Ser Hugh du Val

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    DNDM
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    Un topic pour ce personnage très secondaire, mais qui revient souvent dans certaines discussions, car il est malgré lui au cœur d’un gros mystère : l’assassinat de Jon Arryn.

    D’abord les faits, ensuite un brin de crackpot amusant.

    Qui est Ser Hugh du Val?

    Un jeune homme originaire du Val d’Arryn, pas très beau, pas fortuné, pas d’amis, peu de famille (juste une mère dans le Val), et qui se trouve être l’écuyer de la Main du Roi, Jon Arryn, depuis quatre ans.

    Pourquoi est-il important dans l’intrigue?

    Parce que plusieurs personnages le disent lié à l’empoisonnement de Jon Arryn d’une façon ou d’une autre, et qu’il meurt sans donner de réponse.

    Le premier à nous en parler est Littlefinger, qui oriente Eddard vers lui:

    Ned fronça le sourcil. « Que ne le puis-je ! Lady Arryn a remmené aux Eyrié toute sa maisonnée. » Elle ne lui avait pas facilité la tâche, à cet égard. Tous les intimes de son mari, tout son entourage immédiat s’étaient éclipsés avec elle : le mestre personnel de Jon, son intendant, le capitaine de sa garde, ses chevaliers, ses gens…

    « La plupart de sa maisonnée, insista Littlefinger, pas toute. Il en reste. Une fille de cuisine enceinte qu’on a précipitamment mariée à un valet d’écurie de lord Renly, un aide-palefrenier passé dans le guet, un échanson renvoyé pour vol, et l’écuyer de lord Arryn.

    — Son écuyer ? » Une bonne surprise, en l’occurrence. Nul n’était mieux renseigné qu’un écuyer sur les allées et venues de son maître…

    « Ser Hugh du Val, susurra Petyr. Le roi l’a fait chevalier, après la mort de lord Arryn. »

    Eddar envoie Jorys lui parler. Mais Hugh se montre très hautain.

    Sa mauvaise grâce ne le disputant qu’à la platitude de ses réponses, ser Hugh le prit d’aussi haut que seul peut le faire un chevalier tout neuf. Si la Main désirait l’entretenir, il serait heureux de la recevoir mais n’admettait pas qu’un simple capitaine des gardes eût le front de l’interroger…, dût ledit capitaine être son aîné de dix ans et le valoir cent fois à l’épée.

    Ensuite, Hugh le hautain meurt dans l’indifférence générale :

    Mais la palme de l’horreur échut au second, ce jour-là, quand, au cours de sa deuxième rencontre, sa lance atteignit avec tant de violence un jeune chevalier du Val sous le gorgeret qu’elle lui trancha le gosier, l’atterrant, raide mort, à moins de dix pieds de Sansa. Le fer meurtrier ressortait par la nuque, et le sang s’épanchait de la plaie par lentes pulsations, lentes, lentes, de plus en plus lentes. A l’évidence, la victime étrennait une armure flambant neuve. Sur son bras comme désarticulé courait une traînée de feu qu’éteignit brusquement le passage d’un nuage devant le soleil. Bordé de croissants de lune et céruléen comme un matin d’été, son manteau devenait bleu sombre au fur et à mesure que, tout en rougissant un à un les croissants de lune, l’imbibait le sang.

    Jeyne Poole s’était mise à hoqueter de manière si hystérique qu’à la fin septa Mordane dut l’emmener se refaire une contenance décente, laissant Sansa, sagement assise et mains croisées sur les genoux, contempler, comme hypnotisée, ce cruel spectacle. Elle assistait à la mort d’un homme pour la première fois. Elle aurait dû, se disait-elle, pleurer aussi, mais les larmes ne lui venaient pas. Peut-être les avait-elle toutes versées pour Lady et Bran ? Non, se rassura-t-elle, elle en trouverait s’il s’agissait de Jory, de ser Rodrik ou de Père. Le jeune chevalier en bleu ne lui était rien, rien de plus ni de mieux qu’un étranger venu du Val d’Arryn. Tellement rien qu’elle avait oublié son nom sitôt qu’entendu. A présent, le monde allait l’oublier de même songea-t-elle, et les chanteurs ne le chanteraient pas. Attristant.

    A sa veillée funèbre, on ne trouve que Barristan Selmy, genre chevalier-commis-d’office, Ned qui enquête, et une sœur du silence :

    « C’est moi qui ai monté la veillée funèbre, dit ser Barristan Selmy, comme ils contemplaient le corps, déposé à l’arrière de la carriole. Il n’avait personne. Hormis sa mère, dans le Val, parait-il. »

    Dans la pâleur de l’aube, le jeune chevalier semblait seulement endormi. Il n’était pas beau, mais la mort avait adouci ses traits taillés à la serpe, et les soeurs du Silence lui avaient passé son meilleur vêtement : une tunique de velours dont le haut col dissimulait l’horrible plaie ouverte par la lance. Devant le visage si juvénile, Eddard Stark s’interrogeait. N’était-ce pas pour lui qu’était mort ce garçon ? Fallait-il déplorer une simple coïncidence dans le fait qu’un banneret des Lannister l’avait tué avant que lui-même pût l’entretenir? il ne le saurait sans doute jamais…

    « Il avait été l’écuyer de Jon Arryn pendant quatre ans, poursuivait Selmy. C’est en souvenir de Jon que, juste avant de partir pour le nord, le roi l’a fait chevalier. Pauvre gosse, son voeu le plus cher… Il n’était pas prêt, j’en ai peur. » Ned avait mal dormi, la nuit précédente, et il se sentait las comme un grand vieillard. « Nul d’entre nous ne l’est jamais, dit-il.

    — A devenir chevalier ?

