ASOS 35 – Arya VI

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    Emmalaure
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    ASOS 35 – Arya VI
    Au fil des pages – liste des sujets

    ASOS 34, Samwell II ASOS 36, Catelyn IV

    Nous laissons Samwell dans l’antre froid et infernal d’un ogre pour retrouver Arya enfin amenée dans l’antre du Seigneur la Foudre, la Colline creuse, après cinq chapitres d’errance à travers le Conflans. Beric Dondarrion n’est pas un ogre et le monde sur lequel il règne, pour être sombre et souterrain, n’est pas dénué de certaines règles et d’une certaine justice. Et justement, c’est à un procès et une ordalie que va assister Arya, laissant la vedette au Limier, le Lannister capturé par le Chasseur fou dans son précédent chapitre.

    Si la grotte de Dondarrion est bien moins inquiétante que l’antre de Craster, le chemin emprunté par Arya continue de s’assombrir, là où des perspectives plus lumineuses s’offrent à Samwell.

    Le chapitre se divise en deux parties distinctes : l’arrivée à la grotte et la redécouverte de personnages anciens, le procès de Sandor Clegane suivie de l’ordalie qui consacre son innocence mais laisse « le Limier » irrémédiablement marqué et prisonnier des enfers.

     

    – Au Royaume des morts –

    1. Un peu de géographie

    Malheureusement, bien que nous y ayions envoyé nos meilleurs enquêteurs, aucun ne peut nous raconter précisément où se trouve ce trou perdu. On devra donc se contenter d’un quelque part par là, dans le coin de Pierremoûtier et de la colline de Noblecoeur. Au moins, on saura à quoi ça ressemble sous terre et qui y habite.

    Her eyes had grown accustomed to blackness. When Harwin pulled the hood off her head, the ruddy glare inside the hollow hill made Arya blink like some stupid owl.

    A huge firepit had been dug in the center of the earthen floor, and its flames rose swirling and crackling toward the smoke-stained ceiling.

    Du noir et des flammes, telles sont les premières impressions qu’Arya nous livre sur la colline creuse, le repaire du Seigneur la Foudre, et pas de doute, nous sommes bien dans un enfer, mais contrairement à Harrenhal dont avait réussi à s’échapper Arya, la colline creuse lorgne du côté des enfers païens, c’est-à-dire des royaumes des morts, sans préjuger du fait que ces morts soient condamnés ou non à des supplices.

    The walls were equal parts stone and soil, with huge white roots twisting through them like a thousand slow pale snakes.

    Les racines des arbres (en l’occurrence de barrals) sont énormes mais ressemblent à de gros serpents. En d’autres occasions, ils seront comparés à des vers de tombes, mais ici, ce sont plutôt des êtres humains qui jouent le rôle de vers surgissant de trous noirs comme de trous d’un corps en décomposition (miam) :

    People were emerging from between those roots as she watched; edging out from the shadows for a look at the captives, stepping from the mouths of pitch-black tunnels, popping out of crannies and crevices on all sides.

    Ils sont pour Arya une foule anonyme où l’on trouve de tout : hommes, femmes et enfants. Ce royaume des morts a son seigneur qui trône dans les racines de barral :

    In one place on the far side of the fire, the roots formed a kind of stairway up to a hollow in the earth where a man sat almost lost in the tangle of weirwood.

    A la première lecture, on ne sait pas encore que cela préfigure le siège des vervoyants, en particulier celui de Freuxsanglant et de Bran, mais à la relecture c’est particulièrement frappant.

    J’aimerais revenir sur l’itinéraire d’Arya avant qu’elle ne descende en ce sombre lieu, car lui aussi explore des étapes symboliques d’une descente aux Enfers :

    – après sa fuite d’Harrenhal et sa capture par des hommes de la Fraternité sans bannières, la troupe emmène les trois enfants au bord de la Ruffurque (à l’auberge de l’homme à genoux, où Brienne et Jaime ont fait également une très brève escale). Cette rivière « rouge » représente une frontière entre vie et mort symboliques (au même titre que le Trident à d’autres occasions) : Tourte chaude y trouve un refuge et y reste, plus ou moins caché et on espère heureux en ayant trouvé sa voie et une famille, mais Arya ne pourra pas la franchir ni la suivre pour parvenir à Vivesaigues comme elle en avait le désir… du moins pas tout de suite. La Fraternité va d’abord l’emmener à la recherche de l’insaisissable Dondarrion. Il faut dire que le Seigneur la Foudre se mérite et que les vivants ne le rencontrent pas comme cela, comme on croise son voisin dans la rue.

