AGOT 03 – Catelyn I

  • Ce sujet contient 59 réponses, 22 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Ser Aemon Belaerys, le il y a 4 années et 2 mois.
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  • #124128
    Eridan
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    Entamons le troisième chapitre. ^^

    AGOT 03 – Catelyn I
    Au fil des pages – liste des sujets

    AGOT 02 – Bran I AGOT 04, Daenerys I

    Le choix du PoV

    Première surprise pour moi : ce chapitre est celui de Catelyn … Pourquoi ? Au vu de ce qui s’y passe, ça aurait parfaitement pu être un chapitre d’Eddard. Le lecteur est déjà familier avec le personnage grâce au chapitre précédent et va être largement confronté à lui dans AGOT : introduire ses PoV aussi tôt aurait été logique, vu la place centrale qu’ils sont amenés à prendre par la suite. Pourtant, ce n’est pas le choix que fait GRRM.

    Il y a à ça plusieurs raisons à mon avis : Eddard est déjà trop présent, trop central dans l’histoire. Comme on l’a vu dans le chapitre de Bran, tout tourne déjà beaucoup trop autour de lui. Chaque fois que GRRM pourra raconter son histoire par le PoV d’un d’autre personnage, il le fera (les conversations familiales sont surtout racontées par Catelyn, l’exécution d’Eddard elle-même est racontée par Arya et un peu Sansa) … Mais il y a des choses qui ne peuvent être racontées que par Eddard, d’où la place écrasante qu’il occupe dans cette première intégrale.

    L’autre point essentiel, c’est qu’après nous avoir introduit à une partie de la famille Stark, GRRM veut mettre en avant un autre personnage de cette famille qui occupera une place primordiale : Catelyn. Et ce qui définit le mieux Catelyn, c’est son angoisse permanente, son malaise constant, chose qu’un PoV d’Eddard pourrait deviner et suggérer, mais ne pourrait pas transmettre aussi bien qu’un PoV de Catelyn elle-même. C’est d’ailleurs tout naturellement que le chapitre s’ouvre sur ce malaise :

    Catelyn n’avait jamais aimé ce bois sacré.

    Se faisant, GRRM nous invite à nous intéresser aux sentiments éprouvés par un personnage souvent négligé dans les fictions romanesques fantastiques (l’épouse transplantée, la mère de famille) et ce dès le second chapitre, dont le ton tranche à nouveau avec le précédent. Là où Bran portait sur le monde un regard frais d’enfant, Catelyn sonne le retour de l’inquiétude dans le récit.

    Le Nord (encore) à part

    Le début du chapitre sert essentiellement d’exposition : on nous rappelle que le Nord est un monde à part, bien différent des traditions du sud et dans le même temps, on plante un décor à la conversation. Décor devenu coutumier pour Catelyn, mais toujours pas familier : si Eddard trouve la paix et la sérénité dans le bois sacré, Catelyn le voit comme oppressant et c’est ainsi qu’il nous apparaît dans un premier temps.

    Ned nous disait dans le précédent chapitre que la tradition des Stark était plus ancienne que celle des sudiers, Catelyn nous apprend qu’ils partagent leurs dieux avec les enfants de la foret. On parlait de ces créatures disparues dans le chapitre précédent et ils reviennent dès ce chapitre-ci, marque assez évidente pour les relecteurs de leur importance future.

    De nombreux éléments religieux sont introduits ou évoqués (la religion des Sept, les septuaire, l’Île-aux-Faces), mais ce qui pourra nous frapper le plus, ce sont bien sûr les barrals. Dans leur description ou dans la manière dont Catelyn en parle, on peut déjà percevoir l’étrangeté qui se dissimule derrière : l’arbre est « humain » (il a des feuilles en forme de mains, son écorce ressemble à un os, sa ramure à du sang, il a un visage et son surnom est l’arbre « cœur » ) et surtout, Catelyn qui est sensible au mysticisme et un peu à la superstition ressent le regard des orbites sanglantes, sent l’arbre observer et écouter.

    La prépondérance du passé

    Ce chapitre sera aussi le premier a accordé une telle place aux évocations du passé. Des premiers repères lointains nous sont donnés sur des événements, des lieux, des gens. Pleins de notions sont introduites, sans être explicitées (les Premiers Hommes, les Andals, les Possessions de Valyria). Le lecteur ignore pour le moment si Catelyn rapporte des légendes ou des faits avérés. Cela a deux effets : déjà, on perçoit en Catelyn une personne éduquée, car elle fait référence à plus de détails sur l’univers étendu que Will et Bran. Mais surtout, c’est l’occasion pour nous de commencer à apprécier la complexité de l’univers étendu, rempli d’anecdotes sur un passé plus ou moins ancien.

    Un couple de bons parents dans une société violente ?

    GRRM profite du chapitre pour approfondir l’image de bon père de famille de Ned : il est soucieux, concerné, attentif. Sa première question sera de savoir où sont les enfants, ce qu’ils font … Et Catelyn de nous dire qu’il pose toujours cette question en toute circonstance. Mais on découvre aussi la dureté : Ned s’impatiente concernant Rickon, n’admettant pas qu’un bambin de trois ans ait peur. Ned prétend que Bran s’est bien comporté en assistant à l’exécution. L’univers de ces gens est parsemé de dangers et de violences, ils le savent, ils vivent avec et veulent y préparer leurs enfants … d’autant que comme dit Ned, « l’hiver vient ».

    Je reviens pas sur l’affection évidente qui unit Ned et Cat dès ce premier chapitre. C’est juste le « couple idéal » , quoi ! ^^

    L’intrigue politique

    Il est intéressant de voir qu’en ce début d’intégrale, les préoccupations politiques d’Eddard sont toutes entières dirigées vers l’Au-delà du Mur : inconscient des réels dangers d’Au-delà du Mur (les Autres dont il nie l’existence, l’armée des morts) et encore ignorant de la situation du sud, Ned évoque la possibilité d’assembler son ost pour combattre Mance Rayder et les sauvageons. Cet élément aussi vite évoqué est oublié et on n’en entendra plus parler avant longtemps.

    Mais d’un seul coup, la nouvelle qu’apporte Catelyn va tout changer : Jon Arryn est mort, et les premières pièces du puzzle vont se mettre en place. Toutefois, pour l’instant, le lecteur ne voit que la tragédie, il ignore qu’il s’agit d’un assassinat et que démêler sa mort sera l’un des enjeux principaux de la première intégrale (et encore des suivantes). On apprend juste en passant que la fulgurance de la mort a rendu le mestre Pycelle impuissant.

