AFFC 10 – Brienne II

Forums Le Trône de Fer – la saga littéraire Au fil des pages AFFC 10 – Brienne II

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    Emmalaure
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    AFFC 10 – Brienne II
    Au fil des pages – liste des sujets

    AFFC 09, Jaime I AFFC 11, Sansa I

    Et après le couple de jumeaux, et qui vient subrepticement s’immiscer entre eux, nous retrouvons Brienne, la pucelle de Torth qui poursuit sa quête de Sansa Stark et d’elle-même.

    Alors que tous les chapitres d’ASOS ou presque, faisaient avancer l’intrigue générale (même si pour certains personnages comme Arya ou Bran, c’est davantage une préparation pour plus tard), AFFC marque réellement une pause dans l’avancée du récit et semble se perdre dans des développements annexes dont on pourrait pour la plupart aisément se passer sans perdre le fil. Les chapitres de Brienne entrent totalement dans ce cadre : si au début de ce 2e chapitre qui lui est consacré, on peut encore se demander si et comment elle retrouvera la trace de Sansa, à la fin du chapitre, on sait que c’est fichu pour un certain temps et la voilà lancée sur une fausse piste. Sa quête prend des airs d’histoire à la « shaggydog », c’est-à-dire qui ne mène nulle part. En effet, le lecteur sait déjà où se trouve Sansa Stark et il connait la triste fin de Dontos Hollard.

    Quel peut bien donc être l’intérêt de ces chapitres d’errance, dont la forme n’est même pas nouvelle, car les errances, le lecteur en a déjà eu sa large dose dans les tomes précédents ? D’autant qu’en terme de quantité, Brienne partage la part du lion avec les jumeaux Lannister : elle arrive en 2e position après Cersei pour le nombre de chapitres pov.

    Brienne était jusqu’à présent un personnage secondaire, introduit dans ACOK afin de préparer le contrepoint qu’il offre avec le personnage de Jaime dans ASOS. Elle aurait pu en rester là, mais GRRM a pris le parti de lui offrir son propre développement conséquent jusqu’à la rencontre avec la Fraternité sans bannière et Lady Coeurdepierre.

    A mon goût, ce récit d’errance en forme d’impasse fait partie des moment où GRRM révèle toute sa capacité à construire un monde, conjointement à la construction de son personnage, et à conduire malgré tout un récit, puisque la quête de Brienne est en elle-même un petit récit dans le récit global, auquel elle est rattaché par tout son petit arsenal d’effets littéraires, comme des métaphores filées, des jeux de couleurs, des images fortes, des punchlines bien placées ou quelques jeux de mots, sans exhaustivité.

    Il y aura 2 parties pour cette analyse de chapitre, la première consacrée à la quête en elle-même et à son caractère d’impasse, et la seconde au personnage de Brienne grâce auquel GRRM réinvente le récit de quête chevaleresque.

     

    1. Où est donc passée Sansa ?

    a. L’impasse

    Brienne a faussé compagnie à ses compagnons de hasard du premier chapitre et arrive seule à Sombreval, peu avant l’aube. Les premières rencontres n’ont cependant pas été inutiles, et notre chevalière en a tiré quelque enseignement, notamment dans son questionnement : Sansa n’est plus définie comme une demoiselle de haute naissance, mais uniquement comme « sa soeur », et son apparence physique s’est fixée.

    « perhaps you saw my sister on the road? A young maid, three-and-ten and fair of face, with blue eyes and auburn hair. She may be riding with a drunken knight. »

    Evidemment, la question est trop directe et Brienne n’est pas une détective, aussi la réponse est tout aussi directe et catégorique :la femme interrogée fait non de la tête et le mari rajoute qu’elle ne doit sûrement plus être vierge. Comme Brienne n’a pas pensé à affubler l’objet de sa quête d’un prénom, elle s’entend répondre que les cimetières sont pleins de jeunes filles inconnues. Autrement dit, autant chercher une aiguille dans une botte de foin (ou le bon stylo 4 couleurs enlevé dans ton collège).

    « The lichyard’s even fuller, » said his wife.

    On remarquera que le mari ne prend même pas la peine de répondre à la question posée « z’avez pas vu Mirza Sansa ? »; comme d’autres bonshommes du précédent, il s’intéresse surtout au corps vierge ou non de la fille en question.

    Une fois dans Sombreval, Brienne va s’adresser aux autorités locales, en l’occurrence le mestre du château auquel le châtelain en exercice provisoire refile la besogne fastidieuse de re-raconter pour la cent-douzième-mille fois pourquoi personne ici n’a vu ni Sansa Stark ni Dontos Hollard. La réponse est encore pire qu’attendue : non seulement personne n’a vu Sansa ni Dontos, mais encore Brienne est loin d’être la première à suivre la piste, elle arriverait même en queue de peloton.

    When he heard the name Hollard, the maester frowned with irritation. « How often must I sing this song? » Her face must have given her away. « Did you think you were the first to come seeking after Dontos? More like the twenty-first. The gold cloaks were here within days of the king’s murder, with Lord Tywin’s warrant. And what do you have, pray? »

    Quant à Dontos, on a la confirmation qu’en l’absence totale de famille même lointaine, personne n’est en mesure de se préoccuper de lui et donc d’apporter la moindre aide de ce côté. Plus tard dans le chapitre, lorsque Brienne quitte Sombreval, la petite halte au château en ruine des Hollard confirme l’extinction totale de cette piste et la matérialise concrètement, quel que soit le lieu de naissance de Dontos, d’ailleurs.

    An hour farther north, the road divided at a pile of tumbled stones that marked the ruins of a small castle. (…)  Its triple towers were grey granite, like the broken walls, but their merlons were yellow sandstone. Three crowns, she realized, as she gazed at them through the rain. Three golden crowns. This had been a Hollard castle. Ser Dontos had been born here, like as not.

    Sortant du château de Sombreval et voulant rejoindre l’auberge où elle s’est installée, Brienne s’égare et s’engage dans une impasse, à l’image de sa quête présente, qui semble elle aussi ne l’avoir menée nulle part. L’impasse physique redouble l’effet de l’impasse de la quête de Brienne, puisque sa découverte arrive abruptement en interrompant le fil de ses pensées lorsqu’elle passe en revue tous les endroits où Sansa aurait pu aller.