    — A mourir. »

    D’une main délicate, il recouvrit le corps du manteau bleu ciel à croissants de lune maculé de sang. Et lorsque sa mère demandera pourquoi il est mort, songea-t-il avec amertume, on lui répondra : « Pour honorer la Main du Roi, Eddard Stark… » « Une mort si vaine ! La guerre ne devrait pas être un amusement. » Il se retourna vers la femme debout près de la carriole et dont les longs voiles gris ne laissaient discerner que les yeux. Les soeurs du Silence étaient vouées à la toilette des cadavres, et regarder la mort en face porte malheur. « Vous renverrez l’armure au Val. La mère voudra sans doute la conserver.

    — Elle représente pas mal d’argent, dit ser Barristan. Il l’avait fait forger exprès pour le tournoi. Du travail simple mais de qualité. J’ignore s’il avait fini de payer l’artisan.

    — Il a payé hier, messer, et payé cher, rétorqua Ned, avant de dire à la soeur : Renvoyez l’armure à la mère. Je me charge du forgeron. » Elle s’inclina.

    Mais une fois qu’il est mort, Varys l’accuse d’avoir empoisonné Jon Arryn :

    « Qui administra le poison ?

    — Quelqu’un, je gage, des tendres et bons amis qui venaient fréquemment s’asseoir à sa table. Oh, lequel… ? Il y en avait tant ! Lord Arryn était la bonté, la confiance mêmes. » Il soupira. « Il y avait un garçon. Tout ce qu’il était, il le devait à Jon Arryn et, pourtant, quand la veuve s’enfuit aux Eyrié, suivie de toute sa maisonnée, lui demeura à Port-Réal et y prospéra. Voir s’élever dans le monde les jeunes gens me réchauffe toujours le coeur. »

    Le fouet sifflait à nouveau dans sa voix, et chaque terme faisait mouche. « Il devait faire galante mine, au tournoi, le mignon, dans son armure toute neuve, et avec ces croissants de lune sur son manteau. Dommage qu’il soit mort si prématurément, sa conversation vous eût édifié… » Ned chancelait, comme empoisonné lui-même. « L’écuyer, dit-il. Ser Hugh. »

    Théorie également répétée plus tard par Pycelle à Tyrion :

    « C’est son écuyer, Varys vous dira, Hugh qu’on l’appelait, c’est sûrement lui qui a dû le faire, demandez à votre soeur, demandez-lui. »

    Mais théorie qui tombe à l’eau quand Lysa Arryn révèle à Sansa, et au lecteur, que c’est elle qui a empoisonné Jon Arryn, sur demande de Littlefinger :

    « Larmes, larmes, larmes ! sanglota-t-elle hystériquement. Pas besoin de larmes…, mais ce n’est pas ce que tu disais, à Port-Réal. Tu me disais de mettre des larmes dans le vin de Jon, et je l’ai fait. Pour Robert et pour nous ! »

    Du point de vue de son utilité dans le roman, Hugh semble donc être une simple fausse piste, faite pour égarer le lecteur et certains personnages (Ned, Tyrion).

    On peut cependant remarquer que si Pycelle croit que Hugh du Val est l’empoisonneur, c’est uniquement parce qu’il répète ce que Varys lui a dit :

    C’est son écuyer, Varys vous dira, Hugh qu’on l’appelait, c’est sûrement lui qui a dû le faire

    Et ce « c’est sûrement lui qui a dû le faire » peut orienter sur l’idée que Varys, également, est arrivée à cette conclusion (on va partir du principe qu’il ne ment pas), mais qu’il n’a pas non plus de preuve. Je crois que rien, dans l’état actuel de nos connaissances, ne laisse entendre que Varys sait que Jon Arryn a été empoisonné par Lysa sur demande de Littlefinger. On peut en fait penser qu’il croit sincèrement que le coupable est Hugh, sur demande de Cersei.

    Ce qui rend Hugh suspect aussi bien aux yeux des personnages qu’à ceux du lecteur, en fait, c’est qu’il semble bénéficier de la mort de Jon Arryn : il devient chevalier, et a de quoi se payer une belle armure.

    Deux choses qui peuvent s’expliquer sans trop de mal, en fait. Robert Baratheon n’a aucune raison de refuser de faire chevalier Hugh du Val, et les circonstances font qu’il est relativement normal qu’Hugh demande ça au Roi.

    Quand à l’armure, on ne connaît en fait pas du tout l’état des finances d’Hugh, ce que Jon a pu lui léguer, ou les dettes qu’il a contractées (et finalement, Eddard n’ira jamais voir le forgeron en question).

    Donc Hugh, fausse piste (ou piste abandonnée en cours d’écriture par George R.R. Martin, peut-être) ? Possible.

    Mais possible qu’on entende quand même parler un peu de lui à l’avenir, pour des raisons toutes autres. Car quelques questions méritent d’être posées à son sujet.

    Qui est Hugh « du Val » ? (bis, crackpot)

    Il n’y a à notre connaissance pas de maison Du Val. Ce « Du Val » ressemble à un nom de chevalier bricolé, en prenant comme base l’appartenance géographique. Hugh n’aurait-il pas de nom de famille, à la base ? Mais c’est étrange, le type n’a pas choisi un simple lieu-dit, genre L’Arbre-Sous, il a pris carrément une des Sept Couronnes.

    Comment un type qui n’a apparemment pas de nom, pas de fortune, pas d’amis… Se retrouve t-il écuyer de Jon Arryn, Seigneur du Val d’Arryn et Main du Roi, une position probablement convoitée par des centaines de jeunes hommes de bonnes familles ?

    Pourquoi Ser Hugh du Val refuse t-il de parler à Jory, et ne veut-il parler qu’à Eddard Stark ? Simple snobisme d’un jeune chevalier, comme le pense Eddard ?

    Et pourquoi Hugh « Du Val » arbore t-il un blason bleu à croissants de lune ? Un blason qui, quand on y pense, rappelle étrangement celui des Arryn, sur lequel figure « Un faucon bleu ciel volant devant une lune blanche, sur champ bleu ciel ». Manque le faucon, et une partie de la lune, c’est tout.