    En passant, on découvre (et oubliera aussi vite) que c’est bien Jon Arryn qui est à l’origine de la rébellion contre Aerys le Fol :

    When the Mad King Aerys Targaryen had demanded their heads, the Lord of the Eyrie had raised his moon-and-falcon banners in revolt rather than give up those he had pledged to protect.

    Plaisirs de relecture

    Comme le précédent, ce chapitre introduit tout un tas de personnages, de concepts, de lieux, d’événements, sans expliciter de quoi il s’agit. Les personnages parlent de l’oncle Brynden nommé chevalier de la Porte, de la sœur Lysa et de son fils, du frère Ben au Mur, de Cersei Lannister, ses enfants et ses frères sans s’appesantir particulièrement dessus. Ces personnages, les lieux et thématiques associés sont juste évoqués en toile de fond pour le moment, on n’a pas besoin d’en savoir plus, l’auteur ne s’y attarde pas.

    Toute première allusion au mestre … et dès le départ, on a une clé pour se rendre compte que leur savoir n’est pas infini et qu’ils peuvent se tromper :

    Les Autres sont morts, aussi morts que les enfants de la forêt, morts depuis huit mille ans. Mestre Luwin te dira même qu’ils n’ont jamais existé.

    … mis en opposition aux contes de Vieille Nan (uniquement en vo, absent en vf), qui selon la vision de Ned, ne véhiculerait donc que des balivernes.

    Je relève quelques termes curieusement symétriques entre la description que Catelyn fait du bois sacré de Winterfell et les Autres que dépeignait Will : le terme « faceless » (sans-visage) est employé et il y a un parallèle entre leurs « armures » respectives, qualifiées de « grey-green » (gris-vert).

    J’ai été surpris aussi par la tournure employé par Ned quand il apprend l’arrivée de Robert : « Robert is coming here? » Sa femme vient de lui annoncé que le roi « chevauchait » en direction de Winterfell, mais Ned préfère utiliser cette formule, pourtant si proche de son fameux « Winter is coming » … Lui-même n’en a pas conscience, mais je me demande si ce n’est pas une manière de lier les deux expressions, l’arrivée de Robert étant aussi dangereuse pour les Stark que l’arrivée de l’hiver tant redouté. Ca me semble d’autant plus marqué que juste après, Catelyn pense à la scène de la louve-géante percée d’un andouiller comme à un signe prémonitoire funeste.

    Le chapitre se termine sur des paroles de Ned qui se veulent sans doute humoristiques et qui seront ironiquement, et pour son plus grand malheur, prophétiques :

    « Mais, bons dieux ! comment faire pour nourrir tout ce monde-là ? Et tu dis qu’il est déjà en route ? ah, maudit soit-il, et maudite sa royale peau ! »

    • Ce sujet a été modifié le il y a 4 années et 3 mois par R.Graymarch.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #124130
    R.Graymarch
    • Vervoyant
    • Posts : 9926

    L’auteur maîtrise vraiment bien ses débuts de paragraphe. Là, on est avec une personne inconnue et ça commence par une opinion très forte sur le bois sacré (euh, c’est quoi ??)

    A la relecture, ce chapitre fourmille de tas d’informations qui sont amenées subtilement. Eridan les a recensées (religions, famille Tully et ses alliés… ou ses rivaux). Là maintenant, je trouve ça très fin, mais si on découvre le livre et son univers, je me demande si on n’est pas un peu perdu (je ne me souviens pas de ce que j’en ai pensé y a 15 ans^^). GRRM suit sa méthode avec différents POV mais toujours un fil rouge des personnages Will-Gared-Bran-Ned et ici Catelyn. Le fil rouge est aussi au niveau de l’intrigue bien entendu même si on quitte le Nord pour des problématiques plus royales.

    Catelyn est en effet une personne (mère, épouse etc) inquiète. Mais pas que, cf

    I am always proud of Bran

    Oh sweetie

     

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
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    #124136
    Obsidienne
    • Pisteur de Géants
    • Posts : 1044

    Les Autres sont morts, aussi morts que les enfants de la forêt, morts depuis huit mille ans. Mestre Luwin te dira même qu’ils n’ont jamais existé.

    … mis en opposition aux contes de Vieille Nan (uniquement en vo, absent en vf)

      Alors, peux-tu donner la V.O., s’il te plait ?

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
    " Ouinshinshoin, ouinshinshishoin " ( Donald Duck, 1934)

    #124137
    R.Graymarch
    • Vervoyant
    • Posts : 9926

    His smile was gentle. “You listen to too many of Old Nan’s stories. The Others are as dead as the children of the forest, gone eight thousand years. Maester Luwin will tell you they never lived at all. No living man has ever seen one.”

    “Until this morning, no living man had ever seen a direwolf either,” Catelyn reminded him.

    (si on reste au sud du Mur), Catelyn 1 – Ned 0 😀

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    #124139
    O’Cahan
    • Exterminateur de Sauvageons
    • Posts : 771

    Là maintenant, je trouve ça très fin, mais si on découvre le livre et son univers, je me demande si on n’est pas un peu perdu […]

    Mon père a commencé à lire les livres il y a deux semaines & il n’a pas vu la série (). De ce qu’il m’a dit, il a besoin de revenir en arrière souvent pour bien comprendre de qui ou quoi on parle.

    Merci Eridan pour ton ouverture. Je me rends compte que j’ai pour l’instant peu de chose à dire. Dans ce chapitre, je trouve que la connivence entre Eddard et Catelyn est assez prononcée, chacun sachant presque prévoir les réactions de l’autre. Ce sont des époux relativement attentionnées l’un pour l’autre (Eddard lui a construit un autel pour ses propres divinités, par ex), clairement, leurs enfants les rassemblent. De là à parler de couple idéal, je ne sais pas trop.

     

    please mind the gap between your brain and the platform

    #124146
    Ysilla
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1872

    Merci Eridan pour ta présentation qui va nous donner du grain à moudre.

    Dans ce chapitre, je trouve que la connivence entre Eddard et Catelyn est assez prononcée, chacun sachant presque prévoir les réactions de l’autre. […] De là à parler de couple idéal, je ne sais pas trop

    C’est aussi mon avis, O’ Cahan, mais je dois reconnaître qu’à première lecture, les premiers moments de la rencontre entre les époux m’avaient laissé une impression mitigée, je pense à cause de la traduction de Jean Sola :

    Il se redressa, la dévisagea, dit enfin : « Catelyn », mais sur un ton de politesse froide, avant de reprendre : « Où sont les enfants ? »
    La même question, toujours, partout…

    La traduction me semblait contenir en sous texte, à cause de l’emploi de termes à connotation péjorative en français , de la syntaxe de la dernière phrase, comme des reproches implicites de Catelyn à Eddard, complètement démentis par la suite du dialogue.