    Ahead, the alley bent. Somehow Brienne had taken a wrong turn. She found herself in a dead end, a small muddy yard where three pigs were rooting round a low stone well.
    L’impasse – « dead end » en vo, tout un programme – pourrait aussi bien représenter la piste des Eyrie, et de fait, aux Eyrie, Sansa Stark est « morte » et se cache sous le nom d’Alayne Stone (et peut-être qu’on pourrait gloser sur les 3 cochons qui tournent autour du puits en pierre et ceux qu’ils pourraient représenter symboliquement, par exemple le libidineux Marillion, bébé Robinet et l’avide Littlefinger). Cependant, Brienne n’a pas les moyens de décoder le langage symbolique de GRRM, ce n’est pas du jeu.

    b. La piste nouvelle

    Aussi, elle demande son chemin à une vieille sorcière femme, revient sur ses pas et croise deux personnages : le premier lui rentre dedans (on verra plus tard son identité) mais ne la dévie pas de sa propre route, c’est plutôt lui qui est attiré comme un satellite vers le corps céleste dominant ; quant au second, il s’agit d’un nain septon qui dînait à l’auberge. Les deux personnages renvoient à Tyrion Lannister, l’époux de Sansa, à la fois de manière concrète et de manière plus symbolique, avec un jeu d’inversion : en primo lecture, il faut avoir une sacrément bonne mémoire pour identifier le garçon qui percute Brienne (et se souvenir que le cheval qu’il monte était celui que Tyrion prenait dans ACOK pour rendre visite à Shae) et être à l’affût du moindre détail (en gros, il faut déjà lire la saga comme on ferait un jeu de piste). Podrik Payne n’est pas immédiatement reconnaissable, malgré son débit de mots bien embrouillé, mais son lien direct avec Tyrion sera révélé en toute fin du chapitre. Le nain septon – lui – n’a aucun lien direct avec Tyrion, en dehors de son nanisme, mais sa description physique et son caractère en font un contraire parfait, si bien que le lecteur pourrait soupçonner LE déguisement parfait : le nez d’ivrogne pourrait être faux, l’habit de septon aussi, les dents rougies, le pendantif en marteau de Forgeron qui remplace le collier de Main, l’histoire de l’unique survivant d’un monastère lambda tout à fait plausible et passe-partout, sans compter l’effort de galanterie que ne fournirait pas volontiers le vrai Tyrion (mais qui pourrait donner le change). A titre personnel, c’est une hypothèse que je n’ai jamais envisagée comme telle, mais il me semble intéressant de souligner les jeux symétrie et d’inversions que pratique régulièrement GRRM.

    Then a voice behind her said, « M’lady, here, have my place. » Not until he hopped off the bench did Brienne realize that the speaker was a dwarf. The little man was not quite five feet tall. His nose was veined and bulbous, his teeth red from sourleaf, and he was dressed in the brown roughspun robes of a holy brother, with the iron hammer of the Smith dangling down about his thick neck.

    A vrai dire, le portrait de ce nain-là n’est pas ragoûtant et les dents rouges lui donnent même un côté sanglant inquiétant comme s’il incarnait le monstre envieux et assoiffé que voit Cersei et voyait Tywin. Ajoutons à cela que croiser un nain dans une auberge, ça a déjà détourné un autre personnage de son but, à savoir Catelyn Stark, qui revenait à Winterfell mais a pris la route du Val en enlevant Tyrion, événement-prétexte qui a déclenché la guerre ouverte entre Lannister et Stark.

    Il n’y a pas de rapt dans la scène présente, mais une nouvelle piste pour Brienne, qui va la suivre parce qu’en l’état, c’est celle qui lui apporte le plus d’éléments concrets : un « fou » a cherché à s’embarquer à Viergétang avec deux autres personnes, et Brienne peut effectivement imaginer que Dontos souhaite prendre la mer avec Sansa (et peut-être Tyrion également) pour passer le Détroit, ou éventuellement pour se cacher dans le Val, ou encore gagner Blancport, bref, c’est une piste plausible.

    This fool was seeking passage for three across the narrow sea. I oft saw him there, talking with oarsmen off the galleys. Sometimes he would sing a funny song. »
    « That I could not say, » the dwarf told her, « but one night some of Lord Tarly’s soldiers visited the Goose looking for him, and a few days later I heard another man boasting that he’d fooled a fool and had the gold to prove it. He was drunk, and buying ale for everyone. »

    Notons au passage que symboliquement, chercher « sa jeune soeur vierge » accompagnée d’un fou à Viergétang – lieu supposé de l’histoire de Florian le Fol et Jonquil – donne du sens à la quête. Peut-être que Brienne est elle aussi une jeune femme qui raffole des chansons et histoires chevaleresques.

    Pour le lecteur, cette nouvelle piste est intrigante : qui est ce Dick-Mains-lestes, et qui sont les trois personnes qu’il a filoutées ? On gardera dans un coin de notre tête qu’au bout de l’impasse dans laquelle Brienne s’était engagée un peu plus tôt, elle était tombée sur trois cochons qui s’ébattaient dans la boue, et qu’en plus d’illustrer concrètement l’impasse présente, cet épisode annonce la prochaine impasse (et notamment les retrouvailles avec Pyg).

    c. le chasseur chassé

    Mais revenons à Popod, le traqueur qui suit tellement Brienne à la trace qu’il reste le nez collé à terre, y compris au sens sale propre.

    He scrambled to his feet. « F-f-forgive me. My lady. I wasn’t looking. I mean, I was, but down. I was looking down. At my feet. »

    Dans Brienne I, il est une ombre furtive, un élément du décor auquel on ne prête pas vraiment attention. Il reprend ce rôle à l’ouverture de ce chapitre, lorsque la chevalière l’aperçoit dans la foule qui fait la queue à l’entrée de Sombreval : un quidam parmi d’autres.

    A pair of wealthy townsmen sat on well-bred palfreys a dozen places behind her, and farther back she spied a skinny boy on a piebald rounsey. There was no sign of the two knights, nor Ser Shadrich the Mad Mouse.

    Comme elle est préoccupée de repérer ses compagnons de hasard du précédent chapitre, elle prête d’autant moins attention au jeune cavalier déjà aperçu à deux reprises.

    A la première rencontre percutante, on peut ainsi vérifier que l’ombre furtive est bien solide, bien humaine, et qu’à force de regarder ses pieds, elle finit par terre dans la boue. A la seconde rencontre, la chute est provoquée volontairement par Brienne, qui a cette fois repéré qu’elle était suivie et surprend son chasseur, toujours le nez à terre. J’avoue m’être demandée s’il n’y avait un petit clin d’oeil à l’histoire de Thalès, tombé dans un puits à force de regarder en l’air et de ne pas voir où il mettait les pieds. L’anecdote (rapportée par le personnage de Socrate dans un dialogue de Platon) a été reprise à l’envi comme métaphore du « savant » qui a la vue lointaine mais ne sait pas s’intéresser à la réalité immédiate et présente, et elle est devenue un lieu commun (un peu comme la tour d’ivoire). Ici, nous avons le schéma inverse, avec deux chasseurs – Brienne et Podrik – qui ont le nez dans le guidon le chanfrein et suivent la trace la plus immédiate, sans doute faute d’avoir les éléments leur permettant de porter leur regard plus haut et plus loin. En ce sens, perchée aux Eyrie, Sansa Stark est clairement hors de leur portée.

