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Recommandations de février : à mois court, forme courte !

Recommandations de février : à mois court, forme courte !

« Non, mais cette fois, c’est terminé, je ne me lance plus dans les grandes sagas qui ne se terminent jamais ! D’abord le Trône de Fer, puis le Nom du Vent, et maintenant ça ! » disait un ami en refermant son troisième tome des Salauds Gentilhommes de Scott Lynch. Force était de lui donner raison : parfois, les sagas interminables et non terminées sont épuisantes, et mettent la patience de leurs lecteurs à rude épreuve.
Aussi, en ce joli petit mois de février, qui compte seulement 28 jours encore cette année, les chroniqueurs de la Garde de Nuit vous proposent des histoires brèves, sans suite, qui tiennent dans un mouchoir de poche, mais qui déboîtent. Alors sans trop allonger le préambule, place aux artistes !

L’Homme qui mit fin à l’Histoire de Ken Liu

Couverture de « L’homme qui mit fin à l’Histoire » de Ken Liu

C’est d’abord l’occasion de parler de la petite collection Une heure lumière qui depuis un peu plus d’un an chez Le Bélial, publie quelques noms prestigieux (Thomas Day, Roger Zelazny, Christian Léourier) dans un catalogue en hommage à la forme courte. Quelque part entre nouvelles et novellas, ces histoires se lisent vite et bien. Parmi celles qu’il m’a été donné de parcourir depuis la création de la collection, j’ai choisi la première, qui m’a mis une belle claque.

Dans un futur proche, deux scientifiques mettent au point un procédé qui permet de consulter un moment dans le passé sans pouvoir interférer avec celui-ci. Mais cela a un prix et la période, consultable par une unique personne, ne le sera plus jamais par la suite. La question est alors de savoir si les historiens, les descendants familiaux ou les hommes d’État doivent avoir la primeur de cette visite dans l’histoire.

Déroulée comme un documentaire (on y parle de face caméra, de travellings, et autres termes propres au langage audiovisuel), la nouvelle s’articule autour d’une cause chère à l’auteur : les exactions de l’Unité 731, mandatée par l’empire du Japon entre 1936 et 1945 dans une province chinoise, pour mener à bien des expériences bactériologiques sur des prisonniers majoritairement fournis par la Kenpetaï (la police militaire japonaise), et déclarés impropres à servir le Japon. Un genre d’Auschwitz version Empire du Japon, où plus d’un demi-million de personnes ont perdu la vie. Et dont l’existence n’a été reconnue par un tribunal japonais qu’en 2007, mais sans que l’État accepte encore d’admettre sa responsabilité.

Entre le sujet et la forme, froide, presque clinique, autant dire que ce court roman est dur. La question de l’Histoire contre la mémoire, de l’émotion contre le fait, est admirablement traitée ici par Ken Liu. Et à titre personnel, ça m’a permis de découvrir un pan des événements de la Seconde Guerre mondiale dont je n’avais nullement connaissance et qui ont encore aujourd’hui des répercussions. Chapeau, monsieur Ken Liu, dont je n’ai encore rien lu d’autre jusqu’ici, mais qui m’a furieusement donné envie de m’intéresser à sa bibliographie !

Crys

Des ombres pour Silence dans les Forêts de l’enfer de Brandon Sanderson

Couverture française de Dangerous Women, partie 1

Dangerous Women, version Française, partie 1

Brandon Sanderson est l’un des plus prolifiques auteurs de fantasy actuels, et son univers, le Cosmere, a largement de quoi allécher le lecteur avide de worldbuilding détaillé, et largement de quoi repousser le lecteur échaudé par les cycles de Fantasy sans fin. Pour goûter au style de l’auteur sans trop s’engager, Des ombres pour Silence dans les Forêts de l’enfer est la nouvelle idéale. Suffisamment longue pour qu’on plonge vraiment dans l’ambiance, suffisamment courte pour qu’on ne s’ennuie pas, totalement indépendante du reste du background inventé par Sanderson, mais en même temps totalement représentative de ce qu’il fait.
Le pitch : Silence est aubergiste le jour, et chasseuse de primes la nuit. Son auberge, la dernière avant le cœur des forêts de l’Enfer, est l’observatoire parfait pour repérer les gens louches, et donc ceux qui, le plus souvent, valent de l’argent. La spécificité du boulot : l’environnement. Dans les forêts de l’Enfer errent les ombres des morts. Ne pas attirer leur attention est facile, à condition de respecter quelques règles simples: ne pas allumer de feu, ne pas courir, ne pas verser le sang.
Des règles simples, mais difficile à concilier avec le job de chasseur de primes.
Une nouvelle aussi efficace qu’envoûtante, à trouver en français dans l’Anthologie Dangerous Women – Partie 1 (J’ai Lu), que la plupart des fans de George R. R. Martin doivent déjà avoir dans leur bibliothèque (vu qu’on y trouve aussi La Princesse et la Reine, d’un certain GrrM), ou dans Sixième du Crépuscule et autres nouvelles, recueil de nouvelles de Brandon Sanderson (Livre de Poche).

DNDM

The Hidden Girl de Ken Liu

Anthologie the Book of Swords (crédit : Bantam et Gardner Dozois)

Anthologie the Book of Swords (crédit : Bantam et Gardner Dozois)

On vous a beaucoup parlé il y a quelques temps de l’anthologie The Book of Swords puisqu’elle contient une nouvelle de G.R.R. Martin : The Sons of the Dragon (dont on retrouve maintenant une version augmentée dans Feu et Sang, partie 1). Ce qu’il y a de chouette avec ces anthologies de nouvelles, c’est qu’après s’être jeté sur la nouvelle de Martin qui nous a appâtés ^^, on y découvre tous pleins d’auteurs différents. Ce fut mon cas avec The Book of Swords qui contient la nouvelle The Hidden Girl de Ken Liu pour laquelle j’ai eu un petit coup de cœur.