    Le texte anglais ne contient pas du tout cet implicite, c’est simple, direct, sans chichi :

    He lifted his head to look at her. “Catelyn,” he said. His voice was distant and formal. “Where are the children?”
    He would always ask her that.

    J’en profite pour revenir sur la traduction de feu Jean Sola, qui hormis ses trouvailles nombreuses pour rendre les noms (ici par exemple, ferrugier, rubec, vigier, barral), écrit à la truelle là où il faudrait jointer comme un compagnon du devoir de la plume :

    à Vivesaigues le bois sacré vous avait des airs riants et ouverts de jardin / ils étaient moins brillamment lotis, les dieux de Winterfell  / embaumaient l’humus détrempé, la décrépitude / un ramas de vigiers, si rébarbatifs dans leur armure vert-de-gris

    J’arrête de me faire du mal …😅 en plus, malgré ses lourdeurs et ses incohérences lexicales (embaumer la décrépitude ! non mais je vous dis ! 🤮🤢 répandre des odeurs [de terre mouillée] et de pourriture, c’est plus simple non ? ), j’ai aimé la description, oui, oui (que j’ai relue plus tard en VO), parce qu’elle contribue à l’immersion en profondeur dans le monde d’ASOIAF. Elle m’a rappelé (a minima quand même) l’immersion induite par les descriptions de la faune et la flore, plus amples celles-là, de la planète Hypérion chez Dan Simmons.

    Il faut dire que si GRRM excelle dans les dialogues, il ne me semble pas briller par des descriptions riches littérairement parlant.

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #124147
    jeyjey29
    • Éplucheur de Patates
    • Posts : 9

    Je note dans ce  chapitre l’annonce de la mort de Jon Arryn et la venue de Robert Baratheon, qui au vu de ses réactions on comprend qu’ils sont les deux personnages, en dehors de sa famille,  pour lesquels Eddard a le plus d’affection et qui ont le plus compté à le construire.

    On découvre Catelyn, dont dans le chapitre précédent on nous avait décrit Robb comme ayant ses traits et couleur de cheveux.

    Je note une petite erreur dans la VF où l’on emploie « Vivesaigues » pour nommer le château des Tully alors que le nom en VO était resté dans le chapitre BRAN-I :

    … les yeux bleus qui distinguaient les Tully de Riverrun.

    La fin du chapitre fait, je trouve, apparaitre un malaise lié aux Lannister et particulièrement à Cersei.

    « La » Lannister, comme tu dis, est notre reine, et l’on prétend que son orgueil s’étoffe d’année en année.

    Ce malaise va s’accentuer au chapitre suivant lors de son arrivée et son attitude froide qui tranchera avec celle de Robert.
    Enfin, je pense que la déclaration de Ned :

    Tant pis, grogna-t-il, si la rançon de sa compagnie est une épidémie de Lannister, payons.

    est la phrase forte de ce chapitre. En effet l’étendue de l' »épidémie » et le prix à payer vont être considérables pour les Stark.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par jeyjey29.
    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par jeyjey29.
    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par R.Graymarch.
    #124164
    Eridan
    • Vervoyant
    • Posts : 6024

    Là maintenant, je trouve ça très fin, mais si on découvre le livre et son univers, je me demande si on n’est pas un peu perdu

    Mon père a commencé à lire les livres il y a deux semaines & il n’a pas vu la série (). De ce qu’il m’a dit, il a besoin de revenir en arrière souvent pour bien comprendre de qui ou quoi on parle.

    C’est là que je me dis que les appendices ou notre encyclopédie sont utiles. ^^ On est lâché dans un univers tellement détaillé et précis dès le départ, qu’avoir une source de référence pour s’y retrouver est important.

    Dans ce chapitre, je trouve que la connivence entre Eddard et Catelyn est assez prononcée, chacun sachant presque prévoir les réactions de l’autre. Ce sont des époux relativement attentionnées l’un pour l’autre (Eddard lui a construit un autel pour ses propres divinités, par ex), clairement, leurs enfants les rassemblent. De là à parler de couple idéal, je ne sais pas trop.

    J’avoue, le qualificatif est donné facilement ^^ disons que c’est un couple idéal considérant la société dans laquelle il se trouve … ou en tout cas, c’est un couple moins nocif que ceux qu’on découvrira plus tard. Leur relation se rapproche de ce que doit être idéalement le mariage dans leur société.

    J’avais prévu un petit paragraphe sur le mariage à l’origine, qui a sauté faute de temps pour l’écrire. 😉 Le chapitre nous donne quelques informations, non-seulement sur le mariage de Cat et Ned, mais aussi plus généralement sur l’institution et ce qu’elle implique. Le mariage est l’une des institutions les plus mises à mal par GRRM au fil des pages : il unit deux personnes de manière totale, absolue. Il est censé détruire l’individualité des époux, pour que ceux-ci ne forment plus qu’un seul être. A tel point que, comme nous le dit le chapitre, un homme qui épouse une femme fait désormais partie de la famille de celle-ci, au même titre qu’elle fait partie de sa famille à lui. On se retrouve Eddard et Jon Arryn qui sont censés être frères, parce qu’ils ont épousé deux sœurs :

    Au surplus, Ned et lui étaient, quinze ans auparavant, devenus frères en épousant le même jour, dans le septuaire de Vivesaigues, les ceux filles de lord Hoster Tully.

    Comme toujours, GRRM nous montre la vision d’apparat que la société a de cette institution, avec éventuellement cet exemple de mariage (Cat-Ned) qui a bien marché. Comme on est dans de la fantasy, on pourrait croire que tous les autres mariages de la saga seront aussi parfaits, avec des époux qui s’épanouissent dans leur relation … C’est tout l’inverse qu’on finit par découvrir : rancœurs, séparations, infidélités, adultères, meurtres. La plupart des principaux mariages de la saga seront complètement foirés (Jaehaerys et Alysanne sont une autre exception notable ^^). Les grandes familles, les nobles, les rois ont trouvé ce moyen pour s’allier ou pour justifier la transmission de leur pouvoir … ce qui a engendré mensonges et douleurs au fil des siècles, avec des mariages arrangés / contraints et des trahisons multiples dans tous les sens.