    – Ainsi, la troupe va parcourir le Conflans à la recherche d’indices, comme un jeu de piste ou d’épreuves : il y a la rencontre avec le vieux seigneur Lychester, un mort en sursis sans mémoire et sans avenir (descendance), qui semble avoir bu les eaux du Léthé (un fleuve des Enfers dans la mythologie grecque qui fait perdre le souvenir aux âmes des morts) et est resté branché sur une histoire unique, celle où il a tenu un pont (encore un passage) contre un certain ser Maynard dont il a reçu 6 blessures (encore le 6 des Autres) avant de le tuer ; après lui, ils rencontrent la Dame des Feuilles cachée avec les siens dans son village dans les arbres, qui leur précise que l’automne va bientôt passer et laisser place à l’hiver et qu’elle et les siens seront alors menacés de mort. Cette dame des Feuilles me semble une référence à Galadriel et ses elfes de Lothlorien qui vivent eux aussi leurs derniers jours sur la Terre du Milieu et s’apprêtent à la quitter bientôt : la Dame des Feuilles est moins magique et épique que Galadriel et l’épisode est bien plus réaliste, mais la thématique d’un monde destiné à disparaître dans un futur assez proche est la même. L’escale suivant est au petit château de la Glandée, dont la dame sous ses airs de bonne fée porte le deuil d’un enfant et est menacée par deux autres deuils, celui de son mari et celui de sa fille : n’arrivant pas à garder les vêtements de la fille vivante, Arya quitte le château avec les habits du fils mort sur le dos.

    – N’ayant pas trop de succès à courir après un « fantôme » (sic), ils vont consulter une magicienne/prophétesse/voyante/pythie, aka la Naine de Noblecoeur qui se fait payer en chanson. Ici, Tom des Sept reprend le rôle d’un Orphée un peu cheap qui se fait cependant ouvrir la « porte » du royaume des morts et de fait, le chapitre suivant les amène dans une ville qui fut le théâtre d’une ancienne bataille (donc avec beaucoup de morts à la clé), où ils croisent le Chasseur Fou avec sa meute de chiens, sorte d’avatar de Cerbère gardien des Enfers, mais surtout du Hellequin conducteur des Chasses sauvages. Le Chasseur fou ayant trouvé (enfin !) son gibier, il peut se rendre avec tout le monde au royaume des morts et espérer trouver la paix jusque-là inaccessible. Ironiquement, ce n’est pas véritablement un lion qui a été capturé, mais un autre chien retourné au monde sauvage, un chien sans maître : le Limier Sandor Clegane.

    “The dogs caught the scent. He was sleeping off a drunk under a willow tree, if you believe it.”

    « Betrayed by his own kind. » Thoros turned to the prisoner and yanked his hood off. « Welcome to our humble hall, dog. It is not so grand as Robert’s throne room, but the company is better. »

     

    2. Chaleureuses retrouvailles entre amis

    The Hound’s mouth twitched. « I know you, » he said to Thoros.

    “You did. In mêlées, you’d curse my flaming sword, though thrice I overthrew you with it.”

    Autant qu’Arya avant lui, Sandor Clegane a du mal à reconnaître Thoros. Il faut dire que la vie de mort vivant, ça vous change un homme :

    He pointed toward the fire, where Tom Sevenstrings stood talking to a tall thin man with oddments of old armor buckled on over his ratty pink robes. That can’t be Thoros of Myr. Arya remembered the red priest as fat, with a smooth face and a shiny bald head. This man had a droopy face and a full head of shaggy grey hair.

    De gros, Thoros est devenu mince, sa tête soigneusement rasée porte une des cheveux gris en broussaille, ses flamboyantes robes rouges ont viré au rose et son pleines trous, il porte des bouts d’armures dépareillés. Lui-même parle de son changement radical :

    « Thoros of Myr. You used to shave your head. »

    « To betoken a humble heart, but in truth my heart was vain. Besides, I lost my razor in the woods. » The priest slapped his belly. « I am less than I was, but more. A year in the wild will melt the flesh off a man. Would that I could find a tailor to take in my skin. I might look young again, and pretty maids would shower me with kisses. »

    “Only the blind ones, priest.”

    The outlaws hooted, none so loud as Thoros.