    Bref. Plusieurs indices peuvent laisser penser que le secret de Hugh « du Val », ce n’était pas qu’il avait empoisonné Jon Arryn. Mais plutôt qu’il était le fils bâtard de Jon Arryn, ou peut-être le fils bâtard de Ronnel Arryn, son frère cadet, d’Elbert Arryn, son neveu, ou de Denys Arryn, son cousin.

    Ça expliquerait comment il a pu devenir écuyer de la main du roi, pourquoi il se fait appeler « Du Val » et pourquoi il se balade avec un tel blason. Ca peut aussi expliquer pourquoi il refuse de parler à Jory (il ne sait pas s’il peut lui faire confiance, et puis il est censé être Lord du Val d’Arryn, zut !) mais se dit prêt à parler à Eddard.

    Avec un peu de fanfiction, ça peut même expliquer d’autres choses.

    Si Hugh était l’écuyer de Jon Arryn, c’est peut-être parce que Jon Arryn prévoyait de faire de lui son héritier, en place du malingre Robin. Qu’attendait-il pour cela ? Peut-être la mort imminente d’Hoster Tully. Manque de pot, il meurt avant lui, et Hugh se retrouve seul avec ses grandes espérances.

    Comment faire valoir ses prétentions ? Possiblement par un coup d’éclat, lors du tournoi de la main du Roi. Ce qui expliquerait son impatience à se faire adouber, et à participer à ce tournoi. Peut-être espérait-il le gagner, et, auréolé de sa toute nouvelle gloire, se déclarer héritier du Val.

    On peut même (comme tout le temps) voir la main de Littlefinger à l’oeuvre, à la fois au moment du meurtre du Jon Arryn:

    « Larmes, larmes, larmes ! sanglota-t-elle hystériquement. Pas besoin de larmes…, mais ce n’est pas ce que tu disais, à Port-Réal. Tu me disais de mettre des larmes dans le vin de Jon, et je l’ai fait. Pour Robert et pour nous ! »

    Le Robert ici étant Robin Arryn, en quoi le meurtre de Jon Arryn, son père, arrange t-il ses affaires? Difficile à voir, sauf si son père s’apprêtait à donner son héritage à un autre.

    Et aussi au moment du meurtre d’Hugh, vu qu’Hugh semble toujours être gênant pour les plans de Littlefinger, même sans l’appui de Jon Arryn.

    Bon, y’a pas mal de trous (surtout en rapport avec Littlefinger, comme d’habitude, qui est celui qui met Eddard sur cette piste).

    Et tout cela n’a pas forcément une grande importance, quatre livres plus tard.

    Mais la mère d’Hugh, et son armure, se baladent normalement dans le Val, et ça m’amuserait assez qu’on les recroisent, et qu’on apprenne que le père d’Hugh, ce chevalier complètement oublié qui n’a jamais brillé, et que certains pensent être le meurtrier de Jon Arryn, était en fait un Arryn.

    Auteur de "Les mystères du Trône de Fer", tome I, co-auteur du tome 2: https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-les-mots-sont-du-vent/ & https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-2/
    Présentation & autres pub(lications) : www.lagardedenuit.com/forums/sujets/presentation-dndm/

    #70331
    Tizun Thane
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    Bref. Plusieurs indices peuvent laisser penser que le secret de Hugh « du Val », ce n’était pas qu’il avait empoisonné Jon Arryn. Mais plutôt qu’il était le fils bâtard de Jon Arryn, ou peut-être le fils bâtard de Ronnel Arryn, son frère cadet, d’Elbert Arryn, son neveu, ou de Denys Arryn, son cousin.

    C’est une simple hypothèse, qui a le mérite de se tenir. Cela expliquerait pourquoi on ne connaît pas sa famille, pourquoi il n’a que sa mère pour le pleurer, et pourquoi il se retrouve écuyer de Jon Arryn.

    C’est juste qu’il n’existe pas un seul indice direct en ce sens.

    Sur le fait que Jon l’envisageait comme héritier, je ne crois pas. En effet, Lysa aurait déballé l’affaire en même temps que tout le reste lors de sa crise. Elle n’était plus à ça prêt 😉

     

    #70334
    Eridan
    • Vervoyant
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    On peut même (comme tout le temps) voir la main de Littlefinger à l’oeuvre, à la fois au moment du meurtre du Jon Arryn:

    « Larmes, larmes, larmes ! sanglota-t-elle hystériquement. Pas besoin de larmes…, mais ce n’est pas ce que tu disais, à Port-Réal. Tu me disais de mettre des larmes dans le vin de Jon, et je l’ai fait. Pour Robert et pour nous ! »

    Le robert ici étant Robin Arryn, en quoi le meurtre de Jon Arryn, son père, arrange t-il ses affaires?

    Pour le coup, on a une autre réponse à cette question, qui semble bien plus probable et qui est donnée par Walder Frey :

    « Je parlais de votre soeur. J’ai offert à lord et lady Arryn de prendre pour pupilles à la cour deux de mes petits-fils et de me confier leur lardon ici, aux Jumeaux. Ils auraient déparé la cour, peut-être, mes petits-fils ? Du gâteau, tous les deux, pas tapageurs, polis. Walder est le fils de Merrett, Walder comme moi, et le second…, hé ! comment, déjà… ? Walder aussi, peut-être, on les appelle toujours Walder pour leur attirer mes faveurs, mais son père… ? C’était qui, son père, déjà ? » Son museau se fripa. « Bon, n’importe, de toute façon lord Arryn n’a voulu ni de l’un ni de l’autre, et ça, par la faute de madame votre sœur. Un glaçon, comme si j’avais suggéré de vendre son gosse à un batteur d’estrade ou d’en faire un eunuque, et quand lord Arryn a dit qu’il allait l’envoyer chez lord Stannis à Peyredragon, sortie en trombe, sans un mot de regrets ! et la Main n’a plus eu à m’offrir que de plates excuses… Belle jambe, des excuses, non ? »
    Catelyn se crispa, mal à l’aise. « J’avais cru comprendre que le fils de Lysa, c’est lord Tywin qui devait le prendre pour pupille ?
    – Non. Lord Stannis, répliqua-t-il, hérissé. Vous pensez peut-être que je confonds lord Stannis et lord Tywin ? Ils ont beau être deux trous du cul et se croire tous les deux trop nobles pour chier, je suis encore capable de les distinguer !

