ont abandonné leur langue et pratiquent celle de ceux qui les ont vaincus. Et on apprendra plus tard, du moins à Meereen, que c’est Valyria qui les a rendues esclavagistes.

    Daenerys les combat parce qu’ils sont esclavagistes, et sans en avoir conscience, quelque part elle combat l’ordre établi par ses ancêtres.

    Je préfère le souffle du dragon à la bave de crapeau et la langue de vipère.

    #168652
    Pandémie
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    Hum… Pas vraiment non. L’exploitation intensive des forêts de cèdres et les guerres contre Valyria  ont causé la chute de la productivité agricole et poussé Mereen à se concentrer sur l’esclavage comme principale source de revenus. Mais la Baie des Serfs et Ghis ont appris aux Valyriens l’esclavage, qu’ils ont importé pour exploiter leurs mines, pas l’inverse. TWOIAF Valyria’s Children

    #168656
    Céleste
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    Hum… Pas vraiment non. L’exploitation intensive des forêts de cèdres et les guerres contre Valyria ont causé la chute de la productivité agricole et poussé Mereen à se concentrer sur l’esclavage comme principale source de revenus. Mais la Baie des Serfs et Ghis ont appris aux Valyriens l’esclavage, qu’ils ont importé pour exploiter leurs mines, pas l’inverse. TWOIAF Valyria’s Children

    Oui, c’est vrai, j’avais retenu les forêts brulées par les seigneurs dragons lors des guerres contre Valyria, mais il y a eu aussi l’exploitation par l’Empire de Ghis et le cuivre de leurs mines qui n’était plus autant recherché. Ce sont tous ces facteurs, nous dit-on dans ADWD, qui ont changé leurs peuples en esclavagistes. Et cela a été symbolisé, j’imagine, par le changement dans les statues de Harpies.

    Cependant, lorsque Daenerys, seigneur dragon, s’oppose aux puissances esclavagistes de son temps, on peut y voir également un renversement de valeurs et une opposition à Valyria qui était une puissance esclavagiste de son temps.

    Et pour continuer sur ce que disait Emmalaure, ce n’est surement pas anodin si Daenerys commence son voyage auprès des Dothrakis, ceux qui créent des esclaves, et le continue dans les cités de Ghis, celles qui les forment. Peut-être même à l’origine de l’esclavage, en prenant en compte ce que tu dis (et que je ne savais pas) sur le fait que Valyria a appris de Ghis en la matière.

    Je préfère le souffle du dragon à la bave de crapeau et la langue de vipère.

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