    Thoros est devenu l’exact contraire de ce qu’il était, mais n’a pas perdu son sens de l’humour, au moins.

    Et comme Chien, Sandor Clegane dégrisé a gardé tout son mordant qui le fait paraître tout à fait dangereux :

    The shifting flames painted Sandor Clegane’s burned face with orange shadows, so he looked even more terrible than he did in daylight.

    Ayant les mains liées, ce danger se manifeste à travers ses paroles qui dévoilent la triste réalité derrière la grandiloquence adoptée par les représentants de la Fraternité : en entrant dans la caverne, Arya est aveuglée par la lumière du feu, mais les mots employés par le Limier rendent le lieu et les gens qui le peuplent beaucoup moins glamour. « Blind » (aveugle/aveuglé) revient d’ailleurs à deux reprises dans le texte, une fois dans la bouche du Limier concernant la nouvelle apparence de Thoros et l’autre fois dans les pensées d’Arya concernant le nouveau Beric Dondarrion avec son aspect d’épouvantail. A mon sens, il est à mettre en parallèle avec le rubis de Melisandre qui lui sert à maintenir des illusions, même si évidemment ni Thoros ni Dondarrion n’utilisent sciemment le feu pour créer des illusions (ni l’un ni l’autre ne cachent leur transformation/déchéance physique ou ne cherchent à les cacher)

    Ainsi, la « Hollow hill » n’est pas « holy » (sacrée) mais « a hole » (un trou) et les membres de la fraternité n’ont pas l’air de guerrier mais d’éleveurs de bétail :

    « Best wipe the shit off your fingers, then. » The Hound laughed. « How long have you been hiding in this hole? »

    Anguy the Archer bristled at the suggestion of cowardice. « Ask the goat if we’ve hidden, Hound. Ask your brother. Ask the lord of leeches. We’ve bloodied them all. »

    « You lot? Don’t make me laugh. You look more swineherds than soldiers. »

    Si nos Robins des bois improvisés ne récusent pas l’appellation « swineherd » (et même la revendiquent au même titre que d’autres métiers du peuple), c’est le moment que Dondarrion choisit pour intervenir dans la querelle et expliquer un peu plus la raison d’être de la Fraternité. A ce moment, le dialogue prend un tour assez surréaliste où Dondarrion explique qu’il poursuit la mission donnée par Eddard Stark et à travers lui le roi Robert, deux morts depuis bien longtemps.

    « The king is dead, » the scarecrow knight admitted, « but we are still king’s men, though the royal banner we bore was lost at the Mummer’s Ford when your brother’s butchers fell upon us. » He touched his breast with a fist. « Robert is slain, but his realm remains. And we defend her. »

    “Her? » The Hound snorted. « Is she your mother, Dondarrion? Or your whore?”

    La fin de l’échange suggère que Dondarrion personnalise le royaume en employant le pronom féminin « her »/ »elle », là où on attendrait un neutre en anglais. Si la terre est souvent comparée au corps d’une femme et qu’on peut l’expliquer ainsi (le royaume étant une réalité concrète, une terre sur laquelle plein de gens vivent et meurent), la question mérite qu’on s’y arrête, même si on n’aura pas davantage de réponse que Sandor Clegane : qui peut bien être « elle » ? Une morte, comme le sont Eddard et Robert ? Dans sa réplique suivante, Sandor parle des éléments terrestres, la pierre, les arbres et les rivières et remarque que rien de cela n’aurait intéressé le roi Robert, mais pour le lecteur, le lien avec les vervoyants et leur magie se renforce et nous pousse à nous interroger encore davantage sur qui peut bien être « her »/ »she » (en tous les cas, je me pose la question !). Thoros nous a peut-être donné un élément de réponse un peu plus haut en évoquant ses visions dans les flammes :

    « Just so. Yet I am not the false priest you knew. The Lord of Light has woken in my heart. Many powers long asleep are waking, and there are forces moving in the land. I have seen them in my flames. »

    Enfin, pour couper court à ces belles explications, le Limier sort une nouvelle fois les crocs en nommant nos braves justiciers « Brave Companions », du nom de l’horrible troupe de mercenaires de Varshé Hèvre. L’insulte fait mouche :

    Outrage swept the hollow hill. « Call us that name again, dog, and you’ll swallow that tongue. » Lem drew his longsword.

