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Sujet: ACOK 61- Sansa VI
ACOK 61 – Sansa VI
Au fil des pages – liste des sujets◄ ACOK 60, Tyrion XIII ACOK 62, Tyrion XIV ► Coucou à tous les frères et sœurs de la Garde !
Me revoilà, après une longue absence contrainte par les préoccupations de la vie hors le Mur, pour vous présenter le deuxième chapitre de Sansa, qui tient à peu près le milieu dans l’ensemble des six chapitres consacrés à la Bataille de la Néra. Comme je n’ai même pas eu le temps de me connecter pour lire les commentaires sur les chapitres précédents, pardonnez les redites que je vais sans doute commettre.
Je suis intervenue rarement ces mois derniers mais attention, aujourd’hui je me rattrape par un gros pavé ! Courage aux lecteurs et lectrices.😋
ACOK n’appartient pas aux tomes que j’ai lus et relus comme AGOT ou ASOS, si bien qu’avant cette relecture, je n’avais conservé qu’un souvenir assez vague de la bataille de la Néra, souvenir, qui plus est, quelque peu brouillé par des réminiscences de la bataille de la série.
C’est dire si j’ai pris un plaisir tout neuf à (re)lire les six chapitres de la Néra, tous écrits du point de vue de personnages en butte aux difficultés voire à l’hostilité de leurs entourages pour lesquels ils ne sont qu’une oie blanche bêtasse, un nain incompétent et un roturier sans autre mérite que ses oignons.
Le personnage de Sansa est celui qui prend en charge trois chapitres sur les six, qui occupent chacun dans la narration une place privilégiée : début, milieu et fin, l’un ne pouvant se lire sans les deux autres, alternant un point de vue de l’intérieur, voué au huis-clos, à une connaissance indirecte et lacunaire des événements avec les points de vue de l’extérieur, ceux de Davos et de Tyrion, voués, eux, à une perception fragmentée de l’immédiateté des événements.Sansa se trouve cloîtrée avec Cersei, à attendre avec angoisse, les rares nouvelles de la bataille, tout en écoutant les conseils et les leçons de la reine, avec dans son dos, la présence sinistre et menaçante du bourreau, ser Ilyn Payne. Tel père, telle fille ?
Représentation et mise en scène
Le cadre comme dans le chapitre précédent de Sansa est le bal de la reine : nous assistons à un huis-clos étouffant qui contraste avec les scènes d’extérieur des chapitres de Davos et de Tyrion. Mais la peur et la mort y rôdent tout autant.
L’ensemble évoque une scène de théâtre par le décor et par les entrées et les sorties des personnages :
On sait par le chapitre 58 que de lourds rideaux empêchent le jour d’entrer, dissociant l’espace intérieur de la salle du monde extérieur tout comme dans une salle de théâtre. La salle, de plus, possède une scène où évoluent les personnages principaux : l’estrade où trône Cersei vers lequel converge le regard des convives.Le métal martelé des appliques réverbérait avec tant d’éclat la flamme des torches que le Bal de la Reine baignait dans des flots de lumière argentée.
Le bal est brillamment éclairé comme l’étaient les salles de théâtre, scène et spectateurs compris jusqu’au 19ème siècle. En outre, le chapitre est construit comme une scène ou un acte de théâtre, rythmé par les entrées et sorties de divers personnages : les frères Potaunoir, l’épouse d’un chevalier.
Et comme dans le théâtre de Shakespeare, le chapitre offre tout à la fois des moments dramatiques (peur des convives, effroi de Sansa, confrontée à la présence de ser Ilynn et à la menace de mort de Cersei) et des moments de comique saugrenu avec la description des frères Potaunoir, la toux de lord Gyles, les vomissements de Lollys, les pitreries de Lunarion et de ser Dontos.