    Séparer bébé Robert de sa maman ?? Jon Arryn est devenu fou ! ^^

    edit: et c’est confirmé par Lysa dans ASOS :

    On s’était fait un bébé, nous deux, un précieux petit bébé. » Elle mit les mains bien à plat sur son ventre, comme si l’enfant s’y trouvait toujours.
    « Quand on m’en a eu privée, je me suis juré que je ne laisserais plus jamais se reproduire ça. Jon voulait à toute force expédier mon mignon Robert à Peyredragon, et ce poivrot de roi l’aurait volontiers donné à Cersei Lannister, lui, mais je ne le leur ai pas permis

    (ASOS, chapitre 81, Sansa VII)

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #70480
    Yavanna
    • Patrouilleur Expérimenté
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    le « du Val » m’a beaucoup intriguée aussi, et évidemment ta théorie donne envie. Ce qui peut coincer ce serait le probe et intègre Jon Arryn, faire un bâtard ? En fait, les gens probes ont aussi des secrets : y a qu’à voir Tywin qui met Shae dans son lit. Alors pourquoi pas…

    Ou alors c’est juste que Martin avait pas encore mis en place la totalité de son lore, et que « Du Val » lui est venu comme ça…

    #70484
    Eridan
    • Vervoyant
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    Ce qui peut coincer ce serait le probe et intègre Jon Arryn, faire un bâtard ?

    Eddard Stark a un bâtard. Et personne ne remet ça en cause, tout le monde est convaincu qu’il s’agit bien du sien.

    Ou alors c’est juste que Martin avait pas encore mis en place la totalité de son lore, et que « Du Val » lui est venu comme ça…

    En terme de nom, chacun est à peu près libre de faire comme il veut (à peu de choses près). Si on regarde les noms des chevaliers errants, on a bon nombre d’autres chevaliers qui se prennent des noms soit en référence à leur lieu (supposé) d’origine (Bronn de la Néra, Arlan de l’Arbre-sous, Bonsam de Mont-Amer, Pat de la Bleufurque, Pat de Longfeuille, …), un qualificatif (Duncan le Grand, Argrave le Belliqueux, Victor le Vaillant, …), un animal (Kyle le Chat, William la Guêpe) … ou quelque chose d’encore plus étrange (Pate the Woodcock). 😉

    Hugh du Val semble se placer dans la première catégorie. Certes, il choisit une région plus vaste que la plupart de ses confrères, qui se limitent d’ordinaire à un village ou à un fleuve … Mais on peut aussi supposer qu’il descend simplement d’un chevalier errant, qui vivait dans le Val et était au service de lord Jon Arryn.

    Les indices relevés par DNDM ne sont pas inexistants, mais je ne les trouve pas assez signifiants pour faire plus qu’une vague hypothèse. Tous ces éléments peuvent s’expliquer autrement qu’en établissant un lien de filiation entre Hugh et lord Jon ou un autre Arryn.

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    #70539
    Pat le petit porcher
    • Patrouilleur du Dimanche
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    Le coup de Jon voulant déshériter Robinet me paraît vraiment exagéré, l’explication que donne Eridan du « Pour Robert » de Lysa est en effet plus convaincante. Mais à cette réserve près, l’hypothèse d’un Hugh bâtard d’un Arryn est plausible, je ne vois guère d’explication plus satisfaisante au fait que Jon Arryn ait choisi de prendre personnellement pour écuyer un garçon apparemment aussi dépourvu de parentèle, de nom noble et de qualités remarquables.

    #70552
    Eridan
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    Mais à cette réserve près, l’hypothèse d’un Hugh bâtard d’un Arryn est plausible, je ne vois guère d’explication plus satisfaisante au fait que Jon Arryn ait choisi de prendre personnellement pour écuyer un garçon apparemment aussi dépourvu de parentèle, de nom noble et de qualités remarquables.

    Il peut y avoir plein d’autres raisons, qui ne sont pas évidentes pour nous parce qu’on ne connaît pas l’histoire de Hugh et pas bien l’histoire de Jon Arryn. Plein d’autres personnages ont accès à un statut bien au-dessus de ce que leur condition pourrait leur laisser espérer en temps normal :

    • Petyr Baelish devient le pupille d’Hoster Tully parce qu’il a rencontré son père pendant la guerre des Rois de Neuf Sous. (Son parcours ensuite, il le doit autant à ses compétences qu’à Lysa.)
    • Duncan le Grand devient lord Commandant parce qu’il est le meilleur ami d’Aegon V. Avant ça, il était devenu écuyer de ser Arlan parce qu’on ne sait pas quoi (sans doute qu’Arlan avait remarqué sa taille).
    • Jaehaerys I nomme plein de gens mal-nés à des postes clés, parce qu’il veut s’entourer de gens compétents.
    • Davos Mervault devient chevalier puis noble, parce qu’il est loyal et pertinent contrairement aux flatteurs habituels.