    Bref, comme toutes les autres institutions (Garde Royale, Garde de Nuit, etc.), il y a ce qu’on dit du mariage … et ce qui est réellement. ^^

    Enfin, je pense que la déclaration de Ned : Tant pis, grogna-t-il, si la rançon de sa compagnie est une épidémie de Lannister, payons. est la phrase forte de ce chapitre. En effet l’étendue de l’ »épidémie » et le prix à payer vont être considérables pour les Stark.

    J’avais relevé cette formulation aussi, mais surtout parce que je trouvais intéressant que dès les premières mentions fait à leur nom, les Lannister soient associé à l’idée de « paiement » ou de « prix à payer » . La formulation en vo amoindrit toutefois cette idée.

    « Well, if the price for Robert’s company is an infestation of Lannisters, so be it. »

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par R.Graymarch.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #124166
    Ysilla
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1872

    Mine de rien, ce chapitre dont le PoV est une sudière nous livre des informations qui enrichissent l’arrière plan légendaire et historique de Westeros et plus particulièrement du Nord  et de Winterfell sans que le lecteur sache encore quoi faire de ces informations : enfant de la forêt, barrals, Brandon le Bâtisseur, les Stark ont été rois, les Premiers Hommes – qui ne sont pas originaires de Nord – l’Ile-aux-faces, les hommes verts, Valyria, la forge magique de certaines armes.

    On retrouve ainsi une deuxième mention des énigmatiques enfants de la forêt déjà évoqués dans le chapitre de Bran:

    the children of the forest had carved the faces in the trees 

    reliés aux non moins mystérieux barrals. L’ensemble du vocabulaire descriptif employé par Catelyn emploie lui confère un aspect très inquiétant :

    the waters were black and cold / white as bone / its leaves dark red, like a thousand bloodstained hands

    Dans mon post sur le chapitre 2, Bran I, j’ai déjà signalé la double utilisation des couleurs blanche et rouge :

    • ce sont les couleurs emblématiques de Freuxsanglant ( en plus, un petit clin d’œil de GRRM : avec l’expression bloodstained hands, on passe sans le savoir à première lecture très près de Bloodraven, ex main de trois rois successifs)
    • De manière plus symbolique, je vois ces couleurs comme une reprise du symbolisme celtique de tout ce qui concerne l’Au-delà.

    J’apprécie aussi l’ambiguïté narrative de l’évocation du barral : la description est prise en charge par Catelyn. Ironiquement, cette sudière, étrangère au fonds religieux et culturel du Nord, ressent ou croit ressentir la surveillance de l’arbre sculpté. Or la description est élaborée de telle manière que le lecteur du chapitre ne peut décider si l’arbre est réellement doté d’une forme de conscience ou si tout se passe dans la tête de Catelyn, parce qu’elle a une détestation naturelle du décor.

    C’est Catelyn, dérangée par la face sculptée,  qui donne vie à l’arbre en le personnifiant (la face sculptée aide beaucoup cela dit 😉) :

    an ancient weirwood brooded over a small pool / bark was white as bone / leaves dark red, like a thousand bloodstained hands / those eyes…had seen Brandon the Builder

    et on demeure dans l’hésitation interprétative propre aux textes fantastiques grâce à l’emploi d’expressions modalisatrices :

    if the tales were true, they had watched the castle’s granite walls rise around them. It was said that the children of the forest had carved the faces.

    the red eyes of the weirwood seemed to follow her as she came.

    On note au passage qu’un même vocabulaire décrit la face du barral et les traits caractéristiques des Stark qu’on retrouvera évoqués dans un autre chapitre (celui d’Arya, me semble-t-il) :

    A face had been carved in the trunk of the great tree, its features long and melancholy

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #124170
    Emmalaure
    • Exterminateur de Sauvageons
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    J’avais relevé cette formulation aussi, mais surtout parce que je trouvais intéressant que dès les premières mentions fait à leur nom, les Lannister soient associé à l’idée de « paiement » ou de « prix à payer » . La formulation en vo amoindrit toutefois cette idée.

    « Well, if the price for Robert’s company is an infestation of Lannisters, so be it. »

    Ce n’est pas sûr que la formulation vo l’amoindrisse : le « so be it », je le traduis en « ainsi soit-il » et si mes souvenirs sont bons, c’est une des traductions de « amen » en anglais. Le « prix à payer » prend alors pour le lecteur une connotation religieuse et sous-entend non seulement que Ned est prêt à beaucoup de sacrifices pour son ami (et son roi) Robert, mais prépare – comme vous l’avez relevé tous les deux – l’association des Lannister avec les paiements exorbitants et forcés.

    #124171
    Raff-Tout-Miel
    • Patrouilleur Expérimenté
    • Posts : 439

    Merci Eridan pour ta présentation qui va nous donner du grain à moudre.

    Dans ce chapitre, je trouve que la connivence entre Eddard et Catelyn est assez prononcée, chacun sachant presque prévoir les réactions de l’autre. […] De là à parler de couple idéal, je ne sais pas trop

    C’est aussi mon avis, O’ Cahan, mais je dois reconnaître qu’à première lecture, les premiers moments de la rencontre entre les époux m’avaient laissé une impression mitigée, je pense à cause de la traduction de Jean Sola :

    Il se redressa, la dévisagea, dit enfin : « Catelyn », mais sur un ton de politesse froide, avant de reprendre : « Où sont les enfants ? » La même question, toujours, partout…

    La traduction me semblait contenir en sous texte, à cause de l’emploi de termes à connotation péjorative en français , de la syntaxe de la dernière phrase, comme des reproches implicites de Catelyn à Eddard, complètement démentis par la suite du dialogue. Le texte anglais ne contient pas du tout cet implicite, c’est simple, direct, sans chichi :

    He lifted his head to look at her. “Catelyn,” he said. His voice was distant and formal. “Where are the children?” He would always ask her that.

    J’en profite pour revenir sur la traduction de feu Jean Sola, qui hormis ses trouvailles nombreuses pour rendre les noms (ici par exemple, ferrugier, rubec, vigier, barral), écrit à la truelle là où il faudrait jointer comme un compagnon du devoir de la plume :

    à Vivesaigues le bois sacré vous avait des airs riants et ouverts de jardin / ils étaient moins brillamment lotis, les dieux de Winterfell / embaumaient l’humus détrempé, la décrépitude / un ramas de vigiers, si rébarbatifs dans leur armure vert-de-gris

    J’arrête de me faire du mal …😅 en plus, malgré ses lourdeurs et ses incohérences lexicales (embaumer la décrépitude ! non mais je vous dis ! 🤮🤢 répandre des odeurs [de terre mouillée] et de pourriture, c’est plus simple non ? ), j’ai aimé la description, oui, oui (que j’ai relue plus tard en VO), parce qu’elle contribue à l’immersion en profondeur dans le monde d’ASOIAF. Elle m’a rappelé (a minima quand même) l’immersion induite par les descriptions de la faune et la flore, plus amples celles-là, de la planète Hypérion chez Dan Simmons. Il faut dire que si GRRM excelle dans les dialogues, il ne me semble pas briller par des descriptions riches littérairement parlant.