Comme dans le théâtre tragique, l’essentiel de l’action se déroule hors-scène : les personnages n’ont connaissance des événements que par bribes et résumés grotesques -en français- des frères Potaunoir.À ce sujet, je me pose une petite question : les frères s’expriment dans la traduction française dans un langage relâché, censé illustrer leur côté bas de plafond. Mais il me semble que le texte original porte des marques de langage familier plus rares : « Your brother’s raising » pour « Your brother is raising » ou bien « Y’Grace » pour « Your Grace » ; « everyone praying » au lieu de « everyone is praying ».
Jean Sola n’a-t-il pas outré exagérément la vulgarité langagière des Potaunoir ? Ou bien ai-je laissé passer d’autres formes familières dans le texte en V.O. ?Pour finir, comme dans une scène de théâtre, le chapitre a son personnage principal : Cersei et je dirais sa « suivante » en la personne de Sansa, l’interlocutrice qui lui permet d’exprimer le fond de sa pensée. Cersei a aussi son morceau de bravoure : tout ce qu’elle révèle de sa vision du rôle des femmes dans les Sept-Couronnes et de ce que l’on apprend de ses aspirations et de ses frustrations.
GRRM a choisi le cadre de la scène théâtrale pour souligner la dramaturgie du moment mais n’oublions pas que ce cadre a été aussi choisi diégétiquement par le personnage de Cersei qui se donne en représentation. Que veut-elle donner à voir à Sansa ? que donne-t-elle à voir en réalité ?
Poétique shakespearienne du banquet chez GRRM
Ce chapitre 61 prend donc la suite du chapitre précédent de Sansa (ACOK 58, Sansa V) : nous y retrouvons le potage que Cersei enjoignait à Sansa de manger.
Pourquoi ne pas manger tout bonnement votre potage comme une bonne petite fille en attendant que Symeon Prunelles d’Etoiles et le prince Aemon Chevalier-Dragon accourent à votre rescousse, ma mignonne ? /
Elle achevait son potage, la première fois qu’empruntant la porte de derrière il [Osney] se présenta.Remarquons ici le rapprochement textuel cocasse entre les prestigieux Symeon Prunelles d’Étoiles et Aemon Chevalier-Dragon et le médiocre Osney Potaunoir. Quel chevalier viendra cette fois-ci à la rescousse de Sansa ? À la fin du chapitre, Cersei propose cruellement ser Ilyn. Sansa aura une autre réponse dans son chapitre suivant, accompagnée qu’elle est dans ses trois chapitres de la Néra de figures masculines qui viennent en contrepoints ironiques de son idéalisation de la chevalerie : Joffrey, Tyrion, les chevaliers de la Garde Royale, le bourreau, ser Ilyn, les frères Potaunoir, lord Gyles Rosby, le bouffon Lunarion et le fou du roi, ser Dontos, sans oublier Sandor Clegane dans le chapitre suivant.
Ce chapitre de Sansa se déroule donc au cours d’un banquet. Or, chez GRRM, le repas a une dimension shakespearienne : il est souvent le moment où s’éprouvent le pouvoir et la mort. Il sert ainsi de cadre à deux questions :
Qui détient le pouvoir ? ou bien qui gagne ou qui perd, voire meurt ?
Dans ce chapitre, le déroulement du repas sous-tend le rythme de la narration :Au potage succéda une salade de pommes, noix et raisins secs.
Après la salade, tourtes au crabe.
Puis rôti de mouton, carottes et poireaux servis sur tranchoirs de miche évidée.
Le dernier plat était du fromage de chèvre aux pommes braisées. La salle entière embaumait la cannelle.On a même droit à un petit digestif :
un flacon de vin de prune liquoreux.
Repas indécent dont la prodigalité est un affront au menu peuple de Port-Réal, c’est aussi pour Cersei, une ultime représentation de son pouvoir au cours de cette soirée qui s’annonce, au fur et à mesure que le temps avance, comme le crépuscule de la maison Lannister, croit-elle. Au cours de ce repas s’éprouve le pouvoir : Cersei qui trône sur l’estrade reçoit les informations, donne des ordres et des leçons de pouvoir.