    … Et en les provoquant du côté de leur honneur (de prétendus chevaliers), Sandor Clegane obtient un procès à défaut d’obtenir une mort rapide :

    « You will die soon enough, dog, » promised Thoros, « but it shan’t be murder, only justice. »

    « Aye, » said the Mad Huntsman, « and a kinder fate than you deserve for all your kind have done.

    Il échappera également à l’horrible supplice d’une mort lente dans une cage à corbeaux.

     

    – Le procès –

    1. Le juge

    Il est temps de nnous intéresser un peu au juge qui préside au procès : comme Thoros, Beric Dondarrion a subi une transformation radicale et ne ressemble plus du tout au beau et jeune chevalier qu’il était lorsqu’Eddard Stark lui a confié la mission d’arrêter Gregor Clegane et le traîner devant la justice du roi.

    A scarecrow of a man, he wore a ragged black cloak speckled with stars and an iron breastplate dinted by a hundred battles. A thicket of red-gold hair hid most of his face, save for a bald spot above his left ear where his head had been smashed in. (…) One of his eyes was gone, Arya saw, the flesh about the socket scarred and puckered, and he had a dark black ring all around his neck.

    Un bout de tête en moins, un oeil en moins et un anneau noir autour du cou (souvenir de pendaison), et Arya peut constater de visu que ceux qui se vantaient de l’avoir tué en l’éborgnant, le pendant ou lui écrasant la tête n’avaient pas forcément tort. Lors de l’ordalie, on aura droit à d’autres blessures mortelles bien visibles sur le torse mais pour le moment cachées à la vue.

    Le seigneur du royaume des morts est donc bien un « fantôme », ou plutôt un mort ressuscité grâce à Thoros que ce miracle a transformé en homme croyant. Il règne sur des morts en puissance, dans ce qui est probablement une ancienne grotte de vervoyant, et si on avait encore des doutes sur les liens entre les vervoyants et le nouveau Dondarrion, il raconte comment il a trouvé la mort au Gué Cabot – en vo le « Mummers Ford » (gué des mimes/marionettistes/comédiens) : autrement dit, Dondarrion ne pourrait bien n’être plus qu’une marionnette animée en partie par un autre. La référence à la foudre, l’oeil unique et le feu nous font après coup regarder du côté de Freuxsanglant, le Targaryen vervoyant : c’est une possibilité mais à ce stade du récit ce n’est pas une certitude, car Freuxsanglant pourrait lui-même être le « jouet » d’esprits encore plus anciens que lui.

    Quoiqu’il soit devenu, Beric Dondarrion n’est pas un boucher et il tient à appliquer une justice la plus juste possible pour l’accusé : Sandor Clegane doit répondre d’une longue litanie de meurtres et autres crimes pour lesquels l’assemblée réclame davantage vengeance que justice, y compris pour les enfants de Rhaegar Targaryen. Il se trouve qu’il est innocent pour toute la liste, son frère Gregor et ses hommes étant directement responsables, mais n’oublions pas que beric Dondarrion avait été missionné pour que la montagne réponde de ses crimes. Comme Sandor le fait remarquer :

    « Do you deny that House Clegane was built upon dead children? I saw them lay Prince Aegon and Princess Rhaenys before the Iron Throne. By rights your arms should bear two bloody infants in place of those ugly dogs. »

    The Hound’s mouth twitched. « Do you take me for my brother? Is being born Clegane a crime? »

    De fait, la justice veut qu’on ne condamne pas un homme pour le nom qu’il porte. Il est alors accusé d’avoir servi les Lannister et d’être ainsi complice de leurs crimes. C’est là que Sandor ressort son couplet sur les chevaliers et ce qu’ils sont en réalité (= des gens éduqués pour tuer), montrant toute l’injustice qu’il peut y avoir à condamner un seul homme pour des milliers d’autres qui commettent les mêmes crimes, y compris les membres de la Fraternité sans bannière.

    « A knight’s a sword with a horse. The rest, the vows and the sacred oils and the lady’s favors, they’re silk ribbons tied round the sword. Maybe the sword’s prettier with ribbons hanging off it, but it will kill you just as dead. Well, bugger your ribbons, and shove your swords up your arses. I’m the same as you. The only difference is, I don’t lie about what I am. So kill me, but don’t call me a murderer while you stand there telling each other that your shit don’t stink. You hear me? »

    Autrement dit, « si vous voulez me tuer, tuez-moi franchement et assumez le meurtre sans faire de grands discours ».