    Autant loup-garou, c’est une vraie boulette, autant là, je ne suis pas du tout d’accord. J’aime plutôt bien ce côté littéraire qui colle parfaitement à une époque ou des époux par exemple, ne se tutoient pas, mais se vouvoient.

    Etre bien lotis, c’est une expression qui s’utilise encore de nos jours, je ne vois pas le problème, et embaumer la décrépitude est joliment trouvé pour une noble dont l’éducation est sans faille, qui a la Foi des Sept. Dans le contexte, une femme noble n’est pas censée jurer comme un charretier, surtout une Catelyn, aussi cela passe mieux dans ses reflexions que « ça pue la merde » qui m’aurait choqué.

    Quant au « His voice was distant and formal. » d’Eddard, et bien ça montre ce que ça montre, Eddard n’est pas spécialement chaleureux avec Catelyn et pas passionnellement amoureux non plus, limite si ça l’ennuie. Il s’est marié par devoir, pas par amour, et le fait bien sentir. Et comme il n’a pas trop d’inspiration pour la brancher, il se tourne vers les enfants; conclusion, Catelyn s’éxaspère, car elle trouve qu’il exagère, la même question, toujours, partout. Ben oui.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par Raff-Tout-Miel.

    "A toi de choisir mon gars. Ou t'affrontes les fantômes, ou t'en deviens un."

    #124183
    Samyriana
    • Pas Trouillard
    • Posts : 607

    Ce chapitre est très intéressant à plusieurs titres, comme cela a été dit. J’ai vraiment le sentiment que c’est un chapitre qui prend tout son sens à la relecture.

    L’atmosphère, sombre, oppressante, la manière dont le bois sacré et le barral sont décrits m’ont un petit peu évoqué la caverne de Freuxsanglant. On ressent très bien les sentiments de Catelyn, son inquiétude, qui est renforcée par le décor.

    Le monde de Westeros est esquissé à petites touches, avec ses intrigues politiques et ses mystères: références à la rébellion « de Robert » (même si on devrait du coup parler de la rébellion de Jon Arryn…), ses hommes verts et ses enfants de la forêt

    Ce que je trouve le plus intéressant est la manière dont les Lannister sont immédiatement identifiés comme les antagonistes, alors même que le POV est Catelyn. Et, puisqu’on commence déjà à s’attacher aux Stark, la description d’une reine bouffie d’orgueil ne nous prédispose évidemment pas à avoir un point de vue neutre sur Cersei.

    Par ailleurs, le vocabulaire employé montre également à mon sens la misogynie de cet univers: la référence aux « mamelles de Cersei », l’expression « la Lannister ». Je ne lis pas en VO, donc je ne sais pas dans quelle mesure la traduction est fidèle au texte original.

     

    "Des chefs de guerre, y en a de toutes sortes. Mais une fois de temps en temps, il en sort un, exceptionnel. Un héros. Une légende. Des chefs comme ça, y en a presque jamais. Et tu sais ce que c'est, leur pouvoir secret? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles."

    #124184
    un_Autre_monde
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    Dans le sud, où l’on avait abattu ou brûlé les derniers barrals quelque mille ans plus tôt, seuls subsistaient ceux de l’Île-aux-Faces.

    Niveau culture générale sur les barrals, Catelyn n’est pas au point… Il reste des barrals à bien d’autres endroits. De mémoire et avec l’aide du Slack : Hautjardin, Castral Roc, Accalmie, Harrenhal, Les Murmures… j’en oublie sûrement. Il y en a un qui n’a pas été brûlé non plus à Corneilla.

    #124185
    R.Graymarch
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    Y a un arbre-coeur à Vivesaigues aussi… Je suppose que c’est moins Catelyn que l’auteur qui est en cause pour le coup…

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
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    #124186
    Eridan
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    Par ailleurs, le vocabulaire employé montre également à mon sens la misogynie de cet univers: la référence aux « mamelles de Cersei », l’expression « la Lannister ». Je ne lis pas en VO, donc je ne sais pas dans quelle mesure la traduction est fidèle au texte original.

    Je ne saurais être affirmatif sur la vo. Je comprends ce que ça dit, mais de là à savoir si c’est un langage familier ou courant … J’ai l’impression que Sola a renforcé le côté péjoratif, mais il prééxistait

    “It will be good to see the children. The youngest was still sucking at the Lannister woman’s teat the last time I saw him. He must be, what, five by now?”
    “Prince Tornmen is seven,” she told him. “The same age as Bran. Please, Ned, guard your tongue. The Lannister woman is our queen, and her pride is said to grow with every passing year.”

    Niveau culture générale sur les barrals, Catelyn n’est pas au point… Il reste des barrals à bien d’autres endroits. De mémoire et avec l’aide du Slack : Hautjardin, Castral Roc, Accalmie, Harrenhal, Les Murmures… j’en oublie sûrement. Il y en a un qui n’a pas été brûlé non plus à Corneilla.

    Y a un arbre-coeur à Vivesaigues aussi… Je suppose que c’est moins Catelyn que l’auteur qui est en cause pour le coup…

    Il y a effectivement une incohérence due à l’auteur qui existe aussi en vo. ^^ Après, il faut quand même différencier barral et arbre-cœur, ce que nous ne faisons pas forcément nous-même de base. Le barral est un type d’arbre particulier (le blanc à feuille rouge), l’arbre-cœur est l’arbre principal d’un bois sacré. Tous les barrals ne sont pas des arbres-cœurs et tous les arbres-cœurs ne sont pas des barrals : exemple, à Port-Réal, Ned nous apprend que l’arbre-cœur est un vulgaire chêne brun sans face sculptée et non un barral. Le barral de Corneilla a été empoisonné et est mort et il faudrait revérifier si dans les autres forteresse, l’arbre cœur est bien un barral (Harrenhal, oui. C’est confirmé dans F&B ; Vivesaigues aussi, confirmé à la fin d’AGOT).

    Quant au « His voice was distant and formal. » d’Eddard, et bien ça montre ce que ça montre, Eddard n’est pas spécialement chaleureux avec Catelyn et pas passionnellement amoureux non plus, limite si ça l’ennuie. Il s’est marié par devoir, pas par amour, et le fait bien sentir. Et comme il n’a pas trop d’inspiration pour la brancher, il se tourne vers les enfants; conclusion, Catelyn s’éxaspère, car elle trouve qu’il exagère, la même question, toujours, partout. Ben oui.