Mais ce repas se donne aussi dans un lieu où rôdent la peur et la mort.Un délice, en d’autres temps, mais tout exhalait, ce soir-là, des relents de peur.
Ser Ilyn semble, lui, une allégorie de la mort, aux ordres de la reine qui peut décider qui doit, peut ou aurait pu mourir (les premiers traîtres de la nuit, lord Gyles et …Sansa elle-même.) Si bien que la salle du bal de la Reine n’est pas moins menaçante que l’extérieur, aux yeux de Sansa.
Des noirceurs n’en persistaient pas moins dans la salle. Sansa les discernait au fond des prunelles blêmes de ser Ilyn Payne qui, toujours d’une immobilité de pierre auprès de la porte arrière, ne mangeait ni ne buvait.
Les convives riaient, mais d’un rire qui n’avait rien de gai, du genre de rire qui ne demanderait pas même un clin d’œil pour se transformer en sanglots. Leur corps est bien là, mais leur esprit se traîne en haut des remparts, et leur cœur aussi.Un banquet, par tradition, sert à célébrer et resserrer les liens des convives, y compris lorsque, comme ici, les circonstances sont dramatiques mais GRMM renverse l’usage du festin où se révèlent dissensions, haines, manipulations, trahisons qui aboutissent à l’humiliation, l’atteinte physique, l’assassinat et parfois…le cannibalisme tout comme Shakespeare dans nombre de ses pièces.
Les exemples ne manquent pas dans ASOIAF : Viserys à Vaes Dothrak, le Lard-Jon à Winterfell, Theon au festin donné à Pyk, Tyrion et Alayaya chez Cersei et bien sûr les emblématiques festins d’ASOS : les noces pourpres et violettes, le repas chez Craster ; sans oublier, dans ADWD, la tourte de lord Manderly à Winterfell mangée au son de la légende du Rat Coq.
Comme dans Shakespeare, l’un des convives se révèle souvent prédateur tandis que les autres sont réduits à la condition de potentielles proies, littéralement animalisées ou réifiées : ainsi Cersei voit-elle les femmes de la salle comme de la volaille :Elle considéra les mères, filles, épouses qui peuplaient les bancs. « Les poules ne sont rien par elles-mêmes, mais leurs coqs importent pour une raison ou une autre, et certains réchapperont peut-être de cette bataille. Aussi suis-je tenue d’accorder à leurs femelles ma protection.
Lorsqu’elle évoque les exactions qui suivront la reddition de Port-Réal, Cersei parle des femmes comme de la viande ou de la camériste des Castelfoyer (en qui le lecteur reconnaît Shae) comme d’une chose :
au sortir du carnage souvent le soudard convoite plus follement la chair que l’argent.
Si les morceaux friands comme cette camériste de lady Tanda peuvent s’attendre à une nuit mouvementéeSansa elle-même est assimilée à un rongeur :
Tâchez de moins couiner comme une souris, Sansa.
Il faut noter, par ailleurs, que le traducteur, sensible à la personnalité prédatrice de Cersei mais emporté par son élan, surtraduit quelques termes : « femelles » alors que le texte ne parle que de « women » ; « morceaux friands » là où le texte se contente d’un plus neutre « pretty thing ».
À la nourriture est souvent associée, en littérature, l’image de la mère nourricière et protectrice (Je pense au repas cuisiné par Gervaise dans l’Assommoir d’Émile Zola ou bien au Festin de Babette de Karen Blixen. Or, Cersei s’offre en contre-modèle : autour d’elle, on vomit (Lollys), on expectore (lord Gyles), on pleure et pour finir elle-même fait violence à Sansa en l’obligeant à ingurgiter un alcool fort.
Cersei apparaît comme une marâtre, implicitement ogresse qui veut croquer Sansa :Ses doigts se portèrent vers la nuque de Sansa et, d’une caresse impalpable, en rebroussèrent les petits cheveux.