    On constate en outre que la quête de Podrik Payne est tout aussi vaine que celle de Brienne, et que comme la sienne, elle semble avoir une dimension affective : Podrik se sent abandonné par Tyrion et ça a l’air d’être un énorme drame :

    His face twisted in sudden anguish. « I’m his squire, » he repeated, as the rain ran down his face, « but he left me. »

    La pluie sur le visage remplace les larmes, mais peut-être qu’il y a bien des larmes réelles. Notons que dans le texte original, « left » est en italiques. Podrik semble avoir noué un lien affectif très fort avec Tyrion, qui n’est pas réciproque : Tyrion l’aime bien, mais il ne pense vraiment à lui que quand il a besoin de ses services là où Podrik semble dévoué corps et âme.

    Quant à Brienne, elle se sent obligée par une double fidélité, celle due à Catelyn Stark en tant que femme-lige, et celle due à Jaime qui l’a sauvée des Braves Compaings, l’a émue à Harrenhal, et lui a transmis sa propre quête donnée par Catelyn Stark, tous éléments sur lesquels Brienne revient en pensées dans ce chapitre, jusqu’à formuler un voeu solennel sur la tombe/fosse commune des Nordiens, à l’écart de la ville :

    The bathhouse had been thick with the steam rising off the water, and Jaime had come walking through that mist naked as his name day, looking half a corpse and half a god. He climbed into the tub with me, she remembered, blushing.

    (…)

    I will find her, my lady, Brienne swore to Lady Catelyn’s restless shade. I will never stop looking. I will give up my life if need be, give up my honor, give up all my dreams, but I will find her.

    C’est à partir ce voeu que je vais m’intéresser à la nouvelle figure de chevalier proposée par GRRM à travers le développement du personnage, et voir comment il se rattache malgré son côté « en dehors de l’intrigue » à la saga principale, voire laisse la voie ouverte à quelques foreshadowings.

     

    2. La Chevalière

    a. Chevalière d’opérette ou super-héroïne ?

    Brienne n’est pas un type de personnage complètement neuf en soi, étant l’héritière d’une tradition littéraire bien ancienne, du chevalier arthurien (Lancelot, Perceval et Galaad) jusqu’au super héros de comic (qui n’a pas pensé au solitaire Batman avec le bouclier sur lequel est peint une chauve-souris ?), en passant par Don Quichotte le parodique ou le cowboy de western (j’avoue, l’image qui m’est venue subrepticement quand Brienne gare son cheval en ville avant de continuer à pied ^^).

    A Lancelot, Brienne emprunte sa quête pour « libérer » une belle dame en mettant son honneur, ses rêves et sa vie en jeu (le voeu). Les charrettes de navets et autres légumineuses et les paysans qui les conduisent et auxquels Brienne se mêle avant d’entrer dans Sombreval me semblent de discrets rappels de la charrette d’infamie dans laquelle Lancelot va monter pour pouvoir espérer atteindre Guenièvre : le succès de la quête demande un sacrifice. Ajoutons à cela que Brienne n’a d’emblée pas une bonne réputation et que même lorsqu’on ne la connait pas pour son manquement à Renly Baratheon, elle est confrontée à des marques de mépris ou des moqueries :

    « Aye? » The captain rubbed his stubbled chin. « My sister does such work, as it happens. You’ll find her at the house with the painted doors, across from the Seven Swords. » He gestured to the guards. « Let her pass, lads. It’s a wench. »

    She rode past a fishwife and her daughters, walking home with empty baskets on their shoulders. In her armor, they took her for a knight until they saw her face. Then the girls whispered to one another and gave her looks. « Have you seen a maid of three-and-ten along the road? » she asked them. « A highborn maid with blue eyes and auburn hair? » Ser Shadrich had made her wary, but she had to keep on trying. « She may have been traveling with a fool. » But they only shook their heads and giggled at her behind their hands.

    A Perceval, Brienne emprunte une certaine naïveté, en particulier dans son questionnement peu élaboré : avez-vous vu Mirza ? Dans son chapitre 1, elle a été repérée tout de suite par ser Shadrich. Depuis, elle a un peu changé sa formulation, mais pas trop : où est donc passé ce chien ? (pardon)

    A Galaad cherchant le Graal, elle va emprunter d’autres traits, à mon sens qu’on retrouve surtout dans les livres de T.White, à savoir sa droiture et sa gentillesse : sous son armure, il n’y a aucune trace d’agressivité ni de violence chez Brienne, aucune trace du moindre plaisir à parader ou à pratiquer le métier des armes, ni aucun désir de vengeance. En ce sens, elle se situe aux antipodes du Limier qui se débattait avec sa haine et son désir de tuer son frère. Elle est loin également de l’ivresse du combat décrite par Jaime. Et elle se situe également aux antipodes d’un Batman qui cherche à nettoyer sa ville des criminels dans une quête éternelle de vengeance pour la mort de ses parents, d’où à mon sens l’abandon de la chauve-souris Lothston pour un autre nouveau blason.

    The captain’s eyes lingered on her shield. « The black bat of Lothston. Those are arms of ill repute.« 
    (petit aparte : on trouve aussi du Lancelot de T.White chez Brienne, dans la mesure où ce Lancelot est décrit comme très laid et partagé entre son amour platonique pour Arthur et celui plus charnel pour Guenièvre. Le tome qui lui est consacré s’appelle « the ill-made knight ». Lancelot se bat également contre son propre penchant violent, qui n’est pas encore pleinement visible chez Brienne)

    On en apprend un peu plus sur la mauvaise réputation de la chauve-souris d’Harrenhal et est cité pour la première fois de la saga le personnage de Folle Danelle, dont le peu qui est révélé en fait une sorcière de conte horrifique pour enfants.Tant qu’on y est, la sorcière qui enlève les jeunes filles pour voler leur jeunesse, c’est aussi un lieu commun littéraire et on comprend que Brienne cherchant une jeune fille souhaite dissiper tout malentendu en changeant le blason sur son bouclier.

    She had a cheerful manner, but when Brienne showed her the shield her face went dark. « My old ma used to say that giant bats flew out from Harrenhal on moonless nights, to carry bad children to Mad Danelle for her cookpots. Sometimes I’d hear them scrabbling at the shutters. »

    Enfin, j’ai également trouvé pas mal de discrètes références à Don Quichotte, qui cherche sa Dulcinée et ne la trouve jamais. Féru de romans de chevalerie, Don Quichotte veut en être un vrai, preux et courtois, et se lance dans une grande quête sur sa jument Rossinante. Dans son esprit, les auberges se transforment en châteaux, et que voici que la porte de l’auberge où s’arrête Brienne est peinte :

    The Seven Swords was the largest inn in town, a four-story structure that towered over its neighbors, and the double doors on the house across the way were painted gorgeously. They showed a castle in an autumn wood, the trees done up in shades of gold and russet. Ivy crawled up the trunks of ancient oaks, and even the acorns had been done with loving care. When Brienne peered more closely, she saw creatures in the foliage: a sly red fox, two sparrows on a branch, and behind those leaves the shadow of a boar.

