Une série "sexiste" et "raciste" ?

  • Ce sujet contient 54 réponses, 24 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par John Lon Bickel, le il y a 3 années et 10 mois.
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  • #135715
    RichardIII
    • Patrouilleur Expérimenté
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    A titre personnel, si je trouve ces critiques largement injustifiées, on peux dire que la série a quand même son lot d’erreur.

    L’arc de Sansa avec les Bolton par exemple, n’a jamais fait sens d’un point de vue politique et à l’air d’être juste une ficelle éculée de revenge-rape scénaristique.

    Sur les livres il y a une critique que je trouve très intéressante et justifiée c’est celle de l’âge des personnages et surtout des femmes. A savoir que dans F&B par exemple, un grand nombre de mariées ont moins de 15 ans, et ce n’est pas conforme à la réalité historique, contrairement à ce que GRRM prétend souvent.

    Après j’ai particulièrement l’impression que ce genre de critiques est basée sur les conflits politiques et raciaux de l’Amérique contemporaine, et nous sont moins proches.

    #135722
    Ser Aemon Belaerys
    • Exterminateur de Sauvageons
    • Posts : 896

    Dire que la série est sexiste ou raciste ne va pas desservir la cause anti-sexiste ou anti-raciste, disons plutôt qu’étant donné qu’il y a déjà débat à déterminer si la série fait des erreurs auprès de gens qui sont déjà sensible à certaines causes sans forcément en être concerné directement, comme moi et d’autres ci dessus en tant que « homme blanc », il y a donc une étape à franchir et de l’énergie à y mettre.

    Plutôt que desservir,je parlerai plutôt de la débauche d’énergie à déployer, alors que d’autres situations sont peut être plus « évidentes » à dénoncer , surtout auprès de gens sexistes ou racistes.

    J’ai pas envie de dire que dénoncer le sexisme de la série fait de toi une SJW, clairement pas, parce que tu le fais avec tes arguments, et qu’on en discute tous cordialement.

    Mais y a pas de petits combats, le sexisme ce n’est pas que les viols,c’est aussi certaines scènes qui passe à la TV,qui petit à petit servent à des pervers à légitimer ce qu’ils feront après dans la rue, parce que ça les aide à se convaincre qu’une femme est un objet ou un noir est inférieure à un blanc.

    J’espère être claire, difficile de passer un message compliqué par post sur le forum, j’espère un jour après le déconfinement pouvoir en discuter autour d’un verre en IRL ça sera plus simple et convivial.

    -"Comment veux-tu mourir, Tyrion, fils de Tywin ?"
    - "Dans mon lit, à l’âge de 80 ans, le ventre plein de vin et ma queue dans la bouche d’une pute. "

    #135723
    no_one
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1720

    Sur les livres il y a une critique que je trouve très intéressante et justifiée c’est celle de l’âge des personnages et surtout des femmes. A savoir que dans F&B par exemple, un grand nombre de mariées ont moins de 15 ans, et ce n’est pas conforme à la réalité historique, contrairement à ce que GRRM prétend souvent.

    Après j’ai particulièrement l’impression que ce genre de critiques est basée sur les conflits politiques et raciaux de l’Amérique contemporaine, et nous sont moins proches.

    En même temps c’est une œuvre étasunienne. Cela dit au regard de la proéminence de leur production y compris dans notre paysage culturel, et de nos points communs socio-historiques, nos clés de lecture sur les éventuels éléments stigmatisants concernant la représentation des femmes & des sexualités alternatives – peut-être moins des minorités ethniques – ne sauraient être si distantes de leur grille d’analyse.

    Concernant ton premier paragraphe : d’un côté ça rejoint le fait c’est une vision… romancée du M-Â – tout comme croire que celui-ci fut tout blanc et masculin – sans même parler de magie. Comme dit l’auteur lui-même ce n’est qu’inspiré et il aurait pu faire autre chose (cf son idée d’une lignée Targaryen noire, plutôt qu’aryenne elfique) ; de l’autre, en lisant F&B j’ai eu pour ma part l’impression que les multiples grossesses précoces & les décès qui s’ensuivaient s’inscrivaient en fait dans sa critique féministe (parce que oui, Martin se dit féministe ; je suis toujours surpris de lire des fans à la lecture « apolitique » de l’œuvre). Oui, elles sont mariées trop jeunes – et elles en paient malheureusement les pots cassés. (Ou bien il rattrape les meubles.)

    Dans la série, j’ai bien aimé la façon dont est traitée la relation entre Renly et Loras (pendant mon adolescence j’ai été biberonnée aux romans de Marion Zimmer Bradley, alors pour moi l’homosexualité est une chose naturelle).

    J’ai trouvé d’une grande sensualité la scène où Renly se fait « épiler » par Loras.

    Même si dans les livres la question de leur homosexualité n’est pas clairement exprimée.

    Sur le côté raciste, j’avais noté qu’il y avait peu d’acteurs de couleur. Mais peut-être est-ce normal dans un monde médiéval ?

    C’est que je trouve curieux (et dommage) avec Renly-Loras, c’est qu’on a effectivement une mise en lumière de leur relation, mais – outre la mise en scène différente pour les rapports gays – ils subissent tous les deux lors du passage sur écran une recaractérisation clichée. Renly est devenue une « chochotte » ayant peur du sang ; et, après son décès, Loras n’est plus défini que par sa sexualité quand il fait le deuil de son amour dans les livres et que son rôle dans l’intrigue est avant tout celui de garde royal Tyrell. C’est même cette sexualité frivole qui lui vaudra d’être bêtement démasqué, aisément capturé – pour finir par faire partie des dégâts collatéraux du coup de Cersei.

    Concernant le peu d’acteurices de couleur, je renvoie à mes commentaires sur les choix de l’adaptation. Dans le genre maladresse qui peut laisser un sale gout en bouche, on peut aussi penser à la résolution de l’arc de Meereen (+ sa disparition totale ensuite) et le discours de Tyrion évoquant Quand ils sont venus chercher… ce qui revient à faire un parallèle plus que douteux entre les bad men victimes de Daenerys et les victimes des purges nazies…

    "It's both possible, and even necessary, to simultaneously enjoy media while also being critical of its more problematic or pernicious aspects."
    "Damsel in Distress: Part 1", Tropes vs. Women in Video Games, Anita Sarkeesian

    #135725
    dracaufeux
    • Patrouilleur du Dimanche
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    Je n’irai pas jusqu’à dire que GOT est une série sexiste et raciste pour tout un tas de raison qui ont déjà été rappelé.

    Cependant on ne peut nier qu’il y a quand même quelques éléments qui sont troublant notamment sur le « coté sexiste » :

    • Tout d’abord, Daenerys et Sansa se font violer par Drogo et Ramsay alors que dans les livres non
    • De plus, la saison 8 n’a pas brillé par son coté féministe lorsque l’on a écarté les deux femmes fortes Cersei et Daenerys du pouvoir au motif qu’elles étaient soumises à leurs émotions, ou qu’elles étaient assoiffées de pouvoir, ou tout simplement qu’elles étaient méchantes et dangereuses (même Sansa a montré qu’elle était assoiffée de pouvoir et a un coté Cersei qui m’a extrêmement déçu mais c’est pas le sujet) alors que parallèlement les personnages masculins que sont Tyrion, Jon et Bran sont présenté comme étant sages et donc apte à exercé les fonctions politiques ( alors que depuis quelque saisons c’est le festival des mauvaises décisions et des actes aggravant la situation ).
    • D’autre part il y a incontestablement beaucoup trop de scènes de femmes nues (toutes les fois où Dany est à poil) comparé aux scènes d’hommes nu.
    • Enfin  les showrunners et producteurs participent à allumer ce débat puisque l’un d’entre eux est venu expliquer en début de saison 8 que si Sansa n’aimait pas Daenerys c’est parce qu’elle la trouvait jolie (jalousie) et que le problème politique posé à l’épisode 2 partait de la question de Jon
    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 10 mois par Lapin rouge.
    #135735
    Lapin rouge
    • Fléau des Autres
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    Tout d’abord, Daenerys et Sansa se font violer par Drogo et Ramsay alors que dans les livres non

    Dans les livres, Daenerys n’est certes pas violée par Drogo lors de leur nuit de noces, mais elle l’est lors des nuits ultérieures.