    Il n’est pas question d’exaspération, juste une habitude au sein du couple. Il n’est pas plus question d’une froideur particulière de la part de Ned, c’est juste son côté solennel habituel (encore que je trouve moi-aussi que la vf surenchérit sur la vo). Si Ned ne bondit pas de joie en la voyant, ce n’est pas parce qu’il remâcherait encore et toujours d’avoir dû se marier pour des raisons politiques, c’est juste parce que ce n’est pas dans sa nature.
    L’affection que Cat éprouve pour Ned n’est clairement pas à sens unique. Dès ce chapitre, on peut voir qu’il y a entre eux de la réciprocité et de la complicité : des sourires, des plaisanteries bon enfant, beaucoup d’empathie de part et d’autre, de l’écoute, de l’estime.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #124188
    un_Autre_monde
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    But she knew she would find her husband here tonight. Whenever he took a man’s life,
    afterward he would seek the quiet of the godswood. […] Catelyn found her husband beneath the weirwood, seated on a moss-covered stone. The greatsword Ice was across his lap, and he was cleaning the blade in those waters black as night.

    Mais Catelyn était sûre, ce soir, d’y trouver son mari. Chaque exécution capitale ramenait invariablement dans le bois sacré son âme altérée de paix. […] Elle trouva Ned assis là, comme prévu, sur une pierre moussue, Glace en travers de ses genoux. Et il en nettoyait la lame avec cette eau plus noire que la nuit.

    Si je comprends bien, consciemment ou non chaque fois que Ned exécute quelqu’un il va donner le sang de ce dernier à boire au barral de Winterfell.

    #124192
    Ysilla
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    embaumer la décrépitude est joliment trouvé p

    Non, non , l’expression est très mal venue : embaumer fait référence au domaine olfactif tandis que la décrépitude est un terme abstrait qui évoque une dégradation extérieure, physique, donc le mot fait référence au sens de la vue…alors non, on ne peut pas dire que quelque chose « embaume la décrépitude »; c’est vraiment une incohérence lexicale à tomber de sa chaise. Et en plus le texte en vo ne dit pas ça du tout :

    It smelled of moist earth and decay

    C’est à dire tout bêtement que ça sentait la terre humide et le moisi (on peut aller jusqu’à pourriture).

    D’ailleurs embaumer  s’emploie pour désigner une odeur agréable, suave mais pregnante (moist earth et surtout decay, ce sont des odeurs pregnantes mais pas agréables). Certes, on peut trouver embaumer employé sans complément par antinomie pour dire puer mais on est là dans un registre très familier avec des phrases du style : « ces chiottes embaument! « .

    Ce n’est pas du tout le registre employé par Catelyn en vo , ni le registre employé par Jean Sola.

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #124195
    Obsidienne
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     » His voice was distant and formal »

    Je rapprocherai cette attitude de l’idée de

    But she knew she would find her husband here tonight. Whenever he took a man’s life, afterward he would seek the quiet of the godswood. […] Catelyn found her husband beneath the weirwood, seated on a moss-covered stone. The greatsword Ice was across his lap, and he was cleaning the blade in those waters black as night.

    Mais Catelyn était sûre, ce soir, d’y trouver son mari. Chaque exécution capitale ramenait invariablement dans le bois sacré son âme altérée de paix. […] Elle trouva Ned assis là, comme prévu, sur une pierre moussue, Glace en travers de ses genoux. Et il en nettoyait la lame avec cette eau plus noire que la nuit.

    Si je comprends bien, consciemment ou non chaque fois que Ned exécute quelqu’un il va donner le sang de ce dernier à boire au barral de Winterfell.

    En effet, par la suite, on voit que le couple est, sinon idéal, du moins très soudé (Catelyn désirerait donner un autre fils à Ned…).
    Là, je pense que Ned est mécontent d’être dérangé alors qu’il désire être seul après l’exécution . S’il y procède lui-même, c’est clairement par devoir et ce moment de solitude lui est nécessaire pour « se remettre » .

    Y a-t-il une sorte de rituel du sang ? Difficile à dire. Peut-être Ned estime-t-il simplement que cette eau est la plus « propre » à laver cette lame du sang d’un criminel ? Peut-être ne veut-il pas souiller d’autres eaux ?

    The youngest was still sucking at the Lannister woman’s teat

    « teat » = trayon…si c’est pas péjoratif, ça, mon bon Monsieur…mes bons frères…

     

     

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
    " Ouinshinshoin, ouinshinshishoin " ( Donald Duck, 1934)

    #124197
    Eridan
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    Si je comprends bien, consciemment ou non chaque fois que Ned exécute quelqu’un il va donner le sang de ce dernier à boire au barral de Winterfell.

    Interprétation intéressante. Ysilla a mis en avant le lien entre les couleurs rouge et blanche et la mort (et on remarquera que le lexique employé renforce cette idée : les comparaisons avec le sang, les os). On découvrira plus tard que les barrals sont effectivement liés à la magie et que s’y pratiquaient des sacrifices sans doute en lien avec cette magie. Ned est peut-être bien en train de nourrir la magie de l’arbre, consciemment ou non.

    Y a-t-il une sorte de rituel du sang ? Difficile à dire. Peut-être Ned estime-t-il simplement que cette eau est la plus « propre » à laver cette lame du sang d’un criminel ? Peut-être ne veut-il pas souiller d’autres eaux ?

    Peut-être reproduit-il inconsciemment un rituel sans s’en rendre compte, juste en appliquant une vieille tradition ou une vieille habitude ?

    « teat » = trayon…si c’est pas péjoratif, ça, mon bon Monsieur…mes bons frères…

    Ca dépend du dictionnaire ou logiciel de traduction que tu utilises. 😉 l’anglais ne fait pas la différence entre trayon et mamelon comme en français. Ils ont un seul mot générique, qui peut aussi désigner les tétines des biberons. Du coup, à part dire que Tommen était encore au sein, l’expression ne me semble pas plus familière que ça.

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    #124198
    Obsidienne
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    « teat » = trayon…si c’est pas péjoratif, ça, mon bon Monsieur…mes bons frères…

    Ca dépend du dictionnaire ou logiciel de traduction que tu utilises. 😉 l’anglais ne fait pas la différence entre trayon et mamelon comme en français. Ils ont un seul mot générique, qui peut aussi désigner les tétines des biberons. Du coup, à part dire que Tommen était encore au sein, l’expression ne me semble pas plus familière que ça.