    C’est là qu’Arya intervient comme une furie, pour l’accuser du meurtre de Mycah et réclamer vengeance.

    Thoros drew Lord Beric aside. The two men stood talking in low whispers while Arya seethed. They have to kill him. I prayed for him to die, hundreds and hundreds of times.

    Et cette fois, l’accusation est bien vraie. Pour sa défense, Sandor Clegane a obéi aux ordres de ses maîtres et aux divers témoignages (celui de Sansa et de Joffrey) qui accusaient Mycah d’avoir levé la main sur le prince royal.

    Départager Arya et Sandor s’avérant impossible, une ordalie est décidée.

     

    2. L’ordalie

    Le rituel commence par des prières, identiques à celles que l’on connaît déjà à travers les chapitres de Davos qui mettent en scène Stannis et la prêtresse rouge Melisandre.

    Avant que le combat ne commence, nous avons droit à un premier coup de théâtre, à savoir l’épée enflammée du héros, cette fois sans tour de passe-passe mais directement avec le sang de Dondarrion :

    Unsmiling, Lord Beric laid the edge of his longsword against the palm of his left hand, and drew it slowly down. Blood ran dark from the gash he made, and washed over the steel.

    And then the sword took fire.

    On comprend que Thoros se soit réellement converti au dieu dont il faisait semblant de professer la foi : voir les morts se réanimer après un « baiser de feu » et les épées s’enflammer au contact du sang, c’est miraculeux. Beric Dondarrion n’a plus seulement des accointances avec les vervoyants et leur magie, mais il fait figure d’Azor Ahai réincarné, bien plus que Stannis. Pourtant, il est curieux ici que Thoros ne fasse jamais une seule allusion à Azor Ahaï ou sa légende, qu’il semble ne pas connaître. D’autre part, dans le couple qu’il forme avec Dondarrion, il n’est pas un guide ou quelqu’un qui impose ses vues comme le fait Melisandre avec Stannis. Thoros converti n’est pas pour autant devenu un fanatique et on verra plus tard qu’il continue de s’interroger sur le sens de tout cela.

    Le combat lui-même est raconté comme une scène filmée, de manière très visuelle, avec un suspense savamment dosé : le Limier commence par avoir le dessus avant que Dondarrion ne reprenne l’avantage jusqu’à infliger une blessure assez grave et brûlante à son adversaire, mais c’est finalement Sandor Clegane – au moment où on le croit perdu – qui trouve la ressource nécessaire pour renverser une nouvelle fois l’équilibre et abattre Dondarrion. A la première lecture, j’ai dû suer autant que les combattants et ressentir le même désespoir qu’Arya à l’issu du combat, mais là, je vais plutôt m’intéresser au langage symbolique de la scène et à la manière dont sont représentés les personnages.

    En effet, il apparait que le duel Sandor vs Beric prend des allures de duel feu vs glace, avec des inversions et des ambiguïtés :

    – Sandor est au départ celui qui parait le plus insensible, le moins empathique, notamment à l’énoncé de tous les morts qu’on lui attribue (à tort), par conséquent le plus « froid » des deux. A contrario, Beric semble faire preuve d’empathie et la manière dont il enflamme son épée avec son sang laisse voir qu’il a le sang chaud au sens littéral.

    Le vocabulaire employé joue sur ce registre :

    The flaming sword leapt up to meet the cold one, long streamers of fire trailing in its wake like the ribbons the Hound had spoken of.

    (les rubans évoqués sont une allusion aux faveurs des dames que portent les chevaliers dans les tournois)

    Plus le combat dure, plus le feu de l’épée gagne en intensité et remplit l’espace. Beric est appelé le « lightning lord » et il porte des coups « fiery ».

    – Pourtant, le duel va inverser le paradigme : Sandor est touché par l’épée de feu et malgré sa victoire finale il s’effondre en larmes en réclamant des soins :

    « Please, » Sandor Clegane rasped, cradling his arm. « I’m burned. Help me. Someone. Help me. » He was crying. « Please. »

    Arya looked at him in astonishment. He’s crying like a little baby, she thought.

    En face, l’acier froid vient toucher mortellement Dondarion et met fin au feu et au duel. A son retour des coulisses (où Thoros le ressuscite), l’oeil sec et comme insensible aux blessures, il se révèle être le plus froid des deux combattants, sans affect ni émotion : un vrai coeur de l’hiver, au fond.