    L’aubergiste-peintresse explique que le château est sorti de sa propre imagination et que c’est comme cela qu’elle se représente un vrai château (plutôt un château de chanson, en fait, vu qu’elle en a un vrai tous les jours sous les yeux, bien réel, mais qui ne semble pas convenir à l’idée qu’elle s’en fait).

    « Your door is very pretty, » she told the dark-haired woman who answered when she knocked. « What castle is that meant to be? »

    Pour ma part, je vois également dans la description de ce château imaginaire un clin d’oeil à toute l’intrigue à la cour de Port Real, où Cersei Lannister représentée par le renard doit composer avec deux moineaux et l’ombre d’un sanglier toujours menaçante. Sachant que Robert Baratheon est mort éventré par un sanglier et que Cersei pourrait être accusée de l’avoir fait empoisonner lors de cette partie de chasse, l’ombre n’est est que plus menaçante. En allant un peu plus loin, je formulerai l’hypothèse qu’il représente aussi une situation d’avant la Longue Nuit, avec des change-peaux en protagonistes, un genre d’arrêt sur image avant l’éclatement du drame et l’arrivée du long hiver.

    Pour revenir à Don Quichotte, parmi ses marottes, il y a celle de voir dans des filles de paysans de belles princesses, et Brienne heaume fermé se voit offrir une « soeur » par un des trois gamins croisés sur la route, comme les chevaliers arthuriens (Don Quichotte est aussi une parodie des romans arthuriens) se voient offrir les filles et soeurs de seigneurs dans les châteaux où ils passent.

    In the first village she came to, barefoot boys ran along beside her horse. She had donned her helm, stung by the giggles of the fisherfolk, so they took her for a man. One boy offered to sell her clams, one offered crabs, and one offered her his sister.

    Ce qui unit toutes ces figures, c’est la dimension affective de la quête, vécue comme une obligation vitale : Lancelot est amoureux et doit sauver sa dame, Perceval cherche un sens à sa vie, Galaad veut se rapprocher le plus possible de la perfection divine, Don Quichotte préfère la fiction à sa vie et se rêve autrement, Batman veut sauver ses parents, Brienne veut être fidèle à Jaime, et racheter l’échec connu avec son premier suzerain et premier amour, Renly Baratheon, et avec Catelyn Stark, auxquels elle pense avoir manqué.

    She had failed Renly, had failed Lady Catelyn. She must not fail Jaime. (Brienne I, AFFC)

    Dans ce 2e chapitre, elle exprime sa plus grande crainte dans un rêve qui rejoue la scène de la mort de Renly, mais avec Jaime à la place :

    That night she dreamed herself in Renly’s tent again. All the candles were guttering out, and the cold was thick around her. Something was moving through green darkness, something foul and horrible was hurtling toward her king. She wanted to protect him, but her limbs felt stiff and frozen, and it took more strength than she had just to lift her hand. And when the shadow sword sliced through the green steel gorget and the blood began to flow, she saw that the dying king was not Renly after all but Jaime Lannister, and she had failed him.

    Pour accomplir sa quête de rédemption, elle est prête à tout perdre.

    I will find her, my lady, Brienne swore to Lady Catelyn’s restless shade. I will never stop looking. I will give up my life if need be, give up my honor, give up all my dreams, but I will find her.

    b. La quête de soi

    Le Romantisme étant passé par là, la quête chevaleresque se mêle au roman d’apprentissage, au tourment des passions et devient quête de soi. La quête présente est l’occasion de revenir sur le passé de Brienne, passé immédiat et plus ancien, au gré des mots, des paysages ou des moments du quotidien. Ainsi, le bain à l’auberge la renvoie au bain à Harrenhal :

    The bathhouse had been thick with the steam rising off the water, and Jaime had come walking through that mist naked as his name day, looking half a corpse and half a god. He climbed into the tub with me, she remembered, blushing. She seized a chunk of hard lye soap and scrubbed under her arms, trying to call up Renly’s face again.

    A l’évocation de ser Shadrich, le potentiel chasseur à cause de son petit gabarit, Brienne est renvoyée quelques années en arrière, à sa vie pleine de déboires matrimoniaux de demoiselle de haut lignage rebutée par ses fiancés successifs à cause de sa laideur et de son choix de vie. Avec l’anecdote du vieux fiancé qui veut la corriger les armes à la main et qui n’y gagne que des côtes et la clavicule cassée (bien fait !), GRRM emprunte à nouveau un topos littéraire : la vierge qui n’est pas à sa place et à laquelle un homme – son futur mari/partenaire – doit réapprendre le droit chemin, à l’instar d’Atalante (fille unique de roi) qui soumettait ses prétendants à une course mortelle (si le prétendant perdait, il mourait). Dans ce schéma, la vierge est un trophée que le « guerrier » doit obtenir en la surpassant d’une manière ou d’une autre, ce qui n’est jamais qu’une variante du prince qui réveille sa princesse endormie. Il n’est pas anodin que ce soit dans ce même chapitre que Brienne se remémore son combat avec Jaime, et qu’elle s’avoue potentiellement vaincue par lui… s’il n’avait pas eu les mains attachées et s’il n’avait pas été affaibli par une longue captivité sans entrainement. En d’autres termes, si Renly l’a éblouie en lui accordant de la valeur, Jaime l’a potentiellement vaincue aux armes et Brienne peut donc se revendiquer comme sienne, d’autant plus qu’il l’a également sauvée à deux reprises des Pitres Sanglants, comme un vrai chevalier fait avec les dames.

    Alors Renly ou Jaime ? Fromage ou dessert ?

    Si Brienne choisit l’anonymat en ne portant pas ouvertement son nom ni ses couleurs, elle se construit tout de même une identité qui la rattache à la gloire chevaleresque, y compris de manière complètement inconsciente : quitte à rester anonyme, autant choisir ses propres couleurs, comme les chevaliers inconnus, invités « surprises » des tournois. C’est ainsi qu’elle demande à l’aubergiste de lui repeindre son bouclier selon les indications qu’elle lui donne : elle décrit un blason qu’elle a vu dans le château de son père, sur un vieux bouclier.

    « You did beautifully, » she said, when the woman showed her the freshly painted shield. It was more a picture than a proper coat of arms, and the sight of it took her back through the long years, to the cool dark of her father’s armory. She remembered how she’d run her fingertips across the cracked and fading paint, over the green leaves of the tree, and along the path of the falling star.

    Les lecteurs des nouvelles de Dunk et l’Oeuf (en particulier de la première) auront reconnu le blason personnel de ser Duncan le Grand, lui aussi peint par une femme pleine de talent. On peut se demander ce que ce vieux bouclier-là fait à Torth et si ce n’est pas pour Brienne une première petite étape pour découvrir une ascendance toute chevaleresque. En tous les cas, même si d’ici la fin de la saga il n’y a aucune réponse à ce propos, la filiation avec Duncan le Grand, l’ancien Lord Commandant de la Garde Blanche, est au moins symbolique.