    Au temps pour moi…

     »  Lannister woman »  reste peu sympathique, pour le moins…

    Outre la personnalité hautaine de Cersey, peut-être Eddard fait-il (inconsciemment ? ) le parallèle avec Lyanna qui aurait dû occuper sa place…

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    #124199
    Eridan
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    Outre la personnalité hautaine de Cersey, peut-être Eddard fait-il (inconsciemment ? ) le parallèle avec Lyanna qui aurait dû occuper sa place…

    Dans ce chapitre, Catelyn nous apprend qu’Eddard en veut aux Lannister en général pour avoir pris part à la rébellion de Robert aussi tardivement. On découvrira peu après qu’Eddard a surtout été horrifié par l’attitude de certains Lannister : Tywin qui fait tuer des enfants et les offre à Robert et Jaime qui en plus d’assassiner son roi (parjure) s’assoit ensuite sur le Trône de Fer (indignité). Eddard ne va pas chercher beaucoup plus loin : les Lannister sont tous odieux et les rares fois où il a rencontré Cersei (mariage, rébellion Greyjoy) n’ont pas dû l’aider à démentir. Il ne faut pas oublier qu’on est dans une société qui fonctionne énormément grâce à la famille, et les personnages ne tardent pas à faire des amalgames entre ce qu’ils reprochent aux individus et ce qu’ils reprochent à leur famille.

    Je ne crois pas que Ned soit particulièrement envieux de la situation de Cersei : Lyanna lui a dit (et il l’a bien compris par la suite) que la vie aux côtés de Robert n’était pas ce qu’elle souhaitait. Il a beau aimer Robert, il est trop conscient de ses défauts pour souhaiter que Lyanna devienne son épouse, je pense. Qui plus est, lorsque se posera le problème de construire l’avenir et d’offrir à ses enfants des places de choix auprès de la famille royale, Ned va hésiter plutôt que saisir l’occasion (là où les Lannister ne se privent pas de placer tous leurs copains auprès du roi).

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    #124200
    FeyGirl
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    Mais Catelyn était sûre, ce soir, d’y trouver son mari. Chaque exécution capitale ramenait invariablement dans le bois sacré son âme altérée de paix. […] Elle trouva Ned assis là, comme prévu, sur une pierre moussue, Glace en travers de ses genoux. Et il en nettoyait la lame avec cette eau plus noire que la nuit.

    Si je comprends bien, consciemment ou non chaque fois que Ned exécute quelqu’un il va donner le sang de ce dernier à boire au barral de Winterfell.

    S’il fallait y voir un sens religieux, j’y verrais plutôt un rite de purification (nettoyer la lame, cleaning the blade en VO) qu’un rite consistant à alimenter la magie.

    #124201
    Samyriana
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    Mais Catelyn était sûre, ce soir, d’y trouver son mari. Chaque exécution capitale ramenait invariablement dans le bois sacré son âme altérée de paix. […] Elle trouva Ned assis là, comme prévu, sur une pierre moussue, Glace en travers de ses genoux. Et il en nettoyait la lame avec cette eau plus noire que la nuit.

    Si je comprends bien, consciemment ou non chaque fois que Ned exécute quelqu’un il va donner le sang de ce dernier à boire au barral de Winterfell.

    S’il fallait y voir un sens religieux, j’y verrais plutôt un rite de purification (nettoyer la lame, cleaning the blade en VO) qu’un rite consistant à alimenter la magie.

    Peut-être que les deux vont de pair. Pour Ned, il pourrait s’agir d’un rite de purification, mais il pourrait également reproduire une sorte de cérémonie sacrificielle altérée. Je trouve l’interprétation proposée par @Un_Autre_monde très intéressante, une sorte de miroir par rapport aux visions que Bran a plus tard…

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    #124203
    Ysilla
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    Peut-être que les deux vont de pair.

    C’est aussi mon avis et cela n’exclut pas une interprétation très prosaïque :

    Ned nettoie la précieuse lame de Glace et ressent le besoin de se reprendre, d’être seul avec lui-même, après l’exécution de Gared, comme si le face à  face avec la mort qu’est l’exécution le retranchait en même  temps que l’exécuté du monde des vivants. Quel meilleur  endroit pour ce « retour » que le barral, si chargé symboliquement. D’où sa voix « distant ».

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    #124208
    Pandémie
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    S’il fallait y voir un sens religieux, j’y verrais plutôt un rite de purification (nettoyer la lame, cleaning the blade en VO) qu’un rite consistant à alimenter la magie.

    Le sang qui coule dans l’eau puis au barral est plus un des ces nombreux gestes et rites ayant perdu leur signification qu’un rite délibéré de magie. Il est aussi possible que l’importance accordée dans le Nord à l’exécution par le lord lui-même soit lié à cela: en entrant dans le barral, le sacrifié apporte avec lui le souvenir de celui qui offre le sacrifice.
    Plus rigolo encore, on pourrait avoir un double oubli: Ned a oublié que ses ancêtres exécutaient des captifs devant des barrals (Bran en a la vision dans ADWD), et ces mêmes ancêtres avaient oublié que leurs ancêtres encore plus anciens de l’âge de l’Aube entraient pour de bon dans le barral avec du « sang » (comme le fait Bran avec la pate de barral dans ADWD toujours, Jojen en bonus). Ou ce n’est rien de tout ça.

    Ce chapitre, je me souviens que j’avais eu du mal avec tous les bons introduits. Mais quand on lit beaucoup d’univers de fiction, on sait en général que ça va être complété plus loin et qu’il n’y a pas besoin de tout retenir. J’avais eu de la peine avec Jon Arryn qui est en fait le père et le frère de Ned. Ca ne manque pas d’ailleurs d’être éclairci plus tard. Du coup, peu de mystère dans ce chapitre.

    Je remarque à la relecture que Catelyn, même si très aimante et pétrie de qualités humaines, a en elle une part de la naïveté que l’on reproche à Sansa et qu’elle lui a sans doute transmise. Ses premières pensées sur le Nord froid, rude et glauque au contraire d’un Conflans riant de soleil et de couleur où les dieux pètent des arcs-en-ciel n’est pas très raccord avec le Conflans pluvieux, déchiré par les guéguerres ni les magouilles des religieux corrompus ou radicaux. Elle a visiblement emporté dans son exil les souvenirs un peu déformés de sa jeunesse sans prendre de recul.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 3 mois par R.Graymarch.
    #124209
    Obsidienne
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    Peut-être que les deux vont de pair.