    Bien sûr, on peut toujours supposer une parenté cachée pour expliquer la présence de Hugh auprès de Jon Arryn … Mais c’est donner beaucoup d’importance à un personnage mineur, qui est probablement bien moins que ça : il pourrait être le fils (ou le bâtard si on tient à l’identité cachée) d’un chevalier de maison ou d’un chevalier errant qui a perdu la vie pour défendre Jon Arryn pendant la rébellion de Robert. Il a peut-être aussi hérité d’une certaine fortune, qui lui a permis de se placer auprès de Jon Arryn (On croit savoir qu’il n’a ni frère, ni sœur, juste une mère dans le Val).

    D’ailleurs, rien ne nous dit que Hugh du Val était si proche que ça de son maître. Toutes les relations maître-écuyer ne sont pas des relations aussi privilégiée que celle de Dunk et l’Œuf, où le maître est un mentor bienveillant et l’écuyer un disciple serviable. On a aussi des cas où le maître a une cohorte d’écuyers et où il les calcule à peine et les forme encore moins.

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    #70584
    Emmalaure
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    Je rejoins Eridan sur l’origine de Hugh du Val : on a l’exemple des Clegane dont la famille a gagné un nom et un fief (et les fils Clegane ont été pris comme écuyers par les Lannister) suite à un grand service rendu, à savoir la vie de lord Lannister sauvée. Récompenser un serviteur loyal (ou une famille de serviteurs loyaux) en prenant un héritier à son service comme écuyer, avec promesse d’en faire un chevalier, c’est-à-dire de l’élever socialement, c’est quelque chose de commun pour un seigneur. Et effectivement, tous les écuyers ne sont pas proches de leur seigneur, loin de là, et plus le seigneur est puissant et socialement haut placé, plus il doit en avoir. On ne sait pas du tout quelle considération Jon Arryn avait pour celui-ci, mais on peut au moins être sûr qu’il servait régulièrement le boire et le manger à son seigneur – comme Podrik pour Tyrion, par exemple, ou comme Lancel et Tyrek pour Robert – pour qu’il soit cité par Varys comme l’empoisonneur.

    Sinon – merci DNDM d’avoir ouvert ce fil – il y a bien un véritable intérêt littéraire à ce petit Ser Hugh du Val, qui a les honneurs de deux personnages PoV et d’une mort soigneusement mise en scène par GRRM, ce qui est considérable pour un perso qui n’a aucune importance dans l’intrigue.

    Son intérêt principal réside à mon sens dans les parallèles qu’on peut dresser dans sa mort son « identité »/sa description avec d’autres personnages de la saga, qui permettent de voir des schémas se répéter : je lui ai trouvé des parallèles avec Lancel et Tyrek Lannister, Waymar Royce, et Loras Tyrell (et aussi Jaime Lannister dans sa version jeune, avant sa défaite contre Robb et sa libération par Catelyn). Je me permets de copier à la suite ce que j’ai déjà écrit longuement sur mon blog dans un des articles consacré au thème des Autres. J’ai étudié ces différents personnages en tant que mains « sanglantes » et agissantes au service d’une dame/d’une reine réelle ou symbolique (pour Waymar Royce la Garde est une maîtresse symbolique, pour Lancel Cersei est réelle, par exemple). Si on ne sait pas du tout ce qu’il en était des rapports entre Hugh et Lysa (il y a fort à parier que Lysa s’en contrefichait), peut-être que le jeune Hugh s’était mis dans la tête qu’il était amoureux de la femme de son seigneur et qu’il voulait accomplir des prouesses juste pour être regardé : les jeunes ne doutent pas de grand chose, et ça aurait été un moyen suffisant pour Varys d’en faire son pion.

    L’objet de mes parallèles tentait de reconstituer une origine des Autres comme instruments/mains sanglantes, et je dois commencer à Lancel, parce que c’est lui qui devient une ombre décharnée et qui est le plus développé de tous (et puis ça permettra de comprendre ce que je veux dire à propos de ser Hugh !) :

    Lancel suit physiquement la même trajectoire que Stannis, qui se décharne après le meurtre de son frère Renly. D’abord ombre métaphorique de Jaime, qu’il rêve d’être (là où Stannis éprouve autant d’admiration pour son frère aîné que de rejet pour le roi qu’il est et la manière dont il gouverne), il est complice de la mort du roi Robert Baratheon, en lui ayant servi le vin empoisonné – et Jaime est surnommé le Régicide pour avoir tué le roi fou Aerys II Targaryen; ensuite, il sert de mouchard à Tyrion qui le détourne du service de Cersei pour son propre usage, et blessé à la Bataille de la Néra, il change physiquement pour devenir une véritable « ombre décharnée », un vivant semblable à un Autre (« gaunt » revient là encore pour le qualifier, dans AFFC). Dans son cas, la « main tueuse » devient une ombre elle-même après le meurtre, et la participation à la mort du roi a finalement révélé la véritable nature du jeune Lancel : marionnette entre les mains d’autres personnages. Forcément, Cersei finit par se demander comment éliminer définitivement le cousin si encombrant.

    D’autre part, la transformation physique en ombre est suivie d’une rupture avec toutes ses obligations et liens précédents : Lancel rejette son épouse, son château et le titre de lord qui va avec – et qui étaient une manière de s’en débarrasser tout en le récompensant – pour se tourner vers la Foi et devenir un soldat des Sept (dieux)… à Port-Réal, où ses confessions constituent une part des accusations graves qui pèsent sur Cersei et où il revient hanter sa reine puisqu’elle le reconnaît parmi les soldats de la Foi qui encadrent sa Marche de la Honte, dans ADWD.