    They can keep their heaven. When I die, I’d sooner go to Middle Earth.
    #135738
    Fayrence
    • Frère Juré
    • Posts : 72

    Enfin les showrunners et producteurs participent à allumer ce débat puisque l’un d’entre eux est venu expliquer en début de saison 8 que si Sansa n’aimait pas Daenerys c’est parce qu’elle la trouvait jolie (jalousie)

    Sérieusement ? C’est quoi cette raison bidon ?!

    Bon tu me diras, on a eu droit au « Dany kinda forgot about the Iron Fleet » dans l’épisode d’après, mais la c’est vraiment trop gros quoi ils sont allés trop loin.

    Sur les livres il y a une critique que je trouve très intéressante et justifiée c’est celle de l’âge des personnages et surtout des femmes. A savoir que dans F&B par exemple, un grand nombre de mariées ont moins de 15 ans, et ce n’est pas conforme à la réalité historique, contrairement à ce que GRRM prétend souvent.

    C’est vrai, les femmes se mariaient vers 17 ans à cette époque, donc quand elles étaient femmes faites. La série a bien fait de vieillir les persos les plus jeunes (la fratrie Stark et Dany notamment).

    #135743
    Nymphadora
    • Vervoyant
    • Posts : 7855

    Je voudrais rebondir sur la discussion concernant le fait qu’une des polémiques vient de la composition quasi-exclusive de l’équipe qui crée GOT d’homme blancs. Bien sûr que le genre ne fait pas un bon scénariste, et qu’un bon scénariste saura porter des messages progressistes sans être lui-même pleinement concerné par une oppression : on n’a pas besoin d’être une femme pour être féministe, encore heureux. Néanmoins, si le bon scénariste n’a pas de genre, l’opportunité de mettre en avant ses scénarios quand on est scénariste, elle, en a un, de genre, et il est masculin. Aujourd’hui, la très grande majorité des projets de séries sont portées par des hommes (regardons par exemple les projets de séries fantasy à venir, et cherchons les showrunneuse… Il y en a, ce qui est déjà mieux qu’il y a quelques années, mais les femmes à qui on donne l’opportunité de porter un projet de série sont une minorité). Pointer sur ce biais, et rappeler que les oeuvres que l’on visionne sont pour la plupart le fruit de « writing rooms » composées d’hommes blancs est important. Est-ce que ça fait d’une série une série machiste pour autant ? Non. Mais cela témoigne d’un système inégalitaire et c’est toujours important de le rappeler…

    Maintenant, si le fait d’être le fruit d’une writing room masculine ne fait pas d’un projet un projet machiste, de mon point de vue, le fait d’avoir des femmes dans l’équipe pour apporter un autre angle de vue n’aurait probablement pas fait de mal à GOT. Nous sommes tous pétris de biais hérités de notre éducation et de notre expérience. Même avec la meilleure volonté du monde, on a tous du mal à considérer les choses autrement qu’à l’aune de nos propres expériences et connaissances : chacun doit déconstruire ses biais, ce n’est pas si facile. Evidemment la problématique n’est pas réduite à celle des writing rooms : beaucoup de décideurs sont des hommes blancs qui n’ont pas forcément en tête leurs biais implicites quand ils prennent des décisions, et de facto, bien des choses dans ce monde sont pensées sur un modèle masculin… Dans une salle où l’on vous met la pression pour remplir un cahier des charges et construire un produit de consommation (je vous rappelle quand même qu’une série, c’est n’est pas juste une oeuvre d’art, c’est un projet économique, un produit que le consommateur doit regarder pour à la fin rapporter de l’argent à sa chaîne…), la déconstruction des biais n’est pas forcément la première priorité et quand les partis prenantes sont tous issus du même moule, mécaniquement, un sujet risque d’être traité avec maladresse. En l’occurrence, à mon sens, il y a des traitement extrêmement maladroits dans la série en terme de représentation des sexes et des races.

    Des traitements maladroits quand on les déconstruit et les regarde au travers de la question du sexisme, vous en avez cités un certain nombre. La représentation du corps féminin nu le ramenant à un position d’objet est discutable (et dire « ouii mais on voit les abdos de Robb et Jon Snow c’est pas que des femmes » n’est pas suffisant pour dire que ce n’est pas sexiste, quand en 7 saisons, soit 67 épisodes, il y a 82 scènes de nus et que 61 étaient de la nudité féminine, et le plus souvent de la nudité totalement gratuite…). Le traitement du viol dans la série est également discutable dans la série : que ce soit le point absolument atterrant du « le viol m’a rendue forte » de Sansa, ou, en saison 4, l’énorme confusion sur la notion de consentement quand la série a présenté une scène de viol par Jaime sur Cersei mais qu’apparemment les scénaristes ne s’étaient pas rendus compte que c’était un viol… Il y a des choses qu’on voudrait ne jamais entendre de la part d’un médium de premier plan, qui est suivi par des millions de personnes et ne devrait pas se vautrer dans des tropes sexistes qui ruinent des vies (parce que oui, la culture du viol, ça ruine des vies).

    Donc bref… Est-ce que ça fait de la série une série sexiste ? Evidemment les choses sont plus nuancées que cela… On ne peut pas réduire la série à ses maladresses. Est-ce que ça fait de la série une série raciste ? Je n’en ai pas parlé, mais oui il y a aussi des trucs discutables sur la représentation raciale que vous avez cité. Là aussi, réduire la série à ses maladresse pour tirer un jugement générique n’a pas de sens. Mais à l’inverse, à mes yeux, GOT n’est clairement pas un modèle de progressisme et elle est loin d’être exempte de soucis de représentation et ce n’est pas un drame de le dire. Est ce que la série a d’autres soucis d’écriture ? Oui bien sûr, mais ce n’est pas une raison pour ne pas pointer les maladresses qui en plus s’engouffrent dans des soucis de représentation (et ce n’est pas vouloir porter un message politique que de pointer des soucis et de déconstruire nos biais, on en sort généralement tous grandis).

    ~~ Always ~~

    #135752
    Babar des Bois
    • Fléau des Autres
    • Posts : 4705

    La plupart de ce que je voulais dire a été dit au dessus (entre autres par Samyriana, No_One ou Nympha), mais je voulais revenir sur un aspect (de détail certes vu le sujet) :

    Sur la deuxième moitié de la série, c’est devenu de moins en moins crédible dans un univers médiéval fantastique

    Mais peut-être est-ce normal dans un monde médiéval ?

    J’ai toujours trouvé cet argument (grossièrement : « on écarte les femmes et les gens de couleur parce que c’était le cas au Moyen Âge »), et donc se cacher derrière un « élément historique » (avec des guillemets) pour certains aspects, un peu facile. Mais je ne vois pas en quoi tomber dans ce cliché du Moyen Âge blanc et hyper sexiste rendrait l’univers plus crédible :/.
    Le Moyen Âge, déjà, véhicule bon nombre de clichés et images déformées, et les prétendus « éléments historiques » sont régulièrement/souvent biaisés (on ne s’en rend pas toujours compte, surtout quand on n’est pas spécialiste de ces périodes). Alors oui, le Moyen Âge occidental européen (j’insiste sur le européen, le Moyen Âge étant très loin de se limiter à cette région du monde) n’avait pas forcément énormément de gens de couleur. Mais il y en avait bien plus qu’on ne le pensait, car il y avait énormément de contacts et de circulations avec bien d’autres régions du monde (le Moyen Âge est là encore très loin de l’image figée qu’on peut lui attribuer). On a d’ailleurs régulièrement de représentations de gens de couleurs dans les enluminures. Si vous voulez en savoir plus sur ces aspects, je conseille ce site là. Sur le sexisme, la société était clairement inégalitaire, et sexiste (l’inégalité homme femme est pensée comme « naturelle » au Moyen Âge), mais encore une fois ce n’était ni le tableau totalement monolithique et obscurantiste qui est souvent accolé au Moyen Âge, ni quelque chose qui est propre au Moyen Âge. Je conseille ces pages là sur le sujet ou cet article là.