    C’est aussi mon avis et cela n’exclut pas une interprétation très prosaïque : Ned nettoie la précieuse lame de Glace et ressent le besoin de se reprendre, d’être seul avec lui-même, après l’exécution de Gared, comme si le face à face avec la mort qu’est l’exécution le retranchait en même temps que l’exécuté du monde des vivants. Quel meilleur endroit pour ce « retour » que le barral, si chargé symboliquement. D’où sa voix « distant ».

    Absolument ! Il est d’ordinaire moins « distant » avec Catelyn.

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    #124212
    Emmalaure
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    But she knew she would find her husband here tonight. Whenever he took a man’s life,
    afterward he would seek the quiet of the godswood. […] Catelyn found her husband beneath the weirwood, seated on a moss-covered stone. The greatsword Ice was across his lap, and he was cleaning the blade in those waters black as night.

    Mais Catelyn était sûre, ce soir, d’y trouver son mari. Chaque exécution capitale ramenait invariablement dans le bois sacré son âme altérée de paix. […] Elle trouva Ned assis là, comme prévu, sur une pierre moussue, Glace en travers de ses genoux. Et il en nettoyait la lame avec cette eau plus noire que la nuit.

    Si je comprends bien, consciemment ou non chaque fois que Ned exécute quelqu’un il va donner le sang de ce dernier à boire au barral de Winterfell.

    On peut ajouter à cela plusieurs éléments, certains qu’on apprendra très vite, et un dernier qui devra attendre ADWD :

    1. L’étang au pied du barral a les eaux noires et froides : « black and cold ». C’est d’ailleurs le seul étang du bois sacré de Winterfell à avoir les eaux froides, ce qui est pour le moins curieux dans un lieu réputé pour ses eaux chaudes (dont une partie irriguent en outre les murs de Winterfell par un ingénieux système de canalisations).
    2. Au pied de ce barral a eu lieu le tout premier sacrifice humain.

    La seconde fois que les deux termes sont accolés (=qu’on les trouve ensemble pour qualifier un même mot) c’est lors de l’exploration d’Arya dans les sous-sols du Donjon rouge : elle arrive à un puits avec des escaliers, elle sent un souffle « noir et froid » sur son visage et de ce puits vont sortir Varys et Illyrio, dont elle perçoit d’abord seulement les voix, et les premiers mots distincts sont « … found one bastard ».

    Je n’épilogue pas sur « le sang noir de bâtard ». Notons au passage que les cryptes de Winterfell sont également noires (black) et froides (cold).

    Si ce premier PoV de Catelyn est baigné d’inquiétude et de pressentiments, comme le seront tous ses autres PoV par la suite (merci Eridan de l’avoir rappelé !), et que le lecteur a tendance à vouloir prendre quelque distance avec son pessimisme latent, il me semble que ce personnage reprend le rôle de Cassandre. Dans la mythologie gréco-latine, Cassandre prédisait les malheurs à venir et personne ne la croyait ni ne l’écoutait. Pourtant, je pense qu’elle touche juste concernant le bois sacré de Winterfell et son arbre-coeur en particulier, même si elle n’a rien de concret à exprimer contre eux en dehors du fait qu’ils ne représentent pas ses dieux ni sa spiritualité. Le premier réflexe du lecteur est d’ailleurs d’attribuer son malaise au fait qu’elle est une déracinée qui est restée étrangère au monde nordien, malgré un mariage avec Eddard qui a plutôt bien tourné.

    Je me permets de donner le lien vers un blog qui m’a pas mal inspirée dans mes premières relectures de la saga, et en particulier vers un de ses articles qui traite justement de ce premier PoV de Catelyn. Il y a de fines et stimulantes observations, et quelques autres discutables, mais ça fait partie du jeu des analyses ^^ : https://sweeticeandfiresunray.com/2016/04/10/lady-of-the-golden-sword-of-winterfell/

    #124214
    Ysilla
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    Il est aussi possible que l’importance accordée dans le Nord à l’exécution par le lord lui-même soit lié à cela: en entrant dans le barral, le sacrifié apporte avec lui le souvenir de celui qui offre le sacrifice.

    Je souscris absolument  à  cette lecture  du texte.

    Au pied de ce barral a eu lieu le tout premier sacrifice humain.

    Très  juste, j’avais  oublié ce « petit » détail !

    Je me permets de donner le lien vers un blog qui m’a pas mal inspirée dans mes premières relectures de la saga, et en particulier vers un de ses articles : https://sweeticeandfiresunray.com/2016/04/10/lady-of-the-golden-sword-of-winterfell

    Merci pour lien. Je ne connaissais pas ce blog-là.

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    #124215
    Obsidienne
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    La seconde fois que les deux termes sont accolés (=qu’on les trouve ensemble pour qualifier un même mot) c’est lors de l’exploration d’Arya dans les sous-sols du Donjon rouge : elle arrive à un puits avec des escaliers, elle sent un souffle « noir et froid » sur son visage et de ce puits vont sortir Varys et Illyrio, dont elle perçoit d’abord seulement les voix, et les premiers mots distincts sont « … found one bastard ». Je n’épilogue pas sur « le sang noir de bâtard ».

    J’ai du mal à te suivre : je vois bien la similitude que tu soulignes mais quel rapport entre les deux faits/lieux ?

    1. L’étang au pied du barral a les eaux noires et froides : « black and cold ». C’est d’ailleurs le seul étang du bois sacré de Winterfell à avoir les eaux froides, ce qui est pour le moins curieux dans un lieu réputé pour ses eaux chaudes (dont une partie irriguent en outre les murs de Winterfell par un ingénieux système de canalisations).

           Moi aussi, ça m’intrigue depuis la première lecture et nous ne sommes pas les seules ! « Hors sujet . »C’est aussi le cas de Osha qui y plonge sans en trouver le fond : que cherche-telle ? De quoi a-t-elle entendu parler ? Que veut-elle vérifier ? Fin du « Hors sujet. »

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    #124216
    Eridan
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    « Hors sujet . »C’est aussi le cas de Osha qui y plonge sans en trouver le fond : que cherche-telle ? De quoi a-t-elle entendu parler ? Que veut-elle vérifier ? Fin du « Hors sujet. »

    Ces questions sont intéressantes. Il serait hors-sujet d’y répondre ici, mais ce serait dommage aussi de se priver d’y réfléchir. Comme l’a rappelé Pandémie sur le sujet précédent, si ces questions vous intéressent ou si vous voulez y réfléchir, n’hésitez pas à créer un nouveau sujet ou à réactiver un ancien sujet pour développer vos réflexions. 😉

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