    Un Azor Ahaï coeur de l’hiver ? Serait-ce possible ? Et pourquoi ce lien entre R’hllor, Azor Ahaï et les vervoyants ?

    Pour conclure :

    Et Arya dans tout ça ? parce que c’est bien beau, j’ai beaucoup parlé des vedettes du chapitre, mais c’est celui d’Arya, et même si elle est spectatrice et empêchée d’agir, ce chapitre est une étape importante de son parcours, dans les faits et dans la symbolique.

    Dans les faits, c’est la rencontre avec le Limier, un de ceux de sa liste de personnes à tuer : la louve en colère ira-t-elle au bout de sa vengeance contre le chien enragé ? Et dans quelles conditions ? Dans son chapitre précédent, on a pu voir Arya reprendre son rôle récurrent de « cup bearer », cette fois pour adoucir l’agonie de condamnés à mort. Elle n’est plus très loin d’offrir elle-même le « don de merci », c’est-à-dire une mort « propre » et rapide à ceux qui la réclament ou la « méritent ». Pour cela, sa route l’a conduite jusqu’au coeur d’un royaume de morts en sursis : symboliquement, Arya Stark est elle aussi une morte en sursis, et dans la mesure ou Beric Dondarrion se fait implicitement son champion pour l’ordalie qui l’oppose à Sandor Clegane, il me semble qu’en devenant une « dame » des Enfers, GGRM joue avec une autre référence mythologique, celle de Perséphone enlevée par Hadès et que sa mère Démeter cherche sans la trouver (et plonge la terre dans l’hiver et la stérilité à cause de son deuil).

    • Ce sujet a été modifié le il y a 1 année et 9 mois par Babar des Bois.
    • Ce sujet a été modifié le il y a 1 année et 5 mois par R.Graymarch.
    #170813
    R.Graymarch
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    On avait laissé Arya dans un chapitre pas terrible à mon avis sur la capture d’un pro-Lannister non nommé.

    Le groupe va voir un personnage mystérieux qui loge dans une caverne qui a beaucoup de similitudes avec celle de Freuxsanglant, non ? (je laisse les pros en ajouter plus^^)

    “Here’s the wizard, skinny squirrel. You’ll get your answers now.”

    Petit retour en arrière et on voit que ce n’était pas évident de sauver le prisonnier. Voire tendu.

    At Stoney Sept she had thought that Lem and Greenbeard might be torn to pieces when they faced him at the crow cages to claim his captive for the lightning lord. The hounds had been all around them, sniffing and snarling. But Tom o’ Sevens soothed them with his playing, Tansy marched across the square with her apron full of bones and fatty mutton, and Lem pointed out Anguy in the brothel window, standing with an arrow notched. The Mad Huntsman had cursed them all for lickspittles, but finally he had agreed to take his prize to Lord Beric for judgment.

    Pas loin du « wizard » (ou est-ce ce wizard ?), Thoros mais transformé. Il parle de « brothers », un peu comme dans la Garde de Nuit. Il se dit homme du roi (Robert) et je n’étonne un peu de voir des variations boar (sanglier)/bore

    “The king is dead,” the scarecrow knight admitted, “but we are still king’s men, though the royal banner we bore was lost at the Mummer’s Ford when your brother’s butchers fell upon us.”
    /
    “Rocks and trees and rivers, that’s what your realm is made of,” the Hound was saying. “Do the rocks need defending? Robert wouldn’t have thought so. If he couldn’t fuck it, fight it, or drink it, it bored him, and so would you . . . you brave companions.”

    Sandor est amené pour le jugement. Et là, c’est compliqué car on sait que ce n’est pas un saint (voire pire) mais pour autant le condamner pour les meurtres de son frère ou des Lannister, c’est quand même spécieux. Cette discussion est enrichie par une autre (une de plus) sur le statut de chevalier (vu que la fraternité se revendique composée de chevaliers)

    I’m the same as you. The only difference is, I don’t lie about what I am. So kill me, but don’t call me a murderer while you stand there telling each other that your shit don’t stink.

    Pendant ce temps là, Arya ronge son frein, pas vraiment en silence. Au contraire, on sent la haine pointer et elle ne lutte pas vraiment contre elle. Sandor est dans sa litanie et mérite de mourir selon elle. Quand Sandor affirme qu’il n’a tué personne parmi les victimes égrenées, Arya parle de Mycah. De manière peu surprenante, Sandor ne voit pas qui c’est. Et il rappelle opportunément la parole du prince de l’époque Joffrey ainsi que de Sansa (bam).