    Mais dans tous les cas, GoT (tout comme le TdF) n’est pas une oeuvre du Moyen Âge. Elle se passe dans un cadre médiévalisant, mais ce n’est pas le Moyen Âge. C’est une oeuvre de notre époque, qui s’adresse à notre monde contemporain, et qui donc s’inscrit totalement dans un cadre actuel.
    La série s’écarte par de très (très) nombreux aspects du « réel » Moyen Âge, sans que cela ne porte pourtant atteinte à la crédibilité générale qui est saluée dans cette oeuvre (par exemple la religion. Mais aussi des détails, comme l’héraldique, les vêtements et les costumes ; et le fait de mélanger plusieurs siècles d’histoire en une seule histoire, etc…). Donc pour une oeuvre de fiction, dire que l’univers n’est pas crédible parce que ça ne correspond pas à (l’image qu’on se fait du) Moyen Âge pour certains aspects uniquement – l’argument qui revient notamment régulièrement pour ces questions de genre et de représentation de personnes de couleur j’ai l’impression -, j’ai toujours trouvé ça très bancal (et ça ne concerne pas que GoT d’ailleurs).

    Je trouve que les enjeux initiaux de Game of Thrones ont été pollué par des questions extérieures à la série, dans laquelle ni sexisme ni racisme n’existent. Ce sont des notions parfaitement étrangères à l’univers médiéval, et très récentes dans notre histoire contemporaine.

    Meeeeh, non. La façon dont se posent ces questions là aujourd’hui est propre à nous, à notre époque, et les termes en eux-mêmes ont aujourd’hui un sens (hérité en partie du 19ème siècle) et une application qui nous est spécifique, bien entendu.
    Mais ce genre de question existe aussi au Moyen Âge : on pense la place des femmes et leur rôle dans la société, on écrit pleins de choses sur les peuples des autres régions du monde. On réfléchit, on s’interroge sur les représentations aussi. N’étant pas du tout spécialiste du sujet je vais pas plus développer de peur de dire des bêtises et renvoyer aux liens mis juste au dessus. Mais bref, ces questions sont aussi des sujets de discussion au Moyen Âge, et ne sont pas propre à notre période contemporaine

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 10 mois par Babar des Bois.

    #hihihi
    Co-autrice : "Les Mystères du Trône de Fer II - La clarté de l'histoire, la brume des légendes" (inspirations historiques de George R.R. Martin)
    Première Prêtresse de Saint Maekar le Grand (© Chat Noir)

    #135754
    Tizun Thane
    • Pisteur de Géants
    • Posts : 1272

    Ce genre de débats est très sensible aujourd’hui pour de nombreuses raisons qui dépassent ce post.

    A titre personnel, je réfuterai de manière véhémente toute accusation de ce genre concernant les livres. Mais bon, puisqu’on parle de la série

    Je suis très loin des « féministes » actuelles, et donc… Oui, la série projette une idéologie à mi chemin entre le machisme et la stupidité pure et simple, qui s’accroît au fil des saisons. Oui, la série est « sexiste », et tout ce qui est féminin, est méprisé comme stupide.

    Comme le disait Crys, le « féminisme » revendiqué de la série, notamment lors de la saison 6, est une blague, projetant l’image de femmes aussi cruelles, folles et meurtrières que les hommes. No One soulève aussi bien des points pertinents.

    On a trois femmes de pouvoir (Cersei, Daenerys et Sansa). Deux finissent folles, et la troisième finit froide comme la mort, seule au milieu des décombres. On dirait la reine maléfique dépeinte par Galadriel « belle et terrible comme l’aurore, aussi traîtresse que la mer » et aussi froide qu’un glaçon.

    Mais tu comprends, le viol rend plus forte... Brrr!

    Arya et Brienne, deux personnages « positifs » virilisés à l’extrême, comme des caricatures de « femmes d’action » au coeur froid antipathiques. Brienne, qui ouvre son coeur dans la dernière saison, passe de Terminator à pleurnicharde qui se fait larguer.

    Toute la merveilleuse caractérisation des personnages féminins dans les livres passent à la trappe, au profit de clichés poussiéreux. On pourrait dire la même chose des personnages masculins, certes.

    Néanmoins, les personnages féminins sont vraiment vraiment massacrés, par des auteurs, qui de toute évidence, n’ont pas la moindre idée de comment représenter une femme « forte », ni même une femme d’ailleurs.

    Et au bout d’un moment, le sexe des adaptateurs (Dumb & Dumber) joue bien un rôle dans leurs biais systématiquement représentés à l’écran, comme s’ils n’avaient jamais rencontré de femmes de leur vie.

    #135757
    Emmalaure
    • Exterminateur de Sauvageons
    • Posts : 996

    En gros, si je résume : la série n’est pas sexiste ou raciste par volonté délibérée, mais elle est (au moins pour les saisons qui dépassent le livre) imprégnée d’une culture ambiante et dominante (et donc complètement intégrée comme une seconde nature) parce que c’est toujours plus facile de faire avec ses propres repères (confondus avec ceux de la majorité parce qu’ils sont dominants dans le milieu du cinéma/télévision occidental) que de les remettre en cause.
    C’est dommage que l’équipe aux commande n’ait pas osé aller au bout du propos amorcé dans les premières saisons : ils n’avaient quasiment aucun risque de perdre de l’audience, au contraire, et ça aurait pu changer beaucoup de manières de voir par le biais de la fiction. On ne le dira jamais assez, mais quand se confronte à la fiction, débrancher son cerveau est une illusion, il n’y a que les légumes qui sont complètement passifs ^^ !

    #135768
    Nymphadora
    • Vervoyant
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    C’est dommage que l’équipe aux commande n’ait pas osé aller au bout du propos amorcé dans les premières saisons

    Il me semble que c’est vouloir se cacher les yeux que de dire que les soucis viennent uniquement des dernières saisons en ce qui concerne la représentation de la femme ou l’inclusivité dans la série. Les corps féminins présentés comme objets, le rapport au viol comme outil narratif discutable (dont la fameuse scène du viol-oups-on-a-pas-fait-exprès-on-avait-pas-compris de Jaime par Cersei), la scène de Mhysa qui a des relents de post-colonialisme qui font dresser un sourcil quand on s’y arrête quelques minutes, avec sa représentation de la sauveuse blanche qui vient libérer le peuple sauvage,… ce sont des scènes de l' »âge d’or » de la série, avant que le canon diverge, qui étaient déjà maladroites.

    Néanmoins, pour aller dans ton sens, à mes yeux, là où l’on peut analyser d’autres maladresses qu’on ne peut ce fois détacher de la question de la fin de la série, c’est dans l’évolution globale des personnage : pour savoir si le parcours d’un personnage féminin est celui d’une émancipation, c’est généralement mieux de regarder le parcours dans son intégralité. Et du coup, certains éléments d’émancipation semés dans les premières saisons n’ont pas forcément porté leurs fruits, ou alors de manière forcée et peu naturelle, dans la fin bâclée de la série, qui s’est réfugiée dans des clichés peu réjouissants.

    ~~ Always ~~

    #135770
    Fleurdecerisier
    • Frère Juré
    • Posts : 50

    Merci pour ce flux de réponses détaillées et pertinentes. Cela fait plaisir de constater qu’il est possible d’échanger calmement et avec raison de ces problématiques. Je pense qu’il est important de soulever ces questions volontairement provocatrices pour faire avancer les mentalités. Moi-même, je suis en plein processus d’apprentissage pour essayer de contourner mes visions naturellement biaisées comme très justement dit plus haut. C’est pour ça que je suis à l’écoute des avis des uns et des autres, et principalement des concernés.

    Je n’aurais pas grand chose à rajouter, si ce n’est que ce qui m’a vraiment déroutée, c’est bien le traitement des Aspics que j’ai trouvé emprunt de sexisme et de racisme à la fois. Des caricatures orientalistes: les nanas en tenue de combat bien légère, les personnalités creuses, la guerrière orientale sexy qui se met à poil pour tromper Bronn…le bon vieux cliché des moeurs légères des femmes « indigènes » par rapport aux femmes du monde dit « civilisé ». Cela n’aurait pas été si gênant si les Aspics avaient quelque chose dans le crâne (comme pour Arianne Martell dans les livres) ou si ce n’était pas l’unique trait de « personnalité », mais là c’est l’exemple même de la beauté orientale vue par le fameux « male gaze »:

    A travers la notion de male gaze, elle entend démontrer que ces grands classiques hollywoodiens partagent une structure commune : l’image sexualisée de la femme devient «matière première» pour le «regard de l’homme» afin de satisfaire son seul plaisir. Autant d’œuvres, juge-t-elle, architecturées par «l’inconscient de la société patriarcale» dans sa division sexuelle classique. L’homme, personnage actif, moteur du récit, est porteur du regard, la femme, personnage féminin passif, est réduit au statut d’icône, objet du regard. Cette inégalité entre les sexes organise l’histoire, les rôles et les représentations.

    https://www.liberation.fr/debats/2019/09/18/le-male-gaze-bad-fiction_1752173

    J’ai été très choquée aussi par la mise à mort sadique et vraiment pas nécessaire de Ross, une prostituée inventée spécialement pour le show et qui démontrait pourtant une intelligence qui avait du potentiel pour l’intrigue. On est limite dans le torture porn très malsain. D’accord, l’actrice souhaitait partir de la série mais pourquoi faire subir au personnage un sort aussi violent et funeste ?