    Lancel ne partage pas des points communs uniquement avec Jaime (beaucoup) ou Stannis ou les Autres (de façon plus subtile), mais aussi avec trois personnages qu’on ne voit que très brièvement mais qui se trouvent mêlés à des scènes particulièrement marquantes ou qui constituent un motif anecdotique a priori, mais pourtant récurrent : Tyrek Lannister, d’abord, le complice de Lancel comme écuyer de Robert Baratheon, qui a été « remercié » par un titre de lord et le mariage avec l’unique héritière d’une seigneurie, un bébé d’un an encore au sein. Il y gagne le surnom de « nounou », ce qui n’est sans doute pas seulement un trait d’humour de ses copains, car les loups des Stark sont eux aussi à un moment donné qualifiés de « nounou » des enfants Stark, par Sandor Clegane (dans Sansa 1 AGOT; et au passage, lorsque Tyrion est esclave de Yezzan dans ADWD, la « main » de ce dernier, celle qui garde le cheptel des esclaves, un peu comme un Autre qui mènerait sa horde de morts animés, s’appelle « Nounou »). Tyrek a disparu pendant l’émeute de Port-Réal, dans ACOK, et personne ne peut dire ce qu’il est devenu car s’il a été tué, son corps n’a pas été retrouvé. Aux dernières nouvelles, les recherches successives pour le retrouver ont toutes échoué. Il s’est littéralement évanoui dans le paysage, ce qui arrangerait plutôt les affaires de Cersei, puisque c’est un de moins qui risquerait de bavarder sur son rôle dans la mort du roi. Les ombres de Melisandre, mais aussi les Autres (notamment celui « tué » par Sam) ont eux aussi la capacité de s’évanouir dans la nature, sans qu’on sache leur devenir exact. Il se trouve également qu’à Port-Réal, on peut finir en brouet et ne plus laisser aucune trace, comme c’est le cas pour le malheureux chanteur Symon Langue d’Argent – dont Bronn se débarrasse sur ordre de Tyrion: s’il est devenu de la viande (si son sort est révélé un jour) on retrouvera donc avec Tyrek cette thématique du cannibalisme liée à celle des Autres. Sans certitude pour le moment, il faut garder à l’esprit que ça puisse être le cas.

    Lancel partage en outre l’arrogance de la jeunesse qui veut jouer au grand avec Hugh du Val et Waymar Royce, ainsi que Loras Tyrell et le jeune Jaime, et c’est donc ceux-là dont je vais développer certains aspects (ou le tout, quand le personnage n’apparaît que très peu).

    Ser Hugh était le jeune écuyer de lord Jon Arryn, la précédente Main dont la mort est la première énigme « humaine » de la saga et dont la résolution est la motivation principale dans le fait qu’Eddard Stark accepte de devenir la Main du roi Robert Baratheon.

    La caractéristique principale de ser Hugh est d’être complètement imbu de lui-même, comme ça a été rappelé par mes voisins du dessus :

    Sa mauvaise grâce ne le disputant qu’à la platitude de ses réponses, ser Hugh le [Jory Cassel] prit d’aussi haut que seul peut le faire un chevalier tout neuf. Si la Main désirait l’entretenir, il serait heureux de la recevoir mais n’admettait pas qu’un simple capitaine des gardes eût le front de l’interroger…, dût ledit capitaine être son aîné de dix ans et le valoir cent fois à l’épée.(Eddard VI, AGOT)

    Après qu’il a été tué au tournoi de la Main par le plus cruel banneret des Lannister, Varys suggère à Eddard qu’il aurait été la main exécutrice dans le meurtre de Jon Arryn, ce qui a pour conséquence de conforter Eddard dans sa conviction que les Lannister sont responsables de la mort de la Main. Je ne vais pas démêler ici le sac de noeuds assez complexe derrière tout cela : l’implication supposée de ser Hugh dans la mort de Jon Arryn a été abordée dans une super synthèse d’Evrach sur ce site : en résumé, Varys aurait poussé Littlefinger à tuer Jon Arryn et lui aurait « suggéré » comme main exécutrice ser Hugh, sa marionnette (peut-être pas consciente), mais Littlefinger ne s’en serait pas servi comme prévu. La mort du jeune chevalier servirait donc à ne pas remonter la piste Varys tout en orientant les indices vers les Lannister, et il est facile de supposer que le même Varys ait suggéré à Gregor Clegane – modèle de loyauté envers les Lannister – que son élimination lors du tournoi rendrait service à ses suzerains.

    Au lendemain de sa mort, ser Hugh parait très jeune :

    Dans la pâleur de l’aube, le jeune chevalier semblait seulement endormi. Il n’était pas beau, mais la mort avait adouci ses traits taillés à la serpe, et les Soeurs du Silence lui avaient passé son meilleur vêtement : une tunique de velours dont le haut col dissimulait l’horrible plaie ouverte par la lance. Devant le visage si juvénile, Eddard Stark s’interrogeait. (Eddard, AGOT)

    C’était déjà le même phénomène avec Waymar Royce, de révéler sa jeunesse dans la mort :

    À le voir couché, comme ça, mort, on se rendait mieux compte de sa jeunesse. Un gosse. (Prologue, AGOT)

    Ser Waymar était déjà très imbu de lui-même, comme ser Hugh, et avait insisté auprès du vieux lord Mormont pour mener sa première patrouille au-delà du Mur. Son arrogance avait mis les deux patrouilleurs expérimentés qui l’accompagnaient à très rude épreuve.

    Juste après leur « veillée » du mort, Eddard et Barristan se rendent dans la tente du roi Robert pour le dissuader de participer à la mêlée du jour qui pourrait être fatale, et où ses deux écuyers Lancel et Tyrek essayent de lui enfiler son armure. Varys vient étayer les craintes d’Eddard en prétendant que la reine Cersei cherchait précisément à faire participer Robert à la joute en pratiquant de la « contre-psychologie » (elle lui a publiquement interdit d’y participer en étant sûre qu’il n’aurait plus qu’un désir, faire le contraire de ce qu’elle demandait), afin de profiter ensuite d’un « accident » de mêlée, et ceci dans la même conversation où il évoque ser Hugh et sa mort sous la lance du géant Gregor Clegane. Mais c’est finalement un « accident » de chasse qui aura raison du roi.