Sansa elle-même lui prête un regard dévoreur, vert comme du feu grégeois :
Ses yeux étincelaient de paillettes fiévreuses quand d’aventure elle les promenait sur l’assistance en contrebas. Des yeux de grégeois, songea Sansa.
Mais comment se comporte-t-elle comme reine ? Si mes souvenirs de lecture sont bons, ce chapitre est la première occasion où Cersei s’adresse longuement à Sansa. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un dialogue ; Sansa est juste une oreille où Cersei déverse complaisamment ses frustrations de femme et de reine pour tromper ses angoisses de mère.
Les leçons d’une femme de pouvoir sur les femmes et sur le pouvoir
La reine s’érige en professeur autant sur la condition de femme que sur celle d’une reine à coup d’injonctions répétées :
[les corvées] passeront pour vous incomber, si jamais vous épousez Joffrey. Autant le savoir.
Tu en as une autre entre les jambes, et tu ferais mieux d’apprendre à l’utiliser.
Encore une leçon à retenir, si vous espérez toujours prendre place aux côtés de mon fils.
Autant vous entraîner tout de suite. Vos pleurs ne seront pas du luxe avec le roi Stannis.
La condition des dames de la noblesse
Cersei s’épanche d’abord sur la condition féminine…euh , je rectifie, sur sa condition à elle de femme : aux femme, les larmes ; aux hommes, les armes. Aux femmes, l’attente ; aux hommes, l’action.
Les pleurs ! dit-elle à Sansa d’un air dégoûté tandis qu’on emmenait la coupable. L’arme de la femme, disait dame ma mère. Celle de l’homme étant l’épée. Cela résume tout ce qu’on a besoin de savoir, non ?
J’aimerais mieux affronter toutes les épées du monde que de rester ainsi, sans recours, à feindre savourer la compagnie de ce ramassis de volailles affolées.
Ce en quoi, elle n’a pas tort. Catelyn Stark fait à peu près le même constat, je ne sais plus dans quel chapitre, que sa vie s’est passée à attendre pendant que les hommes de sa famille agissent.
Qu’une femme appartienne à une maison des Sept-Couronnes conduit à ce qu’elle ne s’appartient pas à elle-même mais aux intérêts de sa famille, sa valeur résidant dans son physique et son utérus.
Lorsqu’elle évoque sa propre condition, Cersei retrouve le vocabulaire animalier dont elle a usé plus haut pour décrire les femmes de la salle :mon destin à moi serait d’être vendue à quelque étranger comme un cheval, chevauchée chaque fois que mon nouveau propriétaire en aurait la fantaisie, battue chaque fois qu’il en aurait la fantaisie, mise au rancart en faveur, le moment venu, d’une pouliche plus piaffante. À Jaime étaient échus pour lot la gloire et le pouvoir, à moi les chaleurs et le poulinage.
Or, tel a bel et bien été presque mot pour mot le destin de la jeune Cersei, mariée à Robert et tel est celui auquel la promet son père Tywin dans ASOS 20, Tyrion III :
Il est absolument indispensable qu’un nouvel homme entre dans ta couche et t’engendre de nouveaux enfants.
Je suis reine des Sept Couronnes, pas une jument de reproduction ! La reine Régente !
– Tu es ma fille, et tu m’obéiras. […]Tu te remarieras et tu reproduiras. »
Mais les déclarations de Cersei n’en font pas une féministe ; elle ne revendique de libre-arbitre que pour elle-même, au nom de sa gémellité avec Jaime, supérieure à ses yeux à la différence de genre qu’elle réduit à la distinction de sexe, comme une façon de dire que dans le couple de jumeaux, elle aurait pu, dû naître garçon. :
quand on donna à Jaime sa première épée, il n’y eut pas d’épée pour moi. « Et j’ai quoi, moi ? » je me rappelle que j’ai demandé.