    Puis, il y a Melisandre qui se retrouve beaucoup les nénés à l’air pour un oui ou pour un non, la scène de bain de Missandei où Ver Gris la mate sans grande discrétion (recoucou male gaze)…bref, le rajout de scènes qui servent juste à mettre en valeur la plastique des actrices me gonfle vraiment.

     

     

    #135773
    Tizun Thane
    • Pisteur de Géants
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    la scène de Mhysa qui a des relents de post-colonialisme qui font dresser un sourcil quand on s’y arrête quelques minutes, avec sa représentation de la sauveuse blanche qui vient libérer le peuple sauvage,

    Sur ce point, je ne suis pas vraiment d’accord. Je comprends que la scène, visuellement, ait pu faire tiquer. Mais il y a deux points essentiels à soulever:

    • les esclaves libérés sont de tous les peuples possibles et imaginables dans les livres. Il existe des impératifs de production qui n’ont pas permis de faire autrement.
    • La scène a été tournée au Maroc. Il a donc été fait appel à des figurants locaux, donc majoritairement…marocains. La production n’allait pas payer des billets d’avions à des figurants étrangers, juste pour rigoler. Au bout d’un moment il y a un problème de coûts. Sans compter que ce serait paradoxalement raciste de rejeter des marocains au Maroc pour diversifier la « race » des esclaves libérés.

    Je comprends la gêne de certains, mais je ne vois pas ce qui aurait pu être fait différemment sur ce point précis. Et sur le « white savior syndrom », maintenant que la messe est dite, on peut supposer que c’est fait exprès. Daenerys a t-elle vraiment aidé les malheureux esclaves, ou était-elle en plein dans ce syndrome que tu décris?

    bref, le rajout de scènes qui servent juste à mettre en valeur la plastique des actrices me gonfle vraiment.

    On blague tous sur la nudité gratuite qui parsème la série, qui est vraiment excessive et vraiment gratuite. Le strip tease de Tyene (?) est tellement symptomatique.

    Mais au bout d’un moment, il ne faut pas être puritain non plus et refuser toute nudité, même féminine, dans une série, sous prétexte qu’il ne faut pas dévaloriser la femme. L’érotisme a aussi sa place, et flatter les bas instincts du public n’est pas forcément honteux, sachant qu’un corps féminin peut être très beau, et que sa nudité n’a rien de honteux.

    Après, les frontières sur la gratuité dépendront des individus, mais blâmer la nudité en tant que telle, je trouve cela excessif et limite dangereux. Sur le constat général que la série a abusé, on est tous d’accord.

    #135777
    Liloo75
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    A propos de la nudité, j’ai vu plusieurs séries après Got où ce sont les hommes qui sont montrés nus ou quasiment nus.

    Mon mari me soupçonne d’avoir choisi ces séries afin de pouvoir mâter des mâles avec des tablettes de chocolat et des biscottos 😉. Je promets qu’il n’en est rien. Mais oui, je dois avouer que c’était plutôt plaisant 😊

    - De quels diables de dieux parlez-vous, lady Catelyn ? (…) S’il existe vraiment des dieux, pourquoi donc ce monde est-il saturé de douleur et d’iniquité ?
    - Grâce aux êtres de votre espèce.
    - Il n’y a pas d’êtres de mon espèce. Je suis unique.

    #135822
    Babar des Bois
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    Mais au bout d’un moment, il ne faut pas être puritain non plus et refuser toute nudité, même féminine, dans une série, sous prétexte qu’il ne faut pas dévaloriser la femme. L’érotisme a aussi sa place, et flatter les bas instincts du public n’est pas forcément honteux, sachant qu’un corps féminin peut être très beau, et que sa nudité n’a rien de honteux.

    Je crois que personne n’a dit qu’il fallait refuser la nudité ou qu’il fallait 0 sexe. La question ne porte pas du tout sur la nudité en elle même. Mais vraiment sur la façon dont cela a été mis en scène, et intégré à la série. Comme l’a dit Nympha, c’est vraiment extrêmement inégalitaire dans la série, et là où le corps des hommes est souvent valorisé, en montrant la puissance (les torses-nus et &), celui des femmes est souvent traité comme un objet, au service des hommes. Et c’est un soucis.

    La scène Mysha m’avait aussi mis mal à l’aise, sans que j’arrive à bien exprimer les choses, mais je pense que cela tient à la mise en scène. Qu’il y ait des contraintes de tournage, j’entends bien. Mais dans ce cas là, le scénario et la mise en scène sont là pour adapter les choses. Dans la série, exit la diversité des esclaves d’origines et de langues différentes décrite dans les livres, mais comme ce n’est compensé par rien d’autre au niveau de la mise en scène/scénario (ou autre travail d’adaptation), du coup cela change vraiment le message qui est porté à l’écran, et visiblement sans que les showrunner (et même GRRM) s’en soient rendu compte. Et du coup, la série montre clairement une « sauveuse blanche » qui est portée au dessus d’une masse d’esclaves de couleurs qu’elle vient libérer, et c’est totalement légitime de le pointer et de critiquer (il y aurait beaucoup plus à développer sur Daenerys à Essos dans les livres et dans la série, cela fait partie d’un tout).

    #hihihi
    Co-autrice : "Les Mystères du Trône de Fer II - La clarté de l'histoire, la brume des légendes" (inspirations historiques de George R.R. Martin)
    Première Prêtresse de Saint Maekar le Grand (© Chat Noir)

    #135828
    Tizun Thane
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    Comme l’a dit Nympha, c’est vraiment extrêmement inégalitaire dans la série, et là où le corps des hommes est souvent valorisé, en montrant la puissance (les torses-nus et &), celui des femmes est souvent traité comme un objet, au service des hommes.

    Oui. La série est problématique, à ce sujet comme sur d’autres.  Ma remarque était d’ordre générale. Il peut y avoir une tendance générale à bannir toute nudité à force de traquer le male gaze,ce qui me semble aussi dangereux que l’inverse.

    Ceci dit, la série mérite très souvent les critiques qui lui sont adressées. Il y a un quota « chair fraîche » à livrer en pâture au public, qui est évident.

    du coup cela change vraiment le message qui est porté à l’écran, et visiblement sans que les showrunner (et même GRRM) s’en soient rendu compte.

    Ils ne sont pas posés la question, oui, même si c’est plus le réalisateur qui aurait pu tiquer.

    Après, je me répète. Priver des vrais gens de travail, sous prétexte que leur image serait problématique, parce qu’ils ont une tête de Marocain… c’est un peu dur de café également.

    De mon point de vie, c’est un problème insoluble. Si la production avait fait l’effort de diversifier la foule, on aurait pu tout aussi bien pu l’accuser de discriminer les figurants locaux. Ce qui aurait été le cas d’ailleurs.

    Bref, de toutes les critiques que l’on peut faire de la série, je ne pense pas que ce soit la plus pertinente.

    #135833
    Pandémie
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    Je pense que les créateurs de la série veulent surtout donner aux spectateurs ce qu’ils pensent que le spectateur veut, que ce soit en terme de scénario ou de discrimination: la fantasy, c’est un truc de jeune geek occidental, on lui donnera des boobs blancs à gogo. Sauf qu’ils ont assez vite réalisé que de un, le genre intéresse désormais un panel bien plus large, et que deux, les jeunes hommes blancs hétéros ont aussi évolué, car à titre personnel je préfère une scène érotique avec un joli boule de mec et un de femme qu’une mauvaise scène lesbienne ou de strip-tease féminin digne d’un site pour adulte gratuit. Ils ont ensuite rectifié le tir, pour le sur-corriger au final. Pareil pour l’inclusion des minorités, ils ont essayé, et fait certaines choses de travers. Et tout cela aurait été facilement évité s’il y avait une meilleure diversité dans l’équipe de production, c’est indéniable.