    Lancel et Tyrek ne servent pas de vin, ce matin-là, mais ils pourraient mal ajuster l’armure – à dessein – tout en pouvant mettre en avant le fait que Robert a beaucoup grossi et changé physiquement, et que son armure ne lui convient plus tout à fait, dernier point que ne manque pas de faire remarquer Eddard, d’ailleurs. L’armure mal ajustée est un sujet qui a justement été abordé devant le corps de ser Hugh. Et justement : non seulement ce second chapitre du tournoi de la Main permet de rapprocher littérairement Lancel et Tyrek avec ser Hugh, mais en outre, on retrouve l’image de l’armure qui ne protège pas des coups des « ombres » : ser Hugh est atteint directement à la gorge, comme le roi Renly le sera.

    La question de l’armure de ser Hugh est intéressante en soi et arrive sur le tapis en guise de conclusion de la veillée : c’est une belle armure, trop belle pour ses moyens réels et ceux de sa famille, ce qui suggère qu’il puisse s’agir d’un cadeau pour « service rendu » ou pour « garder le silence ». Ser Barristan nous apprend que le roi Robert l’a fait faire chevalier en l’honneur de Jon Arryn, mais cette promotion de l’écuyer a pu être une suggestion de Varys et on ne sait pas qui lui a payé l’armure (peut-être Varys). C’était un cadeau empoisonné, en tous les cas, et pas le seul de ce type dans la saga.

    « Vous renverrez l’armure au Val. La mère voudra sans doute la conserver.

    – Elle représente pas mal d’argent, dit ser Barristan. Il l’avait fait forger exprès pour le tournoi. Du travail simple mais de qualité. J’ignore s’il avait fini de payer l’artisan. 

    – Il a payé hier, messer, et payé cher, rétorqua Ned, avant de dire à la Soeur : Renvoyez l’armure à la mère, je me charge du forgeron. » (Eddard VII, tome 1 A Game of Thrones)

    Allez, on va faire un petit tour du côté des armures, maintenant, grâce à Sansa, notre autre témoin capital dans ce tournoi de la Main, car son oeil et son esprit sont attirés immanquablement vers les apparences et le lecteur obtient ainsi quelques précieux détails. Outre ser Loras Tyrell et ses somptueuses armures de tournoi, avec à l’autre bout celles des Nordiens qui les font paraître comme des ombres grisâtres couvertes de torchons, il y a les armures des Royce : lord Yohn Royce et ses deux fils présents au tournoi (Waymar était le plus jeune fils). Les Royce viennent du Val d’Arryn, et cette famille est réputée pour posséder une antique armure de bronze gravée de runes protégeant magiquement des blessures. Que la protection soit vraie ou pas, le fait est que l’armure est une relique de famille censée remonter aux Premiers Hommes et qui a surtout pour fonction actuelle d’attester l’ancienneté de la maison Royce, et par conséquent, sa noblesse. Au tournoi de la Main, les deux fils Royce portent une imitation de l’armure de leur père, en acier argenté. On y retrouve là la couleur argentée des Autres, au passage (et l’un des deux fils fera plus tard partie de la Garde arc-en-ciel du roi Renly, sachant que les Gardes Blancs sont plusieurs fois qualifiés d’ombres blanches et jouent donc eux aussi sur le même thème que les Autres).

    Les parallèles déjà établis entre ser Hugh et ser Waymar Royce (la jeunesse, l’arrogance et l’origine familiale dans le Val) autorise à formuler l’hypothèse d’un nouveau parallèle entre les deux armures; non pas que celle de ser Hugh ait une quelconque valeur magique, mais plutôt dans l’origine de l’armure de bronze des Royce : était-elle un cadeau ? de qui ? et quel service aurait-elle payé ? Les Royce – parmi toutes les familles du Val – ont par ailleurs un lien spécial avec les Stark. Cela pourrait s’expliquer par des liens de mariage pas trop anciens et des affinités liées aux lignées qui remontent a priori aux Premiers Hommes, ainsi qu’au séjour de plusieurs années de Ned Stark dans le Val, lorsqu’il était pupille de Jon Arryn; mais il s’agit ici de littérature et Waymar Royce fait l’ouverture de la saga et en est même le tout premier mort, par la main des Autres. Il y a donc autre chose comme lien que ceux que je viens d’énumérer.

    Le mot « royce » est le vieil anglais pour « rose » – la fleur – ce qui pour le coup nous amène à considérer à nouveau Loras Tyrell, le Chevalier des Fleurs, qui lui aussi parade en somptueuses armures, dont celle des finales des joutes :

    Mince comme un jonc, ser Loras arborait en ce jour une fabuleuse armure sur l’argent poli, chatoyant au point d’aveugler, de laquelle se discernait comme en filigrane des entrelacs de pampres noirs et de minuscules myosotis. Et lorsque le vulgaire, au même instant que Ned, s’aperçut que le bleu de chaque corolle était fait d’autant de saphirs, des milliers de gorges exhalèrent un même récri d’émotion. Jeté en travers des épaules du jeune homme plombait un manteau de lainage épais, lui-même émaillé de centaines de myosotis véritables et tout frais cueillis.

    (Eddard VII, tome 1 A Game of Thrones)

    Outre le fait qu’avec le saphir aveuglant et l’argent Loras porte les couleurs des Autres, le myosotis en anglais se dit « forget-me-not » – « ne m’oublie pas » – ce qui rappelle la devise des Royce « Nous nous souvenons ». Il n’est pas sûr cependant que les Royce se souviennent véritablement du passé. GRRMartin aimant les effets d’ironie et jouant beaucoup avec la déformation des faits réels au travers des chansons, la devise des Royce pourrait bien avoir été vidée de sa substance avec le temps… sauf le lien avec les Stark ? L’ancêtre des Royce aurait-il pu gagner son armure après avoir servi jusqu’à la mort sa reine ? Et avoir participé au meurtre d’un roi ? Et cette histoire de mémoire à conserver nous renvoie à nouveau aux barrals et aux vervoyants.