    Les chefs se réunissent pour savoir quoi faire.

    Thoros drew Lord Beric aside. The two men stood talking in low whispers while Arya seethed. They have to kill him. I prayed for him to die, hundreds and hundreds of times.

    On aura droit à un duel judiciaire. Béric demande à « Ned » de l’aider, Arya tremble à l’évocation de ce nom. Par justice, Béric ne porte pas d’armure. Tout le monde prie très très intensément R’hllor.
    Le combat est bien décrit et Sandor affronte aussi le feu. Il est en mauvaise posture, sauf à la fin

    Lord Beric himself waited silent, calm as still water, his shield on his left arm and his sword burning in his right hand. Kill him, Arya thought, please, you have to kill him. Lit from below, his face was a death mask, his missing eye a red and angry wound. The sword was aflame from point to crossguard, but Dondarrion seemed not to feel the heat. He stood so still he might have been carved of stone.

    But when the Hound charged him, he moved fast enough.

    Et soudain, pour Arya, c’est le drame. (et un avant-goût de Gregor vs Oberyn ?)

    The Hound gave a rasping scream, raised his sword in both hands and brought it crashing down with all his strength. Lord Beric blocked the cut easily . . .

    Noooooo,” Arya shrieked.

    . . . but the burning sword snapped in two, and the Hound’s cold steel plowed into Lord Beric’s flesh where his shoulder joined his neck and clove him clean down to the breastbone. The blood came rushing out in a hot black gush.

    Pour Arya, c’est pas du juste
    Arya could only think of Mycah and all the stupid prayers she’d prayed for the Hound to die. If there were gods, why didn’t Lord Beric win? She knew the Hound was guilty.
    Sandor a gagné mais souffre quand même. Cela dit, justice est faite et on l’aide (même si Arya n’est pas d’accord)

    “Please,” Sandor Clegane rasped, cradling his arm. “I’m burned. Help me. Someone. Help me.” He was crying. “Please.”

    Arya looked at him in astonishment. He’s crying like a little baby, she thought.

    “Melly, see to his burns,” said Thoros. “Lem, Jack, help me with Lord Beric. Ned, you’d best come too.”

    Il s’ensuit une négociation quant au sort de Sandor

    The Mad Huntsman spat. “I say we take him back to Stoney Sept and put him in a crow cage.”

    “Yes,” Arya said. “He murdered Mycah. He did.”

    “Such an angry squirrel,” murmured Greenbeard.

    Harwin sighed. “R’hllor has judged him innocent.”

    “Who’s Rulore?” She couldn’t even say it.

    “The Lord of Light. Thoros has taught us—”

    She didn’t care what Thoros had taught them. She yanked Greenbeard’s dagger from its sheath and spun away before he could catch her.

    Le « pire », c’est que Sandor assume à fond (comme toujours)

    “You want me dead that bad? Then do it, wolf girl. Shove it in. It’s cleaner than fire.” Clegane tried to stand, but as he moved a piece of burned flesh sloughed right off his arm, and his knees went out from under him. Tom caught him by his good arm and held him up.

    His arm, Arya thought, and his face. But he was the Hound. He deserved to burn in a fiery hell. The knife felt heavy in her hand. She gripped it tighter. “You killed Mycah,” she said once more, daring him to deny it. “Tell them. You did. You did.”

    “I did.” His whole face twisted. “I rode him down and cut him in half, and laughed. I watched them beat your sister bloody too, watched them cut your father’s head off.”

    Et là, alors qu’il venait de mourir, Béric revient. Waouh !
    Du coup, très bon chapitre même si le « méchant » s’en sort. Enfin, pas vraiment un méchant mais pas un innocent des crimes qu’on lui reproche

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    DOH. #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #170852
    Sandrenal
    • Pas Trouillard
    • Posts : 702

    On connaît la tendance de GRRM à inverser les stéréotypes de la fantasy mais il sait aussi faire la même chose sur les stéréotypes de la littérature classique. La Fraternité sans bannière prend dans ce chapitre systématiquement le contre-pied de l’image romantique du hors-la-loi. Là où les joyeux compagnons de Robin des bois se cachent au grand jour dans de grandes clairières éclairées, la fraternité se terre littéralement dans d’immenses cavernes. Leur chef ressemble à un épouvantail, leur prêtre est de son propre aveu un escroc. Ils sont vaincus plus souvent que vainqueurs et certains d’entre eux sont difficilement dissociables de routiers. Sur Beric d’ailleurs, entre la comparaison avec l’épouvantail, l’œil en moins et la pendaison, il y a beaucoup de références à Odin.