    Pour ceux qui n’ont pas lu les nouvelles de Dunk et l’Oeuf, l’arbre vert peut représenter une image estivale, comme le vert que portait Renly, le parfait roi de l’été, et l’étoile qui tombe renvoie à la chute de ce roi, mais aussi à l’épée des Dayne, Aube, faite selon la légende à partir d’un morceau d’étoile tombé du ciel. Ajoutons à cela le nom de l’auberge, en référence à 7 chevaliers de la Garde Blanche issus de la maison Sombrelyn, mais également l’exploit accompli par ser Barristan libérant tout seul le roi Aerys prisonnier des Sombrelyn (raconté lors de la visite au château), et Brienne se retrouve cernée de gardes blancs passés, tous bien glorieux, alors qu’au présent, la chute a été bien rude. Brienne pourra-t-elle rendre sa noblesse à l’idéal chevaleresque ?

    A la difficulté pour Brienne de savoir qui elle est, répond sa quête dans le brouillard d’une jeune fille qu’elle n’a jamais vue et qu’elle ne connait donc pas. Ainsi, Sansa se trouve dépouillée sans en avoir l’air de son identité : elle n’est plus une jeune vierge de haut lignage, mais la soeur de la chevalière « anonyme » qui la recherche. C’est que Brienne ne cherche pas Sansa Stark pour Sansa, mais parce qu’elle a un serment à tenir à une morte (Catelyn Stark) et à un chevalier estropié, qui en perdant sa main d’épée n’a plus les moyens d’accomplir lui-même son serment bien qu’il en ait le désir sincère. Sansa n’est pas le but véritable de sa quête. Son but est de se racheter, et c’est peut-être là que gît la clé de l’échec.

    Le premier lui a été rappelé dans Brienne I par ser Illifer. Et les regards portés sur elle par tous les gens qu’elle croise la décident à fermer son heaume une fois qu’elle a quitté Sombreval, quitte à subir le bruit de la pluie : le casque qui fait caisse de résonance laisse entrevoir la curieuse image d’une armure vide, sans tête.

    By the time she left the village it had begun to rain, and the wind was rising. Storm coming, she thought, glancing out to sea. The raindrops pinged against the steel of her helm, making her ears ring as she rode, but it was better than being out there in a boat.

    Je vois là un petit rappel d’une des silhouettes aperçues dans le rêve comateux de Bran et dominant ses deux soeurs : il y avait un beau chevalier en armure dorée, une ombre à face de chien, et un géant dans une armure de pierre, dont le heaume s’ouvre sur les ténèbres (darkness, pour rester dans le registre « dark » du chapitre présent !) et un sang noir et épais.

    Cela ne me semble pas du meilleur augure. Si Brienne ne sait pas qui elle est, elle s’engage corps et âme dans sa quête à travers un voeu très engagé et c’est par là que « merveilleux » au moins symbolique vient s’inviter dans le récit.

    c. Vers le monde des Merveilles

    Je précise qu’ici je n’emploie pas « merveilles » au sens de « beau » et digne d’admiration, mais je fais référence aux « merveilles » des romans médiévaux, qui peuvent tout aussi bien être horrifiques.

    De fait, le chapitre s’ouvre sur une ambiance bien funèbre :

    The gates of Duskendale were closed and barred. Through the predawn gloom the town walls shimmered palely. On their ramparts, wisps of fog moved like ghostly sentinels. A dozen wayns and oxcarts had drawn up outside the gates, waiting for the sun to rise. Brienne took her place behind some turnips. Her calves ached, and it felt good to dismount and stretch her legs. Before long another wayn came rumbling from the woods.

    C’est l’obscurité, et ce qu’on aperçoit a un aspect fantomatique, entre les bribes de brume, la pâleur légèrement luisante des murailles, des charrettes qui sortent de la forêt (hantée, hé hé) et même le cavalier sur le roncin qu’on a déjà aperçu dans Brienne 1 pourrait représenter la mort qui colle aux basques de Brienne (d’ailleurs, bravo Podrik qui a une sacrée présence d’esprit et un vrai talent de limier !).

    La ville même de Duskendale rien que par son nom évoque le crépuscule dans une vallée et apparaît pour ce premier aperçu comme une vallée de morts : ayant été le théâtre d’une sanglante bataille, les armes des morts sont en vente en vrac à l’intérieur, et ses habitants se sont changés en corbeaux charognards.

    The gatehouse opened on a market square, where those who had entered before her were unloading to hawk their turnips, yellow onions, and sacks of barleycorn. Others were selling arms and armor, and very cheaply to judge from the prices they shouted out as she rode by. The looters come with the carrion crows after every battle. Brienne walked her horse past mail shirts still caked with brown blood, dinted helms, notched longswords. There was clothing to be had as well: leather boots, fur cloaks, stained surcoats with suspicious rents. She knew many of the badges. The mailed fist, the moose, the white sun, the double-bladed axe, all those were northern sigils. Tarly men had perished here as well, though, and many from the stormlands. She saw red and green apples, a shield that bore the three thunderbolts of Leygood, horse trappings patterned with the ants of Ambrose. Lord Tarly’s own striding huntsman appeared on many a badge and brooch and doublet. Friend or foe, the crows care not.

    On est bien sur les lieux d’un festin pour corbeaux, mais un festin bien tragique.

    L’ambiance tragique ne sera pas démentie par la visite au château : Brienne en ressort sans aucun indice ni aide pour sa quête, en revanche, elle s’est fait raconter la fin tragique de la famille Darklyn, après le Défi, moment de captivité du roi Aerys II, qui aurait largement contribué à déclencher sa folie paranoïaque.

    Her own maester used to say that it was the Defiance of Duskendale that had driven King Aerys mad.

    La famille de Dontos Hollard, vassale des Darklyn, faisait partie du package disgracié, et Dontos en était l’unique rescapé, déchu de tous ses droits familiaux.

    Le nain croisé à l’auberge a lui aussi son histoire atroce de massacre à raconter : à dire vrai, toute la région en bordure du Conflans, semble contaminée par l’ambiance royaume des morts dudit Conflans, comme si Brienne se trouvait en bordure de ce lieu sans y être encore entrée.

    La sortie de Sombreval/Duskendale n’apporte pas d’éclaircie, mais rapproche davantage symboliquement du royaume des morts : il y a d’abord la halte au champ de bataille devant la tombe/fosse commune réservée aux « loups », eux aussi dépouillés de leur identité et même de leur humanité, puis la halte sous une pluie battante dans les ruines de l’ancien château Hollard, que Brienne reconnait grâce aux créneaux des trois tours qui lui rappellent les trois couronnes dorées du blason familial. Les trois couronnes dorées dans un environnement pluvieux et aussi funèbre sont également à mon sens une allusion aux « trois couronnes d’or » prédites pour les enfants de Cersei et Jaime, et à une fin tragique. A travers Jaime, Brienne est liée à leur histoire.