Nous étions tellement pareils, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi on nous traitait si différemment. Jaime apprenait à se battre à l’épée, la lance et la masse, et moi, on m’enseignait à sourire, à chanter et à plaire.
Cersei ne se veut pas changer les règles du patriarcat en vigueur dans le royaume ; elle prétend seulement pouvoir ruser avec elles, les contourner pour elle-même.
Elle considère les larmes comme une faiblesse sauf à s’en servir comme d’une arme : ainsi, elle enjoint à Sansa d’en user pour susciter la pitié de Stannis. De la même façon, elle revendique le sexe comme une arme :Les pleurs ne sont pas la seule arme de la femme. Tu en as une autre entre les jambes, et tu ferais mieux d’apprendre à l’utiliser. Tu t’apercevras que les hommes usent assez libéralement de leurs épées. Leurs deux sortes d’épées.
C’est une conception affreusement convenue d’un pouvoir féminin perçu toujours en référence à un pouvoir masculin assimilé à la puissance sexuelle. Comme si la femme ne pouvait se confronter aux hommes que par la sensibilité et les sens. D’où son mépris pour les hommes dont la faiblesse supposée est toujours associée à une virilité chancelante. Ainsi parle-t-elle de lord Rosby :
Quelle folie aux dieux que de gaspiller la virilité sur un individu de cet acabit.
Elle use du même vocabulaire dépréciateur avec Tyrion dans le chapitre 55 et même avec Jaime, lorsque celui-ci se présente à elle, mutilé, dans ASOS 73, Jaime IX :
Quel dommage que lord Tywin Lannister n’ait jamais eu de fils ! J’aurais bien pu être l’héritier de ses rêves, moi, mais je n’avais pas de quéquette. À propos, cher frère, autant vaudrait renfourner la tienne. Elle fait plutôt tristounette, comme ça, toute racornie sur tes hauts-de-chausses.
Au bout de ses considérations désabusées sur son sort de femme, exclue de l’action et recluse comme la volaille dans le poulailler de la salle de la reine, elle constate que :
Quand les épées entrent dans la danse, une reine n’est jamais qu’une femme, en définitive.
Pourtant, Cersei détient le pouvoir comme reine régente et elle ne se prive pas d’abreuver Sansa de conseils et de leçons sur le pouvoir en général et le sien en particulier.
Cersei et le pouvoir
Accordons-nous un petit détour par ADWD 31, Daenerys V
Une reine ne s’appartient pas, elle appartient à son peuple.
Le contraste entre les conceptions sur le pouvoir royal entre Daenerys et Cersei est saisissant n’est-ce pas ?
C’est que Cersei confond le corps physique de la reine en tant qu’individu avec le corps politique du souverain. Comme elle déplore que les femmes nobles au sein de leur famille ne s’appartiennent pas, de la même façon, elle ne peut concevoir qu’une souveraine ne s’appartienne pas, non plus.
Ainsi elle professe le plus grand mépris pour ses sujets, indifférente aux angoisses des femmes rassemblées autour d’elle, comparées à une basse-cour et se montre insensible à la détresse du peuple affolé au dehors par la progression des troupes de Stannis :Osfryd Potaunoir reparut dans une envolée d’écarlate. « Y a du monde qui s’ rassemble à la porte, Vot’ Grâce, y d’mandent à s’ réfugier dans l’ château. Et pas d’ la canaille, des riches marchands et du tout pareil.
– Ordonnez-leur de rentrer chez eux, dit la reine. S’ils refusent de s’en aller, faites-en tuer quelques-uns par les arbalétriers. Mais pas de sorties. Je ne veux voir à aucun prix s’ouvrir les portes.
De même, là où réside le devoir du souverain, elle ne voit qu’une besogne désagréable à supporter :
Il est des corvées qui passent pour incomber aux reines. Elles passeront pour vous incomber, si jamais vous épousez Joffrey. Autant le savoir.