    En ce qui concerne la représentation de la diversité de la population américaine, je suis entièrement d’accord avec le fait que le monopole des mâles WASP âgés sur la production américaine doit cesser et la création être plus représentative.  Néanmoins, la diversité de la population étasunienne elle-même n’est pas représentative de la population humaine à chaque coin de la planète, et encore moins de la population passée. Sans vouloir choquer personne, je comprends tout à fait que la représentation des afro-américains et que l’impérialisme, le colonialisme et l’esclavage soit des enjeux déterminants pour eux. Je comprends aussi que cela ait un écho important dans les autres régions du monde, y compris la France. Mais moi pas, quand je regarde la diversité de mon pays, c’est les Balkans, la Turquie, l’Asie, la Méditerranée, et mes ancêtres ont été persécutés, tués ou condamnés à l’exil pour des motifs religieux et la couleur de peau arrive en 7ème position sur 10 dans les critères de discrimination (le premier étant la nationalité). Donc si je comprends tout à fait que Boyega ne souhaite pas payer pour voir des WASP, il oublie un peu que dans une production certes américaine mais destinée à une audience mondiale, d’autres régions du monde n’auront pas envie de payer pour voir une représentation de la société américaine, qu’elle soit afro-hispano-italo-indo-sino- ou peu importe américaine. Les deux dernières séries que j’ai vu sont d’ailleurs une coréenne et une allemande et je vais continuer d’explorer le catalogue de Netflix qui se diversifie un peu plus chaque année (la prochaine sera sans doute israélienne). J’étais ravi  de voir une série criminelle sur Berlin et sa communauté turque, parce que les gangsters américains, qu’ils soit d’origine irlandaise, italienne ou afro, j’en ai juste plein le dos.

    En ce qui concerne la fantasy, je regarderais sûrement avec intérêt une oeuvre originale s’inspirant de la société US et des thèmes qui lui sont chères, j’en ai là aussi un peu assez du Moyen-Age européen. Mais quand c’est le cas, et que l’univers s’inspire de la réalité, il faut rappeler que souvent l’intégration ne se fait pas en supplément d’éléments ayant existé, mais à leurs dépens. C’est un peu le cas dans Got, mais bien plus dans The Witcher. Dans cette série, ils ont décidé de faire incarner les elfes par des acteurs de différentes origines, mais principalement par des afro-américains. De prime abord, je me suis dit que ce serait intéressant, la xénophobie et la ségrégation étant des éléments centraux de l’oeuvre original et des jeux vidéos. Sauf que… L’auteur original, Polonais, et les concepteurs des jeux,Tchèques, avaient mis à l’honneur le passé tragique de l’Europe de l’est. Depuis l’Empire byzantin aux régimes totalitaires du XXème siècle, l’histoire, le folklore et les traditions issus du paganisme slave, germanique ou nordique ont été en grande partie effacés de la mémoire humaine, et les populations évangélisées, dés-évangélisées, déportées, tuées dans une région coincée entre les grands voisins allemands et russes.  Or, Hollywood décide de les spolier une nouvelle fois en les remplaçants par des Américains, certes diversifiés, mais des Américains quand même. Ça reste donc de l’impérialisme et du racisme, même si c’est pour la bonne cause. Et on ne peut pas dire que le l’histoire est-européenne et sonfolklore soient surreprésentés dans la fiction.

    Dans le cadre de Got, le phénomène est aussi présent. Au-delà de compter le rapport proportionnel ou pas des différentes ethnies, il faut aussi regarder qui elles remplacent. Les Immaculés, Sallador Saan, Xora Xoan Daxos et certaines Cités libres sont inspirées des cités du pourtour méditerranéen et plus particulièrement des Ottomans, janissaires et autres pirates barbaresques. Areho Hotah et Norvos le sont des orthodoxes de Russie (Novgorod par exemple). Ils ont été remplacés, alors qu’on ne peut pas dire qu’ils sont légion dans les productions.  Au final, au lieu d’avoir la situatuation d’une « race » blanche supérieure aux autres, on en arrive à avoir une situation faisant une ou des « minorités » supérieures aux autres.

    Ça reste pour moi de la discrimination raciste ou ethnique et la meilleure solution, c’est de la fantasy basée soit sur un univers totalement original, soit sur des régions autres que l’Europe. Il y a déjà pas mal de fantasy venue d’Asie, je suis sûr que les légendes et mythes d’Afrique ou d’Amérique précolombienne doivent pouvoir donner lieu à des séries géniales.

    Mais bon, ça n’enlève rien qu’à partir du moment où ils sont intégrés à un show, il fait que ce soit bien fait, et les créateurs ont fait de la m… dans certains cas.

    Et ca n’enlève rien au problème plus général. C’est juste qu’avoir raison sur le fond n’implique pas d’avoir raison à chaque opportunité.

    #135855
    BriceLaMalice
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    @Pandémie Ha oui… The Witcher. Un chef d’oeuvre magistral d’adaptation US, conduit par une showrunner. Si ce sujet concernait The Witcher, le nom ici donné par l’auteur n’aurait pas de point d’interrogation.

    #135866
    Pat le petit porcher
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    Passionnant sujet. Malgré les reproches légitimes que les uns et les autres ont adressé à la série, il me semble qu’à la décharge de cette dernière, il faut avouer qu’adapter la saga du Trône de Fer sans tomber dans ces travers doit être particulièrement difficile, parce que le texte est traître à cet égard. Je veux dire par là que les procédés d’écriture utilisés par GRRM favorisent, au premier abord, l’impression de sexisme et de racisme, parce qu’il commence souvent par s’installer dans un gros cliché, pour montrer ensuite que les choses sont plus complexes, retourner la vision qu’on en a, etc. Mais il devient sans doute plus difficile d’éviter d’en rester au cliché avec un médium qui n’a pas autant de souplesse que l’écrit.
    Je comprends d’autant mieux les accusations qui ont pu être portées sur la série, et sur GRRM lui-même, qu’à la première lecture mon impression sur AGOT était plutôt défavorable. La nuit de noces de Daenerys m’avait fait éclater de rire : la frêle jeune fille, effrayée devant le fier guerrier indomptable, mais qui finit par comprendre qu’au fond d’elle-même ce qu’elle veut c’est bien se faire dépuceler par lui, et c’est exprimé par un dialogue tout droit sorti d’un film porno (« -Non! -Non? -Non? -Oui! »). Dans le genre cliché viriliste, je ne voyais pas pire (mais pour ajouter la touche raciste, on pourrait mentionner, dans ACOK, la scène où Tyrion fait la connaissance de Chataya : ah, alors dans l’univers du Trône de Fer, les femmes noires sont des prêtresses du sexe qui trouvent que ce qui donne sens à leur vie, c’est d’offrir du plaisir à tous les hommes qui les désirent ? Fantasme de mâle blanc dans toute sa splendeur).

    C’était au point que je n’envisageais pas, à l’époque, de continuer la lecture de la saga (mais bon, j’avais quand même envie de savoir comment l’histoire allait tourner, alors je me suis mis à chercher des résumés sur le Net, je suis tombé sur le site de la Garde de nuit, j’ai commencé à prendre la mesure de la richesse de l’univers de la saga, et je suis revenu à la lecture des livres, percevant mieux désormais la subtilité avec laquelle l’auteur se joue des clichés, et la complexité de son propos. Fin de la parenthèse autobiographique et merci à la Garde de nuit pour m’avoir évité de passer à côté de la suite de la saga).

    Ce que je veux dire avec tout ça, c’est que même dans la saga, il faut quand même creuser un peu pour dépasser l’impression que l’auteur reprend naïvement les poncifs racistes et sexistes. Alors, adapter ça à l’écran… c’était un défi dont l’équipe n’avait peut-être pas mesuré la difficulté.

    #135870
    Pandémie
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    @Pandémie Ha oui… The Witcher. Un chef d’oeuvre magistral d’adaptation US, conduit par une showrunner. Si ce sujet concernait The Witcher, le nom ici donné par l’auteur n’aurait pas de point d’interrogation.