L’histoire est assez classique (mais je ne veux pas trop en dévoiler pour ne pas gâcher votre lecture) : dans une atmosphère profondément influencée par la culture chinoise, le lecteur suit le parcours d’une jeune fille enlevée à sa famille à l’âge de dix ans pour rejoindre une guilde d’assassins aux pouvoirs étranges. Au-delà de ce schéma classique, l’auteur arrive en quelques pages à donner vie à ses personnages et son histoire avec une efficacité remarquable et un rythme haletant. On s’attache instantanément à l’univers et l’héroïne, et on se dit qu’il faut vraiment qu’on en découvre plus sur cet auteur qui parvient si bien à nous attirer dans ses filets en quelques pages.

A priori, je ne suis pas la seule à avoir apprécié la nouvelle, puisqu’elle fut nominée au prix Locus 2018 de la meilleure nouvelle, et que les droits d’adaptation ont été achetés pour en faire bientôt un film.

L’anthologie n’est malheureusement pas encore disponible en version française, mais vous n’aurez pas longtemps à patienter : aux dernières nouvelles, Pygmalion devrait sortir le livre dans le courant de l’année 2019.

Nymphadora

Janua Vera de Jean-Philippe Jaworski

Janua Vera - Jean-Philippe Jaworski

Janua Vera par Jean-Philippe Jaworski paru chez Les Moutons électriques

En mars dernier, je vous parlais de Gagner la guerre en mentionnant un recueil de nouvelles sorti un peu avant. Du coup, je profite du thème du mois pour vous parler plus en détail de Janua Vera. Un ami que je vois peu, qui lit beaucoup et qui me connait assez bien m’a offert ce livre en me disant « Je pense que cela devrait te plaire. Ce sont des nouvelles ; si la première ne te plaît pas, continue ». J’ai mis du temps à le commencer et quand j’ai terminé le livre, je me suis dit que mon ami avait raison.
Ce recueil se situe dans le monde du Vieux Royaume et nous le présente par facettes. Jaworski n’explique rien, mais chacune des huit nouvelles met en lumière un aspect de son monde, et on termine avec une vision assez juste de ce qu’il représente. En plus, chaque nouvelle a un style différent : du roman des bas-fonds à l’amour courtois en passant par le conte champêtre, les histoires permettent aussi de comprendre le talent de son auteur. Difficile d’oublier Mauvaise donne (la nouvelle la plus longue) qui présente Benvenuto Gesufal avant qu’il ne travaille pour… son employeur (n’en disons pas trop), dans une sorte de prequel à Gagner la guerre. Mais mon petit cœur bat pour Le Conte de Suzelle, qui est beaucoup plus banal en apparence. Si l’envie vous prend de creuser un peu, vous verrez que ces histoires ne sont pas forcément isolées entre elles. Au travers d’un blason fugacement décrit ou d’un nom balancé, on se rend compte que certains personnages principaux font des apparitions ailleurs (et parfois dans Gagner la guerre). Outre le côté ludique de la chose, cela renforce l’impression de cohérence de l’univers de Jaworski.
Ce recueil est une bonne entrée avant Gagner la guerre, qui est nettement plus copieux. La première nouvelle est bizarre, mais ne vous arrêtez pas en si bon chemin (je précise qu’il n’y a pas de dragons). En revanche, je ne risque pas de vous recommander l’autre recueil de nouvelles Le Sentiment du Fer (même auteur, même univers) qui m’a paru moins abouti.

R.Graymarch

Conclusion

Avec ce plein de nouvelles, de recueils et de novellas, nous ne sommes pas sûrs que le mois de février suffise pour terminer vos lectures. Toutefois, vous pouvez y réagir, ou ajouter vos propres idées dans les commentaires. Et si vous n’avez pas trouvé votre bonheur ici, vous pouvez toujours retrouver les conseils des mois précédents dans l’annuaire de toutes les recommandations publiées sur le blog de la Garde de Nuit.

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Compte collectif de La Garde de Nuit.

6 Comments

  1. Merci pour ces recommandations !

    Je vous lis depuis un moment (et suis tombé en profonde dépression suite à la Longue Nuit qu’à connu le site) et je prends -enfin !- le temps de m’inscrire… Merci pour ce contenu démentiel !!

  2. Lu Shadows for Silence in the Forests of Hell dans Dangerous Women, Part 1 : envoûtante ambiance, pour une nouvelle bien construite, qui ne frustre effectivement pas le non-initié, tout en pouvant le pousser à en vouloir plus ; bref : un bon compromis pour découvrir B. S. ou juste passer une bonne heure de lecture…

  3. « La Ménagerie de papier » de Ken Liu est magnifique (le recueil comme la nouvelle elle-même), jetez-vous dessus.
    Du coup, je suis forcément intrigué par « The Hidden Girl » (et j’ai « L’Homme qui mit fin à l’Histoire » sur ma liste depuis un moment).

  4. Janua Vera, incontournable pour aborder le Vieux Royaume…

  5. Est-ce qu’il vaut mieux lire Gagner la Guerre avant Janua Verra ? (L’édition que j’ai a mis Juana Verra en premier )

  6. @babardesbois Janua Vera a été publiée avant, c’est mieux à mon avis de la lire avant. Pour la nouvelle principalement liée au roman, ça me parait mieux aussi. Ca te familiarise par petites touches avec l’univers, ça parait bien avant le gropavé.

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