    An hour farther north, the road divided at a pile of tumbled stones that marked the ruins of a small castle. The right-hand fork followed the coast, meandering up along the shore toward Crackclaw Point, a dismal land of bogs and pine barrens; the left-hand ran through hills and fields and woods to Maidenpool. The rain was falling more heavily by then. Brienne dismounted and led her mare off the road to take shelter amongst the ruins. The course of the castle walls could still be discerned amongst the brambles, weeds, and wild elms, but the stones that had made them up were strewn like a child’s blocks between the roads. Part of the main keep still stood, however. Its triple towers were grey granite, like the broken walls, but their merlons were yellow sandstone. Three crowns, she realized, as she gazed at them through the rain. Three golden crowns. This had been a Hollard castle. Ser Dontos had been born here, like as not.

    En même temps, Sansa Stark est elle aussi une morte en puissance et il n’est donc pas très étonnant que pour la trouver, Brienne doive à un moment donné traverser la frontière entre les mondes, et par conséquent renoncer à des préoccupations « terrestres » : son honneur, ses rêves, sa vie. La vraie chevalerie est à ce prix.

    Nous retrouvons un autre lieu commun mythologique et littéraire, le voeu qui engage et que celui qui l’a formulé sera contraint de respecter au prix le plus élevé possible : « Dieu/déesse/diable, si tu me tires d’affaire/m’aides/me donnes ceci ou cela, je te promets de te sacrifier le premier être vivant que je croise ». Généralement, le premier être vivant en question est l’enfant chéri, de préférence unique. Brienne n’a pas d’enfant, mais on peut être certain que sa quête lui fera perdre son honneur, ses espoirs et sa vie d’une manière ou d’une autre. Il est tout à fait ironique que le nain septon lui souhaite la protection de l’Aïeule (Crone en vo, qui signifie la vieille femme autant que la sorcière) avant qu’elle n’aille prêter son serment à l’esprit inapaisé de Catelyn Stark (si elle savait !).

    Avec un peu de malchance, elle finira bien par retrouver Sansa.

    • Ce sujet a été modifié le il y a 1 année par Emmalaure.
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    #190587
    R.Graymarch
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    J’avais oublié que Brienne passait tant de temps à Sombreval….

    En écho (?) au chapitre de Jaime qui veillait depuis sept jours, elle a mal aux jambes. Dans la queue pour entrer à Sombreval (beaucoup de nourriture, apparemment on n’en manque pas), elle pose toujours les mêmes questions un peu trop frontales… et sans trop de suite dans les idées (Brienne, quoi). Les réponses sont peu enthousiasmantes

    “Goodwife,” she said to the woman on the turnip cart, “perhaps you saw my sister on the road? A young maid, three-and-ten and fair of face, with blue eyes and auburn hair. She may be riding with a drunken knight.”

    The woman shook her head, but her husband said, “Then she’s no maid, I’ll wager. Does the poor girl have a name?”

    Brienne’s head was empty. I should have made up some name for her. Any name would do, but none came to her.

    “No name? Well, the roads are full of nameless girls.”

    “The lichyard’s even fuller,” said his wife.

    GRRM pose ses pions avec un garçon sur un roncin, mais on y reviendra tout à la fin. L’entrée en ville me semble un peu trop facile « du boulot pour ma soeur, OK, entre, fillette ». En revanche le lien avec les Lothston est bien amené

    “State your purpose here.”

    “I seek the Lord of Duskendale, or his maester.”

    The captain’s eyes lingered on her shield. “The black bat of Lothston. Those are arms of ill repute.”

    “They are not mine. I mean to have the shield repainted.”

    “Aye?” The captain rubbed his stubbled chin. “My sister does such work, as it happens. You’ll find her at the house with the painted doors, across from the Seven Swords.” He gestured to the guards. “Let her pass, lads. It’s a wench.”

    Les marchands vendent aussi des pièces d’armure, et on repère beaucoup de blasons nordiens (non nommés). Là encore, parallèle avec Jaime pour le festin des corbeaux

    The looters come with the carrion crows after every battle. Brienne walked her horse past mail shirts still caked with brown blood, dinted helms, notched longswords. There was clothing to be had as well: leather boots, fur cloaks, stained surcoats with suspicious rents. She knew many of the badges. The mailed fist, the moose, the white sun, the double-bladed axe, all those were northern sigils. Tarly men had perished here as well, though, and many from the stormlands. She saw red and green apples, a shield that bore the three thunderbolts of Leygood, horse trappings patterned with the ants of Ambrose. Lord Tarly’s own striding huntsman appeared on many a badge and brooch and doublet. Friend or foe, the crows care not.

    Brienne va donc chez la peintre qui représente des châteaux imaginaires et nous parle des contes pour enfants pas sages, autour de Danelle. Brienne a un peu de jugeote (ouf) et ne demande qu’on place son blason familial sur le bouclier. Mais celui de Dunk (on s’en doutera… bien plus tard)

    Brienne passe à l’auberge où on apprend la grandeur et décadence des anciens dirigeants du coin. Du coup, tous les habitants sont de sang royal, c’est pratique. Brienne se baigne en pensant à Jaime puis va voir le lord qui est absent. Le mestre est un peu irrité car Brienne a été prise de vitesse, et pas qu’un peu

    When he heard the name Hollard, the maester frowned with irritation. “How often must I sing this song?” Her face must have given her away. “Did you think you were the first to come seeking after Dontos? More like the twenty-first. The gold cloaks were here within days of the king’s murder, with Lord Tywin’s warrant. And what do you have, pray?”

    On a ensuite toute l’histoire du défi de Sombreval et la vindicte populaire contre l’épouse étrangère…

    In Duskendale they love Lord Denys still, despite the woe he brought them. ’Tis Lady Serala that they blame, his Myrish wife. The Lace Serpent, she is called. If Lord Darklyn had only wed a Staunton or a Stokeworth . . . well, you know how smallfolk will go on. The Lace Serpent filled her husband’s ear with Myrish poison, they say, until Lord Denys rose against his king and took him captive. / Lord Denys lost his head, as did his brothers and his sister, uncles, cousins, all the lordly Darklyns. The Lace Serpent was burned alive, poor woman, though her tongue was torn out first, and her female parts, with which it was said that she had enslaved her lord. Half of Duskendale will still tell you that Aerys was too kind to her

    Sympa.. Mais Dontos s’en est tiré car il n’avait rien à voir avec cette branche là

    He held no lands here, had neither kin nor castle. If Dontos and this northern girl helped murder our sweet king, it seems to me that they would want to put as many leagues as they could betwixt themselves and justice. Look for them in Oldtown, if you must, or across the narrow sea. Look for them in Dorne, or on the Wall. Look elsewhere.