    Alors j’ignorais totalement que la série était portée par une femme et à vrai dire son genre ne m’importe pas du tout, l’exemple est juste là pour montrer que, avec des bonnes ou des mauvaises intentions, réécrire au profit des uns se fait aux dépens des autres. Et donc mieux vaut laisser plus de place pour des contenus originaux.

    Mais je ne suis pas très rassuré de l’évolution pour le prequel de GoT, l’originalité du projet initial a été remplacé par une Danse des Dragons qui risque fort de reporter les problèmes et clichés de l’adaptation originale (on peut toujours espérer).

    #135875
    BriceLaMalice
    • Éplucheur avec un Économe
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    Je comprends d’autant mieux les accusations qui ont pu être portées sur la série, et sur GRRM lui-même, qu’à la première lecture mon impression sur AGOT était plutôt défavorable. La nuit de noces de Daenerys m’avait fait éclater de rire : la frêle jeune fille, effrayée devant le fier guerrier indomptable, mais qui finit par comprendre qu’au fond d’elle-même ce qu’elle veut c’est bien se faire dépuceler par lui, et c’est exprimé par un dialogue tout droit sorti d’un film porno (« -Non! -Non? -Non? -Oui! »). Dans le genre cliché viriliste, je ne voyais pas pire (mais pour ajouter la touche raciste, on pourrait mentionner, dans ACOK, la scène où Tyrion fait la connaissance de Chataya : ah, alors dans l’univers du Trône de Fer, les femmes noires sont des prêtresses du sexe qui trouvent que ce qui donne sens à leur vie, c’est d’offrir du plaisir à tous les hommes qui les désirent ? Fantasme de mâle blanc dans toute sa splendeur). C’était au point que je n’envisageais pas, à l’époque, de continuer la lecture de la saga (mais bon, j’avais quand même envie de savoir comment l’histoire allait tourner, alors je me suis mis à chercher des résumés sur le Net, je suis tombé sur le site de la Garde de nuit, j’ai commencé à prendre la mesure de la richesse de l’univers de la saga, et je suis revenu à la lecture des livres, percevant mieux désormais la subtilité avec laquelle l’auteur se joue des clichés, et la complexité de son propos. Fin de la parenthèse autobiographique et merci à la Garde de nuit pour m’avoir évité de passer à côté de la suite de la saga). Ce que je veux dire avec tout ça, c’est que même dans la saga, il faut quand même creuser un peu pour dépasser l’impression que l’auteur reprend naïvement les poncifs racistes et sexistes. Alors, adapter ça à l’écran… c’était un défi dont l’équipe n’avait peut-être pas mesuré la difficulté.

    Et à la relecture de ces passages très cliché que tu mentionnes, qu’en as tu pensé? Comment ton interprétation/vision de ces scènes a évolué une fois perçu ce subtil jeu des codes « satirisés » auquel GRRM jouerait?
    Je suis curieux de savoir comment as tu pu passer au-delà du fait que ces moments cités sont finalement ce qu’ils sont, en définitive. Les mots sont là. Est-il confirmé quelque part que ce sont bien des critiques cachées de GRRM?
    Pour moi c’est resté un barbare nommé Drogo qui abuse sans brutalité mais fermement d’une gamine à peine pubère mariée contre sa volonté, et Tyrion qui fait la connaissance d’une prostituée noire originaire d’un pays où les hommes et les femmes révèrent en tout honneur leurs dieux à travers l’amour et la prostitution.

    @pandémie Pas pour toi, cependant le genre importe pour beaucoup d’autres, c’est la volonté et requête de nombreuses personnes que ce soit un critère important. C’est juste la preuve que ça n’est en rien une garantie en soi, ni fiable.
    Edit: j’ai oublié de répondre à la seconde partie, et je suis d’accord sur le contenu original. Dans The Witcher, le support source est original puisqu’il est situé dans un contexte étranger à la fantasy traditionnel, et issu d’un auteur tout aussi différent de ce qu’on rencontre dans ce genre. C’est bien dommage d’avoir voulu réécrire et conformer l’histoire originelle pour un public occidental et américain. Mais en soi c’est totalement attendu puisque c’est Netflix (une autre chaîne américaine aurait fait pareil).

    #135888
    no_one
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    Oui, le cas du Witcher est intéressant en ceci que, si l’inclusion d’un casting divers est cohérent avec le propos de l’auteur, il a été défendu que les Slaves devraient être considérés de facto en peuples colonisés plutôt que des colonisateurs sous le prétexte qu’ils seraient « blancs ». Et de ce fait c’est moins la présence de personnes de couleur (même si je pense que ça reste pertinent au regard, comme l’a rappelé Babar, du fait que le M-Â strictement « blanc » est un mythe) que l’omniprésence britannique qui aurait dû interroger là…

    Je comprends d’autant mieux les accusations qui ont pu être portées sur la série, et sur GRRM lui-même, qu’à la première lecture mon impression sur AGOT était plutôt défavorable. La nuit de noces de Daenerys m’avait fait éclater de rire : la frêle jeune fille, effrayée devant le fier guerrier indomptable, mais qui finit par comprendre qu’au fond d’elle-même ce qu’elle veut c’est bien se faire dépuceler par lui, et c’est exprimé par un dialogue tout droit sorti d’un film porno (« -Non! -Non? -Non? -Oui! »). Dans le genre cliché viriliste, je ne voyais pas pire (mais pour ajouter la touche raciste, on pourrait mentionner, dans ACOK, la scène où Tyrion fait la connaissance de Chataya : ah, alors dans l’univers du Trône de Fer, les femmes noires sont des prêtresses du sexe qui trouvent que ce qui donne sens à leur vie, c’est d’offrir du plaisir à tous les hommes qui les désirent ? Fantasme de mâle blanc dans toute sa splendeur). C’était au point que je n’envisageais pas, à l’époque, de continuer la lecture de la saga (mais bon, j’avais quand même envie de savoir comment l’histoire allait tourner, alors je me suis mis à chercher des résumés sur le Net, je suis tombé sur le site de la Garde de nuit, j’ai commencé à prendre la mesure de la richesse de l’univers de la saga, et je suis revenu à la lecture des livres, percevant mieux désormais la subtilité avec laquelle l’auteur se joue des clichés, et la complexité de son propos. Fin de la parenthèse autobiographique et merci à la Garde de nuit pour m’avoir évité de passer à côté de la suite de la saga). Ce que je veux dire avec tout ça, c’est que même dans la saga, il faut quand même creuser un peu pour dépasser l’impression que l’auteur reprend naïvement les poncifs racistes et sexistes. Alors, adapter ça à l’écran… c’était un défi dont l’équipe n’avait peut-être pas mesuré la difficulté.

    Et à la relecture de ces passages très cliché que tu mentionnes, qu’en as tu pensé? Comment ton interprétation/vision de ces scènes a évolué une fois perçu ce subtil jeu des codes « satirisés » auquel GRRM jouerait?
    Je suis curieux de savoir comment as tu pu passer au-delà du fait que ces moments cités sont finalement ce qu’ils sont, en définitive. Les mots sont là. Est-il confirmé quelque part que ce sont bien des critiques cachées de GRRM?
    Pour moi c’est resté un barbare nommé Drogo qui abuse sans brutalité mais fermement d’une gamine à peine pubère mariée contre sa volonté, et Tyrion qui fait la connaissance d’une prostituée noire originaire d’un pays où les hommes et les femmes révèrent en tout honneur leurs dieux à travers l’amour et la prostitution.