    On peut également voir dans le somptueux manteau de Loras un petit rappel du riche manteau de zibeline porté par Waymar Royce, mis en pièces par la boucherie des Autres, et suscitant l’envie et la jalousie des deux autres patrouilleurs qui l’accompagnaient. Et pour revenir à ser Hugh, si son manteau ne provoque ni jalousie particulière ni admiration, il a tout de même lui aussi droit aux honneurs du récit, notamment lors de la mort de son porteur, lorsque les lunes brodées dessus se teignent en rouge au fur et à mesure que le sang s’échappe de la blessure mortelle : la lune étant tout au long de la saga liée aux femmes, cela suggère à nouveau qu’il y a bien une femme mêlée à une ancienne histoire de régicide. Remarquons d’ailleurs que si ser Hugh était peut-être celui qui devait tuer Jon Arryn (mais ne l’a finalement pas fait), c’est Lysa, l’épouse de Jon Arryn, qui a agit elle-même, inversant ainsi le schéma de Lancel et Cersei, ou la reine manipule un « chevalier servant ». Dans l’histoire de Lysa, l’amant n’est pas ser Hugh, mais Littlefinger, qui n’est pas chevalier (et a échoué à se qualifier comme tel, si on veut bien se souvenir de son duel perdu face à Brandon Stark), et qui manipule la « reine ». Littlefinger « oiseau moqueur » a des liens symboliques très forts avec les vervoyants.

    Pour aller plus loin dans les parallèles, le petit Bran futur vervoyant surprend dès le début d’AGOT le secret de la reine Cersei, à savoir que ses trois enfants ne sont pas de Robert Baratheon et ne sont donc pas héritiers de la couronne par le sang. C’est le chevalier servant blanc Jaime qui est le père biologique : l’antique Royce qui a reçu l’armure « magique » aurait-il pu être le père biologique des Stark de Winterfell ? Je ne répondrai pas par l’affirmative, parce qu’il y a d’autres candidats possible et que la reine Cersei, tout autant que Lysa Arryn, ont plusieurs chevaliers servants autour d’elles. Mais je pense que GRRM nous offre pas mal de pistes à explorer avec ser Hugh. Et laissons la conclusion à Sansa, en écho à la devise « Nous nous souvenons » des Royce (et avec un nouveau parallèle avec les Autres, qui n’ont ni visage, ni nom) :

    [Sansa] assistait à la mort d’un homme pour la première fois. Elle aurait dû, se disait-elle, pleurer aussi, mais les larmes ne lui venaient pas. (…) Le jeune chevalier en bleu ne lui était rien, rien de plus ni de mieux qu’un étranger venu du Val d’Arryn. Tellement rien qu’elle avait oublié son nom sitôt qu’entendu. À présent, le monde allait l’oublier de même, songea-t-elle, et les chanteurs ne le chanteraient pas. Attristant. 

     Après qu’on eut emporté le corps survint à toute jambe un gars armé d’une pelle qui s’empressa de recouvrir de terre la flaque de sang. Et, là-dessus, les jeux reprirent. 

    (Sansa II, AGOT)

    On peut constater là toute l’ironie de GRRMartin, qui parle de mémoire à propos du Val, et alors que Sansa ira justement s’y cacher sous une identité de bâtarde, comme une « Stone ».

     

    Voilà, c’était un peu long, mais il y a encore plein de trucs que je n’ai pas dits : je n’ai par exemple pas du tout parlé de la mort en elle-même de ser Hugh, abattu par la Montagne, qui est elle aussi très riche symboliquement parlant. A vous les studios.

    #70585
    FeyGirl
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    Je ne suis pas non plus très convaincue par l’hypothèse d’un lien familial entre Hugh du Val et Jon Arryn, mais je n’ai pas d’arguments incontournables à opposer.

    Si Hugh était l’écuyer de Jon Arryn, Jon Arryn prévoyait peut-être de faire de lui son héritier, en place du malingre Robin. Qu’attendait-il pour cela ? Peut-être la mort imminente d’Hoster Tully.

    Par contre, je ne crois pas à cette hypothèse. Déjà, comme dit par d’autres membres, il aurait fallu passer sur le corps de Lysa :-).

    Et il n’y aurait pas eu l’opposition que de Hoster Tully, attendre sa mort ne serait pas suffisant : toute la famille Tully aurait réagit, c’est à dire Brynden Tully (qui était sur place, gardant la Porte Sanglante), Edmure Tully (pas le plus courageux, mais le chef de la famille ne peut pas laisser passer un tel affront à un fils d’une Tully)… Et Catelyn. La légitimité née du mariage est importante pour les nobles de cet acabit, sinon c’est tout le système d’alliances entre les maisons qui s’écroule. Jon Arryn se serait mis à dos Vivesaigues et Winterfell.

    Autre élément à prendre en compte : la politique intérieure au sein du Val. L’héritier légitime de Robert Arryn est Harrold Hardyng, et il est connu de tous. Je doute fort que les bannerets du Val puissent accepter un bâtard même légitimé comme nouveau suzerain, alors qu’ils ont un « vrai » noble « sous la main ». Je pense notamment à ceux qui plus tard deviendront les seigneurs déclarants. Si Jon Arryn connaît bien ses hommes, il n’aurait pas imaginé ceux-ci acceptant la spoliation de l’un des leurs (Harrold) au profit d’un bâtard. Le cas est bien différent de Roose Bolton et Ramsay, car Roose n’a pas d’héritier connu.

    Edit : je viens de lire le long post d’ @emmalaure : passionnant, comme d’habitude. Même si on n’est pas forcément d’accord avec tout, cela ouvre des perspectives d’analyse très enrichissants.

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