    Le procès  du Limier est passionnant à plus d’un titre. L’accusation (collective) teste plusieurs angles d’attaques sur le Limier : les crimes de guerre commis par des soldats Lannisters, les infanticides d’Aegon et Rhaenys. Les accusations sont assez faibles, le Limier n’a pas commis personnellement les exactions listées par la Fraternité et il déteste son frère au moins autant qu’eux. La défense du Limier est mordante, à défaut d’être humble. Il contre-attaque en affichant son mépris pour la chevalerie et en comparant les membres de la Fraternité aux Braves Compaings. Si il est exécuté à ce point du récit, les membres de la Fraternité suivent les mêmes principes que les mercenaires qui écument le Conflans. A ce moment, l’accusation patine mais l’intervention d’Arya change tout puisqu’elle impute directement un meurtre à Sandor. La défense de celui-ci n’est plus aussi mordante, il se cache successivement derrière Joffrey et Sansa.

    Thoros et Beric décident d’un duel judiciaire. Mais qu’auraient-ils fait sans l’intervention d’Arya ? Sans l’intervention d’Arya, la Fraternité n’a rien à reprocher au Limier, si ce n’est d’avoir participé à la guerre, ce que ses membres font aussi. Ils n’ont a priori même pas de quoi le soumettre à un duel judiciaire. Seraient-ils passé outre, au risque de détruire l’image qu’ils se font d’eux-même ? A l’inverse en cas de preuve accablante, auraient-ils prononcé une autre sentence comme la mort ? Le duel judiciaire présente l’avantage de laisser R’hollor trancher.

    L’issue du duel apparaît incroyablement injuste en primo-lecture. Le lecteur sait le Limier coupable du meurtre de Mycah et partage l’indignation d’Arya. A y regarder de plus près pourtant, le verdict du Maître de la Lumière est moins inique qu’il n’y paraît. Le Limier ne perd pas la vie mais il vit son pire cauchemar. Beric ne remporte pas le duel mais il revient une fois de plus à la vie.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 année et 9 mois par Sandrenal.
    #170865
    Sandor is alive
    • Patrouilleur du Dimanche
    • Posts : 210

    Merci pour vos analyses. Entre le covid et le démarrage d’un nouveau boulot j’ai eu peu de temps et d’énergie pour commenter les derniers chapitres, mais je vous lis toujours avec intérêt.

    Dans ce chapitre d’Arya, outre l’entrée en scène de Thoros et Lord Beric, c’est l’attitude de Sandor que je retiens. Il a ce côté « tuez moi, j’en ai rien à f… » et en même temps ce souci de rétablir une certaine forme de justice en ce qui concerne ses supposés crimes.

    Autre forme de dichotomie: son formidable talent de combattant face à sa peur du feu.

    Bref, encore un chapitre mémorable au sein d’un tome 3 qui n’en manque pas.

    #170903
    DJC
    • Patrouilleur Expérimenté
    • Posts : 464

    Merci tout le monde et merci Emmalaure pour le rapprochement potentiel entre Beric/la grotte etc, avec Freuxsanglant, très éclairant, que je n’avais pas perçu y compris en 2e lecture.

    Et j’ai adoré Thoros direct hahaha quel plaisir de le relire 🙂 bien différent de Melissandre..

    #171094
    Tybalt Ouestrelin
    • Pas Trouillard
    • Posts : 548

    Un chapitre excellent et une analyse passionnante (comme toujours).

    Une fois de plus, on adore Sandor du fait de son acuité à dire le vrai.

    En primo-lecture j’avais été un peu surpris que R’hllor soit encore là et si déterminant ; il y aurait vraiment une bataille divine en jeu? Et finalement je trouve sa sentence juste : Sandor est innocent, on le sait, même si on a parfois du mal à se l’avouer.

    DOH 8&10 : Tybalt Ouestrelin, acolyte loyaliste devenu Mestre ; Or, Argent et Bronze.
    DOH 9 : Lazzara zo Ghazîn, Grâce Bleue devenue Sénéchale. Miraculée devenue Conseillère. Pas Miraculée deux fois.

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