    Martin n’est pas exactement pudique quand à ses convictions politiques et l’ensemble de sa carrière est parcourue d’œuvres sans ambiguïté quand à son rapport à la guerre, au capitalisme, au sexisme, et au racisme. Dans ces cas-ci précisément, il me semble assez évident qu’il fit le choix de nous présenter, à travers une narratrice prompte à partager ces préjugés, une première peinture caricaturale de Dothrakis qui renvoie à l’image d’Épinal que les Européens eurent des peuplades nomades eurasiatiques, pour mieux la subvertir, et nous surprendre, au même titre que Daenerys, à commencer par cette nuit-là. Quand à Chataya et Alayaya, en bon hippie et ancien chrétien, le George semble moquer la pudibonderie de la chrétienté dans son acception européenne – via celle de Westeros et ses Sept qui ne font qu’Un – en peignant une alternative idéalisée. Là où je rejoins Pat, c’est qu’il y a effectivement un indéniable « regard blanc » comme point de départ qui les rendait délicats à rendre à l’écran – et j’ai envie de dire que, vu le bourrinage en termes de dépiction de la sexualité et de l’altérité que nous ont offert D&D, c’est peut-être un mal pour un bien en fait : parce que Chataya en maîtresse de son bordel qui explique à Tyrion qu’ils sont coincés du luc, c’est cool ; imaginer la sexposition de Baelish, avec la seule femme noire de la S1 en bonus, non…

    Dans le cadre de Got, le phénomène est aussi présent. Au-delà de compter le rapport proportionnel ou pas des différentes ethnies, il faut aussi regarder qui elles remplacent. Les Immaculés, Sallador Saan, Xora Xoan Daxos et certaines Cités libres sont inspirées des cités du pourtour méditerranéen et plus particulièrement des Ottomans, janissaires et autres pirates barbaresques. Areho Hotah et Norvos le sont des orthodoxes de Russie (Novgorod par exemple). Ils ont été remplacés, alors qu’on ne peut pas dire qu’ils sont légion dans les productions. Au final, au lieu d’avoir la situatuation d’une « race » blanche supérieure aux autres, on en arrive à avoir une situation faisant une ou des « minorités » supérieures aux autres.

    Je dirais même pas qu’il y a une « minorité supérieure aux autres » vu qu’on a perdu tous les Estiviens, ce que je trouve vraiment dommage, au-delà des débats sur Chataya/Alalyaya et de la blague Jalabhar Xho. C’est tout une civilisation qui passe à la trappe avec les stars de l’arc de Sam. Mais effectivement, ce qu’on a eu en échange passe en sus à côté des références de Martin – et ils se font de plus éliminés alors que ce n’est pas (encore) le cas dans le livre. Et là où cela devient vraiment ennuyeux pour moi, c’est que ça accompagne une chute drastique de la présence « non-blanche » de manière globale, entre le délaissement de Meereen, la déshumanisation des Dothrakis et la perte de Missandei, nous laissant avec un final où les « non-blancs », qu’ont saccagé Port-Réal et sont chauds pour du rab, sont l’ultime menace.

    @pandémie Pas pour toi, cependant le genre importe pour beaucoup d’autres, c’est la volonté et requête de nombreuses personnes que ce soit un critère important. C’est juste la preuve que ça n’est en rien une garantie en soi, ni fiable.

    Outre que non, une anecdote n’est pas une preuve, il me semble que toustes celleux en faveur de plus de personnes sous-représentées parmi l’équipe créative qui se sont exprimé.es ici ont clairement écrit que ce n’était pas la panacée. Juste que, en fait, le genre, la couleur de peau ou la nationalité importent encore aujourd’hui, justement. Et qu’il est important de le souligner juste pour que nous en prenions conscience, et que les entités qui financent cessent justement de favoriser exagérément un genre, une couleur de peau ou une nationalité.

    (Sinon, petite tangente mais il est peut-être aussi pertinent de souligner que les choix stigmatisants ne sont l’apanage des récits ratés : comme souligné plus haut, Martin lui-même n’est pas à l’abri de critiques alors que je pense que le consensus est plutôt en sa faveur – par exemple, quand bien même je trouve que ses Renly-Loras évitent les clichés de la série et que ses scènes lesbiennes sont signifiantes pour ses caractérisations, reste qu’il y a un déséquilibre dans la façon dont il choisit de passer sous cape les premiers, mais nous fait bien « profiter » des secondes. Et jusqu’à F&B, nous n’avions de persos lesbiens, juste des « bi-curieuses », fantasme masc het s’il en est. Je pense aussi que ce type de critiques, loin d’un appel à censurer, peut être au contraire un nouveau terreau de créativité pour les créateurices : ainsi, comme illustré dans cette réponse sur Quora, les films d’un autre George reproduisent, à travers les Tuskens, les poncifs des westerns de son enfance sur les Amérindiens. Or, certaines des meilleures œuvres de l’UEL sont bien à-propos de celles qui le prirent en compte, et œuvrèrent à humaniser ces personnages, enrichissant, plutôt que l’inverse, l’univers SW.)

    "It's both possible, and even necessary, to simultaneously enjoy media while also being critical of its more problematic or pernicious aspects."
    "Damsel in Distress: Part 1", Tropes vs. Women in Video Games, Anita Sarkeesian

    #135941
    Crys
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    C’est marrant, en repensant à cette conversation, je me suis redemandé comment GoT nous laissait, finalement, en termes de personnages féminins. Je sais bien que le voyage est plus important que la destination. Mais tout de même… Et donc je me suis réintéressé aux deux scènes finales, à savoir le dernier conseil restreint et le montage Last of the Starks… que j’ai revu. (Oulalala la purge et le sens du sacrifice !).

    il n’y a pas grand chose à dire sur le dernier montage, si ce n’est qu’heureusement qu’il est là pour relever le niveau. On y présente Arya et Sansa comme des personnages accomplis, forts, qui font leurs propres choix, contrairement à un Jon Snow condamné à subir sa propre vie.  Et donc, c’est pas pire, mais si on prend la séquence précédente, on est clairement pas sur le même discours. L’image que donne le dernier conseil restreint de la série en terme de « féminisme » est quand même assez gerbant. On se retrouve avec une séquence dopée au fan-service (Bronn au conseil, clin d’œil/doigt d’honneur au livre) qui résume pas mal l’affaire : un conseil d’homme où la seule femme est Brienne, certes en armure et officiellement chevalier, mais qui se tait et à qui on rabat son caquet dès lors qu’elle l’ouvre (une phrase boutée par Bronn). Bref, on a d’un côté des séquences de « paraître » tout en musique et visuel (où les femmes se taisent, mais Sansa a besoin de l’aval des hommes qui scandent son titre pour devenir pleinement reine, tout comme Arya a besoin de ses marins tandis que Jon guide un peuple constitué des deux) qui font presque office d’artifice un peu superficiel, car la séquence « Last of the Starks » est clairement un joli final poseur. Et d’un autre côté, dès qu’on se met à parler politique, mesdames merci-bonsoir-laissez-faire-les-grandes-personnes.

    Quelque part, ça résume pas mal ce qu’on a pu en dire. On est entre préjugés et maladresses. C’est assez à l’image de la série quelque part…

     

     

    #136021
    Pat le petit porcher
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    Et à la relecture de ces passages très cliché que tu mentionnes, qu’en as tu pensé? Comment ton interprétation/vision de ces scènes a évolué une fois perçu ce subtil jeu des codes « satirisés » auquel GRRM jouerait? Je suis curieux de savoir comment as tu pu passer au-delà du fait que ces moments cités sont finalement ce qu’ils sont, en définitive. Les mots sont là. Est-il confirmé quelque part que ce sont bien des critiques cachées de GRRM? Pour moi c’est resté un barbare nommé Drogo qui abuse sans brutalité mais fermement d’une gamine à peine pubère mariée contre sa volonté, et Tyrion qui fait la connaissance d’une prostituée noire originaire d’un pays où les hommes et les femmes révèrent en tout honneur leurs dieux à travers l’amour et la prostitution.

    En disant que GRRM se joue des clichés, je n’entends pas exactement par là qu’il en ferait une satire ou une critique. Il évite dans les romans de tenir, implicitement ou non, un discours moral du style « vous voyez que c’est très mal de livrer une gamine de 13 ans en pâture à un homme, vous voyez que c’est très mal de réduire les femmes noires à un fantasme sexuel stéréotypé ». Il s’installe dans le cliché, puis il introduit des éléments qui clochent, et qui font qu’au bout du compte on ne sait pas très bien quel jugement porter sur le personnage et sa pratique, et que cette dernière fait beaucoup moins fantasmer qu’on n’aurait pu le croire au premier abord.