    Brienne réfléchit et en se rappelant que Bella a dit que Sansa priait beaucoup, au Bois sacré, elle raisonne (ouch)

    But when Brienne asked about Sansa, she said, “I’ll tell you what I told Lord Tywin. That girl was always praying. She’d go to sept and light her candles like a proper lady, but near every night she went off to the godswood. She’s gone back north, she has. That’s where her gods are.”

    The north was huge, though, and Brienne had no notion which of her father’s bannermen Sansa might have been most inclined to trust. Or would she seek her own blood instead? Though all of her siblings had been slain, Brienne knew that Sansa still had an uncle and a bastard half brother on the Wall, serving in the Night’s Watch. Another uncle, Edmure Tully, was a captive at the Twins, but his uncle Ser Brynden still held Riverrun. And Lady Catelyn’s younger sister ruled the Vale. Blood calls to blood. Sansa might well have run to one of them. Which one, though?

    The Wall was too far, surely, and a bleak and bitter place besides. And to reach Riverrun the girl would need to cross the war-torn riverlands and pass through the Lannister siege lines. The Eyrie would be simpler, and Lady Lysa would surely welcome her sister’s daughter . . .

    Mauvais raisonnement mais résultat juste !

    Brienne rencontre à nouveau le garçon puis va à l’auberge où elle parle avec un moine nain (je l’avais complètement oublié). Le passage avec la tonsure est rigolo 🙂

    “Do you serve some holy house in Duskendale, brother?”

    “’Twas nearer Maidenpool, m’lady, but the wolves burned us out,” the man replied, gnawing on a heel of bread. “We rebuilt as best we could, until some sellswords come. I could not say whose men they were, but they took our pigs and killed the brothers. I squeezed inside a hollow log and hid, but t’others were too big. It took me a long time to bury them all, but the Smith, he gave me strength. When that was done I dug up a few coins the elder brother had hid by and set off by myself.”

    Le moine a une piste et donne pas mal d’informations sur Viergétang : un homme, un nom, une auberge, la politique de Randyll Tarly et un passage pour trois en bateau. Alors certes, on sait que c’est faux, mais pas Brienne. Quand on mentionne que la route est dangereuse, Brienne dit qu’elle le sait

    It was on that very road that Ser Cleos Frey had died, and she and Ser Jaime had been taken by the Bloody Mummers. Jaime tried to kill me, she remembered, though he was gaunt and weak, and his wrists were chained. It had been a close thing, even so, but that was before Zollo hacked his hand off. Zollo and Rorge and Shagwell would have raped her half a hundred times if Ser Jaime had not told them she was worth her weight in sapphires.

    “M’lady? You look sad. Are you thinking of your sister?” The dwarf patted her on the hand. “The Crone will light your way to her, never fear. The Maiden will keep her safe.”

    Sympathique, le moine. Dommage qu’il finisse mal…

    Brienne quitte la salle commune quand on dit du mal de Jaime (oathbreaker). Elle rêve de la mort de Renly, sauf que c’est Jaime qui trépasse…

    She wanted to protect him, but her limbs felt stiff and frozen, and it took more strength than she had just to lift her hand. And when the shadow sword sliced through the green steel gorget and the blood began to flow, she saw that the dying king was not Renly after all but Jaime Lannister, and she had failed him.

    Le matin, elle récupère son bouclier puis part. Elle s’arrête devant la fosse commune des Nordiens, ce qui est quand même un beau geste

    Lord Randyll Tarly had commanded Joffrey’s army, made up of westermen and stormlanders and knights from the Reach. Those men of his who had died here had been carried back inside the walls, to rest in heroes’ tombs beneath the septs of Duskendale. The northern dead, far more numerous, were buried in a common grave beside the sea. Above the cairn that marked their resting place, the victors had raised a rough-hewn wooden marker. HERE LIE THE WOLVES was all it said. Brienne stopped beside it and said a silent prayer for them, and for Catelyn Stark and her son Robb and all the men who’d died with them as well.

    Le passage où elle évoque Catelyn est assez émouvant aussi. Elle craignait d’être trop proche.

    She remembered the night that Lady Catelyn had learned her sons were dead, the two young boys she’d left at Winterfell to keep them safe. Brienne had known that something was terribly amiss. She had asked her if there had been news of her sons. “I have no sons but Robb,” Lady Catelyn had replied. She had sounded as if a knife were twisting her belly. Brienne had reached across the table to give her comfort, but she stopped before her fingers brushed the older woman’s, for fear that she would flinch away. Lady Catelyn had turned over her hands, to show Brienne the scars on her palms and fingers where a knife once bit deep into her flesh. Then she had begun to talk about her daughters. “Sansa was a little lady,” she had said, “always courteous and eager to please. She loved tales of knightly valor. She will grow into a woman far more beautiful than I, you can see that. I would often brush her hair myself. She had auburn hair, thick and soft . . . the red in it would shine like copper in the light of the torches.”

    She had spoken of Arya too, her younger daughter, but Arya was lost, most likely dead by now. Sansa, though . . . I will find her, my lady, Brienne swore to Lady Catelyn’s restless shade. I will never stop looking. I will give up my life if need be, give up my honor, give up all my dreams, but I will find her.

    Chemin faisant, Brienne pose toujours les mêmes questions, ici à des pécheurs mais personne ne lui répond sérieusement

    One boy offered to sell her clams, one offered crabs, and one offered her his sister.

    Elle s’abrite de la pluie, pile dans les ruines du chateau Hollard, quel bol. Mais elle se sait suivie ! Réminiscence de son entrainement passé, j’ai beaucoup aimé la tournure, je dois dire

    They fought with blunted tourney weapons, so Brienne’s mace had no spikes. She broke Ser Humfrey’s collarbone, two ribs, and their betrothal. He was her third prospective husband, and her last.

    Elle se prépare à un gros combat mais ce n’est que le garçon de tout à l’heure. Et il se trouve que c’est… Podrick (j’aurais jamais parié en primo-lecture).

    “Why are you stalking after me?” she said. “What do you want?”

    “To find her.” The boy got to his feet. “His lady. You’re looking for her. Brella told me. She’s his wife. Not Brella, Lady Sansa. So I thought, if you found her . . .” His face twisted in sudden anguish. “I’m his squire,” he repeated, as the rain ran down his face, “but he left me.”

    Quel duo en formation…

    Allez, bientôt à Viergétang, là où Sansa n’est jamais passée. Mais c’est vrai que les histoires qu’on nous narre, et les personnages qu’on rencontre sont intéressants, une fois qu’on a fait son deuil d’avancer l’intrigue

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    DOH. #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #190597
    DJC
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    Mais c’est vrai que les histoires qu’on nous narre, et les personnages qu’on rencontre sont intéressants, une fois qu’on a fait son deuil d’avancer l’intrigue

    Oui, c’est bien ça le problème 😀

    Merci pour vos analyses et références, pas beaucoup à rajouter si ce n’est que vus les territoires et les ambiances traversées, j’ai l’impression que Brienne est + dans l’univers d’Arya que de Sansa.

    Et assez excellent qu’elle mentionne les Eyrié comme possibilité parmi d’autres, au cours de ses reflexions..