Enfin, elle ne conçoit l’autorité que dans un rapport de terreur du sujet à son roi :
Montrez-vous magnanime, une nuit comme celle-ci, et les trahisons pousseront tout autour de vous comme les champignons après une forte averse. Pour contenir vos gens dans les bornes de la loyauté, la seule méthode consiste à vous assurer qu’ils vous redoutent encore plus que leurs ennemis.
Il faudrait inciter Cersei à lire Machiavel : celui-ci conseille au Prince d’inspirer la crainte et non la peur sous peine de n’obtenir que de la haine en retour ou on pourrait l’inviter à méditer sur le triste sort de l’empereur Caligula à qui l’historien Suétone prête ces mots :
Oderint dum metuant / Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent.
Cersei veut donner une leçon de pouvoir à Sansa et lui prouver que même enfermée, parce que femme, loin de combats, elle agit en reine. Mais que montre-t-elle en réalité ?
Certes, elle est informée du déroulement des combats, montre qu’elle a une prise sur les à-côtés : elle fait exécuter quelques serviteurs voleurs, ordonne et obtient que Joffrey soit évacué des remparts, mais chacun de ses ordres est formulé sous l’emprise de son angoisse à la perspective de la trahison de ses sujets, de la défaite et d’une mort prochaine pour elle et pour son fils.
C’est là que réside l’immense faille de Cersei comme reine, elle ne réagit que comme mère de Joffrey, jamais en souveraine dans ce chapitre-là.
De là son lamento à la limite du grotesque lorsque les Potaunoir viennent au rapport :Quèques saoulots d’scendus à Culpucier s’t en train d’ défoncer des portes et d’ grimper par les f’nêt’, mais lord Prédeaux a envoyé les manteaux d’or s’n occuper. Le septuaire de Baelor est bourré à craquer, tout ça prie.
– Et mon fils ?
C’est tout sourires que l’Osney s’agenouilla cette fois aux côtés de la reine. « Les rafiots s’ont embrasé, Vot’ Grâce. Le grégeois tient toute la Néra. Y a bien cent bateaux qui brûlent, ’t-êt’ plus.
– Et mon fils ?
Cersei a appris à Sansa qu’il ne fallait pas pleurer quand on a peur mais utiliser les larmes comme une arme de même que la séduction est aussi une arme les deux seules qui soient aux femmes quand les hommes ont leur épée et leur sexe comme arme.
Que montre-t-elle de la fonction royale ? Que son pouvoir est d’abord coercition des âmes et des corps, qu’elle l’exerce par la crainte en faisant passer en premier ses désirs d’individu sans se préoccuper des devoirs de sa charge.
Comment va se comporter finalement la Reine lorsqu’il faudra passer à l’action, la défaite se rapprochant ? En reine cruelle jusqu’au-boutiste ? en Mère ? Le chapitre suivant en sera la réponse
Qu’en retiendra Sansa ? le chapitre suivant apporte une partie de la réponse.
Cersei a-t-elle vraiment l’intention de mettre à mort Sansa en cas de défaite ? ou sa menace ne participe que de sa mise en scène du pouvoir ?
Quant à Sansa, comment comprendre sa curieuse phrase en réponse à Cersei :Si je suis jamais reine, je les forcerai à m’aimer. / If I am ever a queen, I’ll make them love me.
Faut-il comprendre « je ferai en sorte que » ? Ce qui tirerait le sens vers l’expression d’un devoir de souverain bienveillant plutôt que, comme le fait Sola , vers l’expression d’une forme de coercition exercée sur les sujets.
S’agit-il, une fois de plus, d’une traduction de Sola qui va au-delà de ce que dit la V.O. ?J’en ai terminé de mon pavé…à vous la main.😊
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Ce sujet a été modifié le il y a 3 années et 8 mois par
Ysilla.
"L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."
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Ce sujet a été modifié le il y a 3 années et 8 mois par