    La nuit de noces de Daenerys ne se révèle pas « différente » à la relecture, du moins si on la relit isolément, c’est la suite des chapitres qui indique que le fantasme auquel elle semblait correspondre était trompeur : dans le chapitre suivant, on verra bien que Daenerys souffre terriblement du comportement de Drogo qui la considère comme sa chose dont il use à sa guise. Et en même temps, on voit se développer une contradiction dans les sentiments du personnage, qui apparaissait dès la nuit de noces : elle est à la fois horrifiée devant la cruauté, la bestialité… et attirée par des hommes qui l’incarnent. Elle s’opposera à des viols, elle abolira l’esclavage… mais jamais elle ne critiquera vraiment les coutumes qui ont permis qu’elle soit ainsi livrée à Drogo. Dans un roman naïvement sexiste, le chapitre suivant aurait montré une Daenerys se morfondant sur sa couche en attendant l’heure bénie où son seigneur et maître va enfin venir l’honorer. Dans un roman naïvement féministe, on l’aurait vue se révolter contre Drogo, ou maudire son souvenir, ou mourir victime de ces mauvais traitements de manière à nous indigner.

    Pour ce qui est des coutumes estiviennes, c’est différent. Le passage a certes pour fonction, entre autres, de soulever le problème du statut de la prostitution (ou le problème de la morale sexuelle en général), et de mettre en question l’idée que ce soit une activité dégradante. Mais déjà, la situation dans laquelle le « cours d’ethnologie » de Chataya est donné peut susciter une certaine méfiance : elle parle en Estivienne qui adore ses dieux, certes, mais aussi en commerçante qui s’adresse à un client et protecteur (par sa puissance de Main du roi), et en patronne qui endoctrine ses employées pour les motiver (on peut d’ailleurs se demander combien d’entre elles trouvent convaincante la façon dont la patronne présente leur métier). Et on pourra s’interroger sur la pertinence de vouloir vivre selon un tel système de valeurs à Westeros, où cela entraîne le mépris général de la part de la société, et des risques certains (voir les mauvais traitements dont sera victime Alayaya). La réaction de Tyrion complexifie encore les choses, puisque, malgré l’intérêt que ce discours suscite chez lui, il refusera finalement de profiter des coutumes auxquelles on l’invite, préférant se rêver en compagnon fidèle d’une femme qui l’aimerait vraiment (d’où sa « fidélité » envers Shae).

    Ce qu’on apprend plus tard des coutumes estiviennes dans AFFC semble confirmer le propos de Chataya… mais en même temps, on se rend compte que de telles coutumes ne sont pas si alléchantes que ça (« Allez Sam, Vère a envie de coucher avec toi, alors tu vas la rejoindre ou on te flanque à l’eau ! » Sympa, le sexe comme ça).

    C’est pour des raisons de ce genre que je trouve qu’en fait, les clichés dans le Trône de Fer sont autre chose qu’une répétition de fantasmes sexistes et racistes : les clichés sont posés, mais ils sont conduits jusqu’à un point où on voit que ça ne marche pas bien, que ce n’est pas satisfaisant… sans qu’on sache vraiment ce qui pourrait l’être.

     

    #136058
    John Lon Bickel
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    Je trouve qu’en tant que lecteurs, nous cédons parfois à la tendance d’accuser la série de défauts qui sont en grande partie imputables aux livres. Pour les premières saisons, il y a deux éléments d’après moi : d’une part, un choix de production incluant beaucoup de scènes dénudées pour faire vendre, j’ignore si on peut les qualifier de sexistes mais de mauvais goût, sautons le pas. Mais pour le scénario de ces scènes, navré, le problème vient des livres.

    La nuit de noces de Daenerys ne se révèle pas « différente » à la relecture, du moins si on la relit isolément, c’est la suite des chapitres qui indique que le fantasme auquel elle semblait correspondre était trompeur : dans le chapitre suivant, on verra bien que Daenerys souffre terriblement du comportement de Drogo qui la considère comme sa chose dont il use à sa guise. […]

    Dans un roman naïvement sexiste, le chapitre suivant aurait montré une Daenerys se morfondant sur sa couche en attendant l’heure bénie où son seigneur et maître va enfin venir l’honorer.

    Le hic, c’est qu’elle a exactement cette attitude après son veuvage. Où, comme No-one l’a fait remarquer, elle passe ses nuits avec ses servantes d’ethnies différentes et, même si cela la détend, elle se sent frustrée et regrette ses ébats avec Drogo. Et que dire de Jorah qui lui propose l’escale à Astapor alors qu’elle est nue sous ses couvertures et que, finalement décidée à se constituer une armée d’Immaculés, elle se lève et farfouille dans ses armoires pour chercher à s’habiller ? La Daenerys de GRRM, c’est tantôt l’épopée de Gengis Khan tantôt les aventures d’Emmanuelle. Comparativement, le scénario de plusieurs scènes des premières saisons est beaucoup plus intéressant :

    Quand à Chataya et Alayaya, en bon hippie et ancien chrétien, le George semble moquer la pudibonderie de la chrétienté dans son acception européenne – via celle de Westeros et ses Sept qui ne font qu’Un – en peignant une alternative idéalisée.

    Oui, mais c’est aussi un cliché énorme que les personnages principaux tombent miraculeusement sur les seules prostituées du pays qui font ce travail de leur plein gré. Pour remplacer cela, il y a la scène où Littlefinger est présenté en maquereau et apprend à ses « protégées » comment être excitantes, juste après nous avoir montré qu’elles ne sont pas du tout enthousiastes de se donner en spectacle. Le début de la série utilise les bordels pour le quota de nudité mais le spectateur ne peut pas se rincer l’œil sans admettre simultanément que les apparences sont trompeuses. Dans GoT aussi, les volontaires dans la prostitution sont rarissimes et ce n’est pas à cause du sexe qu’elle est mauvaise, mais parce que c’est, en pratique, de l’esclavage.

    Et les avantages dans la narration sont nombreux. Le personnage de Shaé y gagne, on la prend beaucoup moins pour une cruche et plus comme une actrice connaissant parfaitement son rôle, et qui a donc dû en baver presque autant que Tysha. Par contrecoup, ce personnage renforcé donne du poids à Tyrion.

    Le lecteur ne voit Baelish devant des subordonnés qu’après le meurtre de Jeoffrey, ici nous l’avons plus tôt et cela participe à la construction de son personnage impitoyable et totalement égoïste. Sa conversation avec Ross montre que même dans les pires moments, il ne perd jamais son calme et ne regarde autrui que comme des coûts et des opportunités. Cela renforce la trouille du spectateur de voir les bourreaux de Ross (Littlefinger et Joffrey) tourner autour de Sansa.

    Quand à la scène Renly/Loras, si je me souviens bien elle sert aussi d’introduction à Margaery. Là, on a un exemple de scène utile, le triangle entre la sœur, le frère et le mari-amant donne une confrontation brève et efficace. Cette conversation aurait été moins réussie si le trio avait papoté lors d’une partie de chasse par exemple, cela a un sens que la caméra les surprenne nus lorsqu’ils se mettent à nu. L’histoire Renly/Loras perd en subtilité mais Renly va de toute manière mourir dans un épisode alors que la relation frère/sœur se poursuivra sur quatre saisons, le scénario y gagne. C’est grâce à ce passage qu’on sait que la jeune Tyrell n’est ni une idiote terrifiée à la manière Sansa, ni la pure intrigante machiavélique que voit Cersei. Dans les livres ces éléments peuvent se deviner mais mal. La Margaery de la saga, guère plus qu’un ventre et un nom disputé par les grandes familles, est pour moi bien plus sexiste que le personnage de Natalie Dormer.

    Malheureusement, ces scènes ont disparu par la suite et on n’a plus eu qu’un quota de nudité.

    Édit : Et pour conclure sur le sexisme des livres attribué à la série, n’oublions pas le viol de Sansa. Dans les livres, nous savons que Ramsay a violé, emprisonné et tué Donella Corbois. Par les yeux de Theon, le lecteur l’a vu tuer et violer une paysanne près de Winterfell. Theon rapporte qu’il lui arrive de chasser et violer des malheureuses dans des chasses à l’homme. Après son mariage avec Jeyne Poole (dont la Sansa de la série reprend le rôle), celle-ci se voit interdire de quitter sa chambre et elle passe son temps à prendre des bains… Il faut vraiment trois témoignages visuels et dépôt de plainte contresignée en quatre exemplaires pour admettre qu’il ne lui lit pas de poésie ? C’est comme le bûcher de Shôren, la série en montre beaucoup trop mais n’invente rien.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 10 mois par John Lon Bickel.
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