    #190600
    Pandémie
    • Fléau des Autres
    • Posts : 2840

    C’est là qu’on voit que GrrM est un  précurseur, il a révolutionné la fantasy en introduisant le concept d’arc filler avant même qu’on ait commencé dans parler pour les anime.

    Après 3 PoV prologues, un à Villevieille, un à Dorne et un aux Îles de Fer et deux chapitres de thérapie familiale Lannister, je me souviens que j’espérais en primolecture que ce chapitre démarre le roman et etait plutôt enthousiaste. Pauvre fou que j’étais, les aventures de Brienne ne feront pas avancer l’intrigue d’un pet. C’est encore davantage un calvaire en relecture. Je ne comprends pas que GrrM et son éditeur ait pu croire le projet de séparation AFFC-ADWD viable.

    Brienne est un personnage attachant mais sa side-story prend vraiment de la place pour rien au milieu d’autres side-stories toutes aussi dispensable. Quelle plaie 15 ans après.

    #190610
    Liloo75
    • Fléau des Autres
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    Merci Emmalaure pour cette brillante analyse.

    Je viens de relire le chapitre, et je dois avouer que je n’en avais gardé presque aucun souvenir (en dehors de la rencontre finale avec Podrick).

    Pourtant, c’est là où l’on apprend les conséquences du Défi de Sombreval. Tous les Sombrelyn et et ceux qui leur étaient apparentés (comme les Hollard) ont été exécutés et leurs biens ont été saisis. Si l’on doutait de l’intransigeance et de la rancune tenace du roi fou, eh bien nous voilà informés.

    Grâce à Jaime, nous avions eu un aperçu de la folie d’Aerys. Cet épisode ne fait que le confirmer.

    A propos de Jaime, il en est question à deux reprises au moins. Tout d’abord au moment du bain pris dans une bassine qui rappelle à Brienne les bains d’Harrenhal. Elle revoit Jaime « nu comme au jour de sa venue au monde, efflanqué comme un cadavre et beau comme un dieu ».

    Je note qu’elle se souvient de Jaime entièrement nu, et qu’elle le qualifie de « beau comme un dieu ». Entre deux chapitre de Cersei qui ne voit plus en son frère qu’un imbécile qui a perdu son intelligence en même temps que sa main d’épée, le contraste est saisissant !

    Plus loin, Brienne rêve du meurtre de Renly, sous la tente, mais ce n’est pas Renly qui se fait assassiner. Le roi qui se fait occire par une ombre maléfique a les traits de Jaime. Et Brienne éprouve le sentiment d’avoir failli à son devoir envers lui.

    J’avoue que je ne comprends pas ce sentiment de culpabilité. Brienne a toujours été à la hauteur vis-à-vis de Jaime. Il a pu compter sur son soutien indéfectible lorsqu’il a été privé de sa main par Zollo, puis malmené par Varshé Hèvre.

    Enfin, les armoiries sur le bouclier de Brienne (encore un cadeau de ser Jaime dont elle ne veut pas se défaire), j’étais complètement passée à côté. Je crois que je n’ai jamais fait le lien avec le bouclier de Duncan. Et même en relecture, c’est grâce à vos commentaires que je vois enfin pourquoi Brienne pourrait être issue de la famille de notre chevalier errant.

     

    - De quels diables de dieux parlez-vous, lady Catelyn ? (…) S’il existe vraiment des dieux, pourquoi donc ce monde est-il saturé de douleur et d’iniquité ?
    - Grâce aux êtres de votre espèce.
    - Il n’y a pas d’êtres de mon espèce. Je suis unique.

    #190632
    Sandor is alive
    • Patrouilleur du Dimanche
    • Posts : 210

    Merci Emmalaure (et tous les autres). C’est vrai, l’intrigue générale n’avance pas et c’est pour ça qu’en première lecture j’avais lu ce chapitre très (trop) vite, ratant quelques indices au passage (le défi de Sombreval, dont je n’avais pas entendu parler jusque là, le lien potentiel avec Dunk…). J’ai donc plutôt apprécié cette deuxième lecture. Et puis c’est sympa de découvrir d’autres lieux.

    #190649
    Werther
    • Patrouilleur Expérimenté
    • Posts : 318

    Brienne est un personnage attachant mais sa side-story prend vraiment de la place pour rien au milieu d’autres side-stories toutes aussi dispensable. Quelle plaie 15 ans après.

    Je ne sais que répondre à cette ignoble attaque contre la meilleure nouvelle sur Westeros, qui nous amène (enfin!) au niveau des chevaliers et des petites gens et pas des têtes couronnées et qui se relit très facilement en un bloc, sinon : « -1 lol, t ki? »

    #190738
    Ysilla
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1872

    Merci Emmalaure pour cette brillante analyse.

    Je reprends les mots de Liloo. Sur la forme et le fond tu t’es surpassée, Emmalaure et je crois que j’ai pris plus de plaisir à lire ta prose, tes analyses, tes propositions de parallèles et rapprochements, que ce chapitre de Brienne, que j’ai rapidement survolé pour la relecture.

    Erreur donc ; je vais le relire plus attentivement, tout en ayant un œil sur ta présentation.

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #192405
    Céleste
    • Pas Trouillard
    • Posts : 698

    Merci Emmalaure pour ton analyse !

    Ce que j’aime bien avec Brienne c’est qu’il y a du symbole partout, Martin lui en donne tellement que je me dis qu’elle doit être vraiment importante.

    Son côté androgyne qu’on voit jusque dans les armoiries de sa maison : soleil et lune. Le titre du seigneur de sa maison, l’Étoile du soir, qui évoque à la fois Vénus (dans notre monde) et Illumination (porteur de lumière). D’ailleurs c’est la première étoile du soir qu’attend Daenerys pour allumer le bucher funéraire de Drogo selon le rite dothraki, à la place c’est la comète rouge qui apparait. Brienne porte une épée rouge à présent et change ses armoiries pour quelque chose qui rappelle les anciens dieux. Brienne, Dernier Héro ? ^^

    Pour Vénus c’est plus évident pour tout le monde je pense, elle n’est pas belle à l’extérieur mais elle l’est à l’intérieur, elle joue le rôle de la Jouvencelle dans sa fonction de protéger les femmes, bon si on est honnête elle échoue ^^

    Et dans ce chapitre, on a tout un tas de présages potentiels comme il a été dit plus haut. Je pense que la mort symbolique de Brienne est plus évidente lorsqu’elle se rend auprès de Lady CœurdePierre plutôt qu’ici.

    Mais clairement pour moi il y a quelque chose de très mystique qui se joue autour de Brienne. La dualité de Vénus, une porteuse de lumière, Lucifer et Vesper, l’étoile du matin et l’étoile du soir, Dayne et Torth. Tout ça n’est pas anodin.

     

    Je préfère le souffle du dragon à la bave de crapeau et la langue de vipère.

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